Lors de la célébration de la création des nouveaux cardinaux à Rome le samedi 27 août dernier, l’archevêque de Marseille, Mgr Jean-Marc Aveline, faisait partie des vingt évêques choisis par le pape pour devenir ses proches collaborateurs. Dans ses différentes interventions publiques, le cardinal Aveline a repris un thème cher au pape François : celui de l’humilité. Bien que les cardinaux soient honorés de la plus haute distinction ecclésiale, ils sont invité à rester humbles et à garder les pieds sur terre, avec leurs frères humains. Leurs beaux vêtements, leurs places privilégiées dans les célébrations religieuses ou publiques, leur médiatisation, sont le signe non seulement d’un honneur mais surtout d’une responsabilité. Ils sont indéniablement des hommes de grande valeur, doués de qualités humaines, intellectuelles ou spirituelles exceptionnelles, mais ils sont aussi et avant tout de la même pâte humaine que tout le monde, sans supériorité par rapport au commun des mortels. D’ailleurs, lorsque l’on regarde leurs histoires personnelles et familiales on voit bien qu’ils sont pour la plupart d’humble condition et que rien ne les destinait à faire partie de l’élite de l’Église catholique ni des grands de ce monde.
Solidarité humaine
Cette commune condition humaine est précisément la racine de l’humilité : nous sommes tous issus de la même terre, du même humus, et si nous avons des responsabilités diverses, des qualités complémentaires et des itinéraires variés, nous avons cette appartenance à la même humanité qui nous rend solidaires et fraternels. Cela doit être d’autant plus vrai dans la vie de l’Église qui se fonde sur le Christ, frère universel par excellence et qui nous dit la proximité de Dieu avec chacune et chacun d’entre nous. L’incarnation est une notion essentielle et originale de la théologie chrétienne : Dieu se fait homme, proche de nous, frère. En Jésus Christ la proximité de Dieu est absolue : il partage la condition de vie des plus humbles et des plus petits. De sa naissance dans une pauvre crèche jusqu’à sa mort ignominieuse parmi les criminels, personne ne peut s’estimer loin de ce Dieu qui partage la vie des plus méprisés et qui accueille tout le monde comme un frère pour nous dire que nous sommes fils et filles du même Père.
Contre le cléricalisme
Cette solidarité intrinsèque à notre condition humaine est le premier remède contre une maladie de l’Église que le pape nous invite à combattre : la prétention à la supériorité des membres de l’Église institutionnelle – on les appelle les clercs dans le langage religieux – ou, pour le dire avec un mot savant, le cléricalisme. Dans toute institution humaine il y a le risque de voir les chefs prendre une position de supériorité et de domination par rapport aux autres, et l’Église, constituée d’hommes ordinaires, n’est pas préservée de cette tentation. Nombreuses sont les personnes qui se sont senties jugées et parfois condamnées par les représentants de l’institution religieuse : à cause de leur situation de vie, de leurs choix, de leurs erreurs, de leur histoire familiale, ils ont été mal accueillis et peut-être même rejetés. C’est affligeant, car c’est l’inverse que nous devrions mettre en œuvre dans l’Église. Nous avons à prendre notre part de la mission confiée par le Christ qui accueille tout le monde et se fait proche de chacune et chacun. Notre vocation n’est pas de juger et de condamner, mais d’aimer et d’accueillir. Jésus lui-même n’a ni jugé ni condamné, alors comment les personnes qui ont la charge de poursuivre sa mission peuvent le trahir au point de faire souffrir ceux qu’ils ont pour vocation d’aider et d’accompagner ?
Dieu compte sur nous
L’humilité n’est pas de la fausse modestie. Il ne s’agit pas de se dévaloriser ou de se rabaisser en se regardant le nombril pour faire une autocritique qui nous replie sur nous-mêmes. La véritable humilité consiste à avoir l’objectivité de se regarder tel que l’on est et de s’émerveiller que Dieu nous donne sa confiance et fasse le choix de nous confier une part de sa mission. Il n’attend pas que nous soyons parfaits pour nous appeler à le suivre, il ne nous dit pas que nous devons mériter son amour ou sa confiance. Il nous dit que nous avons du prix à ses yeux, et qu’il compte sur nous pour que nous donnions le meilleur de nous-mêmes, avec tout ce qui constitue notre existence : ce qui est grand et beau, et surtout ce qui est plus fragile et douloureux. Il sait bien que nous ne sommes pas parfaits et il ne nous demande pas d’atteindre la perfection par nos propres forces, mais il nous invite à découvrir que son amour en nous peut porter du fruit et nous aider à accomplir des choses qui nous dépassent. C’est merveilleux, parfois vertigineux, mais en même temps très libérateur, car tout ne dépend pas de nous. Les comptes que nous aurons à rendre ne concernent pas notre valeur personnelle, mais ce que nous aurons été capables de faire fructifier de ce que le Seigneur nous a confié.
Olivier