Depuis plus d’un an, l’Église catholique, à l’initiative du pape François, est engagée dans un grand processus de réflexion. Le sujet de ce travail est la synodalité, un mot compliqué pour exprimer l’importance d’avoir un fonctionnement qui ne soit pas pyramidal et hiérarchique, mais selon lequel tout le monde est responsable et a une égale dignité, où tout le monde marche ensemble, en communion. L’objectif affiché par le pape est de faire en sorte que la lutte contre ce que l’on appelle le cléricalisme soit le combat de tous et non pas une décision qui viendrait d’en haut, ce qui alimenterait ce qu’il désire contrecarrer. Tous les chrétiens sont donc invités à prier, à réfléchir en groupe, à poser un regard objectif, critique et bienveillant sur la manière de vivre en Église, à faire des propositions afin que l’Église assume sa mission avec plus de fidélité à l’Évangile et au Christ.

Fidélité à l’Évangile
J’ai eu la chance d’être témoin et participant de plusieurs partages autour de ces questions, et j’ai compris que cette initiative du pape était bienvenue, en particulier en France après les diverses critiques faites à l’encontre de membres de l’Église qui se sont montrés capables des pires abominations envers des enfants, des femmes ou des personnes vulnérables, qui ont été manipulés, sous emprise, blessés dans leur âme, leur esprit ou leur chair. Cette Église qui parfois se permet de rejeter et de condamner les individus en outrepassant sa mission, qui ne consiste pas à juger mais à accompagner, relever, aimer et transmettre le pardon de Dieu. Il est juste de rappeler que l’Église est constituée d’être humains faillibles et fragiles, mais nos contemporains ont raison de vouloir que l’Église soit plus fidèle à ce qu’elle a pour charge d’annoncer et de vivre, surtout s’ils ont l’impression d’être parfois regardés de haut et méprisés par une élite. Il est aussi essentiel que tous les chrétiens puissent véritablement se sentir partie prenante de l’Église qui n’est pas une hiérarchie ni une structure autosuffisante, mais un peuple, une communauté, une famille. Je crois que le rêve du pape est que personne ne puisse se sentir étranger à l’Église qui a pour vocation de rassembler toute l’humanité et qui symbolise le projet de Dieu : nous faire vivre la fraternité universelle.

La fraternité
Dans les diverses rencontres que j’ai vécues autour de cette question, la conclusion fréquente est une invitation à revenir à l’essentiel de l’attitude de Jésus Christ qui nous montre le chemin : vivre avec les autres en fraternité et avoir le souci des plus petits et des plus pauvres. Si l’Église à une mission à remplir, c’est avant tout d’être le signe de ce qu’elle propose : montrer ce qu’est le monde selon le désir de Dieu. Il s’agit d’un monde où nous sommes tous frères, capables de nous réjouir de nos différences en les considérant comme des richesses et non comme des occasions de jalousie ou de concurrence. Un monde dans lequel il n’y aurait pas d’indifférence ni de mépris, un monde dans lequel les injustices seraient révoltantes et la solidarité la norme. Dire cela peut sembler utopique et naïf, mais si l’Église n’est pas le lieu où l’on cherche à vivre cet idéal, alors elle sera une institution comme les autres, qui sera centrée sur son fonctionnement et sa survie.

L’option préférentielle 
pour les pauvres
L’autre boussole que nous sommes invités à garder comme priorité absolue, c’est ce que la tradition de l’Église appelle « l’option préférentielle pour les pauvres », qui en fait n’est pas une option mais une obligation : le Christ a fait ce choix premier de partager la vie des pauvres et de se faire proche des blessés de la vie. Comme incarnation de Dieu, il nous indique que l’Église est authentiquement fidèle à la tradition lorsqu’elle prend le même chemin. Le regard de Dieu se pose en priorité sur ceux qui ont le plus besoin d’être aimés et encouragés : on le découvre dans l’histoire de sa relation avec l’humanité, incarnée par l’élection du peuple juif et l’alliance du Seigneur qui reste fidèle à accompagner ce peuple vers plus de liberté et de paix. Pourtant l’histoire nous montre que cela n’a souvent pas été la réalité et que l’institution catholique a tourné le dos à sa mission en se compromettant avec le pouvoir et la richesse, ou, plus récemment, en ne prenant pas en compte les blessures infligées aux plus petits par des prêtres ou des religieux. Si l’Église veut rester vivante et dynamique, il lui faut être fidèle au Christ et décider de manière absolue que la priorité doit aller au souci des plus petits et des plus pauvres. Pour cela il nous faut découvrir ceux qui sont les petits et les pauvres de notre temps, ceux qui sont mal vus, rejetés, laissés pour compte, méprisés : ils ne sont les mêmes aujourd’hui que ceux du temps de Jésus. Nous pouvons rêver d’une Église qui se donnerait pour critère de discernement la priorité pour les plus petits et les plus pauvres, cela pourrait éclairer tous ses choix et ses actions.

L’Œuvre, lieu d’Église
Il me semble que l’Œuvre, lieu de vie englobant la dimension spirituelle, le vivre ensemble et l’accueil des diverses composantes du quartier, est un lieu d’expérimentation de la fraternité, fragile certes, qui a connu des échecs et qui en connaitra encore… Tout cela se travaille au quotidien, par le dialogue, le respect et la bienveillance et en relisant ce qui est vécu sous le regard de l’Évangile afin de garder la bonne inspiration et le bon cap, pour que chacun puisse se réajuster à lui-même, à Dieu, aux autres.

Olivier