Édito juin 2025 > Église sociale
Le nouveau pape a choisi comme nom Léon, et les commentateurs n’ont pas manqué de dire qu’il s’inscrivait ainsi dans la lignée de Léon XIII, pape qui a donné une impulsion plus sociale à l’Église, en particulier avec l’écriture de l’encyclique Rerum novarum en 1891. Peut-être veut-il aussi faire référence au premier pape qui a pris ce nom, Léon le Grand, qui a tenu tête à Attila, et Dieu sait que des Attila il y en a en responsabilité dans de nombreux pays en ce moment ! Mais je voudrais plutôt partir de l’adjectif « social » pour essayer de voir ce que cela peut vouloir dire pour nous aujourd’hui. Lorsque ce terme est utilisé dans le cadre des réflexions de l’Église, ce n’est pas avec les connotations politiques que nous pouvons craindre. Il ne s’agit pas de prendre partie et de dire que les chrétiens doivent être « socialistes ». L’Église s’adresse à tous et respecte les opinions des croyants. La doctrine sociale de l’Église prend en compte le fait que, si la personne et l’individu doivent être au centre des préoccupations de la mission chrétienne, il n’empêche que nous vivons en société et que nos fonctionnements collectifs ont un impact sur la vie des gens. Les interactions humaines doivent être éclairées par le message évangélique.
La doctrine sociale
Lorsque Léon XIII a donné cette impulsion sociale à l’Église, c’était pour prendre en compte les injustices entre les diverses classes sociales et pour lutter contre les souffrances de beaucoup de travailleurs et de jeunes qui étaient exploités. En cela, le pape signifiait que l’Église se devait d’être fidèle au message évangélique : la bonne nouvelle des juifs, et des chrétiens à leur suite, c’est que Dieu prend parti pour les pauvres et les opprimés. Léon XIII pensait que l’activité pastorale au sein de la société est une mission vitale de l’Église en tant que véhicule de justice sociale et de maintien des droits et de la dignité de la personne humaine. En cela, il a accompagné l’Église dans sa fidélité à la mission de Dieu révélée en Jésus Christ, car si la dimension spirituelle de la religion est essentielle, elle doit être incarnée, et donc liée au soin des personnes, de leur âme, de leur esprit, de leur cœur et de leur corps. Si les croyants se contentent de dire de belles paroles et de faire des imprécations lénifiantes ou moralisatrices sans passer à l’action et sans s’engager pour la justice, la fraternité et la solidarité, ils passent à côté de leur vocation. Notre foi doit nous pousser à l’action. C’est en cela que les responsables religieux et les croyants ont le devoir de s’exprimer et de s’investir pour faire en sorte que le monde devienne meilleur. On imagine bien que cela peut déranger les responsables politiques et économiques, car une parole libre et vraie pose des questions qui ne vont pas toujours dans le sens de leurs idéologies ou de leurs intérêts. L’histoire a été la scène de luttes qui ont parfois été violentes et douloureuses pour ceux qui ont osé se positionner librement contre les détenteurs du pouvoir et de l’argent.
À la suite du Christ
Il est important que la tradition de l’Église, au sens profond du terme, reste fidèle à l’enseignement du Christ qui incarne l’engagement de Dieu et qui fait grandir l’amour et la justice dans notre monde. On réduit trop souvent la tradition à ce que les soi-disant « traditionalistes » en ont fait : un désir de reproduire des pratiques liturgiques surannées qui remontent à quelques siècles, alors que la tradition est une fidélité à ce que le Christ donne comme signes et moyens pour que le royaume de Dieu advienne. Cette tradition implique donc une traduction et une adaptation aux époques et aux cultures. La tradition ne s’attache pas à des pratiques ou à une langue, mais à un objectif qui reste identique quelque soit la situation, à savoir : faire grandir l’amour et la fraternité. À chaque époque, il y a de nouveaux enjeux et de nouvelles priorités pour mettre en œuvre cet engagement de Dieu. L’écologie intégrale n’était pas une question prioritaire dans le passé, alors que nous savons que c’est aujourd’hui une question qui a des répercussions sur l’accès à l’eau et à l’alimentation, sur la pauvreté, les mouvements migratoires, les conflits…
Paix et synodalité
Pour souligner les enjeux sociaux qu’il considère comme prioritaires pour son pontificat, le nouveau pape a mis l’accent sur la paix et la fraternité lors de sa première prise de parole au balcon de Saint-Pierre à Rome. Contribuer à la réalisation de la Bonne Nouvelle chrétienne implique de discerner les besoins du monde et la volonté de Dieu pour celui-ci. Ce travail de discernement peut s’avérer difficile, car nous pouvons parfois confondre nos désirs personnels avec la volonté de Dieu. C’est pourquoi le pape Léon a insisté sur l’importance de maintenir la synodalité au cœur du fonctionnement de l’Église, reprenant ainsi l’impulsion donnée par le pape François. Le conclave, tel que les cardinaux l’ont vécu, est une mise en œuvre concrète de ce travail collégial de discernement. Loin des batailles de pouvoir, l’élection du pape fut pour les cardinaux une liturgie afin de discerner la volonté de Dieu pour notre monde, notre temps et l’Église. Le fait de se mettre en marche ensemble, en peuple, en communauté, constitue le meilleur garde-fou contre le totalitarisme et la manipulation.
Olivier