Depuis les débuts de l’Œuvre, Jean-Joseph Allemand, son fondateur, a proposé que la solennité de l’Épiphanie soit la plus grande fête pour les jeunes qui fréquentent la maison. Nous la célébrons encore de nos jours avec fidélité, et nous lui donnons un sens qui peut accompagner les jeunes vers une meilleure compréhension de ce que Dieu vient vivre avec chacun de nous en se faisant proche par l’humanité de Jésus.

Union entre le ciel et la terre
À Noël, nous comprenons que Dieu vient habiter notre terre, qu’il noue une relation avec nous, non pas en surplombant notre humanité – soit par le jugement soit par la condescendance – mais en venant partager notre condition, en choisissant de s’identifier aux plus petits, aux plus pauvres et aux plus méprisés. Ainsi aucune femme ni aucun homme ne peut penser qu’il est indigne de la rencontre avec Dieu, puisqu’il a fait le choix de ne pas mettre de distance morale ou sociale avec les personnes qu’il a rencontrées. Dans les récits de la nuit de Noël, ce sont les bergers, les plus bas dans l’échelle sociale de l’époque de Jésus, qui sont montrés comme prenant le relais des anges, les plus haut placés dans la hiérarchie céleste, pour annoncer la naissance du Messie, et pour chanter sa gloire aux personnes venues découvrir ce qui se passait dans l’étable de la nativité. Symboliquement, il n’y a plus de séparation entre le monde de Dieu et le monde des hommes, entre le ciel et la terre, entre le haut et le bas.

Union entre les hommes
À l’Épiphanie, ce sont des mages venus d’Orient – des savants étrangers – qui viennent rendre hommage à Jésus comme prince de la paix. Ils lui offrent des cadeaux en signe d’adoration, et par leur présence, nous donnent de comprendre que le message de Dieu incarné dans l’enfant de la crèche est universel et qu’il abolit les murs de séparation entre les hommes. Jésus, tout en étant un enfant juif, né dans une famille juive et totalement pétri de la foi biblique, nous montre que la vocation du peuple hébreu, aujourd’hui comme hier, est d’être un signe de l’alliance de Dieu avec toute l’humanité, alliance qui ne se réduit pas au peuple juif ou aux bons pratiquants. On peut dire la même chose de l’Église catholique : sa vocation est d’être le signe et le moyen de la relation de Dieu avec tout le monde, sans aucune limite. Elle n’a pas pour vocation de se préoccuper de son fonctionnement ou de sa survie, elle doit être focalisée sur l’accompagnement de la rencontre de l’humanité avec Dieu qui fait le premier pas vers elle. Pour Dieu, nous sommes tous des filles et des fils d’adoption, aimés et accompagnés, guidés et encouragés, appelés à répondre à son alliance en mettant l’amour au cœur de notre vie et dans nos relations avec les autres.

Mise en œuvre pour nous aujourd’hui…
Pour les jeunes de l’Œuvre, cela peut se déployer de diverses manières dans leur vie. Entre autres, en les invitant à comprendre qu’il n’y a pas plusieurs dieux, mais un seul, qu’il est le même pour tous, et que toutes les religions, à leur manière, avec des textes, des rites et des discours différents, sont des moyens pour aider les hommes à mieux comprendre Dieu et à entrer en relation avec lui. De ce fait les jeunes peuvent comprendre que les guerres de religions n’ont pas de sens et qu’il ne devrait pas y avoir de concurrence entre les croyants, sauf celle de la charité ; comme le disait un aumônier juif lors d’une rencontre interreligieuse avec des jeunes : « Si tu veux me prouver que ta religion est la meilleure, alors montre-moi ce que tu fais de bien pour les autres, c’est cela seul qui compte aux yeux de Dieu, et sûrement pas de te battre contre les autres en son nom ! »
Autre éclairage pour les jeunes de l’Œuvre, grâce aux fêtes de la Nativité et de l’Épiphanie : l’accueil du pauvre et de l’étranger. Ils sont présents dans ces récits et leur place est mise en valeur de manière très insistante pour nous faire comprendre que c’est un véritable choix de la part de Dieu. Il désire que tout le monde se sente en capacité d’être rejoint par lui, surtout ceux qui seraient pointés du doigt comme indignes, exclus ou trop mauvais. Personne n’est indigne de la relation et de l’amour de Dieu qui ne fait pas de frontière entre les hommes. Pour nous, cela veut dire que nous nous devons d’être les instruments de ce désir de Dieu de signifier la dignité de toute personne et de travailler à la fraternité universelle sans exclusion. Si nous faisons partie d’un groupe, d’une communauté, d’une religion, d’une Église, ce n’est pas pour nous séparer des autres et mettre des frontières entre nous, c’est pour mieux nous donner les moyens de comprendre et d’expérimenter la fraternité afin de pouvoir lui donner une dimension universelle.
Encore un autre éclairage qui peut nous guider dans toute notre vie, c’est l’abolition de la séparation entre le monde de Dieu et le monde des hommes. Nous ne sommes pas des individus cloisonnés, ni entre nous ni en nous. La dimension spirituelle et religieuse n’est pas séparée de la dimension sociale et politique de notre existence. Les deux registres, bien que très différents, interagissent et sont les deux mouvements d’une même respiration. Notre relation à Dieu nous donne de nous transcender et de donner un sens à notre existence en comprenant qu’elle est unique, impérissable et précieuse, car nous sommes aimés de manière absolue ; et notre relation aux autres est le lieu de la mise en œuvre concrète et incarnée de cet amour. Notre réponse à l’amour reçu de la part de Dieu, c’est d’aimer à notre tour toutes celles et tous ceux qu’il nous est donné de rencontrer au long de notre parcours de vie.

Olivier