Le démarrage d’une nouvelle année avec des jeunes qui s’engagent dans l’animation aux service des plus petits est toujours un émerveillement. En particulier pour ceux qui ont la chance d’avoir connu ces nouveaux animateurs dans leurs jeunes années, puisqu’ils ont eux-mêmes été des enfants qui ont fréquenté l’Œuvre et y ont grandi. Quelle joie de voir un jeune prendre de l’envergure, devenir responsable et capable d’engagement, avec le désir de se tourner vers les autres et de rendre service. Beaucoup d’adultes désespèrent de la jeunesse et posent un regard très critique sur les comportements des adolescents de notre époque, mais ce n’est pas notre cas, car nous avons l’immense privilège de partager la vie de jeunes qui nous montrent un tout autre visage : ils sont reconnaissants pour ce qu’ils ont vécu et reçu dans le cadre de l’Œuvre, ils ont compris que le véritable sens de la vie n’était pas dans l’accaparement ou l’égoïsme, mais dans le don et le partage, ils ont découvert la joie de l’engagement et du service. Ils sont effectivement dans un monde difficile, marqué par l’incertitude quant à l’avenir de notre mode de vie, par une croissance infernale et par des enjeux qui leur interdisent l’insouciance qui est habituellement l’apanage de la jeunesse : dérèglement climatique, crises sociales, géopolitiques, sanitaires et financières, augmentation vertigineuse de la population mondiale, réduction ou épuisement des ressources naturelles, mouvements de population à cause des conflits armés et de la grande précarité. Et malgré ce contexte anxiogène qui pourrait entrainer le repli et l’égoïsme, et sur lesquels surfent des courants politiques et idéologiques irresponsables et cyniques, les jeunes restent capables de se révolter, de s’engager, de croire en l’avenir, en eux-mêmes et dans les autres.

Partage et gratuité
Pour ma part, je peux témoigner que cette expérience a été fondatrice pour ma vocation de religieux et de prêtre : j’ai compris, grâce à l’animation, que le véritable sens de la vie est dans le partage. J’ai découvert, en étant animateur à 16 ans, combien il y avait de joie à avoir une vie tournée vers les autres. Cette expérience m’a ouvert au discernement vers la vie religieuse et l’ordination comme prêtre. Jusque-là, les gens importants pour moi, et pour qui j’étais important, étaient les membres de ma famille proche, et Dieu sait qu’ils m’ont donné de l’amour et des repères par leur éducation. Avec ces racines profondes j’ai découvert le véritable visage de Dieu, sa bonne nouvelle et sa proposition d’une vie belle et épanouie habitée par la force de son amour. Mais, avec l’expérience de l’animation, j’ai eu l’impression d’ouvrir une porte et de découvrir le monde réel, non comme un monde dangereux et effrayant, mais comme un formidable lieu d’épanouissement, de découverte et de partage. Quelle explosion de sentiments positifs que de contribuer à la joie des jeunes, à leur épanouissement, à leur croissance ! Jamais ma vie n’avait eu autant de sens que dans cette expérience de l’engagement gratuit au service des jeunes de l’Œuvre. Après cela, j’ai cherché à mettre en œuvre dans mon existence cette nouvelle réalité : une vie n’a de sens que dans le don. Mais en écrivant cela je ne suis pas assez précis, car ce terme de « don » peut être compris comme unilatéral et ne rend pas témoignage à la véritable découverte : en fait celui qui donne reçoit plus que ce qu’il donne, surtout s’il est dans une démarche de don « gratuit ». La contrepartie, bien que non-financière, est largement plus grande que ce qui est donné. Il est donc plus précis de dire que la vie n’a de sens que dans le partage, en particulier quand il est sans calcul et sans arrière-pensée. C’est lorsqu’on décide de ne rien recevoir en échange que ce que l’on reçoit est le plus grand. Si tout le monde avait la chance de faire cette découverte, alors même les personnes les plus égoïstes feraient le choix d’une vie de partage, de solidarité et de fraternité, car ils y gagneraient le maximum, bien plus que dans la recherche des biens matériels, dans les plaisirs éphémères ou dans le pouvoir sur les autres.

Le véritable sens de la vie
À bien y réfléchir, l’égoïsme, le repli identitaire et la méfiance des autres sont des formes de pauvreté. Les personnes qui sont dans cette logique négative passent à côté de leur vie et de l’authentique sens de l’existence. Le Christ, Dieu fait homme, n’a eu de cesse de faire comprendre cela à l’humanité et a mis en œuvre cette réalité dans sa vie et dans toutes ses relations. Il nous dit que Dieu nous aime et désir pour nous une vie de partage et d’amour. L’Église a toujours eu à cœur de répondre aux urgences de son époque, et c’est l’origine de la création, en leur temps, des institutions de santé, d’éducation et de solidarité qui ont fait la fierté des chrétiens. Aujourd’hui la plupart des urgences humanitaires et sociales sont prises en charge par les institutions publiques, et c’est une excellente chose, mais pour la question du sens de la vie, du partage et de la fraternité, il y a une urgence à laquelle l’Église peut apporter une réponse et une contribution. C’est sur ces questions et leurs conséquences que les croyants sont attendus et doivent s’engager. Et comme par effet domino, les préoccupations de notre temps seront prises en compte, puisque par solidarité et par fraternité, l’humanité va trouver des solutions pour lutter contre les inégalités, la pauvreté, l’épuisement des ressources, la violence…

Olivier