Nous sommes des religieuses italiennes de l’Institut Disciples de l’Évangile, lié à la spiritualité de Charles de Foucauld. Dans nos Constitutions on explique la signification du nom de notre congrégation, ses finalités et l’esprit de notre fraternité: être à la suite de Jésus Christ et «crier l’Évangile» par la vie d’une manière simple et cachée, selon l’invitation de l’Évangile «allez par le monde entier et proclamez l’Evangile à toute créature» (Mc 16,15). Notre congrégation n’est pas missionnaire au sens strict du terme, mais elle cherche à être au service de la mission de l’Église partout là où nos fraternités sont installées. Se mettre en mouvement pour se donner à l’autre ne demande pas forcement de parcourir beaucoup de kilomètres, il suffit de commencer près de chez soi, dans sa famille et de sortir.
Sortir pour témoigner, en tant que chrétiennes, la bonne parole de l’Évangile, en regardant, en contemplant la réalité où nous vivons avec les yeux et le cœur de Dieu, en se laissant interroger par les besoins et les appels des personnes que nous rencontrons. Ce regard différent nous permet de cueillir, en tout lieu où nous vivons, les richesses et les pauvretés… Bien sûr, les pauvretés sont plus «faciles» à voir, mais il y a beaucoup d’occasions pour découvrir combien de bien et de bonté on donne et on reçoit pendant nos journées, dans les petites attentions quotidiennes, dans des gestes de solidarité. Il est beau et important de se rappeler que, même si le Seigneur nous envoie dans le monde entier, Lui, Il nous précède toujours: c’est notre mission de le reconnaître et d’aider nos sœurs et frères à le reconnaître présent dans la vie de chacun… Voilà ce que nous sommes en train de vivre et découvrir à Marseille depuis le mois d’octobre 2015, quand nous avons fondé une fraternité dans la cité «La Solidarité», dans le 15e arrondissement.
Nous vivons notre mission au milieu de quartiers Nord, hélas seulement célèbres pour leur renommée de violence, de drogue, de pauvreté, de chômage et de décrochage précoce des études. Sans nier ces réalités bien présentes et visibles, il est important pour nous de découvrir et témoigner aussi du bien que nous recevons et partageons, de la solidarité et de l’accueil que nous vivons, des dialogues, des rencontres en ascenseur (nous habitons au 17e étage!) et aussi du bien que nous pouvons bâtir ensemble… avec les personnes de bonne volonté… et il y en a! Vivre ici c’est une façon pour nous de témoigner qu’il n’y a aucune situation, même la plus difficile, où le Seigneur ne soit présent. Comme l’écrit Charles de Foucauld: Dieu a élevé cette vie d’exil mille et mille fois plus en l’embrassant Lui-même dans l’Incarnation, et en y restant à jamais notre compagnon d’exil dans la sainte Eucharistie. Désormais nous ne pouvons plus trouver basse cette existence terrestre que Dieu a rendue belle, sainte et sacrée en vivant 33 ans sur la terre (commentaire Mt1,17).
Dans notre vie quotidienne en cité il est beau de se reconnaître «priantes au milieu de priants», avec une foi différente mais vécue avec une fidélité qui nous interpelle. Dans notre appartement nous avons une pièce qui a été transformé en oratoire pour nous permettre une heure d’adoration silencieuse tous les jours. Charles de Foucauld nous dit que là où il y a un tabernacle, soyons sûrs qu’il n’est pas inactif; tâchons de le conserver, tâchons que celui ou ceux qui le gardent se sanctifient à ses pieds, certains que Jésus ne peut pas être là sans rayonner… (fr. Charles, 15 septembre 1907). C’est pour nous le lieu où nous apprenons à contempler le monde à travers la Parole de Dieu, à travers son regard. Notre fidélité à la prière et celle de nos voisins, ce témoignage de foi réciproque est une occasion pour parler avec eux de tradition musulmane, de Celui qui nous fait vivre et qui donne sens à notre être, qui nous donne le Salut, pour nous connaître les uns les autres avec ce qui nous différencie et avec ce qui nous unit en ce Dieu miséricordieux et Créateur.
En cité, le bailleur a donné un local à la communauté chrétienne et un local à la communauté musulmane pour permettre à chaque confession de célébrer son propre culte. Tous les 15 jours, le samedi soir, une Messe est célébrée dans le local. Mais vu la capacité de ce lieu, qui dispose d’une grande salle, en collaboration avec les prêtres de la paroisse (les Pères blancs), nous avons décidé de l’ouvrir pour d’autres activités au service des habitants de la cité et même plus largement. Une fois par semaine nous proposons des activités aux enfants de l’école primaire, une occasion pour se connaître mutuellement et pour apprendre à jouer ensemble (pas facile pour ceux qui grandissent dans un tel contexte) et nous venons de commencer un atelier de couture pour les femmes comme moyen de rencontre, d’échange et d’apprentissage; tout cela en lien avec les associations déjà présentes dans la cité.
Ce ne sont que de simples gestes, de petites initiatives mais, comme notre Archevêque nous le dit bien, nous ne sommes qu’une Église minoritaire: elle le sera toujours comme le levain qui fait gonfler la pâte. Ce que nous devons craindre, en revanche, c’est que l’Église devienne fade ou triste, éteinte ou repliée sur elle-même. Ce que nous devons craindre, c’est qu’elle ne sache plus coopérer avec l’Esprit Saint, qui est présent partout et qui souffle où il veut.Le dialogue n’est pas toujours facile. Mais le Seigneur nous invite à aller au-delà de nos préjugés et craintes, pour aller à la rencontre de tous comme Il l’a fait… Dieu nous demande de partager gratuitement ce que nous sommes et d’accueillir avec confiance ce que l’autre est, en croyant que nos différences peuvent nous enrichir mutuellement.
Disciples de l’Évangile
Anna, Francesca et Silvia