Au fond d’un vieux marécage vivaient quelques larves qui ne pouvaient comprendre pourquoi nulle du groupe ne revenait après avoir rampé le long des tiges des roseaux jusqu’à la surface de l’eau. Elles se promirent les unes aux autres que la prochaine qui serait appelée à monter reviendrait dire aux autres ce qui lui était arrivé.
Bientôt l’une d’entre elles se sentit poussée d’une façon irrésistible à gagner la surface ; elle se reposa au sommet d’un roseau et subit une magnifique transformation qui fit d’elle une libellule avec de fort jolies ailes. Elle essaya en vain de tenir sa promesse. Volant d’un bout à l’autre du marais, elle voyait bien ses amies en dessous… Alors elle comprit que même si elles avaient pu la voir elles n’auraient pas reconnu comme une des leurs une créature si merveilleuse…
On trouve une comparaison semblable intitulée « Le colloque des chrysalides » :
Imaginons qu’un rassemblement de chrysalides dans leurs cocons se réunissent pour discuter de leur avenir proche. Laquelle de ces chrysalides oserait prophétiser l’ivresse du vol et la magnificence des couleurs du papillon qu’elles vont devenir ?
Et une autre image nous est suggérée par saint Paul :
Imaginons un fœtus humain à quelques jours de sa naissance. Donnons-lui l’intelligence et la parole et dialoguons avec lui. Il nous dira qu’il va très bien, que la nourriture est assurée, que le climat est agréable, qu’il se sent grandir, qu’il ne connaît pas de conflit.
Prenant alors un air très assuré, nous lui disons qu’il est fait pour un autre destin. À partir de ce qu’il est déjà, de ce qu’il a : poumon, odorat, oreilles, yeux, sexe, membres, etc., nous lui décrivons la vie, l’amour, la beauté, les parfums et les musiques, le soleil et la mer… Il nous écoute et demande : « que faut-il faire pour accéder à tout cela ? » Nous répondons d’un air très détaché : « très simple… Tu sors, on coupe et voilà, tu vis ».
En fait nous demandons au fœtus de mourir à tout ce qui fait sa condition, de s’arracher à toutes ses certitudes. Si le choix était laissé aux fœtus, bien peu, probablement, oseraient courir l’aventure de la naissance, dont chacun sait qu’elle fut pour chacun d’entre nous le premier traumatisme.
Nous sommes souvent comme ce laboureur qui, sous le ciel bas de l’hiver, rêve devant son champ qui n’est apparemment que neige, mort et silence sous le cri des corbeaux. Mais ce paysan, au fond de son cœur, sait que la moisson viendra et que « les fruits passeront la promesse des fleurs ».

Une parabole imaginée par Walter Dudley Cavert, professeur, pasteur et écrivain