Les croyants sont parfois déçus par les porte-paroles de leurs religions. On pourrait s’attendre à ce que les messagers soient à la hauteur du message qu’ils ont pour mission de transmettre et qu’ils soient exemplaires. On est particulièrement consternés quand les messagers ont la maladresse d’adresser des invectives culpabilisantes ou de poser des jugements moralisateurs alors qu’eux-mêmes sont loin d’être parfaits et exemplaires. Cela est vrai de toute personne publique qui assume une responsabilité, mais c’est encore plus décevant lorsque le message est un message d’amour, de justice, de bienveillance et de pardon, tel que véhiculé dans les religions.
Des messagers faillibles
Nous avons bon nombre d’exemples de ces personnalités chrétiennes qui étaient adulées, médiatisées, avec leur consentement ou à leur corps défendant, et qui se sont révélées être de pauvres humains avec leur part d’ombre et de péché. Il n’y a pas beaucoup de grandes familles religieuses, de fondations et d’œuvres caritatives fructueuses qui ne soient pas touchées par des révélations de comportements en opposition complète avec le projet évangélique à la base de leur création, de la part de leurs membres et même parfois de leur fondateurs. On peut comprendre que nos contemporains soient terriblement déçus ou en colère lorsqu’ils découvrent que la personne qu’ils considéraient comme un saint vivant pouvait avoir des comportements douteux, blessants, ou pire, pervers ou criminels.
Un trésor dans
des vases d’argile
Cette découverte que les porte-paroles restent des être faillibles, et parfois capables du pire, nous rappelle que la Bonne Nouvelle chrétienne est un trésor magnifique déposé dans des vases d’argile fragiles que sont les êtres humains. On ne peut pas se réjouir de ce constat réaliste, cependant, il nous permet de nous rappeler que le messager reste le premier destinataire du message, et que ce qu’il a pour mission d’annoncer ou de transmettre ne le met pas en position de supériorité ni de domination mais reste un garde-fou contre l’idolâtrie ou le moralisme.
Contre l’idolâtrie
C’est un repère pour tous les croyants : la perfection dans la sainteté est un appel et une vocation, mais elle n’est pas à la portée des êtres humains que nous sommes. Cela reste pourtant un objectif pour toute notre existence de disciples du Christ, un phare qui donne du sens à ce que nous vivons. Personne n’est capable d’atteindre l’idéal chrétien, mais c’est une vocation pour tous. C’est en gardant le cap sur le but à atteindre que nous pouvons avancer sur le chemin de l’idéal humain et chrétien annoncé par Jésus, et chemin faisant notre route trace un itinéraire qui va dans le bon sens. Mais nous ne pourrons jamais prétendre avoir atteint le but. Personne, hormis Jésus Christ, n’est le saint parfait et irréprochable, ou l’homme idéal. Toute idolâtrie contient en elle-même le risque immense de la blessure de la déception. La conséquence de cette déception, c’est que trop souvent la personne déçue rejette le message à cause de l’imperfection du messager, comme on le dit de manière triviale : on « jette le bébé avec l’eau du bain ». Nous connaissons des personnes qui ont arrêté toute pratique religieuse suite à une grosse déception.
Contre le moralisme
L’acceptation de la fragilité des messagers de l’Évangile est aussi un rappel à tous les responsables et missionnaires : la mission ne consiste pas à regarder les gens de haut, pour les critiquer, les juger ou les condamner, mais elle consiste à annoncer la Bonne Nouvelle de l’amour et du pardon de Dieu qui chemine avec nous, qui nous accompagne dans notre marche, qui nous encourage dans nos épreuves, qui nous offre son pardon dans nos égarements, qui nous invite à reprendre le bon chemin et à ne pas baisser les bras lorsque nous avons l’impression que le sommet n’est pas à notre portée. Transformer la religion en moralisme revient à la pervertir et à la trahir. Celui qui fait cela n’est plus un messager mais un traître au message et un repoussoir qui empêche la rencontre du Christ. Toute l’énergie que nous pouvons mettre à regarder notre monde de haut pour le condamner, nous devrions la mettre au service des plus petits et des plus pauvres. Plutôt que nous battre les uns contre les autres en nous critiquant, nous sommes invités par le Christ à travailler à plus de fraternité, à plus de justice, à plus de bienveillance. Ainsi notre regard et nos actions seront orientés vers la seule chose essentielle : annoncer l’amour au cœur du monde et dans l’existence de chacun.
Olivier