Parmi les objectifs de la mission de l’Œuvre et de la pédagogie mis en pratique dans nos maisons, il y a la promotion de la liberté. Avec les semaines de confinement que nous vivons, privation de liberté parfois difficile à supporter, nous avons sans doute une meilleur compréhension de la chance que nous avons d’être libres. Ce n’est pas l’apanage de l’Œuvre de promouvoir la liberté, puisque tout acte éducatif doit avoir pour but d’aider les personnes à découvrir ce que c’est qu’être libre. Dans le cadre de l’année du bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à St-Sa, nous poursuivons notre réflexion sur notre mission.

Qu’est-ce que la liberté ? Si l’on croit que la liberté consiste à faire tout ce qu’on veut, alors on risque d’aboutir à promouvoir le caprice et le nombrilisme. En effet, tout ce que l’on veut n’est pas toujours bon, ni pour nous ni pour les autres. Il y a des pratiques, des consommations ou des activités qui sont attirantes, qui procurent une certaine jouissance, qui sont fascinantes, et qui cependant sont dangereuses. Si nous écoutons toujours nos envies nous risquons de devenir esclaves de nos pulsions, ce qui est l’inverse de la liberté. Promouvoir la liberté consiste à éduquer les jeunes pour qu’ils sachent discerner ce qui est bon pour eux et pour ceux qui les entourent, et pour qu’il se donnent les moyens de découvrir quel est leur réel désir.

Savoir faire des choix

Être libre, ce n’est pas faire tout ce qu’on veut mais c’est savoir choisir. Une image peut nous aider : dans un rond-point il y a le choix entre plusieurs routes. La liberté peut être comprise comme la possibilité offerte de toutes ces directions multiples, et elle serait amoindrie si l’on faisait un choix, puisqu’il faudrait renoncer aux autres routes possibles ;  « être libre » nous inciterait à « tourner en rond » avec la fausse satisfaction d’avoir toujours autant de possibilités devant nous. Il est une autre conception de la liberté : c’est la capacité de faire un choix et donc de renoncer, en connaissance de cause et en se donnant les moyens de discerner pour faire le meilleur choix possible. Il y a un paradoxe apparent dans cette conception, car être libre c’est savoir choisir, et donc accepter de renoncer à une part de liberté.

Oser s’engager

Lorsque l’on fait un choix réfléchi, on s’engage totalement, sans regret, avec tout son être, en se donnant les moyens de la réussite. Il n’est pire erreur que de prendre un chemin et de passer son temps à regretter les autres voies possibles, cette attitude est vouée à l’échec. La tentation de penser que « l’herbe est plus verte dans le pré du voisin » est grande ; c’est une illusion car, vues de loin, les choses peuvent sembler plus faciles alors que la réalité n’est jamais idéale. La seule manière de dépasser les crises, c’est de les traverser et de regarder en avant. Mais cela ne doit pas être un dogme…

Le droit à l’erreur

Cette compréhension de la liberté peut faire peur car lorsqu’on emprunte une voie on tourne le dos à d’autre chemins possibles. Que se passe-t-il si l’on se rend compte que l’on fait fausse route ? Il est évident que tenir coûte que coûte alors que l’on va droit dans un mur est dangereux. Parfois il faut avoir la lucidité de comprendre qu’il faut changer de voie, que l’on s’est trompé, que la route que l’on suit n’est pas une autoroute mais un sentier qui se trace au fur et à mesure de l’avancée et qu’il faut redresser la barre ou carrément changer de direction. Il ne s’agit pas de tout remettre en cause à la moindre difficulté ou à la moindre crise, mais il faut savoir prendre du recul pour regarder l’itinéraire de notre vie et discerner si la direction prise est toujours la bonne. Il n’est jamais trop tard pour se convertir.

Éduquer à la liberté

Chaque vie est unique. « Il est du devoir de chacun de prendre en considération qu’il est au monde unique en son genre et qu’aucun homme pareil à lui n’a existé dans le monde car, si un homme pareil à lui avait déjà existé dans le monde, il n’aurait pas lieu d’être au monde », dit Martin Buber. La mission de l’Œuvre est d’éduquer à la liberté. Expression qui peut paraître étrange si l’on réduit l’éducation à l’apprentissage ou à l’imitation. Mais en réalité l’éducation vise à faire grandir l’autre pour qu’il advienne à sa véritable personnalité, car personne n’a de modèle à imiter. Disciples du Christ, nous sommes invité à veiller à ce que tous ceux que nous rencontrons grandissent en liberté.

Olivier