Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église vient d’être rendu public, et nous sommes tous profondément marqués par ce qu’il contient. Les chiffres et tout ce qu’ils représentent de souffrance pour les victimes sont au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer. La sidération et l’horreur sont immenses, tout comme la tristesse et la honte pour tous ceux qui sont engagés dans l’Église. Car nous ne pouvons nous désolidariser de l’institution au prétexte que nous ne sommes pas coupables ou que les faits sont anciens. Nous avons été aveugles, maladroits, peut-être même complaisants, sans jamais cautionner les crimes commis mais sans trop chercher à savoir… Je le dis d’autant plus volontiers que notre propre communauté, notre famille de l’Œuvre, n’est pas épargnée par ce fléau. Nous sommes de la même pâte humaine que les coupables désignés et reconnus, et, soyons lucides, il n’en faut parfois pas beaucoup pour basculer dans l’aveuglement qui empêche de considérer la dignité de la personne qui est à côté de nous. Nous sommes aussi de la même pâte humaine que les victimes qui sont rongées par la souffrance et, malheureusement, par la honte.

Pardon
Nous demandons pardon à toutes les personnes qui ont été blessées, de près ou de loin, par ces dérives criminelles. Il y a quelques années nous avons envoyé une lettre aux familles et aux anciens de l’Œuvre suite à des révélations de faits anciens commis dans une de nos maisons mais qui ont des répercussions toujours actuelles et douloureuses. Nous sommes désolés que des jeunes et des familles aient été profondément et durablement blessés dans le cadre de nos Œuvres alors que notre mission est d’accompagner la croissance des jeunes dans un cadre bienveillant, sécurisant et encourageant. Nous n’avons de cesse de parler d’un Dieu d’amour qui accueille et qui relève, et pourtant nous sommes capables de blesser et de détruire. Il nous faut en être conscients, non pour nous complaire dans la médiocrité, mais pour lutter contre ce qui peut nous faire trahir notre mission. Nous ne pouvons plus ignorer que les blessures et traumatismes ne s’effacent pas et restent présents dans l’existence des victimes tout au long de leur vie. Nous savons aussi que l’expression de ces souffrances par les victimes, et la reconnaissance des agressions de la part des responsables, sont des moyens d’apaisement indispensables. Parfois les agresseurs ne sont plus là ou ne sont pas capables, enfermés dans leur perversion, de reconnaître leur responsabilité et leurs crimes, mais en leur noms et comme responsables de l’institution dans laquelle ils ont sévi, nous voulons demander pardon. Pardon si nous n’avons pas mis en place des garde-fous contre l’emprise spirituelle et l’emprise affective qui sont à la source des abus physiques. Pardon aussi si nous n’avons pas eu conscience de la gravité des blessures et des répercussions sur toute une vie et son entourage. Oui, nous avons failli. Nous avons oublié que l’Église est d’abord le Peuple de Dieu, pas une structure, une hiérarchie, avec ses privilèges et ses passe-droits. Nous avons oublié que nous cheminions ensemble. Nous avons oublié que le silence que l’Église a opposé aux victimes fut un silence qui les a enfermées dans leur solitude, leur détresse, leur souffrance. Le contexte et les connaissances actuelles nous éclairent sur les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre ces dérives criminelles et les aveuglements complices.

Humilité
Cette prise de conscience peut être prophétique : ce n’est pas parce que nous sommes animateurs, adultes, éducateurs, religieux, prêtres, directeurs de colo, que nous sommes au-dessus des autres. Nous avons une mission, nous avons une parole à transmettre, mais nous n’en sommes pas les propriétaires ni les auteurs, nous en sommes les premiers destinataires. Quand nous donnons des conseils, lorsque nous indiquons un idéal, c’est d’abord à nous-mêmes que nous les adressons. L’Église, lorsqu’elle parle par la voie des prêtres, des diacres, des évêques, du pape ou des chrétiens engagés, ne donne pas des leçons de haut mais se parle à elle-même et transmet une parole dont elle est la première destinataire. Sinon elle risque de tomber dans le jugement et la condamnation, ce qui est une perversion de sa mission. Je me permets une réflexion personnelle : comme prêtre, je peux refuser de donner un sacrement, je peux interdire à une personne de communier, je peux culpabiliser les gens sur leurs choix de vie, leurs orientations sexuelles ou leurs actes passés… Mais quand je fais cela, je me prends pour Dieu ! Comment puis-je justifier une telle attitude alors que celui que j’essaye de suivre, le Christ, Dieu fait homme, ne s’est jamais permis d’enfermer une personne dans son pêché mais lui a toujours offert le pardon et le relèvement. Nous ne sommes pas ministres de la condamnation mais du pardon, et nous sommes nous-mêmes des pêcheurs pardonnés. Le Christ n’a eu des paroles dures que contre les responsables religieux de son époque qui se permettaient de juger et de condamner les autres en instrumentalisant la loi de Dieu. Tout ceci nous invite à œuvrer avec une extrême humilité, tout en veillant à transmettre sans trop la trahir la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu offert à tous. Ce n’est pas parce que les porte-parole sont médiocres et décevants que la parole qu’ils ont la charge de transmettre doit être dévalorisée et rejetée.

Vérité
Nous sommes ravis les jeunes et les familles à continuer à nous faire confiance. Nous mettons en place depuis quelques année, pour les grands jeunes et adultes impliqués dans l’animation des enfants, des sessions de formation destinées à éclairer sur la question des abus et des agressions sexuelles, et nous veillons à ce que chacune des personnes qui a en charge des enfants soit vigilante sur les dérives possibles. Il ne s’agit pas de tomber dans la suspicion continuelle, mais de savoir ne pas accepter tout sans discernement. Les paroles de vérité, même douloureuses, nous font grandir, nous offrent la possibilité d’être de meilleurs éducateurs, et nous permettent de mieux remplir notre mission !

Olivier