Lors des baptêmes, les chrétiens sont appelés à devenir prêtres, prophètes et rois. C’est une manière de dire qu’ils ont pour vocation de se laisser configurer au Christ, qui lui seul réalise pleinement cette vocation dans tout son être. La prière, l’annonce et le service, sont les fonctions des prêtres, des prophètes et des rois, et nous sommes invités à les mettre en œuvre dans nos vies.
Entendre les prophètes
Parmi nous il y a des personnes qui ont pour mission d’incarner plus particulièrement l’une ou l’autre des ces fonction de manière très radicale. C’est évident pour les prêtres ordonnés par l’Église, et qui ont leur équivalent dans toutes les religions. C’est aussi le cas pour les rois, ceux qui servent, qui gouvernent, que ce soit dans les structures civiles, professionnelles, religieuses ou associatives. Mais il me semble que notre monde manque cruellement de personnes qui incarnent la fonction prophétique. Il y a bien des lanceurs d’alerte et des personnes engagées qui essayent de faire entendre leur voix face aux rouleaux compresseurs idéologiques, commerciaux ou médiatiques, mais ils ne sont pas audibles ou entendus. Nous sommes tellement submergés d’informations et de discours de tous ordres qu’il est difficile d’avoir de véritables critères de jugement pour discerner le vrai du faux. Tout est mis sur le même plan : les paroles justes, équilibrées et prophétiques sont noyés dans le flots des idées toutes faites et des fausses informations.
Écouter les prophètes
Pourtant notre monde à grand besoin de ces voix qui nous permettent de mettre en perspective nos actions et nos choix. Nous avons trop souvent tendance à suivre la pensée unique et à nous laisser porter par des idéologies qui cachent leurs intentions mais portent des fruits de destruction et de déshumanisation. Comment se fait-il que nous soyons aussi indifférents aux injustices de notre monde et aux enjeux pour l’avenir, alors même que nous avons la prétention de faire partie d’une civilisation qui a grandi en liberté et en maturité ? Nous avons des moyens techniques et technologiques extraordinaires, nous accomplissons des merveilles scientifiques et nous sommes riches d’une pensée philosophique élaborée, mais nous sommes encore trop souvent aveugles au sujet de ce qui ne tourne par rond dans le monde. Nous sommes encore moins capables de prendre les décisions qui s’imposent et qui ne nous coûteraient pas énormément pour des résultats qui pourraient changer la face de la terre. Pourquoi sommes-nous sensibles aux invitations matérialistes et mercantiles des influenceurs de toute sorte, et cependant incapables d’entendre les cris de celles et ceux qui réclament plus de justice, de solidarité et de fraternité ?
Devenir des prophètes
De tout temps les prophètes ont été combattus et persécutés, car leur parole libre et vraie dérangeait. De nos jours, il n’est plus besoin d’attaquer les prophètes car ils ne sont tout simplement pas audibles. Comme Jean le baptiste, ils sont une voix qui crie dans le désert… Mais pour reprendre cette grande figure prophétique, nous pouvons avoir l’espérance de voir des fruits émerger de cette apparente stérilité. La mission prophétique nous concerne tous. Si les prophètes ne sont pas entendus de nos jours, peut-être qu’il faut simplement laisser émerger le prophète qui est en chacun de nous. Nous avons la capacité de discerner ce qu’il faudrait faire pour que notre vie ait plus de sens et pour que l’existence des autres soit meilleure. Pour cela il suffit de nous rendre attentif à notre intériorité – avec des mots chrétiens nous dirions à l’écoute de l’Esprit Saint qui habite en nous – et alors nous saurons prendre les bonnes décisions et trouver les bonnes attitudes pour changer le monde de l’intérieur. C’est une manière de concevoir la conversion : comprendre et croire que nous sommes véritablement habités par l’Esprit de Dieu qui nous éclaire. Ce ne sont pas nos ventres, nos peurs ou nos pulsions qui doivent nous diriger, mais cette capacité d’amour de Dieu présente en chacune de nos vies qui peut nous aider à bien discerner… Il faut bien sûr que cette capacité à prendre les bonnes décisions soit régulée par une conscience éclairée, et pour cela nous ne devons pas rester seuls pour discerner, car il y aurait un risque : nous pourrions prendre nos désirs pour la volonté de Dieu. L’insistance du pape François sur la synodalité était une sauvegarde contre ce risque : c’est en communion avec ceux qui nous entourent, en relisant l’histoire de notre monde et en prenant en compte les connaissances et les expériences des autres que nous avancerons dans la vérité. Nous sommes invités, dans la dynamique de la fête de la nativité, à incarner personnellement et collectivement la Bonne Nouvelle. Une sacrée mission…
Olivier