Que ce soit en matière de religion, de spiritualité, ou de rites, il y a souvent un conflit, ou pour le moins une dichotomie, entre notre vision humaine et ce que nous pouvons comprendre du projet de Dieu. Il est évident que nous ne saurons jamais ce que Dieu veut, et nous devons nous méfier lorsque nous prononçons ou entendons des paroles qui parlent au nom de Dieu. Mais pour les chrétiens, nous avons en Jésus Christ une manière d’être de Dieu qui s’exprime assez explicitement.
Les religions
Les critiques sur les religions s’appuient souvent sur des aspects très humains de structures qui sont considérées comme hypocrites ou autoritaires. Comment faire confiance à une institution qui parle d’amour, de respect et de fraternité, lorsque l’on découvre les dérives, les abus, les ségrégations ? Il n’est pas une religion ou une institution qui ne soit touchée par ces drames. Cela peut nous aider à bien saisir la différence entre la religion idéale, parfaite, qui n’existe que dans le monde divin, et les pâles représentations humaines et imparfaites que sont les religions que nous connaissons. C’est une invitation à l’humilité pour celles et ceux qui œuvrent dans ces structures : soyons conscients que nous sommes au service d’un message qui nous dépasse, qui rappelle un idéal extraordinaire dont nous sommes les premiers destinataires. Il ne nous est pas demander de juger ou de condamner, mais d’annoncer une Bonne Nouvelle qui invite à la guérison, au relèvement, à la conversion. Nous voyons bien qu’il y a un fossé entre la religion idéale – lieu de relecture de l’histoire de chacun sous le regard bienveillant et consolateur de Dieu, lieu de relation avec ce Dieu d’amour qui se fait proche de nous et qui désire nous accompagner dans la marche de notre vie – et les religions qui existent, avec leur histoire, leur fonctionnement : institutions humaines et structures faillibles, mais pourtant dépositaires d’un trésor inestimable.
L’Église
Il en va de même pour l’Église, qui a pour vocation de donner chair au Royaume de Dieu et qui cependant reste une communauté humaine marquée par les faiblesses humaines. Elle accomplit sa mission lorsqu’elle sait se mettre au service de la Parole de Dieu et qu’elle l’incarne dans le service, le partage et la fraternité, mais elle peut trahir sa mission quand elle se croit propriétaire du message et qu’elle pervertit sa vocation en tombant dans la condamnation ou le moralisme. C’est un appel à vivre autrement la vocation propre de l’Église qui se doit, avant d’appeler les autres à la conversion, d’être elle-même en conversion et un modèle de fidélité au projet de Dieu. Nous sommes bien conscients qu’elle est loin de vivre cet idéal, et nous pouvons être indulgents lorsqu’elle vit sa mission avec humilité en se reconnaissant constituée de pêcheurs pardonnés. Mais nous pouvons comprendre que nos contemporains puissent être très blessés et déçus lorsqu’au nom de l’Église nous trahissons le message en nous mettant en position de domination ou que nous avons des réflexes sectaires ou identitaires.
Les rites
On peut élargir la réflexion aux célébrations religieuses, aux liturgies et aux sacrements ; parfois les pratiquants les trouvent inadaptés, tristes, longs, répétitifs… Là encore, nos célébrations ne sont que de pâles reflets de la véritable célébration de joie qui procède du cœur de Dieu et qui devrait nous habiter. Nous sommes toujours dans ce paradoxe entre le « déjà-là » de l’accomplissement du désir de Dieu, et le « pas encore » de notre contingence humaine, de nos résistances, de notre vie marquée par les difficultés et les égarements. Sachant cela, nous pouvons cependant vivre de manière plus juste les temps liturgiques, car ils sont un signe de quelque chose qui nous dépasse et qui, par ces temps, ces lieux, ces gestes, devient toujours un peu plus réel dans nos vies. Nous avons besoin de passer par cette incarnation humaine et matérielle car nous sommes ainsi faits. Le danger et le risque seraient de penser que le tout de la relation à Dieu se joue dans ces pratiques rituelles. Nous tomberions dans une forme d’idolâtrie et nous passerions à côté de l’essentiel, à savoir la relation d’amour que Dieu veut nouer avec chacune et chacun d’entre nous.
Olivier