Spiritualité

Édito mai 2025 > Un tombeau vide

Avec Pâques, fête fondamentale pour les chrétiens, nous célébrons la résurrection du Christ, et cela démarre par la découverte du tombeau vide. Ensuite c’est sur les dires des uns et des autres qui témoignent du retour du Christ que la résurrection devient une Bonne Nouvelle, mais ce sont des croyants qui en parlent, il n’y a pas de preuve historique de la résurrection, ni de la divinité de Jésus. C’est donc sur une absence que repose la foi des chrétiens, ce qui définit l’acte même de croire : il n’y pas de preuve tangible irréfutable et matérielle, cela implique une adhésion personnelle et libre. On ne nous demande pas de croire en l’existence du papier sur lequel est imprimé ce texte, mais pour les sentiments, comme pour la foi, il y a un mouvement intérieur qui permet d’affirmer ou non si l’on croit. Si la foi était démontrable et irréfutable, alors nous n’aurions pas le choix, nous serions obligés de croire, et l’on ne parlerait pas de croyance mais de certitude.

L’invisible
Dans le cadre d’une relation d’amitié ou d’amour, on peut donner des preuves du sérieux de cette relation, on peut poser des gestes et des actes, mais le doute subsiste, c’est ce qui fait la force et la fragilité de ces relations humaines tellement belles mais parfois douloureuses. On peut découvrir que l’on a été manipulé, ou au contraire se rendre compte que l’on a négligé une belle relation par aveuglement, par négligence ou pour un tas d’autres raisons liées à notre histoire et à nos expériences antérieures. Les sentiments ne sont pas visibles en dehors des geste qu’ils font poser.

Le doute
Pour la croyance, comme pour les sentiments, le doute fait donc partie du chemin de la foi. Il est normal que nous posions des questions sur ce qui fonde notre espérance, sur le sérieux de notre expérience spirituelle. Les miracles relatés dans les Évangiles ne sont pas des actes magiques qui obligent les spectateurs à croire, ils sont des signes de la bienveillance de Dieu qui est sensible à la détresse humaine et qui vient lutter contre le mal. D’ailleurs, à plusieurs reprises, la Bible relate que Jésus ne pouvait pas accomplir de guérison là où les gens n’avaient pas la foi. Et même lorsque les miracles paraissent extraordinaires, ils peuvent rester objets de contradiction et d’incrédulité. Cela me fait penser à une rencontre avec le responsable du sanctuaire de Lourdes lorsqu’étant jeune j’avais participé au pèlerinage diocésain avec les personnes malades et handicapées de Marseille. Il nous expliquait que les miracles reconnus officiellement par l’Église ne relevaient pas de la magie mais étaient en fait des guérisons inexpliquées et jamais contre-nature. Et qu’il fallait que le doute puisse exister entre intervention divine et action de forces qui permettaient aux personnes malades de trouver des ressources insoupçonnées et inconnues au moment de la guérison. Il nous précisait qu’avec les années et les progrès de la science, certains miracles pouvaient trouver des explications médicales et psychologiques, mais que le terme de miracle restait justifié car à l’époque où la guérison avait eu lieu, on ne pouvait pas comprendre ou provoquer ce rétablissement. Il y avait quelque chose qui nous dépassait. Que certains parlent de miracle et d’autres de force intérieure ou de « niaque » fait partie de ce doute possible. Il nous disait même que, pour lui, le véritable miracle de Lourdes, comme de beaucoup de lieux de guérisons, c’était que la plupart des malades ne revenaient pas guéris après un pèlerinage mais qu’ils avaient gardé la foi et trouvé des ressources intérieures pour traverse les épreuves.

La liberté
Il est donc naturel et même peut-être bénéfique, que nous puissions avoir des périodes de doute et de remise en cause de notre foi. Cela fait partie du processus. Entre ce que l’on a appris étant un enfant crédule et notre expérience d’adulte libre et responsable avec une certaine expérience de la vie, il est normal que nous ayons besoin de remettre en cause les choses imposées pour qu’elles prennent du sens, qu’elles soient remises en perspective et répondent à une certaine logique. Ce n’est pas un péché de douter ou de se poser des questions, au contraire. L’Église précise même aux croyants que pour prendre une décision qui soit juste et bonne, ils doivent suivre leur conscience. Ils ont le devoir d’éclairer cette conscience pour ne pas être motivés par des pulsions ou des instincts, ils ont sans doute besoin de prendre conseil et de prendre du recul – et la spiritualité et la foi chrétienne donnent des repères qui permettent de faire ce travail de discernement – mais au bout du compte, ce que l’Église nous dit, c’est qu’elle respecte la décision d’une personne même si cette décision ne rentre pas totalement dans les clous de la doctrine officielle. La liberté de l’homme est première. On pourrait même dire que le désir de Dieu pour l’humanité, si l’on peut prétendre savoir ce que Dieu veut – ce qui est révélé tout au long de la vie de Jésus dans ses rencontres et ses relations – c’est que l’homme soit libre. Libre au sens fort du terme : libéré des tous les esclavages, intérieurs, extérieurs, politiques et mêmes religieux, afin qu’il accède à sa plénitude et à son accomplissement.

Olivier

2025-04-21T16:48:13+02:00

L’Évangile du mois de mai 2025

L’Évangile du mois sera proclamé le 18 mai durant le temps pascal, ces 50 jours qui prolongent la grande fête de Pâques.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean


Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants ,c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous.  Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.

Le contexte

Cet extrait se situe durant le dernier repas de Jésus entre l’annonce de la trahison de Judas et celle du reniement de Jésus. On a le sentiment que le départ de Judas apporte un soulagement qui détend l’atmosphère. Maintenant qu’il n’est plus là, Jésus peut commencer le discours des adieux à ses disciples. Tel un maitre spirituel, Jésus commence ici son testament spirituel.

Le Fils de l’Homme a été glorifié
Dans l’Évangile de Jean, la gloire évoque la vérité ultime d’une personne. Jésus a donc été glorifié dans le geste du lavement des pieds, clé de lecture du sens de sa présence parmi nous. Par conséquent, « Dieu a été glorifié en lui », Jésus lavant les pieds de ses disciples, il glorifie Dieu, Dieu se révélant ainsi dans le service du prochain.

Petits enfants
Cette mention a bien évidemment un caractère affectueux. On peut entendre aussi cela au premier degré. Au moment où Jésus va mourir, ses disciples peuvent se considérer comme des enfants orphelins puisque leur divin maitre va mourir.

Un commandement nouveau ?
Rien de nouveau sous le soleil ! S’aimer les uns les autres n’a rien d’un commandement original. En fait, dans l’Ancien Testament, l’amour du prochain se confond avec la justice, ici, Jésus donne un sens nouveau à un commandement ancien. Il s’agit d’aimer jusqu’à laver les pieds de ses proches.

Commander d’aimer ?
Si par définition l’amour est gratuit, comment peut-il se commander ? Et s’il se commande, ce n’est plus de l’amour. La seule façon de sortir de cette impasse est de ne pas considérer l’amour comme un sentiment mais comme une action. Jésus ne nous commande pas d’éprouver de l’affection pour telle ou telle personne mais de nous mettre concrètement au service de notre prochain. Ce n’est pas la même chose !

Comme je vous ai aimés
Le modèle de l’amour se trouve dans l’attitude de Jésus avec ses disciples. Pour le définir en une phrase, c’est l’action que j’entreprends pour faire grandir mon prochain dans toutes les dimensions de sa personne. C’est en étant enracinés dans l’amour de Dieu que nous pouvons aimer notre prochain. Remarquons que Jésus ne dit pas « aimez-moi comme je vous ai aimés ». L’amour n’est pas un commerce mais une circulation : « Comme je t’aime, aime ton prochain »

Être disciple ?
Ce n’est pas le raisonnement, ni la foi qui définit le disciple mais d’abord l’amour. Oui, l’amour est la marque du disciple, c’est d’ailleurs ce que nous avons pu expérimenter. Remarquant telle ou telle personne particulièrement aimante, au service, nous avons compris qu’elle était une disciple de celui au nom de qui elle servait, aimait.

Ces réflexions ont été librement inspirées à partir du livre d’Antoine Nouis
« Le Nouveau Testament » Commentaire intégral. Volume 1.

Didier Rocca

 

L’expression du mois : Être disciple

Dans les Évangiles, Jésus s’adresse souvent au groupe des disciples. Ce qui les caractérise est d’être des proches de Jésus qu’il a connus durant sa vie publique. Ne les idéalisons pas, ils nous ressemblent à la fois dans leur générosité et leur enthousiasme mais aussi dans leurs incompréhensions et leurs péchés. Une partie du ministère de Jésus consiste à les former à des pratiques évangéliques comme dans ce passage. Jésus ne les trompe pas, il ne dilue le message. Il demande beaucoup. C’est cela être disciple du Christ : Suivre le Christ « quoiqu’il en coûte ».

2025-04-21T17:12:48+02:00

Édito avril 2025 > La gloire par la croix ?

Certaines formulations chrétienne sont ambiguës et peuvent être source de malentendus. Ainsi au sujet de la Passion du Christ, on pourrait comprendre que c’est le passage par la souffrance et la croix qui donne sa gloire à Jésus, comme s’il fallait qu’il passe par ce chemin douloureux pour être véritablement divinisé : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26) ou « Celui pour qui et par qui tout existe voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire ; c’est pourquoi il convenait qu’il mène à sa perfection, par des souffrances, celui qui est à l’origine de leur salut » (He 2, 10).

La gloire par l’amour
Quand on connait la vie de Jésus et le message chrétien, on ne peut qu’être troublé par cette idée d’un Dieu qui voudrait que le Christ souffrit pour qu’il atteigne son accomplissement. Comment comprendre ces expressions ? En fait ce n’est pas la souffrance qui est chemin de perfection, mais l’amour ; et l’obéissance au projet d’amour absolu de Dieu. Projet que le Christ met en œuvre de manière totale et parfaite. C’est parce que le Christ va jusqu’à l’extrême du pardon face à ses bourreaux et qu’il continue d’aimer face à la haine qu’il accomplit de manière définitive le projet de Dieu. Le récit de la transfiguration nous aide à comprendre que ce n’est pas la souffrance ni la mort qui entraînent la gloire de Jésus, mais sa relation au père, relation d’amour et de confiance. Il n’y a rien de masochiste dans l’attitude de Jésus qui, s’il assume les conséquences de l’amour donné sans condition, ne cherche pas la souffrance mais l’accepte si elle doit être sur le chemin de son engament total envers l’humanité. Et c’est bien cela qui fait sa gloire : rien ne l’empêche d’aimer et de se donner, pas même la peur de la souffrance, ni la trahison, l’injustice ou la haine. En lui se révèle la perfection de l’amour absolu et tout puissant. En cela il incarne totalement le projet d’amour de Dieu pour l’humanité, il se dévoile dans sa divinité accomplie et absolue.

Chemin de perfection
Pour nous, qui sommes associés à la divinité de Jésus par fraternité et adoption, l’accomplissement n’est pas réalisé. Cependant, nous sommes invités à prendre ce chemin de perfection d’amour. Il est clair que nous sommes loin d’atteindre l’idéal révélé en Jésus Christ, mais cet idéal est notre vocation. Nous avançons, chacun à notre rythme, de manière parfois chaotique, sur les traces du Christ qui nous ouvre le chemin, qui parfois nous pousse, parfois même nous porte, ou qui nous rassure en étant à côté de nous, en nous encourageant, en nous donnant confiance, en nous disant qu’il croit en nous. Le Christ nous fait comprendre, par ses actes et par ses gestes, relatés dans les Évangiles, que ce chemin passe par la fraternité, par l’amour du prochain, par le service, par le soin des plus petits et des plus pauvres.

Donner du sens à la souffrance
Les personnes qui traversent des épreuves douloureuses cherchent à donner du sens à ce qui est injuste et incompréhensible. Face à l’arbitraire on cherche des responsables, et si l’on ne trouve personne contre qui projeter son désarroi, Dieu peut devenir la cible de nos accusations, surtout si l’on nous a parlé d’un Dieu tout-puissant et magique qui décide et régie tout. Les discours religieux ont parfois été ambigus sur cette question : en cherchant à culpabiliser l’homme en lui faisant comprendre que ses souffrances étaient la conséquence de ses péchés, on a laissé entendre que Dieu était un père fouettard qui condamnait et punissait. Heureusement, les prophètes et Jésus nous ont aidé à comprendre que cette vision était une caricature et trahissait le message d’amour et de pardon de Dieu. Une autre manière de donner du sens à la souffrance était d’inviter les croyants qui traversaient des épreuves à s’associer à la souffrance du Christ en compensation des péchés de l’humanité. Mais cela laisse encore entendre qu’il y aurait un jeu de balancier entre le mal commis par l’humanité et la réparation qui serait au prix de la souffrance, soit du coupable soit d’autres personnes qui paieraient en compensation. Et l’on retombe dans la logique du mérite qui n’est pas fidèle à la Bonne Nouvelle de l’amour gratuit et inconditionnel de Dieu.

Donner du sens 
au-delà de la souffrance
Par contre, on peut trouver du sens face aux épreuves, non pas en les justifiant mais en les transformant en expériences de vie. Si l’on accepte qu’il n’y ait pas de responsable ni de coupable, si l’on arrive à ne pas être dans la culpabilité, alors on peut trouver une voie d’apaisement en faisant de cette épreuve une étape de son itinéraire de vie. Il ne s’agit pas d’être heureux de cette souffrance ni de la chercher ou de la provoquer, mais d’accepter de ne pouvoir y échapper et du coup de la traverser. Et c’est là que la spiritualité et le message chrétien peuvent nous accompagner. Si Dieu a quelque chose à voir avec la souffrance, ce n’est pas en l’expliquant ou de la justifiant, mais c’est en nous aidant à la combattre et à la traverser pour que la vie et l’amour soient victorieux. C’est bien ce que nous célébrons avec la fête de Pâques.

Olivier

2025-03-24T17:47:50+01:00

L’Évangile du mois d’avril 2025

L’Évangile du mois sera proclamé le jour du Jeudi Saint. Un geste est mis en valeur lors de cette liturgie, celui du lavement des pieds.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » 
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Le contexte
Cet extrait ouvre la deuxième partie de l’Évangile selon saint Jean, il est appelé le « livre de la gloire » puisque Jésus va manifester sa gloire, sa puissance d’amour et de pardon en mourant sur la croix. Il relate le dernier repas de Jésus avant sa mort sur la croix, appelé la Cène. Nous sommes dans le cadre de la grande fête de la Pâque qui rappelle le passage du peuple hébreu de l’esclavage en Égypte à la libération en Terre Promise grâce à la traversée de la Mer Rouge.

« Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout »
Dans cette phrase solennelle, tout se concentre : d’abord il y a la fête de la Pâque juive qui coïncide nous dit saint Jean, avec l’heure de Jésus. Depuis le premier signe accompli à Cana au début de son Évangile, on sait que cette heure vient. On la pressent à la fois comme tragique (à un moment, Jésus lui-même demande à Dieu d’y échapper) et cependant glorieuse, parce que le Père glorifiera ainsi le Fils qui alors glorifiera son Père, cette gloire étant celle de la victoire de l’amour sur le dernier ennemi : la mort.

« Jésus les aima jusqu’au bout »
Non pas seulement jusqu’à la fin, mais jusqu’au comble de l’amour. C’est par cet amour sans condition, jusqu’à l’extrême de lui-même que Jésus ouvre aux disciples la porte de sa demeure, la porte qui conduit au Père, la porte eucharistique, où « Dieu fait grâce et où l’homme rend grâces » pour reprendre les mots de Paul Bony au jour de ses 100 ans. Et cela, plutôt que de le leur expliquer, il va le leur montrer, par ce geste surprenant et grandiose du lavement des pieds. « Ô sacrement de tendresse ! Ô signe d’unité ! Ô lien de charité ! », s’écriait saint Augustin en méditant ce mystère.

Un geste-parole : le lavement des pieds
Pierre résiste à ce geste plus éloquent que toute parole, puis commence à comprendre ce que Jésus fait pour lui. Ce geste d’accueil fait habituellement par un esclave peut être vu comme la manière qu’aura le Christ de nous accueillir à la fin des temps, non pas du haut de son trône mais en s’abaissant, en se mettant à nos pieds pour nous les laver afin que nous rentrions dans le Royaume.

Un huitième sacrement ?
Ce geste que Jésus nous demande d’accomplir peut être considéré comme le sacrement du frère et celui-ci tout le monde peut le donner et le recevoir. Dans l’humble service du frère, dans cette mise à disposition à l’égard du prochain, nous faisons mémoire de Jésus qui est descendu au plus bas pour rejoindre les plus humiliés et les relever pour les faire entrer dans le Royaume. Ce commandement du service fraternel est donné, cela correspond à une alliance : le don de l’amour. Jésus ayant aimé l’infidèle Judas vient nous rejoindre dans nos infidélités.

Didier Rocca

2025-03-24T17:50:00+01:00

Édito mars 2025 > Le L’humain et le divin

Que ce soit en matière de religion, de spiritualité, ou de rites, il y a souvent un conflit, ou pour le moins une dichotomie, entre notre vision humaine et ce que nous pouvons comprendre du projet de Dieu. Il est évident que nous ne saurons jamais ce que Dieu veut, et nous devons nous méfier lorsque nous prononçons ou entendons des paroles qui parlent au nom de Dieu. Mais pour les chrétiens, nous avons en Jésus Christ une manière d’être de Dieu qui s’exprime assez explicitement.

Les religions
Les critiques sur les religions s’appuient souvent sur des aspects très humains de structures qui sont considérées comme hypocrites ou autoritaires. Comment faire confiance à une institution qui parle d’amour, de respect et de fraternité, lorsque l’on découvre les dérives, les abus, les ségrégations ? Il n’est pas une religion ou une institution qui ne soit touchée par ces drames. Cela peut nous aider à bien saisir la différence entre la religion idéale, parfaite, qui n’existe que dans le monde divin, et les pâles représentations humaines et imparfaites que sont les religions que nous connaissons. C’est une invitation à l’humilité pour celles et ceux qui œuvrent dans ces structures : soyons conscients que nous sommes au service d’un message qui nous dépasse, qui rappelle un idéal extraordinaire dont nous sommes les premiers destinataires. Il ne nous est pas demander de juger ou de condamner, mais d’annoncer une Bonne Nouvelle qui invite à la guérison, au relèvement, à la conversion. Nous voyons bien qu’il y a un fossé entre la religion idéale – lieu de relecture de l’histoire de chacun sous le regard bienveillant et consolateur de Dieu, lieu de relation avec ce Dieu d’amour qui se fait proche de nous et qui désire nous accompagner dans la marche de notre vie – et les religions qui existent, avec leur histoire, leur fonctionnement : institutions humaines et structures faillibles, mais pourtant dépositaires d’un trésor inestimable.

L’Église
Il en va de même pour l’Église, qui a pour vocation de donner chair au Royaume de Dieu et qui cependant reste une communauté humaine marquée par les faiblesses humaines. Elle accomplit sa mission lorsqu’elle sait se mettre au service de la Parole de Dieu et qu’elle l’incarne dans le service, le partage et la fraternité, mais elle peut trahir sa mission quand elle se croit propriétaire du message et qu’elle pervertit sa vocation en tombant dans la condamnation ou le moralisme. C’est un appel à vivre autrement la vocation propre de l’Église qui se doit, avant d’appeler les autres à la conversion, d’être elle-même en conversion et un modèle de fidélité au projet de Dieu. Nous sommes bien conscients qu’elle est loin de vivre cet idéal, et nous pouvons être indulgents lorsqu’elle vit sa mission avec humilité en se reconnaissant constituée de pêcheurs pardonnés. Mais nous pouvons comprendre que nos contemporains puissent être très blessés et déçus lorsqu’au nom de l’Église nous trahissons le message en nous mettant en position de domination ou que nous avons des réflexes sectaires ou identitaires.

Les rites
On peut élargir la réflexion aux célébrations religieuses, aux liturgies et aux sacrements ; parfois les pratiquants les trouvent inadaptés, tristes, longs, répétitifs… Là encore, nos célébrations ne sont que de pâles reflets de la véritable célébration de joie qui procède du cœur de Dieu et qui devrait nous habiter. Nous sommes toujours dans ce paradoxe entre le « déjà-là » de l’accomplissement du désir de Dieu, et le « pas encore » de notre contingence humaine, de nos résistances, de notre vie marquée par les difficultés et les égarements. Sachant cela, nous pouvons cependant vivre de manière plus juste les temps liturgiques, car ils sont un signe de quelque chose qui nous dépasse et qui, par ces temps, ces lieux, ces gestes, devient toujours un peu plus réel dans nos vies. Nous avons besoin de passer par cette incarnation humaine et matérielle car nous sommes ainsi faits. Le danger et le risque seraient de penser que le tout de la relation à Dieu se joue dans ces pratiques rituelles. Nous tomberions dans une forme d’idolâtrie et nous passerions à côté de l’essentiel, à savoir la relation d’amour que Dieu veut nouer avec chacune et chacun d’entre nous.

Olivier

2025-02-27T09:09:05+01:00

L’Évangile du mois de mars 2025

En ce deuxième dimanche du Carême, nous retrouvons cet épisode appelé la Transfiguration de Jésus.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul.
Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

Le contexte
Luc propose cet épisode de la Transfiguration en plein cœur de son Évangile juste après la multiplication des pains, la confession de Pierre et l’annonce de sa Passion. Que s’y passe-t-il ? Jésus gravit une montagne, pour une rencontre avec son Père. Il n’est pas seul puisque cinq autres personnes sont avec lui : les trois disciples Pierre, Jacques et Jean qui seront à côtés à Gethsémani, mais aussi les deux grands prophètes de l’Ancien Testament, Moïse et Elie.

Six jours…
Jésus prend donc avec lui trois de ses plus proches compagnons et les invite à monter sur une montagne.
Six jours ? Cette indication de temps est suggestive. C’est le temps qui sépare, dans la liturgie juive, le Yom Kippour appelé aussi le jour du grand pardon, de la Fête des Tentes. Ainsi, durant une semaine, la communauté vit sous des tentes, comme au désert, pour exprimer cette attente d’une nouvelle manifestation de Dieu et de la venue du Messie. Un peu comme les chrétiens durant le temps de l’Avent. Ce n’est pas un hasard. Luc évoque explicitement les tentes lorsqu’il fait dire à Pierre : « Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie… »

Chacun sa montagne
L’indication de la montée de Jésus sur une montagne est tout aussi intéressante. Attention, n’imaginons pas le Mont Blanc ou un haut sommet enneigé mais plutôt une colline. Remarquons que les deux figures de l’Ancien Testament, Moïse et Elie, renvoient chacun à une montagne. Moïse est monté au Sinaï où la Loi fut donnée ; Élie est allé sur la montagne de l’Horeb où Dieu s’est manifesté non pas dans le tonnerre mais dans une brise légère ! Sur la montagne, Dieu se révèle. Que va-t-il dire ?

Une reprise du baptême
« Celui-ci est mon fils que j’ai choisi ». Cette parole divine, nous l’avons déjà entendue au moment du baptême de Jésus par Jean. C’était au début de l’Évangile. Une mention est rajoutée ici : « Écoutez-le ». Notre pédagogue divin insiste sur l’écoute, précisément parce que ce n’est pas le fort des disciples et nous sommes probablement aussi dans ce cas-là. L’écoute est synonyme d’obéissance, cela ne renvoie pas à un quelconque problème d’audition. Rappelons-nous qu’écouter Jésus, c’est tout simplement faire partie de ses disciples.

La transfiguration nous parle de Pâques
Une nouvelle fois, un épisode de l’Évangile évoque Pâques. Ainsi lorsque Jésus s’approche des disciples qui sont tombés « la face contre terre », il les touche et leur dit : « (R)éveillez-vous ». Puis à la fin, Jésus leur demande de ne « parler à personne de cette vision avant que le fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Éveillé, ressuscité, réveillé, ces verbes en français renvoient au mystère vécu à Pâques.

En descendant
Nous pouvons imaginer le trouble, l’incompréhension ressentis par les trois disciples. Qu’ont-ils compris de ce son et lumière ? Comme souvent, il faut du temps pour analyser, décrypter les moments spirituels forts d’une existence. Il leur faudra attendre la Passion de leur maître. C’est ainsi que leur reviendra à l’esprit les événements du Thabor (montagne de la transfiguration) durant lesquels le Père leur aura donné les clés de compréhension du ministère et de l’identité de Jésus. Ainsi, après Pâques, ils comprendront que l’Amour du Père a été plus fort que la mort et qu’ils en avaient eu une preuve par avance.

Pour actualiser
Cette page d’Évangile nous oriente vers Pâques en nous recentrant sur l’essentiel : écouter le Fils bien-aimé du Père. Ah, si nous pouvions devenir de véritables écoutants, à l’écoute de la Parole de Dieu et des autres afin d’y déceler les conseils de notre divin maitre ! Ah, si nous pouvions à l’occasion de ce temps de carême nous rafraîchir la mémoire afin que reviennent à notre esprit ces épisodes fondateurs qui nous ont permis de dire : Oui, j’y crois. Il m’a parlé, j’ai compris quelque chose de sa grandeur, de sa bonté… Ah, si nous pouvions devenir ou redevenir de véritables pèlerins. La tentation est si grande de faire comme Pierre qui voulait rester là avec son Jésus. Que ce soit pour les autres disciples ou pour nous-mêmes, Jésus nous attend dans notre Galilée, dans notre lieu de mission où déjà il nous précède. Jésus lui-même est descendu de la montagne, alors pourquoi voudrions-nous rester là-haut ?

Didier Rocca

2025-02-27T10:48:04+01:00

Édito février 2025 > Le jubilé de l’espérance

En cette année 2025, qui marque un jubilé, l’Église nous propose de prendre un temps d’action de grâces, de prière, de conversion. Cette tradition est très ancienne, on en trouve des références dans la Bible, et Jésus lui-même, dans un épisode de sa vie, lit un rouleau du Premier Testament, dans le livre du prophète Isaïe, qui fait référence au jubilé : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Ce texte renvoie à un livre de Torah, le Lévitique, qui explicite l’année jubilaire : « Ce sera une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. En cette année jubilaire, chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. » Si l’on jubile, si l’on est heureux, c’est parce que l’on remet les pendules à l’heure, on a droit à une nouvelle chance, c’est l’occasion de comprendre que nous avons droit au pardon et à l’indulgence de la part de Dieu. Le Seigneur nous invite à nous rappeler aussi que tout ce que nous avons vient de lui, nous ne sommes propriétaires de rien mais nous sommes responsables de ce qui est à notre disposition. Ainsi ce qui prévaut, c’est le partage et la justice.

Pèlerinage
Lors des jubilés, l’Église propose aux chrétiens de vivre une démarche de conversion en se mettant en mouvement, en pèlerinage : manière de vivre sa foi en marchant, en priant avec son corps, avec ses jambes et ses pieds, car cela permet de comprendre que Dieu veux nous faire bouger intérieurement. Être chrétien, c’est entrer dans une démarche de conversion continuelle ; cela fait référence au baptême, à la fête de Pâques, aux sacrements. Lors des jubilés, les croyants sont invités à passer des portes, signe explicite de passage…

Repères
Dans le christianisme, les jubilés on été célébrés à partir du début du xive siècle, d’abord tous les 100 ans, puis tous les 50 ans, ainsi qu’aux quarts de siècle et même lors d’années spéciales en rapport avec la vie de Jésus : ainsi il y a des jubilés dans les années en 33 pour célébrer la résurrection du Christ. Le jubilé de l’an 2000 était extraordinaire car il marquait un passage de millénaire. Pour le jubilé de 2025, le pape François nous propose de nous concentrer sur l’espérance. Cette vertu théologale – qui trouve sa racine en Dieu lui-même – est mise en exergue parce que notre monde en à terriblement besoin ! Nous traversons une période d’incertitudes et de crises qui peut trop souvent entrainer le repli sur soi et la défiance envers les autres.

Espérance
L’espérance ne doit pas être confondue avec l’espoir. L’espérance s’appuie sur un avenir qui devient un cap, une boussole : « La foi chrétienne ne regarde pas à partir du présent vers l’avenir obscur et inconnu ; elle regarde, à partir de l’avenir de Dieu qu’elle espère, vers le présent qu’elle rencontre » (Jürgen Moltmann, théologien protestant). « L’espérance est ancrée dans l’avenir pour inventer le présent » (Christian Salenson). Nous sommes invités à comprendre que la victoire du bien contre le mal est acquise, que la mort est vaincue, que l’amour est plus fort que la haine. Ce n’est pas seulement un vague espoir qui nous rassure et nous aide à tenir le coup face aux difficultés ; c’est beaucoup plus profond. Avec la force de l’espérance qui nous vient de Dieu, nous devenons capables de traverser les épreuves, de prendre des risques, de nous engager. Nous comprenons aussi que la démarche religieuse authentique est une démarche de renouveau, de pardon : nous pouvons avoir fait de mauvais choix, nous sentir pêcheurs et fautifs… cependant, pour Dieu, ce qui compte, c’est que nous désirions faire la vérité et changer. Il ne nous tourne pas le dos, il est bienveillance, indulgence et miséricorde, il nous offre un nouveau départ, il nous ouvre un avenir.

Dimension collective
Dans le cadre de ce jubilé pour toute l’Église, le pape nous invite à comprendre que l’espérance n’est pas une vertu seulement individuelle, mais qu’elle a aussi une dimension collective. Comme groupe, communauté, État, nation, peuple, Église, humanité, nous avons pu faire de mauvais choix, nous laisser entrainer dans des engrenages mortifères, nous avons parfois négligé la justice, la fraternité, le bien commun, mais il n’y a pas de fatalité, il n’est jamais trop tard pour redresser la barre car notre vocation, notre avenir, est de devenir une fraternité. Nous sommes tous embarqués dans la même aventure, nous sommes ensemble pour affronter les défis de notre temps. Nous pouvons redouter ou refuser cette fraternité, mais elle n’en est pas moins réelle et irréductible. Les égarements de notre monde, le repli identitaire, le chacun pour soi, ne sont que des réflexes d’immaturité qu’il nous faudra dépasser pour avancer enfin vers notre destinée commune.

Olivier

2025-01-19T18:53:30+01:00

L’Évangile du mois de février 2025

Luc nous relate ici des conseils donnés à ses disciples et plus largement pour ceux qui croient en lui. Cet Évangile sera proclamé le dimanche 23 février, juste avant la reprise des cours suite aux vacances d’hiver.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous.

Le contexte
Nous sommes au début de l’Évangile dans une séquence d’enseignement. Après le discours des béatitudes, Jésus enchaine avec une exhortation sur l’amour des ennemis.

Un oxymore
« Aimez vos ennemis » porte dans les termes qu’il contient une contradiction. Pour les disciples, l’ennemi est celui dont Jésus vient de parler, celui qui les détestera, insultera, ou rejettera. Puis-je aimer lorsque je suis détesté ? Puis-je aimer un ennemi ?

L’amour du prochain
Dans l’Ancien Testament, il ne consiste pas à éprouver un sentiment d’affection pour lui. Aimer son prochain, c’est le faire grandir. Jésus nous demande de faire du bien à son ennemi, à le bénir et de prier pour lui. La logique de notre monde est de répondre à la haine par la haine. Pour sortir de cette contagion mortifère, il n’y a que le pardon et l’amour des ennemis.

Plutôt des ennemis de palier…
Nous ne sommes pas confrontés à des ennemis de guerre comme on peut les apercevoir dans des films, mais plutôt à des ennemis de palier. Nous pouvons avoir dans notre entourage une personne qui nous hait ou qui nous calomnie sans raisons. Jésus nous dit : « Cette personne qui te hait, cette personne qui dit toute sorte de mal contre toi, tu dois l’aimer ! »

Mais, comment est-ce possible ?
Si c’est impossible, nous sommes face à un Dieu pervers qui nous fait viser si haut qu’il nous décourage. Si ce n’est pas impossible, c’est donc qu’un chemin praticable s’offre à nous pour aimer nos ennemis. Jésus propose trois pistes : Il nous dit qu’aimer notre ennemi, c’est déjà ne pas le juger, mais aussi ne pas le condamner et enfin s’efforcer de lui pardonner. Ces trois marches vers l’amour de l’ennemi ne peuvent pas être montées uniquement par la force de notre volonté. Ne négligeons pas la grâce de Dieu grâce à laquelle je peux m’engager sur le chemin du pardon. Pour cela, je dois prier pour cet ennemi, une personne pour laquelle Jésus a donné son sang.

Ennemi de qui ?
N’oublions pas aussi que si nous sommes parfois persécutés, nous sommes aussi souvent persécuteurs. Il nous arrive nous aussi de faire du mal sans nous en rendre compte ou en le faisant exprès, d’être l’ennemi de quelqu’un, de dire du mal de lui, de le calomnier, de le jalouser. Jésus nous dit que « la mesure dont nous nous servirons pour les autres servira de mesure aussi pour nous ». Si j’ai fait du mal à une personne sans m’en rendre compte et que je réalise tout à coup mon péché, je serai soulagé si cette personne cherche d’abord à me comprendre, si elle ne m’enferme pas dans mon péché, et si elle m’offre son pardon. Comme le dit Jésus : « Ce que tu veux que les autres fassent pour moi, tu dois le faire pour eux. »

Didier Rocca

Le nom du mois : Miséricorde


Ce mot désigne en hébreu de façon très concrète les entrailles d’une mère qui s’émeuvent lorsqu’elle retrouve son enfant par exemple, mais aussi la bonté, ou encore la fidélité à une relation. C’est aussi en grec le sentiment qui porte à s’émouvoir au spectacle des souffrances d’autrui. Rien à voir avec le sens que l’on prête trop souvent à ce mot, une attitude laxiste sans effet ni consistance, qui manque de clarté et de fermeté et n’a d’autre objectif que de contenter tout le monde.

2025-01-19T18:56:21+01:00

Édito janvier 2025 > Se souvenir de l’avenir

La notion de conversion est souvent associée à la remise en cause du passé, à la relecture culpabilisante des événements, à l’introspection en vue de réparer les fautes commises et de ne pas commettre les même erreurs. La conversion, selon cette acception, tourne le regard vers le rétroviseur et se focalise sur ce qu’il y a en arrière. Cependant, une conception plus salutaire nous est donnée dans le message évangélique : se convertir, c’est être tendu vers une promesse d’amour et vers un avenir de paix. Se convertir, c’est comprendre que Dieu s’engage auprès de nous dans le combat de notre vie, qu’il vient combler les ravins et aplanir les montagnes, qu’il prend partie pour nous, qu’il nous assure la victoire contre le mal et la mort. Cela change tout, car ainsi nous sommes tendus vers l’accomplissement de la promesse et dans une dynamique de confiance.

La vie plus forte
À l’échelle de l’histoire de l’humanité, si nous sommes vivants, de plus en plus nombreux sur terre, avec une espérance de vie en bonne santé toujours plus grande, c’est parce que les forces de progrès et de vie sont extrêmement puissantes dans l’humanité. Lorsque nous traversons des tensions, des crises et des périodes douloureuses ou dramatiques, nous pouvons oublier cela et avoir l’impression que nous sommes sur le déclin et dans une spirale négative. Cependant il nous faut nous rappeler que la victoire de la vie et de la paix est au terme du combat. Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter d’agir pour changer les choses et pour avancer, au contraire : cela nous aide à savoir que ce que nous avons à faire pour traverser les crises a du sens car la victoire est assurée. Les guerres ont toujours eu une fin, et la vie, la concorde et la paix ont toujours eu le dernier mot, même si c’est après des périodes terribles et dramatiques. Cette idée de progrès est difficilement concevable pour ceux qui sont dans la souffrance et en pleine crise, mais c’est vrai. Nous ne devons pas nous satisfaire de cette perspective pour nous résigner aux souffrances des victimes de la violence en Ukraine, en Palestine, en Syrie, et j’en passe, mais ceux qui ne sont pas dans la tourmente ont le devoir de souffler sur les braises de l’espérance. Les pires dictatures ont connu une fin, les guerres ont laissé la place à des périodes de paix bien plus importantes et fructueuses que ce qui était imaginable.

Au cœur de la nuit
C’est au cœur de la détresse du monde que Dieu s’incarne dans la nuit de Noël, au cœur de l’obscurité et de l’hiver, dans une famille déplacée, dans des conditions de précarité, dans un contexte de violence… Cependant c’est comme prince de la paix que Jésus est né. Toute sa vie il a annoncé la Bonne Nouvelle dans des situations plus dramatiques les unes que les autres, se faisant proche des plus petits, des plus méprisés, des plus démunis et des blessés de la vie. Jésus nous montre l’engagement de Dieu qui vient au cœur de l’obscurité pour apporter la lumière et combattre le mal. Il ne vient pas combattre les humains, les juger ou les condamner, il vient avec nous pour que le bien l’emporte, pour que nous progressions dans l’accomplissement de notre humanité et que nous devenions véritablement ses fils et ses filles, libres et fraternels.

Le combat de l’espérance
Ces perspectives positives peuvent paraître lénifiantes et idéalistes. Effectivement, nous ne sommes pas dans le monde des bisounours ; c’est bien pour cela que l’espérance est un combat. Les forces de mort, de pessimisme, de repli sur soi, de rejet de l’autre et de recherche de bouc émissaires sont vivaces dans les périodes de crises, et il nous faut résister à ces tentations qui ne font qu’ajouter du mal au mal, de la souffrance à la souffrance. Résister à la fatalité et au désespoir demande beaucoup de courage et de ténacité, et si nous comptons sur nos seules ressources personnelles nous risquons de nous sentir impuissants. C’est pour cela que les croyants ont besoin d’approfondir et d’alimenter leur foi, c’est-à-dire leur espérance, à la source de vie que les croyants nomment Dieu. C’est ce que nous célébrons au cœur de la nuit de Noël, c’est ce que nous découvrons aussi à l’occasion de la fête de l’Épiphanie qui est solennellement fêtée à l’Œuvre : Dieu se révèle source universelle de vie et d’amour. Il n’est pas réservé à une élite morale, sociale, culturelle ou ethnique, il est pour tous. Autour de l’enfant-Jésus, c’est l’univers entier qui est symboliquement rassemblé. Pour Dieu les frontières n’existent pas ; et lorsque les hommes érigent des murs et des séparations, lui nous inspire afin que nous bâtissions des ponts et des lieux de rencontre, de partage et de fraternité.

Olivier

2024-12-16T16:06:48+01:00

L’Évangile du mois de janvier 2025

Nous lirons cet Évangile le dimanche 19 janvier. Il nous raconte le premier grand « signe » de Jésus opéré durant un mariage à Cana.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Le troisième jour il y eut une noce à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à la noce avec ses disciples. Et voilà que le vin de la noce arrive à sa fin : ils n’avaient plus de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » Jésus lui répond : « Femme, vas-tu te mettre dans mes affaires ? Mon heure n’est pas encore venue. » Mais sa mère dit aux servants : « Faites tout ce qu’il vous dira. »
Il y avait là six bacs de pierre que les Juifs gardaient pour leurs purifications ; ils pouvaient contenir chacun 100 ou 150 litres. Jésus leur dit : « Remplissez ces bacs avec de l’eau. » Ils les remplirent jusqu’au bord. Jésus dit alors : « Prenez maintenant et portez-en au responsable de la fête. »
Le responsable de la fête goûta cette eau changée en vin, mais il ne savait pas d’où il venait, seuls les servants qui avaient pris l’eau le savaient. Alors il dit au marié : « Tout le monde sert d’abord le bon vin, et quand les gens sont gais, on donne le vin ordinaire. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » C’est ainsi que Jésus fit le premier de ses signes, à Cana en Galilée. Là il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.

Le contexte
Nous sommes au début de la vie publique de Jésus. La première activité de Jésus est sa participation à un repas de noces. Jésus fait donc la fête. Cette présence de Jésus à ces noces sanctifie d’avance, non seulement le mariage, mais aussi nos distractions et notre vie sociale. Ces relations humaines ne sont pas sans importance dans l’optique du Royaume. Elles sont souvent l’occasion de se réjouir, de vivre la fraternité.

Une noce qui en cache une autre
Ce mariage est particulièrement original. Rien n’est dit de la mariée et si peu du marié, les six jarres sont vides, le maître du repas est donc notablement imprévoyant. Les serviteurs, eux, ont bien compris qu’il s’est passé quelque chose d’incroyable, de l’eau transformée en vin. Le maître du repas qui en reste à la surface des choses goûte le nouveau vin sans se demander comment il a pu arriver là (plus de 600 litres !) et nous fait un petit couplet de circonstance : « Tout le monde sert le bon vin en premier mais toi non… ». Sans compter que donner à boire des convives le troisième jour de noces ne semble pas indispensable. Tout ça pour ça !

Et la deuxième noce alors ?
Il nous faut maintenant lire ce passage de manière plus profonde. Le vin qui manque exprime la détresse des hommes loin de Dieu. Tout ce vin est bien nécessaire pour l’humanité entière. Quel gâchis s’il devait être proposé seulement pour quelques invités triés sur le volet. Derrière la mariée se cache donc l’humanité. Le marié est le Christ bien sûr, qui, lui, prend les moyens pour que la noce soit une vraie fête. Le bon vin gardé jusqu’à maintenant est celui de l’amour de Dieu pour l’humanité. Cette relation d’amour est exprimée dans la Bible en termes d’alliance. Jean ouvre donc son Évangile par une invitation : Dieu nous convie à ses noces. Accepterons-nous l’invitation ?

Comment a-t-on su que l’eau était transformée en vin ?
Les disciples ne sont pas au courant de la transformation de l’eau en vin, il a donc fallu qu’un des serviteurs le leur fasse remarquer. C’est lorsque nous sommes au service que nous sommes capables de réaliser la puissance du Christ qui se réalise en termes de transformation : de l’eau en vin, de notre doute à notre foi. Dieu transforme les cœurs, l’eau en vin, la vie terrestre en vie éternelle. C’est dans le service que nous pouvons être témoins de cela. Remarquons l’obstination de Marie.

Pour actualiser
Au fond, cet Évangile raconte comment Marie enfante Jésus à la mission. Remarquons les deux phrases de Marie : « Ils n’ont pas de vin », « Faites tout ce qu’il vous dira ». En peu de mots, Marie dit l’essentiel. Elle ne fait rien, elle ne sollicite rien, elle présente seulement la pauvreté des hommes pour que Dieu y mette sa richesse. Elle est parfaitement placée pour que la noce soit belle comme l’Église qui a pour mission de favoriser ce lien d’amour entre Dieu et l’humanité.

Didier Rocca

Le nom du mois : signe


Lorsqu’on parle des noces de Cana, on pense que c’est le premier miracle de Jésus. Or, Jean parle d’un signe et non pas d’un miracle. Quelle différence ? Chez les autres évangélistes qui parlent de miracle, c’est la foi qui produit le miracle. Le paralytique s’entendra dire par Jésus : « Va, ta foi t’a sauvée. »
Pour Jean, la foi est la conséquence du signe posé par Jésus. Ainsi, Jésus change l’eau en vin puis les disciples crurent en lui. Remarquons qu’un signe ne s’impose pas. À certains, le signe peut provoquer la conversion. À d’autres non. La liberté de chacun est sollicitée par le signe.

2024-12-16T16:09:30+01:00