Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

Le contexte

Matthieu propose cet épisode de la Transfiguration en plein cœur de son Évangile, juste après la confession de foi de Pierre, l’annonce de sa mort et la forte incompréhension de Pierre. Que s’y passe-t-il ? Jésus gravit une montagne, pour une rencontre avec son Père. Il n’est pas seul puisque cinq autres personnes sont avec lui : les trois disciples Pierre, Jacques et Jean qui seront à côtés à Gethsémani, mais aussi les deux grands prophètes de l’Ancien Testament, Moïse et Elie.

Six jours…
Jésus prend donc avec lui trois de ses plus proches compagnons et les invite à monter sur une montagne.
Six jours ? Cette indication de temps est suggestive. C’est le temps qui sépare, dans la liturgie juive, le Yom Kippour, appelé aussi le jour du grand pardon, de la Fête des Tentes (voir mot du mois). Ainsi, durant une semaine, la communauté vit sous des tentes, comme au désert, pour exprimer cette attente d’une nouvelle manifestation de Dieu et de la venue du Messie. Un peu comme les chrétiens durant le temps de l’Avent. Ce n’est pas un hasard. Matthieu évoque explicitement les tentes lorsqu’il fait dire à Pierre : « Je vais dresser ici trois tentes… »

Chacun sa montagne
L’indication de la montée de Jésus sur une montagne est tout aussi intéressante. Attention, n’imaginons pas le Mont-Blanc ou un haut sommet enneigé mais plutôt une colline. Remarquons que les deux figures de l’Ancien Testament, Moïse et Elie renvoient chacun à une montagne, toutes deux bien connues. Moïse est monté au Sinaï où la Loi fut donnée ; Élie est allé sur la montagne de l’Horeb où Dieu s’est manifesté non pas dans le tonnerre mais dans une brise légère ! Sur la montagne, Dieu se révèle. Que va-t-il dire ?

Une reprise du baptême
« Celui-ci est mon fils bien-aimé ». Cette parole divine, nous l’avons déjà entendue au moment du baptême de Jésus par Jean. C’était au début de l’Évangile. Une mention est rajoutée ici : « Écoutez-le ». Notre pédagogue divin insiste sur l’écoute, précisément parce que ce n’est pas le fort des disciples, et nous sommes probablement aussi dans ce cas-là. L’écoute est synonyme d’obéissance, cela ne renvoie pas à un quelconque problème d’audition. Rappelons-nous qu’écouter Jésus, c’est tout simplement faire partie de ses disciples.

La transfiguration nous parle de Pâques
Une nouvelle fois, un épisode de l’Évangile évoque Pâques. Ainsi lorsque Jésus s’approche des disciples qui sont tombés « la face contre terre », il les touche et leur dit : « (R)éveillez-vous ». Puis, à la fin, Jésus leur demande de ne « parler à personne de cette vision avant que le fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Éveillé, ressuscité, réveillé, ces verbes en français renvoient au mystère vécu à Pâques.

En descendant
Nous pouvons imaginer le trouble, l’incompréhension ressentis par les trois disciples. Qu’ont-ils compris de ce son et lumière ? Comme souvent, il faut du temps pour analyser, décrypter les moments spirituels forts d’une existence. Il leur faudra attendre la Passion de leur maître. C’est ainsi que leur reviendra à l’esprit les événements du Thabor (montagne de la transfiguration) durant lesquels le Père leur aura donné les clés de compréhension du ministère et de l’identité de Jésus. Ainsi, après Pâques, ils comprendront que l’Amour du Père a été le plus fort que la mort et qu’ils en avaient eu une preuve par avance.

Pour actualiser
Cette page d’Évangile nous oriente vers Pâques en nous recentrant sur l’essentiel : écouter le Fils bien-aimé du Père. Ah, si nous pouvions devenir de véritables écoutants, à l’écoute de Dieu, de sa Parole et des autres afin d’y déceler les conseils de notre divin maître ! Ah, si nous pouvions à l’occasion de ce temps de carême nous rafraîchir la mémoire afin que reviennent à notre esprit ces épisodes fondateurs qui nous ont permis de dire : Oui, j’y crois. Il m’a parlé, j’ai compris quelque chose de sa grandeur, de sa bonté… Ah, si nous pouvions devenir ou redevenir de véritables pèlerins. La tentation est si grande de faire comme Pierre qui voulait rester là avec son Jésus. Que ce soit pour les autres disciples ou pour nous-mêmes, Jésus nous attend dans notre Galilée, dans notre lieu de mission où déjà il nous précède. Jésus lui-même est descendu de la montagne, alors pourquoi voudrions-nous rester là-haut ?
Didier Rocca

Didier Rocca

Le nom du mois : La fête des tentes
La fête des tentes ou en hébreu la fête de Souccot est l’une des trois fêtes de pèlerinage prescrites par la Torah, au cours de laquelle on célèbre dans la joie l’assistance divine reçue par les enfants d’Israël lors de l’Exode et la récolte qui marque la fin du cycle agricole annuel. Elle est fêtée aux mois de septembre ou octobre et dure une semaine.