Olivier

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L’Évangile du mois de mars 2020

L’évangile du mois sera proclamé le dimanche 22 mars, le quatrième dimanche du carême.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. Il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui disait : « C’est bien moi. » On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. » Parmi les pharisiens, certains disaient : « Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres disaient : « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors. Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors. Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui.

Le contexte

Ce chapitre 9 de l’Évangile selon saint Jean s’inscrit dans la liturgie de la fête des tentes, une fête qui est vécue par les juifs avec des illuminations autour et dans le Temple.

Symbolique de ce récit
Ce récit est composé autour du chiffre 7 dont on sait l’importance dans la Bible : 7 scènes se succèdent avec 7 dialogues. « Ouvrir les yeux » est mentionné 7 fois. Et, le plus important, Jésus est désigné de 7 façons différentes : Jésus, prophète, Seigneur, fils de Dieu, fils de l’homme, Rabbi, l’Envoyé.

Introduction curieuse
Aucune donnée d’espace et de temps. La situation décrite est donc universelle. C’est bien notre situation qui est décrite, la naissance de toute personne à la foi. L’aveugle représente le genre humain. Au fond, tout homme est né aveugle. En avons-nous conscience ? Non pour nous en lamenter mais pour creuser en nous le désir de voir vraiment.

D’où vient ce handicap ?
Les disciples cherchent dans le passé la raison de l’handicap de cet aveugle-mendiant. Dans la compréhension juive de l’époque, celui qui a péché doit être puni ici-bas puisqu’il n’y a pas de résurrection. Toute cécité est la conséquence directe d’un péché. Évidemment, cela nous heurte, alors qu’on pourrait attribuer le malheur d’un homme à son péché personnel, on ne peut le faire à un aveugle de naissance.

La guérison
Jésus fabrique lui-même la boue, un peu à la manière de Dieu qui, dans le livre de la Genèse, crée Adam à partir de la glaise. Il applique un onguent sur les yeux de l’aveugle, il l’envoie se laver et celui-ci voit. Comment ne pas penser à l’eau du baptême qui nous fait accéder a une vie nouvelle, à une vision différente du monde ? Il voit clair à présent.
Enfin, pas tout à fait. C’est à l’issue de sa dernière rencontre avec Jésus que cet homme voit vraiment qui l’a guéri, il est alors capable de dire : « Je crois Seigneur ! »
On comprend l’importance de ce passage dans le cheminement des futurs baptisés. Jésus est celui qui nous donne de voir la vie, les autres, les situations et aussi soi-même avec un regard juste. Le baptême renvoie au geste du Christ qui redonne la vue à l’aveugle de naissance.
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Didier Rocca
Monsieur de l’Œuvre

Le mot du jour : Siloé

Le bassin de Siloé désigne différents réservoirs situés dans la partie inférieure de la cité de Jérusalem du temps du  royaume de Juda. Il collecte l’eau le long du flanc est de la colline. C’est un lieu mentionné dans l’Ancien Testament construit par Ézéchias (-700) pour permettre à la ville d’être approvisionnée en eau même en cas de guerre. C’est aussi l’endroit où Jésus envoie l’aveugle de naissance se laver.

2020-02-12T08:45:39+01:00

Édito février 2020 > La pédagogie de l’Œuvre : éduquer

Le bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à la rue Saint-Savournin nous donne l’occasion de revenir sur la pédagogie que Monsieur Allemand a mise en place et qui s’est actualisée au fur et à mesure des évolutions de la société. Je vous propose aujourd’hui de revenir sur le thème de l’éducation, étant bien entendu que c’est une des missions principales de St-Sa que de faire œuvre d’éducation.

Faire grandir
Éduquer vient d’un mot latin qui évoque le fait de faire sortir, faire advenir, faire grandir, élever. Cette notion est importante car elle indique qu’il s’agit moins d’apporter des éléments extérieurs que de faire jaillir ce qui est déjà présent en germe et qui peut s’épanouir, grandir. L’image du sculpteur peut être une belle évocation de ce qu’est l’éducation : le sculpteur n’ajoute pas de la matière, il en enlève pour faire émerger la forme qui était présente au cœur de la matière, il révèle ce qui était caché pour que le beau apparaisse. Ce travail de simplification, de purification est un travail d’orfèvre qui demande beaucoup de tact, de patience, de bienveillance. Nous pouvons souhaiter que tous ceux qui prennent leur part à cette mission y soient attentifs et utilisent les outils de formation et de relecture pour assumer cette tâche au mieux.

Éduquer à la liberté
La dimension de la liberté est essentielle dans l’acte éducatif, car ceux qui sont en responsabilité peuvent avoir une forte influence sur les jeunes, et ils pourraient devenir, même à leur corps défendant, des manipulateurs. La réussite de l’éducation se mesure à la capacité que l’on a offerte à l’autre de savoir prendre les décisions qui seront bonnes pour lui, en sachant que pour cela il aura fait tout un travail de réflexion et de discernement. La liberté n’est pas seulement l’absence de contrainte extérieure qui imposerait par la force des choix, elle est aussi la liberté par rapport à nos propres réflexes naturels et parfois instinctifs, à nos pulsions, à notre ressenti qui souvent ment et devient du ressentiment… Pour éduquer une personne à la liberté il faut à la fois être à son écoute pour l’accompagner à s’écouter elle-même, à savoir voir en elle ce qui est de l’ordre du désir profond au-delà des mirages des plaisirs de surface, il faut aussi lui apporter des éléments qui donnent un éclairage et proposent un chemin d’accès au bonheur, et il faut lui donner la possibilité d’exercer son esprit critique en remettant en cause tout cela afin que la réflexion devienne véritablement personnelle et intérieure. Les parents, les éducateurs, les animateurs veulent le meilleur pour les jeunes dont ils ont la charge, mais ce meilleur ne peut être décidé pour l’autre. Il y a des conduites à risques et des impasses à éviter absolument, mais il faut accepter que l’autre, tout en étant en sécurité, fasse son expérience et trouve en lui les ressources qui lui permettront de faire les bons choix, même si ce ne sont pas ceux que d’autres auraient faits.

Éduquer par le jeu
Dans le cadre de l’Œuvre, le fondateur, Jean-Joseph Allemand, nous a proposé deux dimensions pour vivre ce projet éducatif : le jeu et la prière. Pour les jeunes, le jeu représente la vie collective dans laquelle on est en relation avec les autres. Par le jeu l’enfant apprend à vivre avec les autres, à faire équipe, à respecter l’adversaire en face de lui qui n’est pas un ennemi mais un compagnon de jeu, à respecter les règles au point de les intérioriser non comme des contraintes insupportables mais comme les conditions du vivre ensemble. C’est dans ce cadre que nous éduquons les jeunes en leur proposant une manière de vivre avec les autres basée sur le respect, l’entraide, la bienveillance, la fraternité.

Éduquer par la prière
L’autre dimension essentielle de la proposition de l’Œuvre est spirituelle. Par la prière nous invitons les jeunes à comprendre qu’ils ne sont pas des individus isolés et seuls au monde, qu’ils ont en eux un trésor qui est appelé à s’épanouir et à porter du fruit : l’amour de Dieu. C’est ce trésor qui est le fond de leur être et qui est appelé à se révéler au fur et à mesure de leur croissance pour laisser émerger ce qu’il y a de plus beau en eux. Pour reprendre l’image de la sculpture, nous croyons que toute personne est habitée par l’amour de Dieu qui prend forme en chacun d’une manière originale. Éduquer, c’est aider les jeunes à prendre conscience qu’ils ont ce cadeau en eux et qu’ils vont le partager avec les autres en inventant leur propre manière de vivre : c’est ce qu’on appelle trouver sa vocation.

Olivier

2020-02-10T22:39:25+01:00

Bicentenaire > L’Épiphanie

Dimanche 12 janvier 2020… La grande fête de l’Œuvre : l’Épiphanie, « la solennité des solennités » selon les mots du fondateur de l’Œuvre, Jean-Joseph Allemand, en 1799.

En 2020, l’Épiphanie fut l’occasion d’ouvrir la grande année du Bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à la rue Saint-Savournin : St-Sa !

2020-02-10T00:11:06+01:00

L’Évangile du mois de février 2020

L’Évangile du mois est celui du 2 février, le jour de la Chandeleur, une grande fête pour les Marseillais.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

Puis quand vint le jour où, suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur (ainsi qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur) et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux petits pigeons. Or, il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint était sur lui. Il lui avait été révélé par l’Esprit Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint alors au temple poussé par l’Esprit et quand les parents de l’enfant Jésus l’amenèrent pour faire ce que la Loi prescrivait à son sujet, il le prit dans ses bras et il bénit Dieu en ces termes : « Maintenant, Maître, c’est en paix, comme tu l’as dit, que tu renvoies ton serviteur car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé face à tous les peuples : Lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple ».
Le père et la mère de l’enfant étaient étonnés de ce qu’on disait de lui. Syméon les bénit et dit à Marie sa mère: « Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté – et toi-même, un glaive te transpercera l’âme; ainsi seront dévoilés les débats de bien des cœurs ».
Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge; après avoir vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve et avait atteint l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’écartait pas du temple, participant au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières. Elle se mit à célébrer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem. Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. Quant à l’enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui.

Le contexte

Quarante jours après la naissance de Jésus, selon la loi juive, Marie et Joseph viennent présenter leur enfant, leur premier-né au Temple. Luc qui est le seul évangéliste à nous raconter cette scène insiste sur le respect scrupuleux des parents de Jésus vis-à-vis de la Loi.

Deux « laïcs »
Luc présente à cette occasion deux personnages, Syméon et Anne. Ils représentent l’espérance d’Israël, cette attente résolue du Messie pour ce peuple qui patiente depuis si longtemps. Il est significatif que Luc ne mette pas en scène la présence de prêtres mais plutôt deux membres ordinaires du peuple, rempli d’Esprit Saint et fidèle dans leur attente.

Conduit par l’Esprit
Luc note à trois reprises le rôle de l’Esprit Saint dans la vie de Syméon. Il avait mentionné l’importance de la Loi au début. Comme si ce récit relatait une rencontre entre l’obéissance à la Loi et l’accueil de l’Esprit en ce Temple, lieu de la présence de Dieu.

Le cantique de Syméon
Lors de la prière de fin de journée appelée complies, les chrétiens chantent le cantique de Syméon. Il est repérable en gras sur le texte ci-dessus. On peut remarquer que le salut n’est pas limité à Israël, il englobe en fait toute l’humanité. Jésus est proclamé « lumière des nations » ; Le rôle que joue Jésus sera porté après la résurrection par l’Église.

Pas de salut sans la croix
Après le cantique de Syméon évoquant la Lumière, Syméon adresse à Marie une parole sombre qui évoque la division et la mort. Cette épée qui lui transpercera le cœur n’est autre que la Croix que devront subir conjointement Jésus et sa mère. La joie d’accueillir le Messie est mêlée à la tristesse de la Croix. Lors de son récit de la nativité, Luc avait déjà insisté sur cette réalité qui a habité les premières communautés chrétiennes : il n’y a pas de salut sans la croix, il n’y a pas de joie évangélique sans sacrifice. Dans nos vies, nous réalisons cela si souvent : que d’efforts à accepter avant de sortir d’une addiction, que de couleuvres à avaler pour qu’une réconciliation se fasse….

Didier Rocca
Monsieur de l’Œuvre

Le mot du jour : Chandeleur

La chandeleur, fête de la lumière ou fête des chandelles renvoie à la parole de Syméon qui parle de Jésus comme de la Lumière qui éclaire toutes les nations. Cette fête s’appelle aussi la fête de la rencontre : elle marque en effet  la première rencontre entre Jésus et son peuple, représenté par Siméon et Anne » au Temple. Il s’agit aussi d’une rencontre « entre jeunes et anciens » : entre les jeunes Marie et Joseph et les personnes. âgées Siméon et Anne. Cette fête célèbre aussi la présentation de Jésus au Temple, rite religieux que ses parents ont observé comme tous les juifs de son époque.

2020-02-10T14:42:05+01:00

Lettre du Villard – janvier 2020

LETTRE DU VILLARD

Le Villard, le 15 janvier 2020

Cher ami,

Nous sommes bien contents d’apprendre par votre petit mot que votre voyage de retour s’est finalement déroulé sans anicroche ; nous redoutions, au vu des menaces de blocage des raffineries de pétrole, que vous rencontriez des difficultés pour vous approvisionner en carburant, mais il n’en a rien été. Il faut reconnaître que l’incidence sur la vie quotidienne des actions de grève engagées par les syndicats de fonctionnaires et de salariés contre le projet de réforme des régimes de retraite a été plus sensible en région parisienne que dans « la France profonde », comme disent ceux qui ne se rendent pas compte qu’ils constituent sans doute la France superficielle. C’est, en tout cas, et je ne suis pas certain qu’il faille s’en réjouir, celle qui entend orienter le pays vers son avenir.
Vous avez les amitiés de Mimiquet qui m’a chargé de vous transmettre ses souhaits de « bonne année ». Je l’ai aperçu aux vœux du maire, où se retrouvent ceux que l’on rencontre aussi aux vœux de la paroisse, à ceux de l’Académie de la vallée, à ceux des anciens élèves du lycée et de bien d’autres institutions. On ne peut pas passer au travers du rituel des vœux – et des gâteaux des rois – qu’il m’est chaque année un peu plus pénible de traverser. J’en conçois le bien-fondé, qui est, me semble-t-il, de réaffirmer l’identité d’une communauté, de reconnaître les valeurs qu’on a ensemble reçues ou que l’on continue de partager. Il n’empêche qu’il me pèse de ressasser et d’entendre répéter les mêmes formules qui ont d’autant moins de sens que personne ne croit en l’efficience des vœux qu’on émet. Je m’accorde l’illusion, malgré tout, de penser que ces formalités ont le mérite de permettre l’expression de l’affection, de l’amitié, de l’intérêt ou de l’estime qu’on peut avoir pour des personnes à qui on n’oserait peut-être pas le dire de but en blanc. Une formule que j’ai entendue autrefois dans une vieille institution marseillaise me paraît susceptible d’ouvrir le sens de ces vœux : on s’y souhaitait une « bonne et sainte année » ; on n’entendait pas par là que la sainteté était susceptible de fondre sur vous comme la colombe du Saint-Esprit. C’était, simplement, une invitation adressée à chacun à faire en sorte que son année soit sainte, par sa conduite et ses pensées. C’était une façon de faire comprendre que la sainteté dépendait de soi et, qu’en quelque sorte, on était responsable de son avenir. Je doute que lorsque Mimiquet conclut ses vœux par « Et la santé ! » il ait en vue de à m’inciter à surveiller mon régime alimentaire et mon activité, mais il est vrai que je bénéficierai d’autant plus de ses vœux que j’essaierai de vivre sainement.
Bien qu’il n’ait pas neigé depuis votre départ, l’importance du manteau neigeux a permis au colonel Gastinel de reprendre sa tournée des hameaux en raquette et il fait régulièrement halte chez nous ou chez Me Beraud. Il ne manque jamais de nous livrer ses commentaires sur le long, et heurté, processus de négociation qui aura précédé les discussions à l’Assemblée du projet de loi sur la réforme des régimes de retraite ; l’état actuel de la situation le déçoit : « Tout ça pour ça ! ». Me Beraud lui a fait remarquer qu’il était illusoire de penser qu’une solution acceptable par tous pourrait être spontanément trouvée. « Pourquoi voulez-vous qu’il y ait des solutions admissibles par tous en toutes situations ? C’est un travers de l’esprit que de croire que l’harmonie puisse régner. Nous sommes en l’occurrence en un domaine où les intérêts des uns et des autres sont tellement antagonistes qu’il est illusoire de croire dans la possibilité d’un consensus. À un moment donné, cependant, un parti l’emporte, sans forcément que ses arguments soient les meilleurs, mais parce que l’autre s’est affaibli ou lassé. La vie est un rapport de force. Quoi qu’il en soit, je ne serai pas surpris que, dans quelques années, on reconnaisse que le résultat de ce bras de fer aura été « globalement positif », selon le mot de Georges Marchais »1.
Gastinel fit discrètement remarquer, pour ne pas être entendu de Mimiquet qui parcourait le journal en prenant le café avec nous, et qui a toujours été un des zélateurs de la retraite à 60 ans, que la réforme aurait été sans doute moins lourde à faire admettre si, en 1982, on n’avait pas réduit la durée de cotisation, alors même que les perspectives démographiques n’étaient pas plus favorables qu’elles ne le sont aujourd’hui. Et il enchaîna, pour faire diversion, en s’interrogeant sur le fait que, depuis le début des manifestations, on n’avait pas eu tellement à déplorer la présence d’émeutiers et de « black-blocks »2 en périphérie et dans les sillages des défilés : « Serait-ce que les syndicats ont de vrais services d’ordre ? Ou que la mouvance des Gilets jaunes comprend une composante anarchiste qui attire plus les outlaws3 que le monde du travail ? »
Mimiquet est morose en ce moment ; d’après Me Beraud, qui le tient de Mademoiselle Reynaud, qui le tient de Dieu sait qui, sa femme supporte mal que l’hiver oblige Mimiquet à passer le plus clair de son temps à la maison ; elle n’a rien à lui reprocher sinon de ne rien avoir à lui reprocher, car elle aimerait pouvoir s’attirer la compassion de ses voisines et amies comme bien d’autres qui ont de bonnes raisons pour cela. Alors, le malheureux monte « s’oxygéner », comme il dit, au Villard, pour autant que notre conversation ait sur lui cet effet, mais il remâche des idées crépusculaires ; ne nous disait-il pas qu’au vu de ce qu’est le monde, il se demandait si ce n’était pas un des brouillons, une esquisse, du monde que Dieu avait en vue lorsqu’Il a voulu la Création, et qu’Il a abandonné pour se consacrer à une autre création digne de Lui. Gastinel lui a remis les idées en place ; le malheureux n’en demandait sans doute pas plus.
« Il n’empêche, a repris Beraud lorsqu’il fut parti, que ce que nous vivons, la mise en cause, pour ne pas dire en accusation, des valeurs qui nous ont été proposées, du modèle culturel et du cadre religieux dans lequel nous avons été élevés et qui nous conviennent, nous désemparent. Il est bien certain qu’il ne faut pas idéaliser le passé et qu’il y a toujours eu des écarts par rapport au modèle, mais ce qui me frappe, c’est la multitude des angles d’attaque, leur convergence et leur constance dans presque tous les domaines, qu’il s’agisse de l’art, de la religion, des structures de la société, des mœurs… Tout se passe comme si tous ceux qui estiment avoir ou avoir eu à souffrir de notre civilisation occidentale et chrétienne étaient déterminés à vouloir son éradication. Il n’en fallut pas plus pour que Gastinel, qui ne fait jamais dans la dentelle, lance « Nous vivons les prémices d’un génocide4 culturel ! »
Une discussion, périlleuse pour l’avenir de notre petit cénacle de songe-creux, s’en est suivie à l’issue de laquelle il a conclu que, si le monde dont nous nous réclamons s’était sans doute, ici et là, laissé aller à quelques génocides, pas seulement culturels, ce n’était pas une raison pour tourner le dos à ce qu’il a de bon.
Nous l’avons donc complimenté pour la vitalité que la victime programmée d’un génocide pouvait ainsi manifester et l’avons reconduit à ses raquettes, en lui rappelant qu’en cette saison la nuit venait tôt…
J’ai bien noté que vous deviez nous apporter la joie de votre présence au mois de février ; vous nous gratifierez ainsi d’un peu d’oxygène pour nos conversations car, en cela semblables aux populations de nos vallées reculées dont l’endogamie ne favorisait pas l’ouverture d’esprit, nous avons l’impression que nous aurions tout à gagner de vos apports culturels citadins, fussent-ils un tantinet génocidaires, pour reprendre l’expression de Gastinel. Dites-nous si nous devons faire apprêter votre maison ; vous savez qu’il y aura toujours chez nous une assiette de soupe, et plus, si affinités !
Avec toute notre amitié.

P. Deladret

  1. Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste, en 1979, à propos du bilan des pays socialistes.
  2. Black-blocks : groupes informels, vêtus de noir, « dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable » (Ministère de l’Intérieur 2009).
  3. Outlaw : personne vivant en dehors des lois ou à l’écart de la société.
  4. Génocide. Définition du Larousse : Crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ; sont qualifiés de génocide les atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité physique ou psychique, la soumission à des conditions d’existence mettant en péril la vie du groupe, les entraves aux naissances et les transferts forcés d’enfants qui visent à un tel but.
2020-12-18T08:55:34+01:00

Édito janvier 2020 > Bicentenaire – Action de grâces

2020 : année du bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à la rue Saint-Savournin, en novembre 1820. C’est pour nous l’occasion de célébrer cet anniversaire et de rendre grâces pour tout ce que nous avons reçu et pour ce que nous vivons encore aujourd’hui à St-Sa. Que nous soyons jeune actif, animateur, ancien, parent, adulte responsable, nous avons la chance d’expérimenter à l’Œuvre une vie collective fondée sur les principes humanistes et spirituels de la Bonne Nouvelle chrétienne, dans l’équilibre proposé par Jean-Joseph Allemand, notre fondateur. Il nous invite à comprendre que la vie chrétienne peut s’accomplir dans le jeu et la prière, les deux étant liés comme les deux mouvements d’une même respiration : la relation aux autres et la relation à Dieu. Depuis 220 ans c’est ce qui se vit dans les Œuvres Allemand, et depuis 200 ans à St-Sa. Certes de manière imparfaite et loin de l’idéal recherché, mais toujours orienté vers cette perfection à laquelle Dieu nous appelle et qui nous pousse à toujours mieux discerner comment rendre compte de l’espérance qui nous habite et qui peut nous aider à assumer notre existence humaine.

Rendre grâce
Nous pouvons rendre grâce pour les personnes qui ont incarné cette belle vision de la vie. Nous avons été marqués par des amis, des animateurs, des adultes, qui ont été des repères, des modèles, des appuis dans les années importantes de notre jeunesse et de notre adolescence. Il n’y a pas eu que du bon : des maladresses et parfois même des blessures ont assombri ce tableau qui n’est pas idyllique. Nous sommes appelés à rendre grâce avec grande humilité car l’institution est constituée d’hommes faillibles, fragiles et qui font parfois des choses regrettables. Mais cette action de grâces doit dépasser la glorification des hommes pour rendre compte de ce qui nourrit véritablement le projet de l’Œuvre : l’incarnation dans un lieu et un contexte donné, avec des personnes et des activités concrètes, d’une vie fondée sur l’Évangile.

Église : signe du Royaume
Comme lieu d’Église, l’Œuvre peut nous donner à voir et à comprendre ce que c’est que vivre selon l’Évangile : nous sommes invités à nous considérer comme sœurs et frères, enfants du même Père, dans une solidarité et un amour indéfectibles. C’est bien ce que nous proposons aux jeunes qui participent à la vie de la maison et qui viennent en camp avec nous. Avec leurs amis et les grands qui les accompagnent, ils expérimentent une vie établie sur l’amitié, l’entraide, le respect, l’accueil de l’autre avec ses différences, le souci du plus petit et du plus fragile. L’Église doit être un signe de ce qu’est la vie selon le projet de Dieu, et l’Œuvre fait partie de ces lieux d’Église qui ont pour vocation de l’incarner.

Église : moyen du Royaume
L’Église est aussi le moyen par lequel cette vie selon la Bonne Nouvelle peut être davantage réalisée. Cela nous donne une responsabilité, car si nous désirons que le Royaume de Dieu soit présent sur terre, il nous est demandé d’y contribuer avec courage et persévérance. C’est la raison pour laquelle tant de moyens humains et spirituels sont mis en œuvre pour réaliser ce projet exigeant. Ce n’est pas pour rien que nous insistons sur la dimension de la prière, comme une nourriture spirituelle qui nous aide à vivre la relation à Dieu et qui transforme notre relation aux autres ; de même que pour les sacrements et la messe en tout premier lieu. C’est aussi pour cette raison que les animateurs et les responsables se forment, spirituellement et humainement, en particulier sur l’animation et la juste relation avec les enfants. C’est aussi la raison pour laquelle les jeunes ont des temps de réflexion et de bilans, pour prendre conscience de ce qu’ils vivent et pour comprendre leur responsabilité vis-à-vis des autres.

Épiphanie
Nous célébrons en ce début d’année la grande fête de l’Épiphanie, particulièrement solennisée à l’Œuvre selon la volonté de Jean-Joseph Allemand. Elle donne à comprendre que Dieu se révèle dans l’humilité et la discrétion, et qu’il vient à la rencontre de tous, en leur confiant la mission de transmettre sa Bonne Nouvelle. Nous sommes tous des signes et des moyens de l’engagement de Dieu dans le monde !

Olivier

2020-02-10T22:40:18+01:00

L’Évangile du mois de janvier 2020

Nous lirons ce passage le 26 janvier à l’occasion du troisième dimanche du temps de l’Église. En ce jour et désormais chaque année à la même période, le pape François nous propose d’honorer particulièrement la Parole de Dieu à travers les textes qui seront lus et priés, en particulier cet Évangile. Une occasion supplémentaire de le méditer avec attention.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe :
« Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée ». À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche ».

Le contexte

Nous sommes au début de l’Évangile. Matthieu après avoir raconté l’enfance de Jésus, poursuit son récit par le début de la vie publique de Jésus. Précisément ici, nous assistons à une forme de passage de relais entre Jésus et son cousin. Jean-Baptiste est arrêté, il va bientôt mourir. Le lecteur est invité à comprendre que Jésus suivra les pas de Jean-Baptiste. Il est clair que cet événement a été pour Jésus décisif dans la compréhension progressive qu’il a eu de son identité et de sa mission. Comme si le Père lui disait « le précurseur te laisse la place, à toi de jouer ».

Une lumière s’est levée
Maintenant que Jean-Baptiste n’est plus sur le devant de la scène, Jésus revient dans la Galilée de son enfance mais il ne reste pas à Nazareth. Il part pour Capharnaüm, ville de garnison à la frontière entre la Palestine et la Décapole, un territoire païen. Sa mission commence véritablement maintenant avec les responsabilités et les dangers qui vont avec. Matthieu use de la symbolique de la lumière pour nous faire comprendre le sens de l’arrivée de Jésus dans la région de Capharnaüm. Jésus vient comme la lumière des nations. Il vient dans ces terres de mixité religieuse pour y apporter la lumière de la foi. Il ne vient pas s’adresser à des convaincus mais il prend le risque de l’échec au risque de sa vie.

Jean-Baptiste et Jésus
Ce passage nous annonce tout l’enjeu de l’Évangile. Se convertir afin d’accueillir la personne, le message de Jésus. « Convertissez-vous »… Jean-Baptiste ne disait pas autre chose lorsqu’il était dans le désert. Jésus, au fond reprend la même thématique mais l’oriente différemment. Il ne s’agit pas seulement de se convertir pour extirper le péché de sa vie mais plus encore de libérer son cœur de tous ses conditionnements afin de pouvoir être attentif à un autre type de discours. Le message que Jésus délivre, c’est sa propre personne, seule capable d’éclairer notre vie.

De Nazareth à Capharnaüm
D’un côté, Nazareth, le lieu de sa vie cachée, de l’enfouissement, des racines familiales. De l’autre, Capharnaüm, lieu de passage, de frontière, de la vie publique. À Nazareth, il est le fils de Joseph et de Marie. À Capharnaüm, il est reconnu peu à peu comme le Messie. Ce passage d’une ville à l’autre souligne un changement radical. Ces 30 km qui séparent ces deux bourgades, au fond, ont été parcourus en trente ans. À Nazareth, il est bien connu, du moins le croit-on. À Capharnaüm, il est reconnu en vérité pour ce qu’il est vraiment. Parfois, à nous aussi, il faut du temps pour reconnaître l’autre pour ce qu’il est vraiment.

Didier Rocca
Monsieur de l’Œuvre

Le mot du jour : Zabulon et Nephtali

Le pays de Zabulon est un petit territoire, au sud de la montagne de Galilée ; c’est là que se trouve ­Nazareth. Le pays de Nephtali est plus étendu, à l’est des collines en remontant la haute vallée du Jourdain, ici se trouve Capharnaüm. Zabulon et Nephtali désignent deux des douze tribus d’Israël correspondant aux douze fils de Jacob (appelé aussi Israël).

2020-02-10T14:51:30+01:00

Ciné-club > janvier 2020 : Delicatessen

Nous avons vu, ou revu, Delicatessen, et c’était un bon moment de détente et de rires partagés jeudi dernier au Cinéclub. Burlesque, déjanté, effrayant comme un numéro de cirque, rythmé, poétique et musical, ce premier long métrage de Caro et Jeunet est inoubliable.
Dans un univers sombre et brumeux, d’où apparaissent parfois un étranger ou un facteur, un immeuble décati demeure en vestige, tel un îlot mystérieux… Et dans cet immeuble, une vie. Organisée. Bigrement organisée, pour résister à la pénurie… Le boucher (Jean Claude Dreyfus) est abominable à souhait, et ses complices consentants (Ticky Holgado, Karine Viard, Rufus, …) à faire frémir !
Heureusement, pour sauver in-extremis la morale et le genre humain, Louison (Dominique Pinon) est admirable de résistance, d’une bonté immense face à l’appétit exécrable de ses voisins, épaulé par l’innocente Julie aux grands yeux (Marie Laure Dougnac)… Un bel exemple de solidarité aussi dans ce film avec la joyeuse bande des Troglodytes (Maurice Lamy, Eric Averlant, Patrick Paroux,…).
Un beau travail sur les éclairages campe un décor et des personnages surréalistes.
Àvoir et à revoir!

2020-02-13T23:14:37+01:00

Ciné-club > décembre 2019 : Le dernier combat

Dans un univers post-apocalyptique à la Mad Max, un homme part à l’aventure et tente de retrouver une humanité qui semble perdue dans sa lutte pour sa survie. Le dernier combat… Si on veut décourager les meilleures volontés, on pourrait dire de ce film qu’il est en noir et blanc, sans dialogue, que les décors sont minimalistes et qu’il semble fait avec trois bouts de ficelle et un peu de scotch. Ce serait vrai, mais ça ne dirait rien de la fantaisie, de l’inventivité de la réalisation, le jeu presque théâtral des acteurs, ni de la poésie qui se dégage de ce film de jeunesse de Besson. À découvrir !
Étrangement, « Humanité » est le premier mot qui nous est venu à l’esprit après la projection du premier long métrage de Luc Besson (1983). Une humanité fragilisée, en difficulté dans cet univers de ruines persistant sous un désert de sable (après quelle catastrophe ?), alors que dominent la violence et la brutalité, la loi du plus fort pour survivre. Mais cette violence est reléguée en toile de fond, en périphérie, pour mettre en lumière et au cœur du récit la résistance de deux personnages, par des moments forts, et pourtant simples ; le plaisir d’un repas partagé, d’un mot échangé, le seul du film… et quel mot. L’art, l’amitié et l’humour comme rempart à la bestialité.
La musique est rare, souvent fond sonore issu de la scène même, et date assez bien le film dans les années 1980 avec cette basse qui prend parfois des airs cocasses. En revanche les assez belles images en noir et blanc donnent au film un esthétisme relativement intemporel et adapté au scénario. Beaucoup de silence (le vide des ondes…), et le mutisme subi des personnages dont les cordes vocales ne vibrent plus, créent une ambiance particulière, qui nous installe profondément dans le film, et met en valeur le jeu des acteurs, notamment Jean Bouise, Pierre Jolivet et Jean Reno.
La Femme, dans ce monde dominé par la force, devient objet de convoitise et d’attentions, pas exactement pour son bonheur… On la croise brièvement, bien qu’elle représente évidemment une des facettes de l’expression de cette humanité.

C’est l’acteur Maurice Lamy, l’égoutier ici, qui assurera la transition avec le prochain film à l’affiche le jeudi 9 janvier : Delicatessen (de Jean-Pierre Jeunet, et Marc Caro), dans lequel il continue à explorer les tunnels…

Le dernier combat (1983), de Luc Besson

2020-02-13T23:15:10+01:00