Depuis le début de cette année de célébration du bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à la rue St-Savournin, je vous propose d’approfondir la mission et le rôle de notre institution. Dans les précédentes livraisons de Notre Écho de 2020 nous avons insisté sur les rôles éducatif et spirituel de l’Œuvre en tant que lieu de vie qui aide les jeunes à comprendre le sens de leur vie, à discerner leur vocation, à grandir dans la liberté pour savoir prendre des responsabilités. Dans ce numéro de septembre, nous abordons un thème central, celui de la fraternité.
Vivre ensemble
Tous ceux qui ont fréquenté l’Œuvre témoignent que c’est un lieu de partage et de vie fraternelle qui les a marqués. Les amitiés nouées à St-Sa durent souvent longtemps et parfois même toute une vie. Il n’est qu’à voir la joie des anciens ravis de se retrouver lors des grandes fêtes de la maison, et qui disent combien la fraternité découverte lors des années passées à l’Œuvre et pendant les camps les accompagne encore dans leur vie d’adulte. Avant les leçons de vie apprises à l’Œuvre, avant les catéchèses ou les homélies, ce qui marque son empreinte dans la vie des jeunes c’est ce qu’ils vivent concrètement avec les autres. C’est lorsque l’expérience est forte et enrichissante que les mots peuvent venir expliquer ce qui a été vécu et pour structurer une pensée qui aide à comprendre le véritable sens de la vie. Les grands discours ne servent à rien s’ils ne sont pas en cohérence avec la mise en pratique de la fraternité. C’est l’exigence qui anime tous ceux qui s’engagent au service des jeunes.
Frères universels
La vie fraternelle se fonde sur une conception de l’existence humaine particulière et qu’il nous faut expliciter. Si nous parlons de fraternité, c’est parce que nous nous considérons comme des sœurs et des frères, membres d’une même famille. Pour nous qui sommes chrétiens et qui accompagnons les jeunes dans le chemin d’une existence qui se fonde sur le Christ, la fraternité est la conséquence de l’incarnation de Dieu en Jésus. Le divin se fait tellement proche de l’humain qu’il se fait l’un de nous. Dieu devient notre frère en Jésus, et il partage toute notre vie. Il vient rencontrer tout le monde, sans aucune limite ni restriction. Personne n’est exclu de la rencontre, pas même les mal-vus, les miséreux, les méprisés, les petits. Il vient au plus bas, il se fait très petit, très humble, pour que personne ne puisse se sentir rejeté ou indigne de la rencontre. Il se fait frère universel et nous invite à devenir à notre tour des frères universels.
Double mouvement
La vie à l’Œuvre, comme dans tout lieu d’Église, est comparable à une respiration, avec deux mouvements indissociables, inspiration / expiration : relation à Dieu, relation aux autres. Les deux s’alimentent, s’éclairent, se conjuguent. « Ici on joue, ici on prie ». Plus nous comprenons qui est Dieu et ce qu’il vient vivre avec l’humanité, plus nous arrivons à nous aimer les uns les autres. Plus nous célébrons et prions Dieu, plus nous arrivons à mettre en pratique joyeusement les exigences d’une vie authentiquement chrétienne. Plus nous rencontrons les autres avec liberté et confiance, plus nous comprenons et expérimentons dans notre chair le projet de Dieu. Plus nous vivons la fraternité, plus nous nous approchons de Dieu. Plus nous nous nourrissons de l’énergie qui vient de Dieu, plus nous arrivons à mettre l’amour dans notre vie. Il n’y a pas d’ordre pour vivre ce double mouvement vital. Pour certains la porte d’entrée se trouve dans la prière ou l’étude des écritures, pour d’autres c’est la solidarité, le soin des plus pauvres ou l’expérience de la vie en collectivité, pour certain c’est un événement, un choix déterminant à poser, pour d’autres un déclic intellectuel. Dans chacune de nos vies il y a des étapes et des dispositions diverses selon ce que nous vivons. À un moment de notre vie ce qui primera sera l’expérience, à un autre moment ce sera la réflexion, à un autre la spiritualité… Qu’importe, il n’y a pas de chemin tout tracé ou de passage obligé.
Signe et moyen
La vie fraternelle est donc à la fois le moyen et le signe de notre vie chrétienne. Le moyen lorsque c’est l’expérience de l’amour partagé qui nous donne de comprendre ce qui fonde une vie authentiquement humaine et chrétienne. Le signe lorsque c’est pour nous la conséquence et la mise en pratique d’une compréhension renouvelée de la Bonne nouvelle révélée par Dieu en Jésus Christ. En tout état de cause, un critère de discernement pour savoir si nous sommes sur la bonne voie dans notre réflexion au sujet du sens de la vie réside dans le lien indissoluble entre vie spirituelle et vie fraternelle. Pour le dire autrement, le chrétien est celui qui se sait aimé et qui sait aimer.
Olivier