Il y a plus d’un mois, au cœur de la nuit de Pâques, alors que nous étions à la fête après la veillée pascale qui célébrait la victoire de l’amour de Dieu face à la mort, nous avons été rattrapés par le drame de l’explosion, de la déflagration et de l’effondrement d’immeubles dans la rue de Tivoli, à 100 m à vol d’oiseau de l’Œuvre. La violence du choc, physique et émotionnelle, a laissé place à la sidération dans le quartier qui va rester longtemps marqué par ce traumatisme.

Vie & mort
Ce choc des symboles, vie/mort, joie/drame, espérance/désespoir a donné suite à d’autres chocs symboliques avec des réactions très contrastées, de peur et de solidarité, de colère et de fraternité, de résignation et de recherche de responsables… Réactions naturelles, qu’il nous faut accepter sans jugement, et qui nous renvoient à nos propres réactions face à la question du mal, de la souffrance, de la mort. Pour notre part, comme voisins proches de l’épicentre du drame, nous avons été témoins de la grande solidarité et du besoin de soutien. Dès l’effondrement de l’immeuble du 17 rue de Tivoli, un certain nombre des amis du quartier ont trouvé refuge chez des amis ou des voisins qui n’ont pas hésité à accueillir les personnes délogées. Nous avons aussi été témoins du soin pris à la recherche des victimes, à la mise en sécurité des habitants des immeubles fragilisés, à la prise en charge des résidents ne pouvant rentrer chez eux. Contrairement à ce que l’on voit souvent dans les scénarios de films et de séries catastrophe, la réaction la plus répandue a été l’entraide, et c’est plutôt rassurant. C’est aussi ce que nous avons ressenti lors de la veillée de prière organisée dans l’église paroissiale St-Michel le lundi soir. Nous étions nombreux, ressentant le besoin de nous retrouver pour partager la peine, l’effroi, mais aussi l’espérance et la solidarité. Nous ne pouvions pas faire grand-chose au niveau matériel, mais cette fraternité et ce temps de prière ont été importants pour les habitants du quartier qui savent qu’il faudra des années pour que la rue Tivoli et ses environs fassent le deuil de ce drame.

Prière & action
La force de la prière et de la foi n’est pas du même ordre que l’action physique, mais elle est tout aussi importante. Tout comme les soins physiques et médicaux sont indispensables à la guérison d’une maladie ou après un accident, la proximité de ceux que l’on aime et qui nous apportent un soutien fraternel et affectif est essentielle à la guérison et au rétablissement. La foi est de cet ordre-là, et il ne faut pas la négliger ou la mettre en opposition avec l’action matérielle indispensable. Elles sont complémentaires. Elles sont les deux battements d’une même respiration, et notre vie trouve son équilibre dans ce double mouvement d’action et de méditation, de prière et de gestes physiques. Nous retrouvons cette symbolique dans l’incarnation de Dieu en Jésus : le plus spirituel, le divin, se fait homme, prend chair, devient totalement physique. Et nos propres vies, au premier abord strictement charnelles et physiques, se révèlent temples spirituels et ouverture au transcendant.

Ombre & lumière
C’est bien au cœur de la nuit de Pâques que nous avons vécu le drame de la rue Tivoli. Au milieu de l’obscurité de la mort et du désespoir, surgit la victoire de la vie et de l’amour. Ce n’est pas se bercer d’illusions ou vivre au pays des bisounours que de s’engager dans la lutte contre le mal en prenant le contre-pied de la violence et de la vengeance. Le Christ a véritablement vécu et traversé la souffrance, l’abandon, la violence et la mort ; ils n’ont pas été édulcorés par sa condition divine, mais il les a vaincus. Et nous aussi, qui sommes marqués par les difficultés de la condition humaine, nous sommes associés à la victoire du Christ, lui qui s’est fait homme, et nous sommes invités à combattre le mal par notre présence, notre fraternité, notre compassion, notre amour. Face à la souffrance et à la mort, nous ne pouvons donner d’explications, qui deviendraient des justifications du mal, mais notre constance et notre proximité sont notre manière de le combattre à la racine.

Compassion universelle
Une autre dimension que nous pouvons vivre après cet accident, c’est la compassion avec les drames qui touchent notre monde et qui cependant nous impactent moins parce qu’ils sont éloignés. Quand nous voyons ce que représente la perte brutale d’êtres chers ou de nos voisins, quand on est sidéré par la violence des explosions, des déflagrations et des effondrements, quand on est face au désarroi de celles et ceux qui perdent tout, on prend conscience de ce que vivent les personnes en zone de guerre ou au cœur des catastrophes naturelles. On imagine la force de vie et d’espérance qui doit se déployer dans le cœur des victimes et des personnes qui les aident pour lutter contre la fatalité et l’abandon.

Olivier