Nous entendons certains responsables politiques et des éditorialistes revendiquer des postures et des idées au sujet de grands sujets de société en se référant au message chrétien. Je ne veux pas prendre de position politique dans cet humble journal de l’Œuvre, mais je m’offusque de cette récupération et de cette trahison de la pensée chrétienne. Comment ces personnes osent-elles instrumentaliser l’Évangile et lui faire dire l’exact contraire du message de Jésus ?

Instrumentalisation
Dans l’histoire, on a déjà vu cette récupération des prétendues valeurs chrétiennes mises au service d’un discours de haine, de replis identitaires et de rejet de l’autre. De tout temps il y a eu la tentation d’instrumentaliser le discours religieux pour justifier des idées politiques et sociales. Si les responsables religieux n’ont pas de consigne de vote à donner et doivent respecter la laïcité en refusant d’exposer et d’imposer leurs idées politiques, ils se doivent de réagir quand les textes fondateurs et la pensée de leur religion sont trahis et pervertis à des fins électoralistes. Les gens ont le droit de penser ce qu’ils veulent. Ils ont la liberté d’avoir des idées et des projets nationalistes, et mêmes xénophobes, tant qu’ils ne poussent pas à la haine et à la violence, mais honte à ceux qui cherchent à justifier ces idées au nom de la religion !

Fidélité
Le Christ n’a eu de cesse de faire comprendre que Dieu venait rassembler les gens comme les membres d’une même famille, avec une prière qui résume ce projet : le « Notre Père ». Tous les hommes sont invités à se reconnaître enfants de Dieu, donc frères et sœurs de tous. Le Christ s’est battu contre les responsables des autorités juives de son temps pour briser le mur de mépris et de haine construit autour d’une interprétation rigide des lois de pureté et de pratiques religieuses. Avec Jésus nous ne pouvons pas utiliser la pratique religieuse comme un critère de jugement sur les personnes. Il a très souvent mis en avant des personnes méprisées par les « bons croyants » de son temps : les malades, les pauvres, les prostituées, les handicapés, en disant que ces personnes étaient premières dans le royaume de Dieu. Et il a rabaissé les prétendus « bons pratiquants » en leur faisant comprendre que la pratique consistait aussi à mettre en œuvre dans son existence concrète la loi d’amour et d’ouverture proposée par Dieu.

Noël
À Noël nous avançons encore davantage dans la compréhension du projet de Dieu : en Jésus il s’identifie aux plus petits, aux méprisés, aux exclus. Il se fait proche de tous afin que personne ne puisse se penser indigne que Dieu vienne partager sa vie. Et s’il s’identifie à nous, c’est pour nous inviter en retour à nous identifier à lui, c’est-à-dire à essayer de vivre comme il a vécu : dans la fraternité, l’ouverture aux autres, l’engagement au service des plus petits, la lutte contre les injustices, le soin des malades… Car c’est au cœur du drame humain que Dieu s’incarne à Noël. Nous avons fait de la crèche un symbole joyeux et paisible, mais pour la famille de Jésus c’est une tragédie : Marie est une jeune femme enceinte hors mariage, en exil avec le père de leur futur enfant dans une ville où ils sont étrangers, ils ne trouvent pas de lieu pour les accueillir alors qu’elle doit enfanter, ils se retrouvent dans une bergerie sans personne pour les prendre en charge lorsqu’elle donne naissance à Jésus. Après l’accouchement ils devront se faire migrants pour fuir la haine d’Hérode qui fait massacrer tous les nouveau-nés dans la région de Nazareth… Nous sommes loin des décors provençaux et bucoliques de nos crèches qui nous racontent une gentille histoire…

Au nom du Christ
Les chrétiens sont invités à agir au nom du Christ, c’est leur vocation. Il ne s’agit pas de leur faire croire qu’ils peuvent se prendre pour le Christ et qu’ils ont atteint la perfection du simple fait de leur baptême, mais plutôt qu’ils ont un idéal qui peut leur servir de boussole pour agir et faire des choix : « Si le Christ était à ma place, que ferait-il ? » Nous sommes donc invités à rester fidèle aux attitudes du Christ, et non pas à ce que les hommes ont fait du christianisme tout au long de son histoire, car de tout temps il y a eu la tentation de transformer l’Église en un instrument de pouvoir et de pression sur les consciences, qui a été utilisé pour justifier des actes contraires au projet chrétien, mais qui arrangeaient bien les hommes au pouvoir. Agir au nom du Christ, ce n’est pas une posture idéologique, c’est un engagement au service de plus de fraternité, de justice, de paix, d’amour. Cet idéal n’est pas à notre portée, nous devons être d’une extrême humilité lorsque nous nous engageons dans cette voie, mais nous nous devons de garder le cap et de n’avoir de cesse de nous convertir pour répondre à cette vocation, à cet appel. Ce n’est pas parce que l’idéal chrétien est hors de notre portée que nous devons lui tourner le dos… Nous ne sommes pas livrés à nos propres forces, nous sommes rejoints par Dieu lui-même qui se fait proche de nous en Jésus, qui se fait présence en nous par l’Esprit Saint.

Olivier