Patrimoine
L’Oeuvre n’est pas un musée, mais elle a acquis ou obtenu au cours de son histoire différentes œuvres d’art ,essentiellement pour la chapelle, qui constituent un patrimoine. De plus, le Mémorial (le Musée) est la concrétisation de la volonté des différentes communautés des Messieurs de transmettre l’Histoire de l’Oeuvre à chaque génération.
Nous avons donc un ensemble assez exceptionnel pour l’Histoire de Marseille et de son Eglise dont nous devons être les passeurs. La restauration de l’orgue a été pour nous l’occasion de mettre en valeur ce patrimoine.
La chapelle au fil du temps
Le 20 novembre 1820, l’Oeuvre acquit «une maison avec jardin», au numéro 20 de la rue Saint Savournin et entreprit aussitôt la construction d’une chapelle (dont le coût s’est élevé à près de la moitié du prix d’achat de la propriété).
La chapelle fut édifiée contre la façade nord de la maison. Les deux ailes du bâtiment actuel, qui s’avancent à l’Est et à l’Ouest, ont été ajoutées en 1839 et 1840. Le chœur, faisant saillie à l’Est du bâtiment , était éclairé par des fenêtres hautes; les fenêtres du côté sud du chœur ont été occultées lors de la construction de l’aile Est en 1840.
La chapelle était sensiblement plus courte que maintenant; elle ne comprenait que 3 travées; sa façade Ouest s’ouvrait sur une cour à laquelle on accédait depuis la traverse St Savournin, devenue plus tard, avec quelques modifications, la rue Gérando et qui était à l’époque approximativement à son niveau. Cette façade a disparu lors de l’allongement de la chapelle et de la création d’une tribune susceptible de recevoir un orgue. En 1837 et 1838, d’importants travaux d’embellissement ont été menés à bien, notamment la création des voûtes factices qui ont remplacé le plafond plat, l’édification des deux colonnes qui délimitent le chœur et sa décoration avec deux cartouches symboliques aujourd’hui disparus ainsi que la pose de deux frises, dues au sculpteur parisien Dupré.
L’autel, de style tombeau, en bois recouvert de stuc de teinte claire, s’élevait de trois marches au-dessus du sol duchœur dont le niveau a été exhaussé lors de l’installation du nouvel autel dans les années 1970. Trois hauts chandeliers étaient disposés de part et d’autre du tabernacle, surmonté d’un globe, dans laquelle était fichée la croix qui est actuellement au Musée. Pour les grandes fêtes, un vaste tapis était déployé, que les sacristains appelaient le «Grand Turc», et qui occupait l’essentiel de la première travée de la chapelle à partir du chœur.
La statue de l’Assomption de la Vierge était placée sous un baldaquin, sur le côté gauche de la chapelle. Lui faisant face, une chaire en bois avait été installée, à laquelle le prédicateur accédait par une petite porte ouvrant sur le demi- palier du grand escalier de la maison. Lorsque la chaire a été enlevée, une niche a été aménagée pour la statue. A l’emplacement de la statue, un emplacement avait été réservé pour recevoir une fresque représentant une copie de l’Annonciation de Fra Angelico; le projet a été abandonné lors de la restauration qui a précédé le bi-centenaire de la fondation de l’Oeuvre.
A l’occasion des fêtes importantes, les murs étaient revêtus de tentures de velours rouge ou noir. Les différentes stations du Chemin de croix étaient marquées par des tableaux peints qui ont été remplacés en 1942 par les fresques de Gabriel Bougrain. Un lambris bas courrait au long des murs latéraux. Devant lui, sur une petite estrade étroite, étaient disposées les chaises des «Grands», les petits s’asseyant sur des bancs en bois sans dossier, disposés longitudinalement, et se faisant donc face. Un de ces bancs est conservé au Musée. Les stalles dans lesquelles les Messieurs prenaient place occupaient le mur du fond de la chapelle, de part et d’autre des bénitiers. C’est depuis ces stalles que chaque année, un dimanche de Novembre, étaient proclamées les Charges qui affectaient une fonction pratiquement à chaque membre de l’Oeuvre ( sacristain, choriste, enfant de chœur, etc).
Dans la chapelle, les titulaires de charges occupaient une place bien définie: les choristes prenaient place à la tribune, les 24 sacristains se disposaient en demi-cercle autour de l’autel, et les portiers, qui ouvraient et fermaient les portes et s’occupaient de l’éclairage, ainsi que les trésoriers de service qui présentaient les bourses de la quête à la sortie de la messe, s’installaient près des portes. Les lecteurs, qui donnaient la lecture en français de l’Epitre et de l’Evangile que le célébrant disait en latin, prenaient place à proximité du chœur.
Les fenêtres du côté gauche étaient garnies de vitraux avec grisailles; Ils ont été remplacés en 2010/2011 .Les fenêtres du côté droit, crées par souci de symétrie lors de la construction de la chapelle, ont toujours été aveugles et n’ont reçu des vitraux qu’en 2011. L’éclairage était assuré par des chandeliers en appliques, auxquels ont succédé des becs de gaz, puis des lustres munis d’ ampoules électriques. Ils ont été remplacés par des projecteurs fixés aux clés de voûte, puis par des luminaires d’une nouvelle génération peu avant le Bi-centenaire.
Deux autres lieux de culte étaient aménagés dans l’Oeuvre, la chapelle dite des Anges et un oratoire, au sein des locaux réservés à la Communauté des Messieurs. La chapelle des Anges, aménagée en 1851 occupait la totalité du deuxième étage de l’aile Est du bâtiment; elle était destinée aux réunions d’une des associations de perfectionnement auxquels étaient invités à adhérer les membres de l’Oeuvre désireux de parfaire leur imprégnation de la spiritualité du Fondateur. Ces associations ont disparu, remplacées par des groupes de prière; désaffectée, la chapelle des Anges a été réaménagée dans les années 1980, primitivement en chapelle puis pour l’accueil d’activités diverses. L’oratoire de la Communauté a changé de place; il se trouve au rez-de-chaussée de l’aile de la Communauté, mais est ouvert à tous et ceux qui arrivent à l’ Oeuvre sont toujours invités à « saluer le Maître de la maison « comme disait Monsieur Allemand.
Orgue Ducroquet
Le 26 octobre 1850 eut lieu la bénédiction solennelle de l’instrument par Monseigneur de Mazenod, évêque de Marseille. L’orgue est alors joué alternativement par Louis Bignon, organiste de Notre-Dame du Mont, et G. Genoud, organiste des Chartreux. Un document d’archives relate scrupuleusement les moindres détails de cet événement.
Cet orgue financé grâce à une souscription, est sorti des ateliers de la Maison Ducroquet à Paris, laquelle avait déjà livré, trois ans auparavant, un grand orgue à Notre-Dame du Mont. Au départ, c’est un petit orgue romantique de 11 jeux sur 2 claviers et un pédalier, initialement destiné à l’église des Chartreux. Quelques jeux sont ensuite ajoutés en 1860 par Théodore Sauer: l’orgue comporte alors 16 jeux.
Sa composition initiale
- Le buffet mesure 3m 84 de large, 2m 54 de profondeur, sa plus grande hauteur jusqu’à la croix qui la couronne est de 5m 10; la surface au sol est de près de 10m². La façade en bois de noyer possède trois tourelles, le reste du buffet est en sapin.
- L’orgue possède deux claviers de 54 notes (plaquées ivoire et ébène) et un pédalier de 18 notes en «beau chêne». La tuyauterie du 2e clavier, le Récit, est enfermée dans une «boîte expressive» en sapin.
- L’instrument possède 5 pédales de combinaison. La 1re est l’accouplement qui permet de réunir le 2e clavier «Récit» sur le 1er «Grand Orgue». La 2e permet d’accoupler le Grand Orgue sur lui-même à l’octave grave. Les 3e et 4e «font sortir et entrer le plein jeu et la trompette», la 5e agit sur la boîte expressive.
- Le Grand Orgue possède 7 jeux (de la note la plus grave à la note la plus aigüe) avec places sur le sommier (caisse d’air sur laquelle sont disposés les tuyaux) pour l’ajout d’un Clairon et d’un Euphone.
- Le Récit «expressif» a 3 jeux avec place sur le sommier pour un hautbois ou une voix humaine et une flûte de 8
Les divers relevages
Pendant trois décennies, l’instrument fonctionna à la satisfaction de tous. Les responsables de l’Œuvre ont eu certainement à cœur son entretien régulier (accords, réglages de la mécanique, colmatage des fuites d’air…).
En 1880, le facteur marseillais François Mader procède à une importante restauration et augmente ses possibilités sonores en le portant à 19 jeux :
- Installation d’une machine pneumatique pour compenser la dureté des touches.
- Modification de la console.
- Installation d’un pédalier de 27 notes avec un bourdon de 16 pieds.
- Réfection du sommier du récit.
- Changement de certains jeux.
En 1943-1945, la manufacture Jacquot-Lavergne de Rambervilliers agrandit encore l’instrument (23 jeux) et procède à une restauration qui va modifier l’instrument d’une manière irréversible. L’orgue se rapproche de l’esthétique néo-classique:
- Installation d’un système de transmission électrique commandé par une nouvelle console tournée vers le choeur.
- Avancée du buffet pour pouvoir donner plus d’importance à la pédale qui passe de 27 à 30 notes.
- Ajout d’un certain nombre de combinaisons (accouplements, tirasses) grâce au système électrique.
En 1962, Jean-Albert Negrel, facteur d’orgue de Roquevaire, déplace la console sur le côté pour permettre à la chorale d’être mieux disposée. Certaines sonorités sont modifiées selon le goût de l’époque.
Au service des offices liturgiques qui se déroulent dans la chapelle, l’orgue a également été joué à l’occasion de divers concerts tant sacrés que profanes accompagnant souvent la chorale; il a même accueilli un temps la classe d’orgue du Conservatoire de Marseille. Il a permis à de nombreux jeunes de s’ouvrir à la musique, à certains de se découvrir une vocation et aux plus doués d’entre-eux d’embrasser une carrière musicale.
Malheureusement, pour différentes raisons, l’orgue s’est tu voilà plus de 35 ans et il devenait plus qu’urgent de procéder à une rénovation la plus complète possible. En 2013, la Communauté des Messieurs de l’Œuvre, soutenue et aidée par l’Association des Anciens, a décidé de se lancer dans ce chantier en lançant une souscription complétée par l’Œuvre et en organisant 3 concerts de soutien.
Au-delà du travail de restauration, les travaux réalisés sont :
- La rénovation de la soufflerie.
- La transmission électro-pneumatique de 1943 a été remplacée par une transmission numérique.
- L’étendue des claviers a été portée de 54 à 56 notes.
- L’installation d’une console neuve dans la nef.
- La pose d’un combinateur permettant d’enregistrer à l’avance des mélanges de jeux.
- La restauration de toutes les parties en bois.
L’Orgue a ainsi retrouvé sa voix ou plutôt ses voix puisqu’il comporte très exactement 1259 tuyaux. La transformation de 1962 en orgue néo-classique a été très intelligemment réalisée, en effet, l’éclaircissement des sonorités s’est fait en préservant la plupart des sons romantiques, ce qui est rarement le cas. On peut ainsi jouer la musique du XIXe siècle ainsi que la musique ancienne allemande et française et aussi celle du XXe.
Chemin de croix
Les fresques des quatorze stations du chemin de croix actuel sont dues à Gabriel Bougrain.
Gabriel Bougrain est né au Caire le 24 octobre 1915. Nous ignorons dans quelles conditions sa famille est arrivée à Marseille. Il est présenté à l’Oeuvre en décembre 1929.
Il a probablement commencé des études d’art à l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille qui se trouvait alors, place Carli, tout en continuant de fréquenter l’Oeuvre. Pensionnaire de la Ville de Marseille au concours triennal de peinture en 1935, il poursuit ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il est cité très brièvement dans le dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains de Jean-Pierre Delarge avec la mention Ecole des Beaux-Arts de Paris.
Il rédige pour Notre Echo d’avril 1937 le compte-rendu d’un voyage en Corse qu’il illustre largement.
Il commence à avoir une certaine notoriété puisqu’il expose au Salon d’automne de Paris en 1938
une nature morte. Il y exposera encore en 1943 et 1944. De 1903 à 1945, ce salon annuel qui réunissait des artistes de tous les horizons a été un événement majeur de la vie artistique française
C’est dans le cadre de la restauration de la chapelle en 1942 qu’a été réalisé le nouveau chemin de croix qui remplaçait des tableaux de médiocre qualité. Les maçons avaient préparé dans le mur quatorze petites niches en plein cintre avec un retrait de 4 à 5 cm; il lui revenait de réaliser un chemin de croix plus adapté. Chaque dessin était piqueté pour être reproduit dans la niche au moyen d’un sachet de poudre. Un certain nombre de stations portent soit sa signature soit ses initiales et quelquefois une date. Son travail s’est prolongé jusqu’en 1943.Ce chemin de croix fut béni par le Père Félix Ricard, franciscain, ancien de l’Oeuvre.
En 1950, Gabriel Bougrain est lauréat du prix Abd-El-Tif. Ce prix de peinture, créé en 1907 et qui a perduré jusqu’en 1961 permettait à de jeunes artistes de séjourner un an ou deux à la Villa Abd-El-Tif à Alger, devenue Maison des artistes, qui était un peu l’équivalent de la Villa Médicis. Le tableau pour lequel il a été lauréat, «Femmes de la Casbah» est probablement au Musée National des Beaux-Arts d’Alger.
Dans le cadre de «l’Exposition artistique de l’Algérie Française», il est présent à Monte Carlo en 1951 (tableau: « Joueurs de cartes») et à Constantine en 1953 (tableau: « Palmeraie») .Il expose également en 1956 à la galerie Comte-Tinchant à Alger qui avait été reprise par Edmond Charlot,
On perd ensuite sa trace, même si de temps en temps des dessins ou des peintures apparaissent en vente aux enchères ou sur internet. Nous savons toutefois qu’il décède le 4 décembre 1998 à Tournan-en-Brie (Seine et Marne).
Vitraux
Ces vitraux sont de type allégorique et s’ordonnent à partir du thème «Les mains tout au long du chemin de croix».
Le choix de ce thème a fait l’objet de nombreux échanges lors de la préparation du chantier. Cette étape a été la plus importante et la plus enrichissante car elle a permis de connaître les points de vue de tous les participants, artistes créateurs, Messieurs de l’Œuvre et verriers.
Les dessins initiaux, leurs commentaires et les prières les accompagnant sont l’œuvre de Félix Girard, qui les avait conçus dans les années soixante-dix. Ils ont été légèrement remaniés par Robert Franceschi pour les rendre compatibles avec la technique du vitrail; ils ont été ensuite retranscrits sur les vitraux par Chantal Gimmig, spécialiste de la grisaille. On signalera ici que Félix Girard était également sculpteur sur bois et qu’un chemin de croix, à partir de ces mêmes mains sculptées en bois, se trouve dans l’église des Accates.
On remarquera qu’il a été nécessaire de faire un choix parmi les 14 stations habituelles de la via crucis, la chapelle ne comprenant que 11 baies.
En regardant les vitraux…
(Le texte de méditation est de Félix Girard)
Coté gauche
Chœur
Jésus est condamné à mort: «Mains de lumière et de miracles! Mains de Jésus… Mon Dieu! Mains gonflées de Souffrance… Données… Sans force aux liens que serrent nos péchés!»
Jésus est chargé de sa croix: «Votre croix qui va vous briser, votre main largement ouverte, votre main l’accepte et la prend».
Nef
Jésus tombe pour la première fois: «De votre main tendue, mon Dieu, puissiez-vous amortir nos chutes».
Jésus rencontre marie: «Communion suprême dans l’offrande! Main qui consacre et qui bénit!»
Simon de Cyrène aide Jésus a porté sa croix: «Est-ce le bois d’une charrue que soutient cette rude main?.. Pour quel sillon?.. Pour quelle pluie de sang?..»
Tribune
Jésus tombe pour la seconde fois: «Sous le poids de la lourde croix, incrustez vos doigts dans la terre, dans la chair de notre terre, de notre terre de misère que féconde votre douleur!»
Coté droit
Chœur
Jésus est mis au tombeau: «Vos pauvres mains d’enseveli, les avons-nous suffisamment lavées, lavées de pleurs, baignées de larmes… Vos pauvres mains de torturé! Vos pauvres mains aux plaies béantes, aux plaies vidées! Sources taries aux merveilleuses résurgences, aux résurgences de pardon! Saintes mains! Mains de lumière et de force, vous qui venez guider nos âmes aux splendeurs des résurrections!»
Jésus est cloué sur la croix: «Pour qui cette main qui broie? À qui cette main qui cloue? Est-ce moi? Mon Dieu?»
Nef
Jésus est dépouillé de ses vêtements: «Pour qui cette main qui arrache?.. À qui cette main de bourreau? Est-ce la nôtre?..»
Jésus tombe pour la troisième fois: «Heurté, brisé, forces vaincues, votre main ne vous sert de rien! Votre main écorchée. Aux cailloux du chemin… Votre main qui déjà se tend au supplice!»
Jésus console les femmes: «Ne pleurez pas sur la victime dans vos tristes mains désolées! Sur vous… Sur nous, Souillés!»
La réalisation
Ces vitraux ont été réalisés par l’Association Massalia VITRAIL, régie par la Loi de 1901, qui a été créée en 2006 par quelques amis animés par la passion du vitrail. Elle organise des formations (ludiques) à la technique du vitrail et accepte également quelques chantiers, uniquement pour faire face aux frais généraux de son exploitation.
Massalia Vitrail – 40 Rue de Lorette – 13002 Marseille Tél. 04 91 90 67 13. www.massaliavitrail.com
L’installation des vitraux
Sous la responsabilité de Massalia Vitrail, les vitraux ont été installés par la Société Azurbaie (Jean-Yves Ribiollet et Didier Maurel). Les vitraux côté droit ne donnant pas sur l’extérieur il a fallu les éclairer de l’intérieur, ce qui a été fait par une équipe d’anciens de l’œuvre conseillés par Georges Dubost.
Le chantier a débuté en octobre 2010 pour se terminer à la fin de l’année 2011.
Statue de l’Assomption de la Vierge
L’Assomption de Marie est l’événement au cours duquel la Mère de Jésus, au terme de sa vie terrestre, entre directement dans la Gloire du Ciel, âme et corps sans connaître la corruption physique qui suit la mort.
Cette conviction très ancienne dans les Eglises d’Orient (Dormition) et d’Occident est fêtée liturgiquement dès le VIII ème siècle. Elle a été érigée en dogme en 1950 par la Pape PIE XII. Pour les Chrétiens d’Orient l’Assomption reste une fête et non pas un dogme. Marie a toujours été fêtée le 15 août , date présumée de la consécration de la première église à Elle dédiée à Jérusalem.
La statue de l’Assomption qui est offerte à la dévotion de tous dans la chapelle de l’0euvre est en bois sculpté polychrome. La Vierge Marie est représentée enveloppée dans un manteau de couleur bleue, couleur mariale, parsemée de roses, emmenée vers les nuées par six angelots. Son auréole est composée de douze étoiles. Dans sa vision de l’Apocalypse, Saint Jean évoque effectivement une couronne avec douze étoiles. Dans les années 1950-1955, l’auréole fut remplacée par une Gloire constituée de rayons, suite probablement à la proclamation du dogme de l’Assomption. Nous ignorons les dates exactes de l’enlèvement et de la remise des étoiles. La statue fut longtemps entourée de Cœurs de Dévotion en métal argenté qui se trouvent actuellement au Musée du Mémorial de l’Oeuvre.
Cette statue avait été offerte aux Pères du Bon Pasteur en 1788 par un ancien membre puis Directeur, de leur Œuvre, Jean Galin espagnol de Carthagène. Obligé de rentrer en Espagne, il garda des relations épistolaires avec les Pères Dandrade et Géraudin. Voulant donner des signes de sa reconnaissance, il offrit à l’Oeuvre du Bon Pasteur une statue représentant L’Assomption due au ciseau de Don Joseph ESTEVE, Directeur de l’Académie Royale de Valence. Cette statue fut jugée si belle qu’elle fut placée dans l’église supérieure, à la Bourgade située au Nord de la Place d’Aix, et non dans la chapelle de l’Oeuvre du Bon Pasteur. La bénédiction solennelle eut lieu le 25 mars 1789. Après la démolition de l’église sous la Terreur, la statue fut achetée par un menuisier qui la revendit peu après pour trois cents francs en assignats à la famille de l’abbé Reimonet qui hébergeait Jean-Joseph Allemand dans sa maison familiale de la rue Bernard du Bois dite Maison du Figuier. Cette maison existe encore de nos jours.
C’est dans celle ci qu’au cours d’une perquisition, probablement en 1794, la statue fut outragée et reçut un coup de sabre d’Isoard , chef de la police du quartier. Il fallut toute la persuasion de la nièce de l’abbé Reimonet pour mettre fin à cette violence. Sortant de sa cachette avec l’Abbé, Jean-Joseph Allemand voulut passer la nuit en prière, les bras en croix, pour effacer le blasphème. En souvenir de cette nuit, les jeunes gens arrivant à l’Oeuvre priaient quelques instants, les bras en croix devant la statue.
Sur l’insistance de Mr Allemand, l’Assomption fut cédée à l’Oeuvre de la Jeunesse en 1809. Elle connue donc la place du Laurier, la place de Lenche et en 1820 la chapelle de la rue Saint-Savournain où elle occupe actuellement la place de l’ancienne chaire.
Tableau de l’Adoration des Mages
400x300cm, date: 1824.
Restauration effectuée en 2000 par Francine Grisard.
L’auteur : Augustin Aubert fréquente le musée des Beaux Arts de Marseille très jeune, son père en étant un des administrateurs ; dès 1796 il suit les cours de l’école de dessin, avec son maître Joachim Guenin, jusqu’en 1802. Ensuite il fréquente l’atelier du peintre aixois Pierre Peyron.
Il revient à Marseille où il ouvre un atelier et deviendra directeur adjoint de l’école de dessin en 1806 puis directeur en 1810. En 1812 il est nommé à l’Académie de Marseille. Il reçoit une médaille d’or au Salon de 1817 pour « Le Premier Sacrifice de Noé à la sortie de l’Arche» ), que la ville de Marseille achète pour son musée (A.Alauzen: la Peinture en Provence, Marseille,La Savoisienne 1962 ; réédition Marseille ,Jeanne Laffitte , 1984).
L’oeuvre:
400×300 cm, datée: 1824. Restauration effectuée en 2000 pat F.Grisard.
Nous sommes en présence d’une Adoration des Mages très inspirée par celle de Rubens (photo ci-contre), peinte en 1634 (328 cm/249 cm) et conservée au King’s Collège à Cambridge.
Tombeau de Jean-Joseph Allemand
Les funérailles de Jean-Joseph Allemand, décédé le 10avril 1836, ont eu lieu le 12avril, rassemblant une foule immense avec une messe, corps présent, dans l’Église de St-Vincent-de-Paul qui n’était pas encore celle que nous connaissons.
Le corps fut déposé provisoirement dans un caveau du cimetière St-Charles et transféré, peu de temps après, dans le monument que les membres de l’Œuvre érigèrent à leur Saint Fondateur, au moyen d’une souscription. Sur ce monument, on lisait une inscription latine dont la traduction est :
«Ici repose Jean-Joseph Allemand, prêtre de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, Fondateur de la pieuse Congrégation de la Jeunesse; qui, embrasé du zèle d’Elie pour le salut des âmes des jeunes gens, put dire comme (St) Paul: je donnerai tout, et je me donnerai moi-même pour le salut de vos âmes. À ce bien-aimé Père, qui fut un homme simple et d’un cœur droit, les enfants qu’il engendra en Jésus-Christ ont élevé ce modeste monument.»
Trois mois après son décès, le 13juillet 1836, son cœur, enfermé dans une boîte en plomb, fut placé dans l’urne qui domine le monument érigé en son honneur dans la chapelle de l’Œuvre. Sur la pierre, on grava ces mots : « Omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos : je me suis fait tout à tous, pour sauver tout le monde ».
Quelques années avant la fermeture et l’abandon du cimetière St-Charles, qui devait disparaître totalement en 1876, ses restes ont été transférés dans un caveau au pied du monument, le 25novembre 1868, comme le rappelle la plaque.
L’emplacement fut un temps protégé par une grille, dessinée par Monsieur Émile Perrault, architecte (Église des Trois Lucs, du Redon, de Belcodène…) et Monsieur de l’Œuvre.
Sources :
- Abbé Pontier, Éloge funèbre de messire Jean-Joseph Allemand, prêtre, directeur de l’Œuvre de la jeunesse, prononcé le 13juillet 1836, à la cérémonie de la déposition de son cœur dans le Monument érigé dans la chapelle de l’Œuvre, Marseille, Imprimerie de Marius Olive, 47rue Paradis, 1836, 31 p.
- Abbé Gaduel, Oraison funèbre de M. Jean-Joseph Allemand, fondateur de l’Œuvre de la jeunesse de Marseille (1772-1836), prononcée le 25novembre 1868, dans la Cathédrale de Marseille à l’occasion de la Translation de ses restes mortels, du cimetière Saint-Charles, dans la chapelle de son Œuvre…, Marseille, Veuve Chauffard, Libraire, 20 rue des feuillants, 1868 30 p.
Ces deux brochures se trouvent dans la vitrine 5 du Musée.
Statue de Jean-Joseph Allemand
La statue en marbre de Jean-Joseph Allemand a été réalisée dans le cadre du 1er centenaire de l’Œuvre, donc en 1899. Elle a été offerte par les Grands de l’Œuvre alors que les anciens avaient lancé une souscription pour offrir l’ostensoir. C’est au sculpteur François Carli qu’échut la commande.
François Carli (1872-1957) est le frère cadet d’Auguste Carli (1868-1930). Celui-ci est connu notamment pour une partie des sculptures du grand escalier de la gare Saint-Charles (Marseille, porte de l’Orient, et Marseille, colonie grecque) ou Sainte Véronique et le Christ, dans la cathédrale de la Major. Leur père avait un atelier de moulage, rue Jean-Roques, qu’il reprend. Il enseigne cette matière à l’École des Beaux-Arts de Marseille. Parallèlement, il mène une carrière de sculpteur, plus précisément dans le domaine religieux: nombreuses œuvres pour les églises et les tombeaux. La place qui se trouve devant le Palais des Beaux-Arts, actuel conservatoire et ancienne Bibliothèque Municipale et École des Beaux-Arts porte le nom d’Auguste et François Carli.
Un journaliste qui signe E.R (qui est probablement Elzéard Rougier, journaliste, écrivain, critique d’art et défenseur des santons marseillais – il a longtemps habité au 53, cours Franklin Roosevelt et un bas-relief de Maurice Mangepan-Flégier y rappelle son souvenir) décrit le travail du sculpteur dans Le Petit Marseillais du 9mai 1899:
«François Carli, en effet, n’excelle pas uniquement dans l’art d’imiter les chefs-d’Œuvre de la plastique ancienne et moderne, il sait créer, quand il le veut, une œuvre de toutes pièces et avec une habileté consciencieuse et très personnelle…
Le saint prêtre est représenté grandeur nature, assis au bord de son pauvre fauteuil, le buste penché, la figure illuminée par la pensée intérieure, dans la pose qui lui fut habituelle. Sous la soutane on distingue la maigre anatomie de son corps usé par les veilles et les privations. Ses mains sont longues et minces, d’un modelé admirable. De l’ensemble de l’œuvre il se dégage une harmonie sincèrement religieuse, une vérité d’expression extraordinaire. C’est bien l’abbé Allemand ascétique et détaché de toutes les choses d’ici-bas.»
Le 10mai eurent lieu la bénédiction et l’inauguration officielle:
«Arrivé devant la statue du saint Prêtre, le R.P. aumônier ayant commencé les prières de la bénédiction, une main d’artiste enleva délicatement la toile qui, jusqu’à cet instant, la recouvrait, les traits vénérables de Monsieur Allemand apparurent en ce moment aux regards émerveillés et émus de ses enfants…
En ce moment, un silence profond régnait dans la salle, on entendait seulement la voix du prêtre qui récitait les prières de la Sainte Liturgie et qui, s’éloignant avec ses trois servants, continuait la cérémonie de la bénédiction des nouveaux locaux.
Pendant ce temps, les jeunes gens, et nous avec eux, étant toujours réunis dans le vestibule de la chapelle, autour de la statue de notre vénéré fondateur, le 1er choriste entonna le cantique “Heureux qui d’un cœur docile”. Le couplet repris en chœur par tous les assistants, servit de refrain à quelques couplets composés pour la circonstance chantés par le 1er choriste seul…»
(Extrait de la relation manuscrite du 1er centenaire de la fondation de l’Œuvre mai1799 – mai 1899 conservée dans les archives).
La manifestation la plus importante du centenaire eut lieu le 28mai et sa solennité est largement décrite dans cette relation.
Cette sculpture vaudra à son auteur une médaille de bronze au Salon des artistes français en 1920. La mention est portée sur le socle arrière avec une erreur de datation: 1921 C’est la seule récompense qui ait été attribuée à l’art religieux, section de sculpture.
François Carli réalise une réduction de l’Œuvre de 0,30cm de hauteur en plâtre qu’il vend 10F. S’il s’agit d’un souvenir pour les acquéreurs, c’est également un moyen de financer la taille du marbre. Il est probable que c’est le modèle qui est présenté dans une des vitrines du Musée.
L’autel et le tabernacle
Le patrimoine de l’Œuvre Jean-Joseph Allemand vient de s’enrichir de deux belles pièces. La Communauté des Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie a récemment fait don à l’Œuvre d’un autel et d’un tabernacle que vous pouvez voir depuis le mois d’avril 2019 dans la chapelle. Cet autel et ce tabernacle étaient depuis 1970 dans la chapelle des Sœurs dans leur maison au 202, rue Breteuil à Marseille.
Le maître autel est en pierre noire, venue de Belgique. Il est d’aspect strié avec incrustation du texte doré sur le plateau: «Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous plein de grâce et de vérité».
La hauteur de l’autel est de 90 cm. Le plateau a une largeur de 100 cm et une épaisseur est de 13 cm. Le plateau semble à l’écoute avoir un parement en métal, reproduisant l’aspect fini de la colonne et du socle qui sont en pierre.
Le visiteur attentif remarquera que sur le pied de l’autel, l’Annonciation est particulière car l’ange Gabriel est à droite, alors que Marie est à gauche. Sur la majorité des Annonciations c’est l’inverse.
Le tabernacle présente une finition identique à celle de la table d’autel. Ils forment un très bel ensemble.
Cette oeuvre a été réalisée par Jean Bernard qui a également réalisé l’autel et le tabernacle de l’Abbaye Saint-Victor, consacrés en 1966.
Jean Bernard est né le 17 décembre 1908 et est mort le 12 mai 1994. Artiste complet, il était aussi écrivain, tailleur de pierre, illustrateur, sculpteur et peintre. Il devient Compagnon du devoir, tailleur de pierre, à Bordeaux en 1938 bien qu’il n’a pas conclu de Tour de France ni de chef d’oeuvre. Il prend le pseudo de «Fidélité d’Argenteuil». En 1983, Il reçoit le Grand Prix des Métiers d’Art. Jean Bernard est à l’origine, avec d’autres Compagnons, de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France, une des trois organisations compagnonniques françaises actuelles. L’AOCDTF est une association loi de 1901 destinée à la formation et à l’apprentissage de plusieurs métiers suivant les traditions du compagnonnage. Son objet est de permettre à chacun et chacune de s’accomplir dans et par le métier dans un esprit d’ouverture et de partage. Avec Yvonne de Coubertin (1893-1974), nièce de Pierre de Coubertin, il crée en 1950 une association pour le développement du Compagnonnage rural qui devient en 1973 la Fondation de Coubertin, installée à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Cette Fondation a pour objet de parfaire la formation professionnelle, intellectuelle et culturelle de jeunes issus des métiers manuels et de leur transmettre les valeurs du souci de la perfection et de la qualité du travail, du sens de l’honnêteté et des responsabilités. L’institution reçoit chaque année une trentaine de jeunes gens, appartenant aux métiers de menuisier, ébéniste, métallier, maçon, tailleur de pierre, plâtrier et chaudronnier, issus pour la plupart de l’AOCDTF.
L’Institut des Franciscaines Missionnaires de Marie a été fondé en Inde en 1877 par la bienheureuse Hélène-Marie-Philippine de Chappotin de Neuville, en religion sœur Marie de la Passion (1839 – 1904) béatifiée en Octobre 2002 par Jean Paul II. Reconnu par Rome comme Institut des Missionnaires de Marie, affilié à l’ordre franciscain en 1885 par choix de la fondatrice et de ses premières compagnes, elle compte plus de 6000 sœurs dans 74 pays. Son siège est à Paris.
Sept sœurs furent martyrisées à Tai Yuen Fou, en Chine, lors de la persécution des Boxers en 1900. Agées de 28 à 36 ans, elles soignaient les malades et recueillaient les orphelins abandonnés. Sœurs Hermine, Nathalie, St-Just, françaises, Chiara et Maria della Pace, italiennes, Amandine, belge, Adolphine, hollandaise ont été canonisées en 2000 par Jean Paul II.
La première communauté de Marseille est fondée le 27 mars 1885 au 174 de la rue Breteuil (actuelle rue Lacédémone), son premier but était de recevoir et d’accompagner les Soeurs en partance pour les missions lointaines d’Asie et d’Afrique. Très vite les Sœurs furent sollicitées par la paroisse pour ouvrir un patronage, un ouvroir pour les jeunes filles du quartier, une œuvre des catéchismes pour les petites filles des écoles laïques puis un atelier de broderie et de vêtements liturgiques, un jardin d’enfants, un foyer d’accueil de jeunes filles avec toujours comme motivation première: la mission.
Jusqu’à leur déménagement il y a quelques mois la Maison de la rue Breteuil, sous le patronage de St-Raphaël, était essentiellement une maison de retraite pour les sœurs aînées qui ont pour la plupart derrière elles des missions en Chine, Vietnam, Maroc, Madagascar, Congo, Guyane, etc. Certaines ont encore une activité bénévole pour des visites aux malades en soins palliatifs, dans un service du Secours Catholique, auprès des migrants d’Afrique, et surtout dans les services fraternels auprès de leurs sœurs de la maison. Dès 1892, des Franciscaines Missionnaires de Marie de la rue Breteuil ont assuré un service à Notre-Dame de la Garde.
Il existe depuis 1991 une fraternité Franciscaine Missionnaire de Marie dans la cité d’Air Bel, implantée à l’appel du Secteur Pastoral de la Vallée de l’Huveaune. Les Sœurs animent des partages de foi, des Mouvements d’Action Catho Sauvegarder lique et assurent la catéchèse et les liturgies, en lien avec l’équipe pastorale et le Conseil de Secteur. Elles coopèrent avec les Associations pour aider adultes et jeunes à vivre dignement, avec un souci spécial des femmes seules. C’est leur vie de prière personnelle et communautaire qui se concrétise tous les jours.
Le lutrin en forme d’aigle
Les moins curieux de ceux qui sont venus dans la chapelle depuis le mois d’avril auront sans doute remarqué à la tribune une imposante sculpture en bois représentant un aigle. Sa présence mérite quelques explications.
Il s’agit , en effet, d’un lutrin en forme d’aigle. Le lutrin est un pupitre de lecture sur lequel on posait évangéliaires et antiphonaires (c’est-à-dire les recueils des partitions grégoriennes de la liturgie des Heures). D’après les archives, l’Œuvre a fait l’acquisition de ce lutrin en 1842. On ignore quand il fut réalisé et qui en est l’auteur, s’il s’agit d’une commande de l’Œuvre ou s’il s’agit de l’achat d’une œuvre réalisée pour une autre communauté religieuse. Felix Delobre, Monsieur de l’Œuvre de 1854 à 1907 et supérieur de la Communauté de1885 à 1895, a laissé une Histoire (manuscrite) de l’Institut de l’Œuvre de la Jeunesse. On y lit qu’en 1860, le lutrin était placé devant la grande porte de la chapelle qui s’ouvrait dans le mur qui fermait la chapelle à l’ouest (à la hauteur du tombeau de Monsieur Allemand ) et qui a été démoli lors de l’allongement de la chapelle; cette porte ne servait pas puisqu’on entrait et sortait par la porte latérale. La grande porte, qui donnait sur une petite cour (à l’emplacement du vestibule actuel de la chapelle et de la première travée), n’était ouverte que pour faire de celle-ci une annexe pour les parents, le jour de la Première communion . C’est cette petite cour qui fut ouverte et qui donna, en longueur, une travée de plus à la chapelle. Après les travaux de 1860, le lutrin fut placé sur le côté gauche de la chapelle, autrefois côté de l’Evangile, près de la statue de l’Assomption de la Vierge (aujourd’hui, dans la niche côté droit). On perd ensuite un peu la trace du lutrin, qui fut plusieurs fois déplacé et qui finit par être conservé au musée.
Tenant compte du caractère exceptionnel de ce lutrin, l’équipe du Mémorial a proposé à la direction de l’Œuvre de l’exposer à la tribune de la chapelle pour qu’il continue d’interpeler tous ceux qui le voient.
Composé de plusieurs éléments en bois, superposés et pivotants, le lutrin mesure 2,06 m de haut (dont 0,48m pour l’aigle ) et 0,86m de large. Une base, reposant sur quatre pieds en bois naturel sculptés de feuillages, supporte une ove peinte couleur vert Empire, décorée de douze cabochons dorés; au-dessus s’élève le fut du lutrin, décorée de palmettes; la hampe est ceinte de trois couronnes, représentant, la première, un motif floral inclus une décoration sinueuse, une autre des pampres et pour la dernière, des fleurs quadrilobées. Au sommet, s’épanouit une gerbe de palmes décorée de trois croix dorées, que surmonte une sphère peinte en bleu supportant l’aigle tenant un serpent dans ses serres. À noter que deux éléments du corps de serpent font défaut et que la sphère représentant la Terre a été, on ne sait quand, (mal) repeinte, comme en témoignent des traces de peinture bleue sur une aile. La sculpture en ronde bosse de l’aigle, ailes déployées, est particulièrement délicate; sur les ailes est fixé le petit pupitre en fer destiné à recevoir les ouvrages qui devaient être lus.
L’aigle choisi pour porter l’Évangile tient dans ses serres un serpent, symbole du Mal depuis la Genèse. La majesté de l’animal, sa vue perçante et les hautes régions dans lesquelles il évolue renvoient au Ciel et à la majesté de Celui qui l’habite. La capacité, qui lui était attribuée autrefois, de pouvoir fixer le soleil en face , en fait un symbole de l’aptitude à la contemplation. Attribut de l’évangéliste saint Jean, l’aigle invite à la contemplation des réalités éternelles; il est signe d’ascendance et il invite au dépassement.
En sortant de la chapelle, c’est en quelque sorte un ultime encouragement que nous pourrons puiser en élevant notre regard vers l’aigle de la tribune.
Mémorial et Musée Jean-Joseph Allemand
Aucune archive spécifique n’existe sur la création du Musée et sur l’origine des objets. En 1868, lors du transfert des restes du fondateur dans la chapelle, les vêtements sacerdotaux dans lesquels il avait été inhumé furent soigneusement conservés dans une vitrine de l’oratoire. C’est en 1907 que ces vêtements furent placés dans une châsse et exposés dans la chambre reconstituée de Monsieur Allemand. On peut penser que c’est à cette époque que le Musée fut organisé.
Une carte postale, extraite d’un carnet édité par les éditions Tardy, à l’occasion de l’exposition catholique de Marseille (mai-juin 1935) représente le Musée. L’Œuvre avait à cette exposition un stand réalisé par Monsieur Perrault, architecte et membre de la Communauté des messieurs.
Dans la perspective du bicentenaire (1999), la volonté a été de prolonger le Musée en créant un Mémorial présentant outre la biographie du fondateur, les activités de l’Œuvre, les autres œuvres et structures proches, le périodique Notre Écho, la Communauté des Messieurs… Ce Mémorial est en cours d’actualisation… Le Musée actuel regroupe le Trésor ainsi que le cabinet de travail et la chambre mortuaire de Jean-Joseph Allemand et le Mémorial. Ce trésor est quelque peu comparable aux trésors des églises puisqu’il comprend des vêtements et objets liturgiques… mais aussi des documents originaux relatifs aux différentes étapes du fondateur (en particulier attestation d’ordination, autorisation de Mgrde Cicé de 1804, actes d’état civil…). Nombre de ceux-ci ont été retranscrits ou traduits. On trouve également des portraits de JJA (tableaux la plupart non datés et non signés et gravures), mais aussi des pères Dandrade (1704-1762) et Truilhard (1689-1749) membres de la congrégation du Sacré Coeur ainsi que de l’abbé Reimonet (1767-1803), maître et ami.
Sont conservés près de 80 titres d’ouvrages religieux (biographies, ouvrages de piété, Écriture sainte des XVIIe, XVIIIe et XIXesiècles) dans le Musée, mais aussi dans le cabinet de travail. Certains sont annotés de sa main et pouvaient donc lui appartenir. Nombreux sont ceux qui possèdent un ex-libris (marque d’appartenance). Un inventaire a été établi. Deux in folio, imprimés par l’imprimeur Plantin à Anvers en 1606 et 1702? sont également présentés.
La maison du baron Merle
Il est de tradition de situer la création de l’Œuvre Jean-Joseph Allemand le dimanche 16 mai 1799 dans une des chambres d’un immeuble situé vers le haut de la rue Curiol à Marseille chez un certain Monsieur Rome. Elle comptait alors quatre jeunes gens dont la chronique a gardé le nom. Jean-Joseph Allemand avait alors 27ans.
Une errance de deux ans s’en suivit dans des hébergements proposés rue des Picpus (actuelle rue Grignan) par la famille Brassevin ou par la famille de Justin Stamaty, l’un des quatre premiers membres. On parle aussi des domiciles de Monsieur Rome et de celui de Monsieur Aubert, rue Caisserie. Une première et brève installation eut lieu rue Saint-Savournin, probablement dans le local actuellement occupé par le foyer Saint-François-Régis (n°50).
En 1801 un local est loué à l’angle de la Place Saint-Michel (La Plaine) et de la rue des Petits-Pères (rue Thiers), dans la rue du Laurier. Ce local appartenait au savonnier César Lombardon. L’immeuble a été détruit en 1894. On peut situer la véritable création de l’Œuvre à cette adresse. C’est là que furent créées les deux Associations, celle du Sacré-Cœur et celle des Saints-Anges qui furent jusque dans les années 1970 la colonne vertébrale de l’Etablissement. Mais surtout c’est dans ce local qu’eurent lieu pour la première fois des confirmations de membres de l’Œuvre. À cette occasion Monseigneur Champion de Cicé, Archevêque d’Aix fut la première Autorité religieuse à visiter l’Œuvre et à rencontrer son Fondateur.
Depuis 1802, l’Abbé Allemand tombé alors gravement malade, logeait rue des Minimes (actuellement rue des Frères Barthélémy), où il fut alors soigné par M. Guitton et par M. Roubaud, qui était propriétaire de l’Hotel de la Croix de Malte. Il résidera dans ce logement jusqu’en 1817.
Après le Concordat de 1801, le 11 avril 1806, l’Abbé Henry-Toussaint Baron, ancien prêtre du Bon Pasteur revenu d’émigration, acheta à M.de Lombardon le local de la rue du Laurier dans lequel se trouvait déjà l’Œuvre.
Le 8 décembre 1809, l’Œuvre fut fermée par décision de l’administration impériale et de 1810 à 1816 Jean-Joseph Allemand devint vicaire à la paroisse de Saint-Laurent aux appointements annuels de 600francs. Des réunions se poursuivent cependant chez certains membres et trois maisons de campagne furent successivement louées dans des quartiers excentrés: Croix de Reynier, Belle de Mai et Gratte Semelle.
À la chute de l’Empire en mai 1814, J.-J. Allemand loue un local 8 Place de Lenche, l’ancien Hôpital des Enfants Abandonnés et ancien Hôtel Mirabeau. En 1817 Il viendra y demeurer. Ce local était situé à deux pas du Vieux-Port, dans un quartier populaire aux revenus modestes.
Mais en 1820, la fréquentation de l’Œuvre s’est accrue: elle compte près de 300 membres et la location présente plusieurs inconvénients (renouvellement du bail incertain, espace, dépenses à fonds perdu, etc). Une autre préoccupation fondamentale qui apparait dans les différentes biographies et études qui lui ont été consacrées, imprégnait depuis longtemps l’esprit du Fondateur; c’était sa volonté farouche de rechristianiser la jeunesse bourgeoise de Marseille. Il considérait que cette partie de la jeunesse était la plus menacée par l’esprit voltairien dans lequel avait baigné la grande Révolution et qu’il combattait à l’intérieur de l’Œuvre. L’étude des cahiers d’inscription avalise cette interprétation. Monsieur Allemand parlait de «mon œuvre de Muscadins». Ces arguments sont explicitement présentés dans les délibérations du Conseil de l’Œuvre du 9 juillet 1820 préalables à l’acquisition du local actuel.
Des anciens membres et collaborateurs de Monsieur Allemand, munis de conseils de modération financière se mirent en quête de trouver une propriété . Leur choix se fixa sur une maison à un étage avec un jardin clos sauf au midi, située dans le quartier de la Croix de Reynier. C’était une zone encore rurale mais peu éloignée du centre ville notamment des quartiers bourgeois du Chapitre avec ses hôtels particuliers et des allées de Meilhand
L’acte est signé le 9 juillet 1820 devant Maître Roubaud ancien membre de l’Œuvre, notaire à Marseille, par Monsieur Allemand et par divers membres du Conseil. Le prix est de 14000 francs plus 1500 francs de frais dits de notaire pris en charge par Maître Roubaud. Il est prévu une somme de 6500 francs pour la construction d’une chapelle. Le tout se montant donc à 20500 francs. Un financement fut trouvé par une souscription d’actions remboursables par tirage au sort de six mois en six mois à raison de douze souscripteurs par an à partir du printemps 1821. Cependant, un locataire, Alexandre Massol, Instituteur, occupait la maison. Le bail, dont le loyer annuel était de 600francs, avait été signé le 27 juillet 1817 avec un précédant propriétaire, Jean-Baptiste Marius Ollive, imprimeur très connu à Marseille. Renouvelé, le bail courait toujours en octobre 1820. Par convention du 13 octobre 1820, Alexandre Massol s’obligea à quitter les lieux le 16 octobre 1820, en contrepartie l’Œuvre versa à titre d’indemnité la somme de 1000 francs.
Le 20 novembre 1820 l’Œuvre s’installe enfin au numéro 20 de la rue Saint-Savournin qui deviendra le numéro 25 en 1850 puis le 41. Jean-Joseph Allemand a maintenant 48 ans.
Le vendeur de cette bâtisse était Pierre Hugues Victor Merle Général et Baron d’Empire. Il avait acquis cette propriété le 14 janvier 1818 auprès de la famille Ollive. Dans l’acte de vente le Baron Merle est d’ailleurs domicilié chez cette famille au 8 de la rue Neuve de l’Amandier (actuelle rue Augustin Fabre) à Marseille. En réalité il réside à Lambesc. Nous ignorons quels étaient les liens exacts de Pierre Merle avec la famille Ollive. On constate qu’il a gardé cette propriété moins de trois ans. L’étude des actes de vente et des conventions montrent que Pierre Merle n’a jamais habité la maison acquise par l’Œuvre. Les motivations de l’achat de cette maison par la Baron nous sont inconnues.
Né le 26 juin 1766 à Montreuil sur Mer (Pas de Calais) d’une famille originaire du Languedoc, Pierre Merle rejoint en 1781 le régiment de Foix. En 1789 il est caporal de fusilier et lieutenant en 1792. En 1794 il est Général de Brigade! Le 2 octobre 1797 il épouse une jeune veuve marseillaise Françoise Madeleine Bérenguier. En 1798 le Général Merle est mis en état d’arrestation à la prison du Temple pour avoir refusé de faire fusiller des prisonniers vendéens. Il est acquitté par une commission militaire siégeant à Marseille. Écoutant ses amis, il se retire dans la propriété de Lambesc appartenant à la famille de son épouse. Remis en activité après le 18 Brumaire, il passe au commandement de l’armée d’occupation de Turin puis devient Gouverneur militaire de Braunau (Autriche). En 1805 il est nommé Général de Division après Austerlitz. Il se distingue durant la guerre d’Espagne au cours de laquelle il est grièvement blessé et le 19 mars 1809 il reçoit le titre de Baron avec armoiries. Il est alors titulaire de la Légion d’Honneur. Peu connu du grand public, Pierre Merle était l’une des figures de la Grande Armée, estimé pour sa grande bravoure et sa modestie. Il a participé à toutes les campagnes du Consulat et de l’Empire. L’Empereur le distingue à plusieurs reprises. Le Général Merle participe à la campagne de Russie. En 1814 il se rallie aux Bourbons. Après avoir été Inspecteur Général de la Gendarmerie, il accompagne en mai 1815 lors des Cent Jours, le Duc d’Angoulême dans le midi où il est chargé de la défense de Pont-Saint-Esprit qu’il doit cependant évacuer après le ralliement de sa troupe à l’Empereur. Malgré l’intervention du Maréchal Soult il connaît une disgrâce qui l’amènera à demander sa mise à la retraite en 1816 avec une pension annuelle de 6000 francs. Il est alors Grand Officier de la Légion d’Honneur et Chevalier de l’Ordre de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis. Le Baron Merle se retire dans sa propriété de Bois-Fontaines aux environ de Nîmes. Dans les jours troubles qui suivent la seconde Restauration dans le Midi, des activistes royalistes incendient sa maison. Il habite alors la propriété de famille de son épouse à Lambesc. Monsieur Mazel son biographe et descendant adoptif signale que le Baron demeure à Marseille en 1822 sans préciser l’adresse. En 1830, malade, il doit se rendre à Marseille où il meurt d’hydropisie le 5 décembre. Il repose depuis au cimetière Saint-Baudile à Nîmes. Le nom du Général Baron Merle est gravé sur la 35ecolonne, pilier ouest de l’Arc de Triomphe de l’Etoile.
Jean Magalon
Sources :
Archives et Documents Œuvre Jean-Joseph Allemand.
Brunello, Abbé Félix, Vie du serviteur de Dieu Jean-Joseph-Allemand, fondateur de l’Œuvre de la jeunesse (1772-1836), Paris, Sagnier et Bray ; Marseille , Chauffard, 1852.
Gaduel, Abbé Jean-Pierre-Laurent, Le Directeur de la jeunesse ou la vie et l’esprit du Serviteur de Dieu Jean-Joseph Allemand, prêtre du diocèse de Marseille…, Paris, Lyon, Jacques Lecoffre et cie, 1867.
Arnaud, Henry, La Vie étonnante de J.-Joseph Allemand Apôtre de la Jeunesse, Marseille, Sopic, 1966 (supplément au n°91 de Notre Écho).
Arnaud, Henry, 1789 L’Église de Marseille dans la tourmente, Marseille, Imprimerie Robert, 1988.
Bruschi, Christian, «L’Œuvre de la Jeunesse de Marseille . Un prêtre marseillais devant la jeunesse bourgeoise du xixe» dans Provence Historique, t. XXIX, fascicule 117, 3e trimestre 1979.
Mazel, Elie, Vie de Pierre-Hugues Victor Merle, Nîmes, A. Baldy, 1860.
1820 dans le monde (ou presque)
Nous commémorerons fin novembre le deuxième centenaire de l’installation de l’Œuvre de Monsieur Allemand rue Saint-Savournin, dans la maison qui constitue le corps de bâtiment central de ses locaux actuels.
Nous savons bien ce qui s’est passé dans l’Œuvre cette année-là et les années qui ont suivi, mais le petit groupe d’Anciens qui s’occupe du Mémorial, installé au deuxième étage de l’extension réalisée dès 1840, a eu la curiosité d’élargir le champ de ces connaissances et de rattacher à la « Grande Histoire », celle, plus modeste, de l’Œuvre.
Jean Magalon, qui a déjà présenté (Notre Écho n° 626, voir l’article si-dessus) les conditions dans lesquelles la maison de l’Œuvre avait été acquise et le profil extraordinaire du vendeur, le baron Merle, interpelle à nouveau notre curiosité en nous invitant à découvrir ce qui se passait en ce temps-là dans le monde, disons en Europe, en France et en Provence, en trois volets, à raison d’un par mois.
Voici le premier :
Aperçu de l’Europe en 1820
En octobre 1820 l’Abbé Jean-Joseph Allemand installe son Œuvre rue Saint-Savournin à Marseille. Deux cents ans plus tard, nous vous proposons de présenter succinctement la situation de l’Europe en cette année-là.
L’Europe de 1820 est celle du nouvel ordre mis en place après la chute de l’Empire napoléonien. Il est issu du Congrès de Vienne tenu en 1815 par les monarchies conservatrices : Prusse, Autriche et Russie (puissances de la Sainte-Alliance) sans oublier le Royaume-Uni. La France est représentée par Talleyrand, ministre des Affaires Étrangères de Louis XVIII. En 1820 se tient un nouveau congrès à Troppau, capitale de la Silésie autrichienne, aujourd’hui en République Tchèque. À l’issue de ce congrès, la Prusse, l’Autriche et la Russie publient le 8 décembre 1820 un texte dans lequel elles affirment le droit et même le devoir des puissances garantes de la paix, d’intervenir pour réprimer tout mouvement révolutionnaire.
Depuis 1815, la nébuleuse des principautés allemandes se situe dans les frontières de la Confédération du Rhin (Allemagne/Autriche) acceptée par le Chancelier autrichien Mettermich pour satisfaire la Prusse. Le Chancelier se méfiait comme de la peste d’une éventuelle unité allemande. Cette Confédération fut rendue quasiment impuissante par les princes allemands jaloux de leur pouvoir. L’agitation nationaliste de la jeunesse universitaire (réunion de la Wartburg en 1817) fut réprimée par la Sainte-Alliance (1819/1820). Au début de 1820, les paysans touchés par la crise de l’agriculture allemande émigrent. Ils sont bientôt suivis par les artisans et les compagnons. Cette colonie de travailleurs constitue la première immigration de masse de la France issue de la Révolution. Cette émigration économique devient politique à la suite des mesures répressives prises par les gouvernements des différents états allemands et de l’Autriche où les prémices de l’éveil des nationalités commencent à fissurer l’Empire.
Soumise aux Bourbons de Naples, la Sicile connaît une révolution qui débute à Nola et qui oblige le Roi Ferdinand 1er à accorder une constitution libérale au Royaume de Naples le 13 juillet 1820.
En Espagne, après le départ du roi Joseph Bonaparte, le roi Ferdinand VII rentre de son exil marseillais laissant sa titulature au quartier du Roi d’Espagne. Le Bourbon restaure l’absolutisme et même l’Inquisition, entraînant la rébellion dite de Cadix qui débute le 12 janvier 1820. Des officiers refusent de partir pour les possessions espagnoles d’Amérique mater le mouvement bolivarien issu de l’aspiration à l’émancipation des colonies espagnoles d’Amérique. Cette expédition rencontrait une forte opposition de la Grande-Bretagne qui n’a jamais admis la politique interventionniste de la Sainte-Alliance. Ferdinand VII accepte de rétablir la Constitution de 1812.
Une révolution éclate également au Portugal à Porto, le 24 août 1820. Les rebelles exigent le retour du roi Jean IV réfugié au Brésil durant l’occupation par les armées françaises. Un pronunciamiento survient le 11 novembre 1820 qui aboutira à des élections pour une constituante.
En Russie le tsar Alexandre 1er expulse les Jésuites le 26 mars 1820. Devant l’agitation révolutionnaire, le tsar qui avait été un élément modérateur à Troppau doit faire face à une révolution militaire qui le fait revenir en 1820 à une pure autocratie et à rétablir une véritable censure. Censure qu’il rétablira également en Pologne après avoir assisté le 13 septembre 1820 à l’Assemblée du royaume de Pologne où s’exerce une forte influence libérale sous l’impulsion de l’intellectuel français Benjamin Constant.
En Grande-Bretagne, le 29 janvier 1820 marque le début du règne de Georges IV, également Roi de Hanovre. Le 23 février 1820, le complot de la rue Cato qui visait à assassiner tous les membres du gouvernement est déjoué. Comme nous venons de le voir, en raison de ses intérêts mondiaux, la Grande-Bretagne dirigée par Castlereagh prenait ses distances vis-à-vis des puissances de la Sainte-Alliance. L’année 1820 marque le sommet de la lutte entre le roi et son épouse Catherine de Brunswick, faussement accusée d’adultère. Cette lutte sur fond de graves problèmes sociaux entachera gravement le prestige de la monarchie.
Au Vatican le trône de Saint-Pierre est occupé par Barnaba Chiaramonti, moine bénédictin, sous le nom de Pie VII, élu en 1800 ; ses démêlés avec Napoléon sont bien connus. Au général Radet qui lui demandait de renoncer à ses pouvoirs temporels il fit une réponse passée à la postérité « Non possiamo, non dobbiamo, non vogliamo » (« Nous ne le pouvons pas, Nous ne le devons pas, Nous ne le voulons pas »). Emmené à Paris, il participa au sacre de Napoléon avec qui il avait signé le Concordat en 1801. De 1819 à 1822 il devint l’interlocuteur des principaux monarques européens.
Dans le domaine des sciences et de l’industrie on voit apparaître les prémices de la révolution industrielle. Hans Christian Oersted montre le lien entre magnétisme et l’électricité qui crée un champ magnétique. Faraday construit les premiers moteurs électriques. En Grande-Bretagne, James Fox met au point une raboteuse électrique, donnant naissance à la première machine-outil. Henri Fitton invente le thaumatrope (prodige qui tourne) créant la première image animée par illusion d’optique.
Le grand foyer intellectuel de l’époque est l’Université de Berlin où enseignent Arthur Schopenhauer et Friedrich Hegel. Le premier vient de publier Le monde comme volonté et représentation, Hegel publie en 1820 Les principes de la philosophie du droit. Le hollandais Multatuli publie son ouvrage L’exploitation néerlandaise des Indes, première critique du colonialisme économique.
Le romantisme domine une grande partie du monde littéraire et pictural en France en Allemagne et en Angleterre. En 1820, Walter Scott publie deux contes d’origine bénédictine Le Monastère et L’Abbé. Le peintre anglais John Constable (Le Moulin de Dedham) est un pur romantique précurseur de l’impressionnisme. Caspard Friedricih est considéré comme le peintre allemand le plus important de la première moitié du xixe siècle. Ses paysages (Le port de Greifswald) sont des œuvres purement romantiques.
En Italie l’écrivain Alessandro Manzoni publie des poésies (Inni Sacra) et sa tragédie Adelchi. L’auteur russe Alexandre Pouchkine édite son poème épique Rousian et Ludmilla.
L.-V. Beethoven est au cœur de la composition de sa grande œuvre religieuse Missa Solemnis. En 1820 il publie sa sonate pour piano n° 20.
L’année 1820 montre en Europe une forte poussée des aspirations nationales et libérales réprimées par les grandes puissances. Bientôt cette politique d’intervention va se détériorer. L’éveil des nationalités rendra insupportable les ingérences extérieures. Nous verrons d’ailleurs que le retour des Bourbons et des émigrés sur le territoire national sera vécu par la population française comme une ingérence étrangère.
Jean Magalon
La France de 1820
Nous commémorerons fin novembre le deuxième centenaire de l’installation de l’Œuvre de Monsieur Allemand rue Saint-Savournin, dans la maison qui constitue le corps de bâtiment central de ses locaux actuels.
Nous savons bien ce qui s’est passé dans l’Œuvre cette année-là et les années qui ont suivi, mais le petit groupe d’Anciens qui s’occupe du Mémorial, installé au deuxième étage de l’extension réalisée dès 1840, a eu la curiosité d’élargir le champ de ces connaissances et de rattacher à la « Grande Histoire », celle, plus modeste, de l’Œuvre.
Jean Magalon nous invite à découvrir ce qui se passait en ce temps-là dans le monde, disons en Europe, en France et en Provence.
Aperçu de la France en 1820
En octobre 1820 l’Abbé Allemand installe son Œuvre au 20 de la rue Saint-Savournin à Marseille.
Dans la France de 1820 règne Louis XVIII, Elie Decazes est Président du Conseil. Ils gouvernent en application de la Charte octroyée le 4 juin 1814. Sans être entièrement légitimiste (favorable aux Bourbons), le pays apprécie la paix retrouvée. Le régime est bicamériste avec une Chambre des Députés et une Chambre des Pairs. La charte de 1814 est d’inspiration libérale et proclame l’égalité civile de tous devant la loi, la justice, l’impôt et les emplois publics. Elle garantit les libertés individuelles, la liberté de la presse, et de culte, bien que le catholicisme soit proclamé religion d’État. Toutes les propriétés sont déclarées inviolables y compris les biens nationaux. La personne du roi est « sacrée », il est le chef suprême de l’État, ses pouvoirs sont très étendus, ce qui pondère largement l’aspect libéral de la Charte. Cependant l’esprit libéral domine. Decazes déclare : « Il faut nationaliser la royauté et royaliser la nation ». Un tragique événement va tout changer.
Dans la nuit du 13 au 14 février 1820, le neveu du roi, fils du futur Charles X et héritier du trône, le duc de Berry, est assassiné par un nommé Louvel qui souhaitait éteindre la « race des Bourbons ». Il n’atteint pas son but car la duchesse de Berry est enceinte du futur duc de Bordeaux qui sera très brièvement roi sous le nom de Henri V (l’enfant du miracle). Le retentissement dans le pays est important. Les ultraroyalistes demandent le départ immédiat de Decazes jugé responsable du crime par ses tendances démocratiques. François-René de Chateaubriand a pu écrire : « Les criminels sont ceux qui ont établi les lois démocratiques, qui ont banni la religion de ces lois, ceux qui ont cru devoir rappeler les meurtriers de Louis XVI, ceux qui ont laissé prêcher dans les journaux la souveraineté, l’insurrection et le meurtre ». Decazes refuse de démissionner ; soutenu par le roi, il maintient la loi électorale qui devait être déposée devant les chambres le 14 février. Le 20, jugeant sa position intenable il démissionne. Un ultra, le duc de Richelieu est chargé de former un gouvernement sous l’influence de Chateaubriand. Des lois d’exception sont votées (presse, liberté individuelle).
D’une manière générale, le sentiment monarchique est sur le déclin. Les Français ont mal vécu le retour des Bourbons et des émigrés dans les fourgons des armées étrangères. Le prince autrichien Schwarzenberg a ainsi déclaré, faisant allusion au trône du roi : « On peut tout faire avec les baïonnettes sauf s’asseoir dessus ». Alarmé par le retour offensif d’une caste de privilégiés dont il avait cru se débarrasser, le peuple français a bientôt commencé à réagir avec une vigueur croissante. Les premiers francs-tireurs apparaissent au sein de l’armée reprise en main par les aristocrates. Des complots se forment (Les Sergents de La Rochelle). La Charbonnerie est la plus organisée et la plus virulente des organisations secrètes. Plusieurs émeutes jalonnent l’année 1820. Le durcissement du régime (censure, loi électorale) provoque des troubles sérieux ; le 3 juin, un étudiant est tué, plusieurs villes s’enflamment. Le 19 août une conspiration des oppositions unies est déjouée (six condamnations à mort). Le chef de file de l’opposition libérale connue sous le nom des « Indépendants » est Benjamin Constant. Élu député en 1819, il est l’un des orateurs les plus en vue et défend le régime parlementaire. Le 7 octobre 1820, il est violemment agressé à Saumur par des élèves de l’école de cavalerie en majorité royalistes. Le pouvoir est isolé et La Fayette souligne en 1820 la solitude de la France restaurée au milieu de la France nouvelle. Dès l’année 1820, marquée par le début du retour de l’absolutisme, la nécessité du retour de la république est théorisée par les historiens libéraux comme l’aixois François-Auguste Mignet.
Les Français sont choqués par la volonté manifestée par l’Église de retrouver ses prérogatives. Elle n’a pu obtenir le monopole de l’école, faute d’enseignants assez nombreux et formés. Une ordonnance de 1814 lui donne le droit d’ouvrir seulement une école par diocèse. L’Église de France compte environ 35 200 prêtres dont 2 840 curés. Pour l’épiscopat il manque environ 3 000 prêtres. De 1820 à 1822 le nombre de diocèses passe de 50 à 80. Mais la France commence une lente déchristianisation. Avec son Génie du Christianisme publié en 1802, Chateaubriand alors en exil n’a vraiment convaincu que la noblesse. Des régions entières (sud-ouest, régions agricoles d’Île de France) sont en déshérence religieuse. La bourgeoisie est très résistante à la ré-évangélisation. La quasi-totalité de la jeunesse qui fait des études est alors hostile à la religion traditionnelle. Un rapport de Lacordaire sur les collèges royaux est accablant. Moins de 7 % des élèves des classes supérieures s’approchent des sacrements une fois par an et moins de 1 % sont pratiquants. À Saint-Cyr les jeunes gens qui communient en uniforme sont provoqués en duel par leurs camarades. Les sacrilèges sont fréquents (blasphèmes, saccages d’hosties). On comprend pleinement la décision de Jean-Joseph Allemand de désigner la jeunesse bourgeoise comme objectif principal de son Œuvre. La France ne connaîtra un renouveau religieux qu’à partir de 1850. Cependant, les principaux ordres religieux se réinstallent en France et certains ouvrent de nouvelles maisons. 1820 est une année de Mission intérieure. Les principales étapes en sont : prédications, retraites, grandes cérémonies, campagnes moralisatrices, érection de croix dont certaines sont encore visibles avec l’inscription « Mission 1820 » gravée sur leur socle. Le pouvoir comme l’opposition d’ailleurs ne voit pas d’un bon œil ces événements susceptibles de diviser encore plus la population.
Dans ces années 1820 le niveau de vie des Français s’élève bien que l’analphabétisme subsiste et que l’enrichissement ne profite qu’à une partie de la population. La tranquillité revenue après les guerres de l’Empire fait qu’en 1820 la France compte plus de 30 millions d’habitants. La France est un pays rural. En 1820 le rapporteur du budget à la chambre des Pairs indique que les revenus agricoles s’élèvent au triple des autres. La production de blé a augmenté plus vite que le nombre d’habitants. La ration quotidienne des classes les plus pauvres semble donc assurée. Les industries métallurgiques ont progressé mais la production reste désuète et faible. Dans le Nord l’extraction de la houille est une réussite. En 1820, l’industrie la plus florissante est celle du textile (laine et soieries). La banque s’est consolidée et inspire une grande confiance aux commerçants, mais elle a peu de capacité de financement et peu de souplesse d’organisation. Le capitalisme est embryonnaire mais l’idée de financer l’industrie s’installe. Le 6 mai 1820, Joseph Lainé, député de la Gironde déclare devant la chambre : « les intérêts économiques sont devenus prépondérant ». La fin de 1819 et le début de 1820 voient l’invention de l’acide acétique et de la chaux hydraulique. La première usine à gaz est construite dans la région parisienne. Toujours en 1820 Ampère travaille de plus en plus sur l’électromagnétisme.
L’hygiène générale, malgré l’exemple anglais est toujours peu développée. La médecine progresse cependant, Pierre Pelletier et Joseph Caventou découvrent le principe actif de l’écorce de quinquina (quinine) en 1820. La même année, Louis XVIII crée l’Académie de médecine, elle devra conseiller le gouvernement sur toutes les questions de santé publique.
La deuxième restauration qui suit la bataille de Waterloo en 1815 a été le théâtre de troubles importants visant les anciens fonctionnaires et militaires de l’Empire ainsi que les républicains (saccage de la propriété du Baron Merle à Nîmes qui vendit à Monsieur Allemand la maison de la rue Saint-Savournin). Dans le midi, les ultraroyalistes se livrent à un véritable massacre. Le 25 février 1820, quelques jours après l’assassinat du duc de Berry, François Vidocq, ancien bagnard, est nommé chef de la Sûreté. Grâce à un réseau d’indicateurs, il obtient rapidement des résultats comme l’arrestation d’une bande de « chauffeurs » dans le Nord.
Le romantisme domine le monde artistique, surtout la littérature. Chateaubriand en a été le précurseur. En 1819, l’exposition du « Radeau de la Méduse » de Géricault est le signal de l’assaut romantique. Mais le véritable choc a été la publication en 1820 des Méditations poétiques d’Alphonse de Lamartine. Bientôt les différents aspects de la vie artistique seront « contaminés » selon le mot du critique Sainte-Beuve. Pour certains critiques le romantisme n’est pas seulement un mouvement artistique, c’est aussi l’autre aspect de la révolte de la nation. C’est l’une des composantes du monde à venir.
Nous verrons que si Marseille se dit toujours légitimiste, une partie de sa jeunesse partage les aspirations de ce monde nouveau.
Jean Magalon
Regards sur la Provence et Marseille en 1820
Nous commémorerons fin novembre le deuxième centenaire de l’installation de l’Œuvre de Monsieur Allemand rue Saint-Savournin, dans la maison qui constitue le corps de bâtiment central de ses locaux actuels.
Nous savons bien ce qui s’est passé dans l’Œuvre cette année-là et les années qui ont suivi, mais le petit groupe d’Anciens qui s’occupe du Mémorial, installé au deuxième étage de l’extension réalisée dès 1840, a eu la curiosité d’élargir le champ de ces connaissances et de rattacher à la « Grande Histoire », celle, plus modeste, de l’Œuvre.
Jean Magalon nous invite à découvrir ce qui se passait en ce temps-là dans le monde, disons en Europe, en France et en Provence.
Dans ce dernier article nous comprenons que la mission de Monsieur Allemand s’est réalisée dans un contexte qui lui a demandé beaucoup de courage et de ténacité, l’ambiance de l’époque n’étant pas propice au genre d’Œuvre qu’il réalisait…
Le lundi 20 novembre 1820 l’Abbé Jean-Joseph Allemand installe son Œuvre et son logement au 20 de la rue Saint-Savournin, quartier de la Croix de Régnier à Marseille. Il y hébergera bientôt sa mère, Catherine Chaillan veuve Allemand, qui s’éteindra en 1826 dans les locaux de l’Œuvre.
Dans les premières années qui ont suivi la Restauration, Marseille qui compte environ 110 000 habitants est et se proclame légitimiste (partisane des Bourbons). Un peu par conviction mais surtout par particularisme, par opportunisme diront certains. L’agglomération est un port et une ville de commerce tant intérieur qu’extérieur. Elle apprécie l’ordre et la paix. Les violents troubles anti-bonapartistes que se déroulent après Waterloo montrent l’attachement de la majorité des Marseillais à la monarchie légitime. Les troupes impériales françaises se considèrent en terre ennemie. L’occupation des troupes autrichiennes, anglaises et anglo-siciliennes sous le commandement de sir Hudson Lowe (futur geôlier de Napoléon) se prolonge jusqu’en 1816 et de lourdes charges pèsent sur les notables. Il n’y aura pas d’incident sérieux durant cette présence militaire.
Cette occupation a quand même permis à la nouvelle administration de se mettre en place. Marseille a eu la chance de bénéficier de la sagesse de deux hauts fonctionnaires : Le marquis de Mongrand comme Maire (alors nommé) et le comte de Villeneuve-Bargemon comme Préfet des Bouches-du-Rhône. Issu d’une ancienne famille marseillaise, Jean-Baptiste de Montgrand, quoique légitimiste, déplace peu de subordonnés et évite les sanctions inutiles. Il résiste aux ultras et refuse de procéder à une épuration radicale. Il sera Maire de 1814 à 1830 avec une éclipse durant les Cent-Jours. Christophe de Villeneuve-Bargemon est Préfet des Bouches-du-Rhône depuis 1815, il le restera jusqu’à sa mort en 1829. Il appartient à une vieille famille provençale. Comme le Maire, il évite de prendre des mesures répressives et de procéder à des nombreux limogeages dans l’administration. Bien que légitimistes et catholiques, le Maire et le Préfet adoptent une attitude intelligente et modérée envers l’opposition libérale et les religions tant réformée que juive.
De Villeneuve est très impliqué dans la vie intellectuelle et industrielle. Il assure la mise en place en 1818 d’une École de Médecine. Il encourage les cours de chimie et de physique créés en 1820 par la municipalité. Mais son nom reste lié à l’exceptionnelle enquête qu’il dirigea sur l’ensemble des Bouches-du-Rhône. Elle est une source inépuisable de renseignements sociaux, économiques, géographiques mais elle est aussi le premier document « d’aménagement du territoire » de ce pays. Elle est connue sous le nom de « Statistique départementale des Bouches-du-Rhône ». Grace à ces deux administrateurs, Marseille retrouve dès 1815 une vie quasiment normale.
Une opposition libérale existe à Marseille dès les années 1818-1820. C’est la moyenne bourgeoisie qui alimente cette opposition. Elle est soutenue par la présence temporaire de réfugiés politiques italiens et espagnols. Cette opposition se dote d’une presse libérale. On peut citer : Le Messager de Marseille et Le Sémaphore. On signale même dans le port phocéen en 1821 « des ventes » (sociétés secrètes) carbonaristes. Une affaire célèbre a révélé au grand jour cette société secrète et marqué les Marseillais et les Provençaux. Demi-solde, vétéran des guerres républicaines et napoléoniennes, Armand Vallé débarque en 1821 à Marseille avec l’intention de rejoindre la Grèce pour participer à l’insurrection contre l’Empire ottoman. Il loge au 62 rue Sainte et entre en contact avec des Italiens qui ont ouvert une « vente » dans le même immeuble. Des militants du Parti libéral révolutionnaire (Confrérie des bons cousins charbonniers) le recrutent. Il devient délégué pour le Var du mouvement dont le but est de renverser la monarchie. Interpellé avec sept camarades, il est condamné à mort et exécuté à Toulon. Dégradé et déchu de la Légion d’honneur juste avant, il refuse de rendre sa médaille remise par l’Empereur et l’avale (!).
En 1814 (chute de l’Empire) à la demande des négociants marseillais, le Comte d’Artois avait rétabli la « franchise ». Ce retour ne satisfait pas nécessairement les paysans locaux et les jeunes entreprises qui se sont développées à l’abri du protectionnisme. En 1817, le gouvernement abolit la « franchise » et y substitue le principe de « l’admission temporaire ». Cette abolition entraîna toutes sortes de trafics dont le plus connu est la contrebande du tabac par les contrebandiers d’Allauch. Cette activité rémunératrice qui s’organisa à partir de 1820 dura, selon la tradition, jusqu’à la Première Guerre mondiale. Dès 1815, Marseille retrouve une vie économique relativement active. En 1820 environ 5 000 navires entrent dans le port. Le commerce marseillais retrouve les voies des Amériques et de la Turquie. Par contre dans les Échelles du Levant et aux Antilles, Marseille a perdu sa place. L’examen des documents douaniers montre une augmentation des échanges à partir de 1820. Jusqu’en 1821 les armateurs achètent du blé à la Moldavie et à la Russie. La distribution de la morue de Terre-Neuve reprend avec la Corse et l’Italie. Dans le midi, la consommation de morue est en nette baisse car l’huile est devenue trop chère suite au gel des oliviers en 1820. Il faudra attendre 1825 pour voir les bateaux du monde entier revenir à Marseille. Depuis 1818 le port bénéficie d’un service régulier avec Naples, Gênes et Livourne avec, notamment, un des premiers bateaux à vapeur, le Fernandino 1er, qui se joue des vents contraires, affrété par la Compagnie Pierre Andriel.
Les maisons qui tiennent le haut du pavé à Marseille durant la Restauration sont nombreuses : Fraissinet, Roux frères (armateurs), puis naissent les maisons comme Bergasse (vins et armement), Rocca (huileries, savonneries), une des principales maisons de Marseille, Pastré, Augustin Fabre (armateurs), les Imer, famille protestante d’origine suisse (industrie textile puis pétrolière), Straforello ou encore Jean-Louis Betfort devenu le plus important négociant en grains de Marseille. À son décès, en 1820, il laisse à son fils une fortune considérable. Il faut dire qu’en 1818 les importations de blé dépassent les 100 000 tonnes. Le port retrouve une activité commerciale pleine de vigueur. La famille Pastré joue un rôle essentiel dans cet essor. Dans les années 1820, ils créent des comptoirs en Égypte ; Jean-Baptiste et Jules acheminent vers Marseille des centaines de tonnes de coton qui seront livrées en partie à la filature que les frères Pastré exploitent à Aix-en-Provence. Les frères Pastré financeront l’étude de faisabilité de Ferdinand de Lesseps pour le Canal de Suez.
La diaspora grecque conquiert une place éminente dans l’économie et l’industrie marseillaise ; en 1820-21 naissent ou se développent les maisons : Ralli, Schilizzi, Passachachi puis les Rodocanachi (orthodoxes) qui mettent sur pied leurs activités de transport et de commerce (blé) et qui seront la première famille grecque a entrer dans la Chambre de commerce. Ils y rejoignent les Reggio (catholiques) d’abord armateurs puis industriels dans les huiles, ainsi que les Rostand, qui sont originaires d’Orgon et créent en 1746 une véritable dynastie. Bruno Rostand développe un commerce de draps. En 1820-21 Une maison de négoce avec le Levant est créée. On retrouvera cette famille dans le commerce, l’économie et la politique.
La Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille est une vénérable institution créée en 1599. Elle est la Chambre de commerce la plus ancienne du monde. En 1820 elle était encore installée dans la Loge (rez-de-chaussée) de L’Hôtel de Ville. C’est ce qui explique que tous les matins, vers huit heures, une bourse secondaire se tenait devant et dans le café Casati, Place Royale (actuellement Place du Général de Gaulle). Au sortir du blocus, Marseille a un retard important dans le domaine technique et dans le secteur industriel, plus particulièrement dans le domaine de la construction navale. À titre anecdotique, on peut souligner un phénomène qui commence dans les années 1820 et qui perdurera jusqu’à la Première Guerre mondiale, je veux parler de l’endogamie quasi systématique qui unira les grandes dynasties industrielles marseillaises.
Il y a, bien sûr, des activités économiques et commerciales plus modestes. Il y a les gens de la mer : pêcheurs, calfats, portefaix ; le poisson est vendu par les épouses des pêcheurs sur le port, à la criée ou aux Halles Charles Delacroix (ancien Préfet). De nombreux artisans occupent encore la vieille ville : boulangers, quelques boucheries. Il y a aussi les artisans serruriers, chapeliers, cordonniers, charpentiers… Beaucoup sont compagnons (ouvriers très qualifiés). En 1820, il y a environ 60 savonneries à Marseille. À partir de cette année, de nouvelles matières grasses sont importées et transitent par le port de Marseille (huiles de palme, d’arachide, de coco…). Le travail des ouvriers est très dur dans ces établissements dans lesquels les maladies pulmonaires se multiplient. La plus importante des savonneries et la plus connue est Arnavon fondée par Honoré Arnavon sous l’Empire. Citons la savonnerie Lombardon qui reçut en 1814 la visite du Duc d’Angoulême et dont le directeur, Sauveur Lombardon, vendit en 1806 le local de la rue du Laurier à l’Abbé Baron où Monsieur Allemand installa son Œuvre à deux reprises. Les cafés et les cercles sont très fréquentés, ils jouent un rôle important dans le Marseille de la Restauration. On y discute affaires, politique, on y lit les journaux et on joue au billard. On peut citer le Cercle du Commerce, le Cercle des Phocéens, le Cercle des Provençaux… Les cafés proprement dits sont fréquentés par une bourgeoisie moins fortunée et plus commune. La jeunesse bourgeoise et libérale peut se retrouver au Café Américain (rue Suffren) et y manifester son hostilité au Régime. La bourgeoisie la plus aisée commence à émigrer vers le sud de la ville dans des quartiers plus calmes et mieux construits. Les classes plus populaires restent groupées dans un grand périmètre autour de l’Hôtel de Ville. C’est là où l’on trouve des débits de boissons beaucoup plus modestes dont la clientèle est essentiellement composée d’ouvriers et de marins. De grosses quantités d’argent y changent de main dans des jeux souvent illégaux. La prostitution prospère en ces lieux. Le Maire de Mongrand s’inquiète de ces dérives. Les armateurs français et étrangers redoutent le séjour de leurs marins à Marseille qui y dépensent beaucoup d’argent. Les frères Roux reçoivent dès 1820 des dizaines de courriers leur demandant d’activer le départ des navires. Mais il y a heureusement des établissements de quartier où l’on peut faire de tranquilles parties de cartes. C’est un des plaisirs des Marseillais modestes.
Cette population a des plaisirs simples, comme l’écrit en novembre 1820 le journaliste Joseph Mery : « Les habitants des quartiers populeux ne savent point varier à Marseille leur plaisirs », « une partie en mer, un dîner au bord de l’eau ». Les théâtres comme le Grand Théâtre, le Théâtre de la Comédie, le Théâtre Français, les Salles Turc et Thubanneau (spectacle, bal, concert) tiennent une grande place dans la vie quotidienne. Aller au théâtre, c’est à la fois un plaisir et un défoulement. C’est l’un des rares lieux où les classes sociales se mélangent un peu. Le théâtre amateur connaît aussi un grand développement. Précisons que la Pastorale Maurel ne sera créée qu’en 1848. Les jeunes vont également danser à « Andoume », endroit fréquenté également par les proxénètes en mal de recrutement. À la limite de la médecine et de la distraction, il y a à Marseille en 1820 la création des premiers « bains de mer médicaux » en France. Le corps médical marseillais a joué un rôle essentiel dans le développement de cette activité. Le premier établissement installé en 1818 dans l’anse du Pharo est dû à l’initiative du Docteur Giraudy. Pour diverses raisons, l’expérience a dû être abandonnée et c’est en 1820, au vu des conclusions de l’enquête demandée par le Préfet de Villeneuve à la Société Royale de Médecine de Marseille, que commencent vraiment sur la plage d’Arenc ce que l’on nomme alors : « Balnéation et hydrothérapie marine ».
La reprise économique favorise la création d’emplois et donc une certaine élévation du niveau de vie. La nourriture gagne en quantité et en qualité. Mais, dans les vieux quartiers, les logements insalubres et le manque d’hygiène sont causes de maladies et d’épidémies. La consommation d’une eau douteuse favorise la typhoïde et le choléra. Il y a aussi de nombreux cas dans toute la ville de petite vérole et de variole. Mais la cause principale des décès à Marseille est la tuberculose. L’Hôtel-Dieu est le phare du système de santé à Marseille avec environ 4 000 entrées par an. L’Hôpital de la Charité pratique une médecine moins pointue mais recueille les enfants trouvés et les vieillards indigents. Il existe nombre d’autres établissements publics et privés. En 1820 est créé l’Institut pour les sourds et muets. L’hiver 1820 est particulièrement rigoureux, les oliviers et autres cultures gèlent. Des entreprises ferment au moins momentanément. La mendicité et l’insécurité augmentent, la mortalité aussi. 55 % des décès concernent des enfants de moins de 10 ans.
Il y a bien sûr à Marseille une immigration ; elle est encore limitée dans les années 1820. La colonie italienne est encore peu nombreuse, environ 5 000 personnes. Ce sont souvent des travailleurs qui acceptent des conditions de travail très rude comme dans les savonneries. Beaucoup de femmes font des ménages et sont employées comme cuisinières dans des familles relativement modestes. Les Grecs sont encore moins nombreux, environ 500. Certains ont trouvé des emplois liés à la mer. On a vu que plusieurs familles sont rapidement devenues des industriels et des commerçants importants. On ne sait si ces familles étaient incluses dans la statistique précédente. En 1817 ils inaugurent l’Église grecque catholique construite avec l’appui de Louis XVIII rue du Marbre (rue Edmond Rostand). Avec la bienveillance du Préfet, la première Église grecque orthodoxe s’installe « clandestinement » rue Saint-Savournin car le rite orthodoxe n’est pas concordataire. En 1821, le soulèvement contre l’Empire Ottoman accélérera l’émigration grecque. La colonie grecque active et influente facilite l’acheminement des hommes et des convois mais la Chambre de Commerce les freine car ils gênent le commerce du Levant… Dès 1820 affluent à Marseille des volontaires de toutes nationalités (notamment des Allemands) auxquels viennent s’agréger des demi-soldes français (voir plus haut l’affaire A. Vallé). Le Préfet de Villeneuve s’en inquiète. Une immigration moins connue est l’immigration suisse. C’est la deuxième immigration après celle des Italiens. Tous sont à la recherche d’emplois. Ils sont des domestiques (environ 300 en 1820) très appréciés dans les grandes maisons. Ils sont également employés dans l’hôtellerie, la banque et le négoce et bien sûr l’horlogerie. Le Préfet de Villeneuve ne tarit pas d’éloges sur leur comportement. Les Suisses sont protestants et construiront en 1825 le Temple de la rue Grignan. Aix et Marseille garderont longtemps leur souvenir grâce aux grandes maisons de confiseries Castelmuro, Linder et Semadini. C’est en 1820 que s’installe tout en haut de la Canebière la pâtisserie Plauchut qui subsiste de nos jours.
En 1820, l’Église de Marseille n’a pas retrouvé son évêque. Le siège épiscopal reste inoccupé en raison d’une discorde entre le Roi et le Pape. Monsieur Allemand est donc toujours rattaché à l’Archidiocèse d’Aix-en-Provence à la tête duquel se trouve Monseigneur Pierre-Ferdinand de Beausset-Roquefort. Disons-le tout net, le diocèse de Marseille est en pleine foire d’empoigne si l’on peut s’exprimer ainsi. Les deux vicaires généraux se livrent pour la nomination épiscopale une guerre qui pour être sournoise n’en est pas moins virulente. Le Petit Séminaire est lui en conflit avec l’Université royale. Même le Préfet de Villeneuve-Bargemon s’émeut de l’anarchie du diocèse. Monsieur Allemand reste à l’écart de ces querelles et se consacre à « l’édification de ses muscadins » et à ses visites au Bon Pasteur. Dans un but d’union spirituelle, surtout poussé par les curés de son grand diocèse ainsi que par les Missionnaires de France et ceux de Provence, Monseigneur de Beausset décide qu’une Mission sera prêchée dans le diocèse d’Aix et celui de Marseille pour réhabiliter la France « veuve de son Dieu et de son Droit ».
La Mission de 1820 eut un grand retentissement à Marseille et en Provence. La rivalité entre les Missionnaires de France de l’abbé de Forbin-Janson et ceux de Provence fondés par Eugène de Mazenod ternit un peu les célébrations qui se déroulaient dans les paroisses. Les Missionnaires de Provence avaient le grand avantage de prêcher en provençal le plus souvent. Quelle fut la participation de l’Œuvre Allemand ? L’Abbé Gaduel (biographe de Monsieur Allemand) relate que le Fondateur avait pour principe d’engager les jeunes congréganistes (ainsi appelait on les membres de l’Œuvre) à ne point se partager entre l’Œuvre et d’autres activités religieuses. Il dérogea à ce principe pour la « célèbre Mission » de 1820 qui dura de janvier à février, mais il voulut que les jeunes gens qui assistaient aux processions et autres célébrations soient sans signe distinctif. L’Œuvre fut quasiment désertée. L’abbé Allemand prêcha lui-même la Mission à l’Œuvre en soulignant l’estime qu’il portait aux missionnaires. Il expliquait aux congréganistes que la Mission était une grâce de premier ordre et rare pour Marseille et que les membres de l’Œuvre avaient cette grâce perpétuelle car l’Œuvre était une Mission perpétuelle. Nous évoquerons seulement les célébrations les plus marquantes parmi plusieurs dizaines. La procession inaugurale a lieu le 3 janvier à partir de l’église Majeure de Saint-Martin. Menée par Monseigneur de Beausset, elle traverse toute la ville, suivie par plusieurs milliers de personnes. Plusieurs retraites ont été prêchées, celles pour les hommes et celles pour les femmes. L’une des plus marquantes a été celle prêchée en l’église Saint-Martin consacrée au « Panégyrique de Jésus-Christ » puis à la Passion ; enfin, sans doute pour égayer un peu cette solennité, l’abbé de Forbin-Janson discourut deux heures durant de « La mort inéluctable » (!). Il y eut également une réunion de toutes les congrégations de Pénitents. Le Précis historique de la Mission à Marseille indique que le dimanche 9 janvier l’abbé de Forbin-Janson célébra la messe de l’Épiphanie dans « l’église » de la congrégation de l’abbé Allemand (sans doute Place de Lenche) ; à l’issue de cette célébration, l’abbé de Forbin offrit à Monsieur Allemand un chapelet en bois d’un olivier du Jardin des Oliviers, rapporté de son voyage à Jérusalem, et avec lequel le Fondateur fut inhumé. Il fut retrouvé lors de l’exhumation de Monsieur Allemand en 1868 et il est très probable que ce soit le chapelet actuellement présenté au Musée de Monsieur Allemand. La plus grande procession eut lieu le 2 février jusqu’à Notre-Dame de la Garde. La statue de Marie était portée par la congrégation des portefaix. Sur la colline de la Garde, l’abbé de Forbin-Janson prononça une grande homélie sur le retour à la foi et le pardon des offenses. Dans sa péroraison il évoqua la messe célébrée en 1794 dans une grotte du Rove, par l’abbé Reimonet, assisté de Jean-Joseph Allemand. Le 27 février eut lieu, après une gigantesque procession à travers toute la ville, la « Plantation » de la Croix de Mission sur le parvis de Notre-Dame des Accoules. L’Œuvre Jean-Joseph Allemand assista au complet à la procession. C’était la fin de la Mission. Selon l’abbé Gaduel, le Directeur de l’Œuvre acheta sur ses deniers plusieurs centaines de petites croix souvenirs de la Mission qu’il distribua à chaque congréganiste.
Le siège épiscopal est enfin occupé en 1823 par Monseigneur Fortuné de , ancien vicaire général d’Aix. Il sera toujours attentif à l’action de Monsieur Allemand ainsi que son neveu Eugène de Mazenod qui lui succédera et qui restera proche de l’Œuvre.
Si la Mission de 1820 provoque un certain retour à la pratique religieuse, le nombre de baptême n’augmente pas. La foi populaire, traditionnelle, est surtout attachée aux manifestations extérieures de la religion. Le nombre élevé d’oratoires (chemin de Notre-Dame-de-la-Garde) et de chapelles privées datant de cette époque en témoigne. Ce retour à la religion ne touche pas toute la population marseillaise. Incontestablement, la Mission a exacerbé l’opposition libérale. Dès 1820 le journaliste Alphonse Rabbe fait entendre ses critiques dans Le Phocéen. En 1821 Le Caducée prend le relais. Comme dans les autres grandes villes du pays, la bourgeoisie s’est éloignée de la pratique religieuse, surtout les jeunes. Le vagabond, le mendiant n’est plus une personne à aider suivant les préceptes du Christ mais un individu menaçant la paix sociale. En 1823, un groupe de collégiens d’un établissement catholique, conduits à une procession, se moquent des cérémonies rituelles de manière burlesque, bousculent des religieux et foulent aux pieds des hosties. Il y a incontestablement dans une partie de la jeunesse bourgeoise marseillaise une haine militante qui entend s’opposer au retour des « anciennes superstitions ». Ces « profanations » se sont produites vers le haut de La Canebière et il n’est pas difficile d’imaginer les pensées de Monsieur Allemand sur ces actes perpétrés à quelques dizaines de mètres de « sa maison ». Quelle différence avec ses « congréganistes ! ».
En 1820, il n’y a encore que 11 églises pour desservir l’ensemble de la ville et le clergé est peu nombreux. La reconstruction de l’église Notre-Dame-du-Mont tombée en ruine débute en 1820. En 1821, le Préfet de Villeneuve avait approuvé la construction d’un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur ; il dut y renoncer devant la forte opposition de la bourgeoisie libérale. Le rétablissement du Grand Séminaire est important mais son enseignement est médiocre. Les établissements des Frères des Écoles chrétiennes se multiplient mais la qualité des enseignants est très discutée. Vers 1820, seulement 35 % des jeunes gens du département savent lire et écrire.
En cette année 1820, obtenir de l’eau de qualité à Marseille et dans sa région est toujours un problème, surtout en été. Le projet d’amener l’eau de la Durance à Marseille a 90 ans en 1820 et est encore en discussion. En cette année, c’est l’ingénieur des ponts et chaussées Garella qui étudie le dossier. L’eau de la Durance arrivera à Marseille en octobre 1849 grâce à F.-M. de Montricher. Bien qu’ébauché sous l’Ancien Régime, le cimetière Saint-Charles ne commencera à sortir de terre, si l’on peut dire, qu’en 1820.
À la fin de l’année 1820 le souvenir de la Révolution et de l’Empire s’estompe à Marseille. Le haut commerce et la grande industrie s’installent durablement. De nombreux témoignages soulignent la prospérité retrouvée mais une certaine misère subsistera encore dans des quartiers insalubres à la forte mortalité infantile. La charité publique est exercée par l’Église ainsi que par certaines familles de grands industriels. La conquête de l’Algérie ouvrira en 1830 une ère de grande prospérité. Le Marquis de Montgrand peut écrire que « l’esprit public légitimiste du début de la Restauration est en train de changer ». Bientôt des députés libéraux seront élus.
Là-haut vers la Plaine, en ce mois de novembre 1820, dans la maison du quartier de la Croix de Régnier, Jean-Joseph Allemand peut enfin dire la messe dans la petite chapelle provisoire puis dans la grande chapelle de la maison, où il la célébrera jusqu’au Dimanche des Rameaux 1836.
Pense-t-il que son Œuvre est bien ancrée après 20 ans d’errance et qu’il peut défier quelques siècles ? Nous ne le saurons jamais. Mais ce que nous savons avec une certitude absolue c’est qu’il a « confiance en Dieu ».
Jean Magalon
Ici on joue, ici on prie