Le temps du carême qui nous prépare à célébrer les fêtes de Pâques est un moment fort de conversion personnelle, fraternelle et spirituelle. Je vous propose de réfléchir ensemble à cette notion de conversion et de découvrir à frais nouveaux comment les chrétiens sont invités à la vivre.

Un effort surhumain
Une conception très répandue est de penser que la conversion consiste à faire des efforts, parfois surhumains ou contre-nature, pour atteindre Dieu, comme s’il nous fallait gravir une immense montagne et faire de l’escalade dans des conditions extrêmes. L’objectif serait impossible à atteindre, mais il nous faudrait quand même nous donner du mal pour essayer d’aller le plus haut possible. Nous devrions mettre toutes nos forces et nos capacités à faire des efforts énormes, avec un sentiment de culpabilité immense devant nos échecs et notre impossibilité à atteindre l’objectif. Nous ne pourrions que nous sentir nuls et médiocres aux yeux de Dieu qui nous regarderait du haut de sa puissance comme des incapables. Certains parmi nous arriveraient à grimper plus haut que d’autres, ils seraient des héros, des modèles, mais ils seraient tellement exceptionnels et leurs sacrifices tellement grands, que nous ne pourrions qu’en ressentir encore plus de déception quant à notre incapacité à faire aussi bien qu’eux. Dans cette conception, le résultat est la culpabilité et le sentiment d’infériorité.

Un retournement
Une conception qui me semble mieux correspondre à ce que Jésus nous révèle du désir de Dieu serait plutôt une invitation faite à l’homme qui avance dans son existence de se retourner et de découvrir que Dieu est juste là, derrière lui, un peu en retrait, mais tout proche et qu’il ne désire qu’une chose, c’est que l’homme se retourne vers lui et oriente sa marche dans la direction qu’il lui propose. Dans cette conception, c’est Dieu qui s’engage dans une relation avec l’humanité, il fait le premier pas, il nous rejoint là nous sommes, là où nous en sommes, et il nous invite à nous engager dans cette relation. Il vient à notre rencontre, et respecte notre liberté. Si nous désirons le suivre, si nous comprenons que la direction qu’il nous invite à prendre est la meilleure pour nous et qu’elle nous permettra d’avoir une vie qui a du sens, et d’être heureux, alors nous deviendrons capables de cheminer avec lui, traçant une nouvelle route, peut-être sinueuse et difficile, mais pleine de sens. Selon cette manière de concevoir la conversion, on comprend qu’elle n’est pas d’abord un effort pour atteindre Dieu qui serait loin de nous, mais un retournement pour accueillir Dieu qui vient à notre rencontre.

Une vie de carême : se retourner…
Les quarante jours que dure le carême nous donnent l’occasion de mettre en œuvre de manière plus radicale ce que notre vie de chrétien devrait être en permanence : retournement sur notre manière de vivre, sur nos priorités et sur ce qui peut-être nous empêche d’être libres. Cela s’exprime par le terme de « jeûne » ou de « pénitence », qu’il faut comprendre comme un moyen pour se purifier de ce qui nous fait du mal et pour nous orienter vers une vie plus simple, plus unifiée et plus juste. On pourrait dire ce que c’est une invitation à se donner de la peine pour se faire du bien, comme un temps de « détox » pour utiliser un mot à la mode. Le carême est aussi un temps de retournement vers les autres, en essayant d’être plus attentifs aux situations de malheurs et d’injustices qui nous entourent, et desquelles nous pouvons parfois nous rendre complices. On appelle cela le partage, la solidarité, l’aumône. C’est la raison qui explique que le carême souvent est l’occasion d’actions d’entraide et de solidarité. Le troisième retournement proposé durant le temps du carême est plus spirituel : le retournement vers Dieu. En donnant un peu plus de temps à la prière, à la lecture de la Bible, à la célébration des sacrements, nous prenons le moyen de nous rendre compte de la présence de Dieu auprès de nous, nous entrons en relation avec lui et nous pouvons vivre la pratique religieuse comme le double mouvement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain.

Chemin de sainteté
Par le baptême, nous sommes tous appelés à la sainteté. Comme pour la conversion, nous avons besoin de transformer notre manière de concevoir ce que la sainteté représente pour nous. Si c’est un chemin de perfection qu’il faut emprunter en vue d’un idéal à atteindre par nos propres forces, alors là encore nous risquons de trébucher sur l’écueil de la culpabilité et du moralisme. La sainteté telle que le Christ nous la présente est plutôt l’ouverture à une alliance avec lui. Il nous aime gracieusement, il fait le premier pas, et nous invite à entrer dans cette relation d’amour avec une promesse de sa part : « Tu ne seras pas seul sur ta route, je t’aiderai à donner le meilleur de toi-même et je t’accompagnerai dans les épreuves et les difficultés pour que tu poursuives ton chemin ». Les saintes et les saints qui nous sont donnés comme exemples ne sont pas des femmes et des hommes désincarnés et héroïques, ce sont des personnes normales qui ont entendu cette promesse de Dieu et qui ont décidé d’y répondre, avec ce qu’elles étaient. Les saints nous montrent que c’est possible de dire « oui » à Dieu.

Olivier