La période politique qui s’ouvre devant nous est importante, elle va être marquée par les prochaines élections européennes, et entre en résonance avec la situation socio-politique sur toute notre planète. Il est de plus en plus difficile de se repérer et d’avoir des informations ou des idées vraiment objectives et impartiales. Chacun de nous est en permanence confronté à des choix. Comment se positionner en tant que citoyen, parent, croyant ? On voit bien que les mouvements politiques extrémistes et populistes ont le vent en poupe et que certains responsables politiques surfent allègrement sur cette vague, sans prendre la mesure du danger qu’ils font courir à humanité en ces temps où la solidarité et la fraternité devraient nous permettre de traverser les crises sociales, humanitaires, écologistes et éducatives qui nous attendent. Nous pouvons nous désoler de cet état de fait, mais nous pouvons aussi lutter contre cette facilité à ne penser qu’à court terme et de manière idéologique. Cela demande des efforts pour faire la part des choses et éviter les amalgames et les clivages qui ne servent que les intérêts électoralistes de certains sans servir le bien commun.

Manipulation
La grande difficulté pour nous qui ne sommes pas des spécialistes de la chose politique, c’est d’arriver à y voir clair alors que nous sommes souvent « enfumés » par des discours et des idéologies troubles, qui se targuent de nous faire entrer dans une pensée sans nuances qui a pour objectif de nous empêcher de réfléchir. Les plus flagrantes manipulations de ces derniers temps sont bien identifiées lorsqu’elles viennent du pouvoir autoritaire russe, mais il ne faudrait pas imaginer qu’il n’y en a pas d’autres tout aussi néfastes, bien que plus discrètes. Par exemple, on ne peut pas critiquer l’attitude du gouvernement de Benyamin Netanyahou qui attise la haine suite aux attentats perpétrés par des terroristes du Hamas sans être taxé d’antisionisme ou d’antisémitisme. Comme si l’État hébreu se réduisait à ce gouvernement entraîné dans une spirale de violence insensée, comme si le peuple israélien dans son ensemble cautionnait les exactions et les injustices infligées aux palestiniens de la Bande de Gaza. Critiquer cette escalade ne veut pas dire que l’on cautionne les actes terroristes et les prises d’otages ou que l’on prend parti pour la cause palestinienne. Mais si nous voulons préserver la paix et la fraternité, nous nous devons d’avoir une vision globale et libre qui nous permet de comprendre que la seule manière de lutter contre la violence est de savoir en déjouer les engrenages. Cela ne veut pas dire que les peuples n’ont pas le droit de se défendre, c’est légitime et hélas parfois nécessaire face à la barbarie et à l’injustice, mais la violence physique ne peut être qu’une solution à court terme qui doit céder le pas à d’autres étapes bien plus fructueuses, à savoir la négociation, la réparation, et au bout de chemin la réconciliation… voire idéalement le pardon. Nous en avons de magnifiques exemples dans notre histoire récente, en particulier avec ce qui a été mis en place suite à la Seconde Guerre mondiale. Qui aurait cru en 1940 que l’Allemagne et la France seraient les partenaires qu’elles sont devenues dans la construction de l’Europe ? Et les exemples ne manquent pas. En relisant notre histoire, nous pouvons trouver l’inspiration pour ne pas faire les mêmes erreurs et trouver des solutions qui évitent de voir souffrir des populations innocentes.

Enfumage
Il y a encore beaucoup d’autres situations où les clivages et les idéologies empêchent de bien réfléchir et d’avoir l’esprit libre et ouvert. Que l’on parle d’islam, de bioéthique, de migration, d’écologie, de précarité, d’éducation, d’économie, de justice… Sur tous ces sujets, les idées arrêtées et préconçues ont pour effet de suspendre les véritables débats, de brouiller les pistes et de nous inciter à rester figés dans des visions caricaturales aux conséquences dramatiques pour des personnes et des populations. De manière plus égoïste et même cynique, les conséquences sont importantes aussi pour nous, qui ne sommes apparement pas touchés directement par ces questions, car, à long terme, les choix – ou les non-choix – d’aujourd’hui auront un impact sur nos vies. Cela devrait nous inciter à promouvoir une authentique tradition du débat, de la réflexion et de l’information qui dépasse le sensationnel ou l’idéologie.

Ouverture
Parfois, à certains moments de l’Histoire, ou de notre histoire, les points de vue semblent irréconciliables. Ainsi, nous pouvons oser faire un parallèle avec les grands débats des débuts de l’histoire de l’Église chrétienne autour de la figure du Christ. Le cardinal archevêque de Marseille en a récemment éclairé les enjeux dans ses quatre catéchèses de carême à l’église Notre-Dame-du-Mont : avant d’en arriver à une expression claire et unanime, que nous affirmons de manière très apaisée tous les dimanches lorsque nous proclamons le Credo, les débats ont été passionnés, parfois même houleux et acharnés, clivants et violents, idéologiques et réducteurs. On s’est battu, verbalement et parfois physiquement, pour en arriver à comprendre qu’en Jésus il y a parfaite unité et liberté des deux natures humaine et divine. Au nom même du Christ qui est venu rassembler les femmes et les hommes en leur faisant comprendre qu’ils étaient tous enfants de Dieu, frères et sœurs, il y a eu des déchirures, des ruptures, des blessures. Il a fallu que des hommes prennent de la hauteur et sortent des logiques de concurrence pour aider leurs congénères à dépasser leurs divisions et leurs idéologies afin de vivre l’authentique fraternité qui n’est pas une uniformité de façade mais un enrichissement mutuel. Nous devons nous inspirer de ces attitudes d’intelligence et d’ouverture pour affronter les défis de notre temps. Il est facile d’aller vers ce (celui) qui nous est sympathique, agréable, familier. « Aller à la périphérie », comme nous y invite le pape François, est un exercice difficile, périlleux parfois, quand concrètement il s’agit d’écouter les points de vue des autres, de s’ouvrir à des arguments ou des logiques qui nous sont étrangères, voire hostiles. Le dialogue est plus qu’une posture, c’est quasiment un acte de foi car il nous sollicite profondément en tant qu’humain, frère ou sœur de celui ou celle qui ne nous ressemble pas et qui, malgré tout, nous maintient en relation. Nous pouvons essayer de trouver dans la figure du Christ une façon de gérer ces conflits : Jésus a une inclination particulière pour le dialogue, il ne refuse pas le débat, parfois violent, avec ses contradicteurs. Ensuite, il agit et se positionne avec une grande liberté vis-à-vis des rites, des codes, de la norme, de ce qui est « de bon ton » dans la société de son époque. Enfin, Jésus fait des choix radicaux et les assume, il ne se dérobe pas à l’heure critique. Que nos choix de citoyens, de parents, de croyants soient animés par un esprit de liberté, de paix et de fraternité.

Olivier