On n’associe pas toujours de manière évidente la religion à la liberté. Pour beaucoup de personnes la religion est synonyme de contraintes, de moralisme, de carcan. Pourtant il me semble que la fête que nous nous apprêtons à célébrer au début du mois d’avril peut nous donner à comprendre que la liberté est au centre de ce que les religions nous proposent pour nous aider dans notre vie.

Dieu nous libère
La fête de Pâque est célébrée dans la religion juive et dans la religion chrétienne. Pour les juifs, elle commémore le passage du peuple hébreu à travers la mer Rouge, symbole de libération de l’esclavage imposé par les Égyptiens. Pour les chrétiens, elle célèbre la résurrection du Christ, la victoire de l’amour contre la haine, la libération de l’esclavage de la mort. Ces deux fêtes sont fondatrices et structurent la vie des croyants. La plupart des psaumes de la liturgie juive ainsi que de nombreux écrits de la Torah, et donc du Premier testament dans la Bible chrétienne, font référence à cette libération opérée par Dieu qui se montre sensible aux souffrances du peuple hébreu. Pour les chrétiens qui célèbrent tous les dimanche la résurrection du Christ, il s’agit de faire mémoire de cette victoire de la vie et de découvrir que cette Bonne Nouvelle se réalise dans leur existence actuelle. Cependant, nous avons souvent la fâcheuse habitude de retomber dans une pratique étriquée et moraliste de la religion.

Liberté et les autres
La liberté à laquelle nous sommes invités ne signifie pas que nous devons faire tout ce que nous voulons, car la liberté ne doit pas se vivre au détriment des autres. Nous avons un critère simple de jugement sur les limites de notre liberté : « Est-ce que j’accepterais que quelqu’un me fasse ce que je m’apprête à faire ? » Donc être libre ne veut pas dire faire n’importe quoi sans tenir compte de ce qui nous entoure. Cette limite est importante, car nous sommes des êtres sociaux et nous vivons continuellement en relation et en interaction les uns avec les autres. Il s’agit de vivre avec de la morale, ce qui ne veut pas dire tomber dans un moralisme culpabilisant et mortifère. Les grands tabous et interdits (le meurtre, l’inceste, le viol, le vol…) n’ont pas pour objet de nous contraindre et de nous faire du mal, au contraire, ils sont des limites qui nous sont proposées pour mettre en œuvre notre liberté avec des repères et des guides qui nous aident à vivre avec les autres.

Liberté et désirs
Une autre limite à la liberté absolue découle de la compréhension de ce que nous appelons les désirs. La liberté à laquelle Dieu nous invite est une liberté éclairée, qui a besoin de discernement pour faire la part des choses entre les pulsions et les authentiques désirs et aspirations au bonheur. Nous pouvons facilement être esclaves de nos caprices et de nos pulsions. Il arrive même bien souvent que nous nous fassions du mal et que nous mettions notre existence en péril sous prétexte de recherche de plaisir. Les cas extrêmes sont les diverses addictions et conduites à risques, mais si nous prenons du recul, nous pouvons relire notre vie, nos actions, nos choix et découvrir que nous sommes parfois passés à côté du bonheur par aveuglement et que nous avons été esclaves de nos pulsions.

Liberté et renoncement
La liberté est parfois comprise comme la possibilité de pouvoir toujours tout faire, alors qu’en réalité faire des choses implique de faire des choix, et donc de renoncer à des possibilités incompatibles entre elles. Être libre ne veut pas dire rester à la croisée des chemins et n’en choisir aucun au nom de la liberté et du refus de renoncer. S’engager est source de bonheur et demande une grande liberté, mais cela implique aussi de renoncer et donc d’accepter de ne plus être libre de tout faire. Être libre ce n’est pas faire tout ce qu’on veut, mais c’est vouloir tout ce qu’on fait.

Liberté et bonheur
La liberté envisagée comme fruit du désir de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous devrait nous donner des ailes. Cela devrait nous aider à comprendre que Dieu ne cherche pas à nous enfermer dans des projets tout ficelés et déterminés, mais qu’il n’a qu’un désir pour nous, c’est que nous soyons heureux et que nous fassions le bonheur autour de nous. La toute-puissance que nous attribuons à Dieu n’est pas une puissance de contrainte, comme celle d’un marionnettiste qui nous obligerait à faire des choses contre notre propre volonté ; c’est une puissance d’amour qui ne cesse de vouloir notre bonheur et qui nous ouvre toujours un avenir en nous disant qu’il n’est jamais trop tard pour faire les bons choix et pour devenir plus libres.

Liberté et sainteté
Les enfants de Dieu que nous sommes devraient donc être des modèles de liberté vis-à-vis des pensées dominantes et des idées reçues ; des prototypes de personnes capables de s’engager authentiquement dans des relations sans craindre de perdre quoi que ce soit ; des exemples d’individus qui se reconnaissent pêcheurs pardonnés et qui ont le désir de partager la joie de ce pardon avec tout le monde ; des gens qui sont habités par la confiance de ceux qui se savent aimés quoi qu’il arrive et sans condition, et qui n’ont donc rien à prouver ou à gagner mais tout à recevoir et à partager. Nous sommes bien loin de cet idéal, mais nous y sommes tous appelés, et le drame n’est pas d’en être loin mais de renoncer à tendre vers l’idéal. C’est une autre manière de dire que nous sommes tous appelés à la sainteté, c’est-à-dire à la liberté des enfants de Dieu !

Olivier