Dieu se révèle comme le maître de la vie dans toutes les religions, et dans la Bible en particulier. Il est source de vie, créateur, il prend soin de sa création. Dans les Évangiles, il s’incarne en Jésus Christ et nous donne à découvrir son projet de vie et de salut : il s’identifie à l’humanité souffrante et lui ouvre un avenir, il guérit, il relève, il sauve. Il traverse la mort… C’est ce que nous venons de célébrer lors de la fête de Pâques.

L’Église au service de la vie
L’Église, comme incarnation du corps du Christ, se doit d’être aussi au service de la vie. C’est sa mission, sa priorité. Cependant, aux yeux des gens, cette mission n’est pas toujours perçue et l’attitude de l’Église se réduit parfois au moralisme et au jugement sur la vie des personnes. Sur les grandes questions de morale et d’éthique, il est normal que l’on attende de l’Église qu’elle se positionne et qu’elle s’exprime. Dans l’absolu, les représentants de l’Église peuvent répondre à certaines grandes questions sur la procréation, l’avortement, la fin de vie ou la sexualité, mais ces prises de position peuvent devenir blessantes si les personnes qui les reçoivent les interprètent comme des critères de jugement sur leur vie. En effet, il y a une différence entre l’idéal que nous pouvons promouvoir et la prise en compte de tous les cas particuliers et des situations concrètes que vivent les personnes que nous rencontrons.

Une parole absolue
Si l’on attend de l’Église qu’elle donne une réponse théorique idéale, alors elle ne peut que prôner le respect sans condition de la vie. Il serait choquant de comprendre que Dieu pourrait vouloir autre chose. Dans l’idéal, toute atteinte à la vie doit être évitée, ce qui explique les positions radicales sur l’avortement, l’euthanasie, ou la recherche médicale sur les embryons humains ; si l’on ouvre la boîte de Pandore et que l’on accepte par principe que la vie puisse devenir un objet et qu’elle n’a pas une valeur inaliénable, alors on risque au bout du compte d’en arriver à accepter l’inacceptable : l’eugénisme, la marchandisation de la vie, et toutes les dérives qui ont par exemple été mises en œuvre par le régime nazi, qui s’est arrogé le droit de juger de la valeur de la vie de personnes considérées comme inférieures ou inutiles.

Tu ne jugeras pas
Lorsque l’Église rappelle l’idéal, ce n’est pas un jugement, c’est une promesse, une direction, un cap proposé pour promouvoir le bon, le vrai, le beau. L’Église est constituées d’hommes imparfaits qui ont eux-mêmes besoin du pardon de Dieu dans leur vie. L’Église peut critiquer des attitudes, alerter sur des comportements, donner son avis sur des conduites à suivre, mais si elle s’autorise à juger les personnes, alors elle outrepasse sa mission, car le seul juge, pour le croyant, c’est Dieu, et son jugement n’est pas le même que celui des hommes. Le jugement des hommes est un jugement de condamnation et de punition, qui réduit la personne à ses actes et qui l’enferme dans ses erreurs. Le jugement de Dieu est une main tendue vers celui qui a chuté, c’est une promesse de guérison possible, d’avenir ouvert, de relèvement, de pardon et de progrès. Si l’Église se permet de juger alors que le Christ lui-même ne l’a pas fait lorsqu’il a rencontré des personnes en état de pêché, alors elle trahit ce Dieu qu’elle prétend servir et elle pervertit la Bonne Nouvelle qu’elle devrait annoncer.

Le respect absolu de toute personne
Accueillir la Bonne Nouvelle, c’est se sentir accueilli soi-même, malgré ses erreurs. Pour être capable de témoigner de l’amour de Dieu il faut se reconnaître pécheur pardonné, et avoir expérimenté le pardon plus fort que ses faiblesses ou ses péchés. Il est facile d’accueillir ceux qui vont bien, qui sont « dans les clous », qui traversent la vie comme un long fleuve tranquille, mais c’est plus difficile d’accompagner ceux qui traversent des difficultés, qui n’ont pas fait les bons choix, qui ont été blessés par la vie, qui ont été séduits par des dieux artificiels. Ce sont pourtant ces personnes qui ont le plus besoin de l’amour de Dieu que l’Église doit transmettre. Il pourrait être facile de les juger et de les enfermer dans des préjugés moralisateurs, mais cela ne ferait qu’augmenter leur malaise et leur mal-être. Être au service de la vie, c’est reconnaître que nous sommes tous de cette même pâte humaine fragile et faillible et que nous avons besoin de nous sentir soutenus, relevés, pardonnés. Être au service de la vie, c’est prendre à bras le corps celles et ceux qui sont dans la difficulté et leur offrir une espérance.

Une nouvelle morale
À la suite du Christ, l’Église et tous les chrétiens qui la constituent ont pour mission de rappeler l’idéal de promotion de la vie, en se rappelant que faire cela, c’est précisément ne jamais réduire la personne au pêché qui détruit sa vie, mais c’est au contraire l’aimer et lui ouvrir un avenir. Il ne s’agit pas de dire que le mal est comme le bien, mais de dire que le mal n’a pas le dernier mot et que toute personne, même celle qui a été engluée dans le mal, peut sortir victorieuse de ce combat.

Olivier