Lorsque que l’on parle de religion, les chrétiens sont souvent dans une situation inconfortable car ils ne se reconnaissent pas dans les définitions habituellement établies. Ils n’ont pas le sentiment d’appartenir à un groupe spécifique mais ils sont invités à se comprendre en communion avec toute l’humanité. Les chrétiens ne sont pas séparés ni au-dessus des autres, mais ils partagent la condition de toute personne humaine, avec ses grandeurs et ses médiocrités. S’ils ont une mission particulière, ce n’est pas comme une élite, un lobby ou un groupe d’influence, mais comme un signe de ce à quoi est destinée toute l’humanité, sans restriction. Ce signe, c’est que toute personne est appelée à se découvrir divinisée. Pour les chrétiens, l’Église préfigure le chemin et l’avenir de tout le genre humain ; elle est universelle, elle ne se limite pas à l’institution officielle, ni aux seuls chrétiens baptisés, elle est le peuple de Dieu, elle englobe tout le monde.

Consentir à Dieu
C’est le message de l’existence terrestre du Christ : Dieu incarné, verbe divin fait chair, il vient à la rencontre de toute personne, en particulier des plus petits, des plus pauvres et des plus méprisés, pour leur dire qu’il est leur frère et qu’ils sont eux aussi fils de Dieu, aimés et ayant du prix aux yeux du créateur. Ils n’ont pas à mériter cette adoption, mais seulement à y consentir. Pour Dieu, il n’y a pas de différence entre les personnes, il dépasse largement les séparations que nous savons trop bien faire entre nous, différences de culture, d’aspect physique, de psychologie, de capacité intellectuelles ou physiques, de goûts ou de sensibilité. Tout cela est transcendé par l’amour universel de Dieu qui nous invite à nous comprendre comme des frères et des sœurs, capables de vivre dans l’unité en acceptant nos différences comme des richesses.

Répondre à Dieu
La divinisation de l’homme n’est pas le fruit d’un travail d’accomplissement individuel ni le résultat d’efforts surhumains, c’est une découverte : nous sommes aimés de Dieu et nous sommes déjà ses enfants. Mais il nous revient de dire « oui » à cette filiation, à cette divinisation. Nos actions et les efforts qu’il nous revient d’accomplir sont en réponse à cette compréhension. Adhérer à la proposition d’amour de Dieu nous engage à accepter que notre vie soit transformée, transcendée, et cette adhésion reste un combat intérieur, car des forces contraires agissent aussi en nous : égoïsme, culpabilité, jalousie, logique du mérite… Notre condition humaine est dans cet entre-deux, écartelée parfois entre le « déjà-là » de la divinisation et le « pas-encore » de nos résistances humaines. La foi des croyants leur permet de ne jamais désespérer, ni des autres, ni d’eux-mêmes, car ils savent que Dieu les accompagne quoi qu’il arrive et qu’ils ne sont pas tout seuls.

Espérer grâce à Dieu
Cependant, il nous arrive d’expérimenter les sentiments d’abandon et de désespoir. Face à une trop grande épreuve, comme cela vient d’être le cas pour notre quartier après les effondrements des immeubles rue Tivoli, après une grande déception, une blessure, un échec ou un acte regrettable, il peut nous arriver d’avoir la tentation de baisser les bras et de croire que le mal ou la souffrance auront le dernier mot. Les chrétiens, même si leur message est une bonne nouvelle de paix et d’amour, ne sont pas naïfs ni hors-sol, ils partagent la condition humaine dans toute ses dimensions et ils savent bien que les bons sentiments et les paroles rassurantes ne sont pas toujours audibles lorsque l’on est accablé de tristesse et de douleur. Cependant ils savent aussi que c’est l’espérance qui peut nous aider à traverser les tempêtes, et que ce n’est pas se bercer d’illusion que de garder confiance et de se rappeler que le Christ a vaincu le mal et la mort, une fois pour toutes. Nous avons tous expérimenté dans nos existences la force de cette espérance et nous pouvons faire mémoire des relèvements dans l’épreuve, des victoires sur la détresse. Notre vie est marquée par ce mouvement de mort et de résurrection, elle n’est pas un long fleuve tranquille, mais notre foi nous rappelle que malgré les bouleversements et les remous, nous sommes associés à la victoire du ressuscité et que nous sommes dès maintenant vivants de la vie éternelle.

Annoncer le projet de Dieu
Les chrétiens sont des femmes et des hommes qui mettent des mots sur cette expérience de la rencontre de l’amour de Dieu en la personne de Jésus, et qui désirent en témoigner, en être des signes et des moyens, pour que toute l’humanité vive de cette magnifique réalité : nous sommes tous appelés à nous reconnaître filles et fils de Dieu, comblés de son amour et capables de partager cet amour avec tout le monde. Si nous regardons Jésus, nous pouvons voir notre image, celle qui se dessine au fond de notre être, notre véritable nature : enfants de Dieu, sœurs et frères universels appelés à transformer le monde pour qu’il devienne vraiment royaume de paix, de justice et d’amour.

Olivier