En ce mois de décembre, nous entrons dans le temps de l’Avent qui prépare les célébration de Noël, la grande fête de la nativité du Christ, Jésus (« Dieu Sauve), Emmanuel (« Dieu avec nous »), prince de la paix. Et Dieu sait que notre monde a bien besoin de recevoir cette paix et son prince, tant notre actualité nous donne à assister, souvent impuissants, à la violence et à la guerre ; en Afghanistan, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, au Myanmar, en République démocratique du Congo, en Somalie, en Syrie, au Yémen, en Éthiopie, en Ukraine, dans le Haut-Karabakh… Une guerre et un drame nouveau effacent les précédents dans les médias, mais les violences se poursuivent et les victimes s’accumulent. Les raisons sont diverses, idéologiques ou économiques, souvent alimentées par la pauvreté, la frustration et l’injustice, mais le résultat pour les populations civiles est dramatique, les poussant à un exode risqué et contribuant à ajouter de la misère à la misère lors de leur arrivée dans des contrées où ils ne sont ni bienvenus ni bien accueillis.

Difficile solidarité
Le pape François, lors de sa venue à Marseille en septembre, n’a cessé de nous sensibiliser à cette question et nous invite à ne pas rester inactifs face à ces drames qui défigurent l’humanité. Mais comment agir dans le contexte de ces conflits qui ont des racines profondes et qui semblent insurmon-tables ? Il n’y a pas de solution miracle, mais nous pouvons nous associer les uns aux autres pour changer notre manière de nous comporter avec celles et ceux qui, autour de nous, proches de nous, traversent des épreuves. Une illustration frappante nous a été offerte lors de l’accueil des réfugiés ukrainiens au début de l’invasion de leur pays par l’armée russe : ils sont arrivés en masse aux portes de nos pays d’Europe de l’ouest, et pourtant leur prise en charge n’a pas été problématique. Certains diront que c’est parce que le choc culturel avec eux n’était pas trop grand, d’autres que c’est parce que nous pouvions nous identifier à eux alors que les rescapés qui viennent de l’autre côté de la Méditerranée nous semblent plus « étrangers », il n’en demeure pas moins que nous avons su être solidaires et contribuer, chacun à notre mesure, à l’accueil et à la solidarité. Nous le voyons aussi lors des catastrophes et des grands accidents : nous sommes capables de fraternité et même de sacrifices dans ces cas d’urgence. Il ne faudrait pas grand chose pour que le partage des richesses soit plus équitable entre les pays riches et ceux en cours de développement ou encore « pauvres », mais nous ne sommes ni prêts ni motivés pour des engagements à moyen et long terme. La sobriété heureuse à laquelle certains nous invitent va dans ce sens, mais nous ne sommes pas encore parvenus au point d’y consentir collectivement.

Jésus nous ouvre la voie
L’incarnation de Dieu en Jésus peut nous aider à comprendre ce qu’il nous invite à mettre en œuvre. Jésus, hormis les miracles qui sont relatés dans les Évangiles et qui ne sont pas très nombreux, n’a pas eu un pouvoir de décision et d’action énorme en son temps. Il n’a pas créé une ONG ni fondé une famille missionnaire, cependant il nous ouvre une voie pour affronter les questions du mal, de la souffrance, de l’injustice et de la mort. Il ne s’est pas dérobé face à ces grands drames qui marquent l’humanité et nous bouleversent. Sa manière de les combattre a été de se faire proche de celles et ceux qui en étaient victimes, d’abord pour leur signifier sa proximité, sa sollicitude. Il a été plus loin dans la solidarité avec les pauvres et les exclus : il a partagé leur condition, il a souffert le rejet et l’exclusion, il a été trahi, condamné, torturé et tué. Il a porté cette misère du monde qui défigure tant de nos frères en humanité, et avec eux il a été victorieux du mal de la mort, il est sorti vivant du tombeau, il est ressuscité. En Jésus, Dieu se fait l’un de nous pour nous faire comprendre que nous sommes capables de vivre comme lui, de vaincre le mal, de refuser l’engrenage de la violence, de transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, capables d’aimer plus que de haïr, capables de solidarité plutôt que de replis sur nous-même.

Changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair
Face aux drames qui marquent notre actualité, tout cela semble bien gentil, mais loin de pouvoir inverser le mouvement de violence et d’injustice qui semble d’une puissance inéluctable. Cependant nous ne pouvons justifier notre inaction par l’énormité de ce qu’il faudrait faire. Chacune et chacun à notre mesure, dans le contexte qui est le nôtre, nous pouvons nous laisser inspirer par le prince de la paix dont nous célébrons l’avènement à Noël. Nous pouvons nous rendre solidaires de celles et ceux qui sont nos prochains les plus fragiles et les plus pauvres, nous pouvons partager de notre superflu, et même peut-être de notre nécessaire. Nous pouvons travailler à changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. Nous pouvons aider notre monde à comprendre que les solutions de repli et de haine sont dictés par la peur et l’ignorance mais qu’ils ne sont pas une solution face à l’injustice et à la misère. Nous pouvons être des signes de fraternité et de paix en ces temps troublés et incertains.

Olivier