L’épidémie de Coronavirus et le confinement qui nous est imposé m’obligent à revoir ma copie. Je pensais poursuivre le parcours des grands thèmes de la mission et de la pédagogie de l’Œuvre en cette année du bicentenaire de son installation à la rue St-Savournin. Mais on ne maîtrise pas tout, et ce qui se passe en France et dans le monde bouleverse plus que nos petits projets locaux, familiaux, associatifs, professionnels ou personnels.

Manquer pour s’émerveiller
Avec le confinement, nous vivons, sans l’avoir voulu, une des dimensions du Carême qu’on appelle le jeûne, ce qui représente la privation, le manque. Il ne s’agit pas de se priver pour se faire du mal mais de retrouver le véritable goût des choses alors que souvent nous sommes gavés de superflu et que nous ne prenons pas conscience de la chance que nous avons. En ce temps de confinement, nous jeûnons de beaucoup de choses : de liberté, de relations, de proximité, de travail, de sport, de loisirs à l’extérieur, de contact avec la nature, d’engagement solidaire, et ce faisant nous retrouvons le goût de l’essentiel. Combien de témoignages de personnes et de familles qui trouvent du positif dans ce recentrement et ces privations que personne n’aurait accepté de s’imposer. Dans quelques semaines, quand l’épidémie sera passée, nous allons retrouver nos proches avec une autre attitude, quand nous retournerons au travail ou à nos études nous ne serons plus les mêmes, notre relation au monde et à la nature sera transformée, nos voisins et toutes les personnes que nous croiserons dans la rue auront un visage et non plus un masque. Nous qui sommes souvent dans des relations virtuelles ou à distance via les réseaux sociaux nous serons heureux de voir de véritables personnes et de retrouver physiquement nos amis sans écran interposé. Je ne sais pas le temps que ces effets dureront, mais nous aurons changé de regard sur la vie, et cette expérience sera enracinée dans notre mémoire. Nous aurons appris à nous émerveiller de ce qui nous semble acquis et normal. Nous saurons rendre grâce !

L’essentiel est invisible
Avec ce virus, invisible et minuscule, nous comprenons aussi que l’essentiel n’est pas toujours à portée de vue : des choses qui nous dépassent et que nous ne percevons pas agissent de manière très efficace. L’air de rien, ce microbe a bouleversé l’ordre du monde plus sûrement que toutes les décisions politiques, les armes lourdes ou les grands de ce monde : les guerres se sont interrompues, la productivité a été stoppée, nous avons accepté de rester isolée dans notre cellule familiale, nos responsables politique ont fait des choix radicaux pour le soutien au monde hospitalier et aux entreprises en péril, des élections ont été reportées, la solidarité s’est réorganisée, nous avons découvert qu’une vie sans surconsommation n’était pas synonyme de malheur, la pollution a diminuée… Tout a été remis à plat. Ce qui concerne cette maladie qui se répand sournoisement concerne aussi les forces positives qui, de manière mystérieuse peuvent porter beaucoup de fruits et déplacer des montagnes. C’est ce que nous appelons la grâce de la charité qui se diffuse et change le monde discrètement mais sûrement. C’est l’espérance que nous sommes invités à porter.

Vivre Pâques
Les fêtes pascales, précédées par la semaine sainte qui s’ouvre avec le dimanche des Rameaux, sont habituellement un temps de retrouvailles et de fête en communauté et en famille. Cette année nous allons les vivre dans l’intimité, sans pouvoir participer à des célébrations religieuses dans les églises ni à des repas de famille. Si nous ne pouvons pas vivre ces temps dans les églises, nous pouvons tout de même les vivre en Église, car l’Église est avant tout un peuple, une communauté, une famille qui existe même dans la distance. Cela est vrai aussi pour ces moments de fête qui nous donnent habituellement l’occasion de retrouvailles familiales et qui seront vécus de manière symbolique mais bien réelle. Nos liens affectifs et spirituels sont plus forts que nos séparations physiques, et nous avons des ressources en nous qui nous soudent et nous relient d’une manière mystérieuse et invisible mais bien réelle !

Olivier