Olivier

À propos de Olivier

Cet auteur n'a pas encore renseigné de détails.
Jusqu'à présent Olivier a créé 356 entrées de blog.

Édito novembre 2024 > Des vases d’argile

Les croyants sont parfois déçus par les porte-paroles de leurs religions. On pourrait s’attendre à ce que les messagers soient à la hauteur du message qu’ils ont pour mission de transmettre et qu’ils soient exemplaires. On est particulièrement consternés quand les messagers ont la maladresse d’adresser des invectives culpabilisantes ou de poser des jugements moralisateurs alors qu’eux-mêmes sont loin d’être parfaits et exemplaires. Cela est vrai de toute personne publique qui assume une responsabilité, mais c’est encore plus décevant lorsque le message est un message d’amour, de justice, de bienveillance et de pardon, tel que véhiculé dans les religions.

Des messagers faillibles
Nous avons bon nombre d’exemples de ces personnalités chrétiennes qui étaient adulées, médiatisées, avec leur consentement ou à leur corps défendant, et qui se sont révélées être de pauvres humains avec leur part d’ombre et de péché. Il n’y a pas beaucoup de grandes familles religieuses, de fondations et d’œuvres caritatives fructueuses qui ne soient pas touchées par des révélations de comportements en opposition complète avec le projet évangélique à la base de leur création, de la part de leurs membres et même parfois de leur fondateurs. On peut comprendre que nos contemporains soient terriblement déçus ou en colère lorsqu’ils découvrent que la personne qu’ils considéraient comme un saint vivant pouvait avoir des comportements douteux, blessants, ou pire, pervers ou criminels.

Un trésor dans 
des vases d’argile
Cette découverte que les porte-paroles restent des être faillibles, et parfois capables du pire, nous rappelle que la Bonne Nouvelle chrétienne est un trésor magnifique déposé dans des vases d’argile fragiles que sont les êtres humains. On ne peut pas se réjouir de ce constat réaliste, cependant, il nous permet de nous rappeler que le messager reste le premier destinataire du message, et que ce qu’il a pour mission d’annoncer ou de transmettre ne le met pas en position de supériorité ni de domination mais reste un garde-fou contre l’idolâtrie ou le moralisme.

Contre l’idolâtrie
C’est un repère pour tous les croyants : la perfection dans la sainteté est un appel et une vocation, mais elle n’est pas à la portée des êtres humains que nous sommes. Cela reste pourtant un objectif pour toute notre existence de disciples du Christ, un phare qui donne du sens à ce que nous vivons. Personne n’est capable d’atteindre l’idéal chrétien, mais c’est une vocation pour tous. C’est en gardant le cap sur le but à atteindre que nous pouvons avancer sur le chemin de l’idéal humain et chrétien annoncé par Jésus, et chemin faisant notre route trace un itinéraire qui va dans le bon sens. Mais nous ne pourrons jamais prétendre avoir atteint le but. Personne, hormis Jésus Christ, n’est le saint parfait et irréprochable, ou l’homme idéal. Toute idolâtrie contient en elle-même le risque immense de la blessure de la déception. La conséquence de cette déception, c’est que trop souvent la personne déçue rejette le message à cause de l’imperfection du messager, comme on le dit de manière triviale : on « jette le bébé avec l’eau du bain ». Nous connaissons des personnes qui ont arrêté toute pratique religieuse suite à une grosse déception.

Contre le moralisme
L’acceptation de la fragilité des messagers de l’Évangile est aussi un rappel à tous les responsables et missionnaires : la mission ne consiste pas à regarder les gens de haut, pour les critiquer, les juger ou les condamner, mais elle consiste à annoncer la Bonne Nouvelle de l’amour et du pardon de Dieu qui chemine avec nous, qui nous accompagne dans notre marche, qui nous encourage dans nos épreuves, qui nous offre son pardon dans nos égarements, qui nous invite à reprendre le bon chemin et à ne pas baisser les bras lorsque nous avons l’impression que le sommet n’est pas à notre portée. Transformer la religion en moralisme revient à la pervertir et à la trahir. Celui qui fait cela n’est plus un messager mais un traître au message et un repoussoir qui empêche la rencontre du Christ. Toute l’énergie que nous pouvons mettre à regarder notre monde de haut pour le condamner, nous devrions la mettre au service des plus petits et des plus pauvres. Plutôt que nous battre les uns contre les autres en nous critiquant, nous sommes invités par le Christ à travailler à plus de fraternité, à plus de justice, à plus de bienveillance. Ainsi notre regard et nos actions seront orientés vers la seule chose essentielle : annoncer l’amour au cœur du monde et dans l’existence de chacun.

Olivier

2024-10-15T16:24:47+02:00

L’Évangile du mois de novembre 2024

Cet Évangile sera lu lors le dimanche 10 novembre, après les vacances de la Toussaint.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Le contexte
À la fin de son Évangile, Marc développe cinq controverses entre Jésus et certains de ses contradicteurs (pharisiens, sadducéens, grands prêtres). Le passage de ce dimanche développe la dernière. Nous sommes au Temple, le cœur religieux de Jérusalem.

Une première lecture
Cet Évangile semble à première vue assez simple à comprendre. Jésus nous invite certainement à ne pas nous laisser séduire par ce qui brille, par ce qui est trop voyant, en particulier dans le domaine de la charité.
On se souvient, à la suite de l’incendie de Notre Dame de Paris, d’entreprises très connues annoncer des dons de plusieurs millions d’euros. Soyons sûrs que de nombreuses veuves ont effectué des dons modestes, discrets et ce sont ceux-là qui comptent aux yeux de Dieu. Ainsi, il y a ceux qui aiment être vus et entendus et cette veuve que l’on ne voit pas et qui ne fait pas de bruit. Ce geste petit, humble a beaucoup de prix pour Dieu.

Avançons un peu
Lorsqu’un évangile n’illustre qu’une petite leçon de morale, soyons sûrs que nous sommes passés à côté de l’essentiel. Ici, Jésus invite chacun à déplacer son regard et à progresser d’un don à l’autre.
Un petit don qui vaut tout, va devenir un seuil vers un autre don, qui est le don de soi, l’investissement de sa vie tout entière. Il y a un fossé entre le fait de donner et celui de se donner. C’est ce que fait cette veuve et c’est ce que fera Jésus un chapitre plus loin, lors de sa Passion. Attention, Jésus ne condamne pas le don des riches, pas de leçon de morale facile. Le but n’est pas de condamner les premiers, ni de louer la seconde, mais plutôt de changer de logique :
La veuve, signe d’attente et d’espérance, accomplit un geste sans parole, un geste prophétique. Elle donne, elle a tout donné, tout ce qu’elle a pour vivre. Ce don évoque un autre don, celui du Christ qui donne sa vie.

Pour actualiser
Quel est ce trésor dans lequel déposer sa vie ?
Déposer sa vie en Dieu, en celui qui donne le premier. Savoir reconnaître que c’est lui qui donne. Savoir en retour lui offrir ce qu’il donne.
Le Christ est allé jusqu’au bout de ce don. Il a donné sa vie, accepté le sacrifice, non pas le sacrifice comme on le pense habituellement, un peu volontariste ou masochiste. Son sacrifice est signe d’adhésion à Dieu. Adhérer à Dieu, c’est adhérer à la vie, à la vie plus forte que la mort. C’est, à la suite du Christ, offrir son humanité. C’est parce que je reconnais que tout me vient de Dieu que je peux à mon tour donner et me donner !
Comme la veuve, chacun est invité à aller jusqu’au bout du don, celui de sa vie donnée à Dieu. À la suite du Christ, offrir son humanité ! Recevant tout de Dieu, chacun peut, à son tour, donner et se donner.
Allons encore un peu plus loin…
Ce passage évoque des dons effectués pour l’entretien du Temple. L’histoire nous apprend que ce Temple sera détruit par l’armée romaine en 70. Ainsi cet argent était destiné à entretenir un édifice qui a quasiment disparu. Finalement, un argent jeté par les fenêtres ou presque.
Cet élément renforce l’idée que Jésus ne voulait pas insister sur la nécessité de donner de l’argent avec discrétion (ce qui est bien utile pour l’église et pour de nombreuses associations) mais plutôt sur l’importance du don de soi à travers la figure de la veuve.
Nous comprenons mieux la pédagogie de Jésus qui appelant ces disciples, valorise cette femme comme pour leur dire : « Prenez exemple sur cette femme, il y a un jour et ce ne sera pas dans bien longtemps, vous devrez faire le même choix qu’elle, celui de donner votre vie ».

Didier Rocca

Le nom du mois : veuve


Les veuves sont fréquemment mentionnées tout au long de la Bible, ce qui démontre leur profonde importance aux yeux de Dieu. Les histoires de résilience et de foi, comme celles de Ruth, Abigail et Tamar, servent de balises d’espoir. La Bible souligne l’importance d’apporter aux veuves de l’empathie, de la compassion et un soutien financier.
Elles nous rappellent que personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager !

2024-10-15T16:24:03+02:00

Lettre du Villard – octobre 2024

Lettre du Villard

Le Villard, le 15 octobre 2024

Bien cher ami,
Votre dernière lettre nous apprend que nous aurons le bonheur de vous revoir prochainement au Villard pour les vacances de Toussaint. Ma femme me faisait remarquer que le ministère de l’Éducation nationale qui a passé au rabot laïc la dénomination des vacances de Pâques continue heureusement d’appeler vacances de la Toussaint celles qui approchent. Cette laïcisation n’est pas sans évoquer l’habitude prise par certains historiens de numéroter les années non plus « av. (ou apr.) J.-C. », mais « EC (Ere commune) ou AEC », pour éviter de faire référence à une civilisation ou à une religion particulière… Vous voyez d’où vient le boulet… Mais revenons aux vacances !
Nous savons combien vous êtes sensible à la variété des couleurs que prennent en cette saison les arbres de notre belle vallée. À ce jour, les mélèzes n’ont pas encore leur belle teinte d’automne mais les bouleaux commencent à dorer et les hêtres à flamboyer. Sans doute les uns et les autres attendent-ils votre arrivée pour se montrer tels que nous les aimons. Nous avons rencontré hier, alors qu’avec Béraud nous revenions des champignons, le brave Mimiquet qui, assis sur le banc de la chapelle, contemplait la vallée. « Franchement, nous dit-il, aucun autre paysage ne pourrait me plaire plus que celui-là. » Je rapportai ce mot à nos amis avec qui le soir-même nous partagions la dernière soupe au pistou de la saison en leur disant combien m’avait touché cet émerveillement renouvelé pour ce qui finalement n’était que son cadre de vie. Gastinel a, de façon abrupte, considéré que c’était parce que Mimiquet ne connaissait pas autre chose. Beraud lui a rappelé que du Bellay qui, pour un homme de son temps, avait beaucoup voyagé, préférait son « petit Liré au Mont Palatin »1. « On voyage beaucoup aujourd’hui, poursuivit-il. Il faut reconnaître qu’il est agréable d’accéder à des paysages, des monuments, des œuvres d’art dont on a entendu parler ou dont on ne connaît que les images. Et puis, on se dépayse, on change de cadre de vie, de rythme, de nourriture, que sais-je ? Je suis assez enclin à penser que la frénésie de voyages dont témoignent certains aujourd’hui est moins l’expression de leur curiosité que leur besoin de trouver des dérivatifs à leur existence. Et je le dis parce que j’ai visité pas mal de pays ! » L’ami Poulenc, qui arrivait justement d’un voyage organisé en Chine, ne s’est pas aventuré à discuter de la finalité de son séjour dans le Céleste Empire mais il nous a dit que ce qui l’avait le plus gêné avait été de ne pas connaître la civilisation du pays et donc de ne pas avoir les clés pour comprendre son art. « C’est notre civilisation qui nous donne l’intelligence de ses œuvres, continua-t-il. Lorsque je regarde, par exemple, le tableau du Mariage de la Vierge de Raphaël, je ne comprendrais pas pourquoi est fleuri le rameau que tient Joseph si je ne connaissais pas La légende dorée2. De façon symétrique, je ne sais ce qu’il convient d’admirer dans telle ou telle représentation de Bouddha. Ne parlons pas de la statuaire hindoue dont le sens des postures nous est parfaitement hermétique. J’ignore si ce qui m’est présenté est remarquable et signifiant. » « Est-ce vraiment important ? remarqua Béraud. Après tout, il n’est pas désagréable de se sentir un peu perdu lorsqu’on veut se dépayser. » Gastinel ayant saisi la balle au bond pour souligner le caractère essentiellement récréatif du tourisme actuel, j’ai tiré de ma bibliothèque, pour leur en donner lecture, un article du recueil de textes Voyages qu’écrivit Stephan Zweig3 en 1926, il y a pratiquement un siècle ! Il l’avait intitulé « Voyageurs ou voyagés ». Il s’offusquait déjà du début des voyages « de masse », des voyages contractuels, comme il dit, où tout est organisé. « Or, écrivait-il, à être voyagé de la sorte, on se contente de passer devant de nombreuses nouveautés sans entrer en elles… Il y a… toujours une contradiction entre le confort, l’objectif atteint sans peine et la véritable expérience vécue. » Et il concluait « Préservons ce carré d’aventure… C’est… l’unique moyen de découvrir non seulement le monde extérieur mais aussi notre univers intérieur. » « Que voulez-vous, enchaîna Beraud, il y a trop de monde, et partout, dans les palais, dans les musées, dans les calanques… Le surtourisme nous submerge. L’élévation du niveau de vie de millions d’hommes dans des pays où il n’y avait que des miséreux – on ne va pas le regretter – et la facilité des voyages en avion – çà, on peut le regretter, ne serait-ce qu’en considération de leur empreinte carbone – font que tout est à portée de tous. Vous allez voir que le dernier luxe va être de rester chez soi ! » Je me suis cru autorisé à rappeler que Pascal4 avait déjà noté que « tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre », mais Gastinel a relevé que le confinement lié à la pandémie de Covid 19 que nous avions connu il y a quatre ans n’avait pas rendu les hommes plus heureux, « sans doute, a-t-il ajouté, parce que ce qui relève de la contrainte ne peut avoir les effets de ce qui relèverait du choix ». Nous avions eu l’occasion d’en parler à ce moment-là et nous nous étions retrouvés sur cette constatation que l’homme qui est un animal social ne peut se réaliser dans l’isolement, sinon quelques êtres d’exception, auxquels, avions-nous conclu en souriant, nous n’appartenions pas.
N’étant pas des êtres d’exception de ce type, nous nous réjouissons par avance à l’idée du plaisir de vous revoir. Dites-nous au plus tôt quel jour vous pensez arriver pour que nous mettions en conséquence en route le chauffage de votre maison. Et sachez qu’une assiette de soupe vous attendra !
Croyez en nos pensées les plus amicales.

P. Deladret

  1. Liré : village d’Anjou cité par Joachim du Bellay (1522 ? -1560) dans son poème « Heureux qui comme Ulysse ».
  2. Le mont Palatin est une des collines de Rome couronnées de palais d’empereurs.La légende dorée, ouvrage écrit au xiiie siècle par Jacques de Voragine, archevêque de Gènes, qui raconte la vie probable ou supposée des saints connus en son temps.
  3. La légende du rameau est rapportée le 8 septembre à la date de la Nativité de la Vierge.
  4. Stephan Zweig, 1881-1942, écrivain autrichien.
  5. Blaise Pascal, 1623-1662, philosophe et mathématicien français.
2024-10-15T16:27:03+02:00

Lettre du Villard – septembre 2024

Lettre du Villard

Le Villard, le 15 septembre 2024

Cher ami,
Vous revenez dans votre dernière lettre que nous avons reçue hier, et dont nous vous remercions, sur les Jeux Olympiques qui viennent de s’achever à Paris et, alors même que les particules de la poussière médiatique qu’ils ont soulevée ne sont pas encore retombées, vous pensez à ce que peut être le désarroi de ceux qu’elle n’a pas atteints. Vous imaginez la déception, le doute qui doit s’emparer de ceux qui avaient tout sacrifié de leur existence pour ces quelques minutes qui pouvaient leur permettre d’atteindre le but qu’ils s’étaient fixé, de passer de l’ombre à la lumière, Et puis, d’un coup, plus rien, la chute d’Icare dans une mer qui ne conservera même pas leur nom… Et pourtant, ils avaient été sélectionnés, ils avaient une compétence technique, une discipline de vie, une force de caractère exceptionnelle qui les autorisait à croire en eux. Le retour à une vie qui ne se nourrit pas de ces convictions doit être « compliqué », comme dit maintenant lorsqu’on veut qualifier une situation délicate ou inextricable.
Le colonel Gastinel, à qui je parlais de cela tandis que nous prenions le café chez l’ami Béraud avec Mimiquet venu repeindre vos chaises de jardin, a remarqué que ce désarroi pouvait aussi être celui de députés qui n’ont pas été réélus alors qu’ils n’ont pas démérité ou de ministres lorsque le Président se débarrasse de son gouvernement en les jetant avec l’eau du bain. Béraud lui a fait remarquer que ces gens-là ne sont pas des ascètes ni des athlètes de la politique et que les réseaux comme le jeu des investitures sont sans doute une forme de dopage sensiblement moins détectable de celui qu’on traque chez les sportifs. Il devenait inéluctable, vous en conviendrez, que notre bavardage s’oriente alors sur les péripéties de la désignation du nouveau Premier ministre qui ont servi de carburant à bien des conversations cet été. Béraud voit dans cette séquence politique l’expression d’une stratégie qu’a pu inspirer le légendaire combat entre les Horace et les Curiace1. « N’a-t-on pas vu, dit-il, s’évaporer les chances des prétendants à la fonction de Premier ministre au fur et à mesure que le Président les laissait sortir du bois, leurs prétentions laissant apparaître leurs limites et leurs soutiens perdant de leur efficacité ? En tout état de cause, poursuivit-il, nous sommes, comme les Hébreux en leur temps et le nouveau Premier ministre aujourd’hui, au milieu de la mer Rouge, entre deux murailles, celle de la dette extérieure, et celle des idées reçues, qui, l’une comme l’autre peuvent nous submerger. » « Le problème, fit Mimiquet, c’est qu’il ne suffit pas de traverser la mer Rouge ; encore faut-il savoir où on va ; les Hébreux sont bien restés quarante ans à tourner dans le désert ! » « Oh ! Tu sais, lui dit Gastinel, j’ai l’impression que cela fait bien quarante ans que nous zigzaguons… Et n’oublie pas que celui qui conduisit l’Exode des Hébreux n’atteignit pas lui-même la Terre Promise. » « Ceci dit, intervint Béraud, nous avons chez nous beaucoup de politiques “à la nuque raide” comme les Hébreux2 et d’opinions opposées, qui n’entendent pas dévier de leur programme et poussent leurs troupes à la contestation. Est-ce par conviction ou pour ne pas perdre leur fonds de commerce ? » « Les clivages seraient sans doute moins accentués, osa Gastinel, si les élus représentaient plus exactement le corps électoral ; n’a-t-on pas vu lors des dernières législatives de braves gens voter pour des candidats dont ils ne partagent pas les idées pour essayer d’éliminer d’autres candidats dont ils ne partagent pas non plus les idées, alors qu’ils auraient pu simplement s’abstenir ? Il est dommage que Goscinny et Uderzo3 ne soient plus de ce monde pour imaginer un de ces dessins dont ils avaient le secret où l’on voyait les irréductibles Gaulois s’affronter régulièrement dans des mêlées fratricides. Je me demande s’il ne serait pas temps d’en venir à la proportionnelle, au lieu d’en rester au “scrutin de gladiateur”, comme l’appelait, paraît-il, Edouard Herriot. »4 « Je me demande bien pourquoi, fit Mimiquet, on en reste à un mode de scrutin qui ne permet pas une juste représentation de ce que pensent les gens. » Nous avons eu maintes occasions, vous et moi, d’échanger sur le sujet, mais la situation actuelle m’amène à me poser la question de savoir si le mode de scrutin est le véritable problème, si l’important n’est pas, au-delà des techniques de scrutin, qui ont, les unes et les autres, des inconvénients et des avantages, la volonté de « vivre ensemble » des membres du corps électoral. La proportionnelle serait de peu d’effet pour calmer ceux qui ne font rien pour apaiser les antagonismes. La situation serait-elle vraiment différente de ce qu’elle est si les trois blocs qui actuellement cherchent à se neutraliser étaient issus d’un scrutin proportionnel ? On peut en douter. Peut-être n’y aurait-il pas eu trois blocs, mais quatre ou cinq ; mais si aucun n’était prêt à des concessions, où serait l’avantage ? Quand certains ne veulent pas de la forme républicaine actuelle, ni de la démocratie représentative, on pourra ergoter à l’infini, il n’y aura pas de solution, sauf à faire comprendre à ceux qui n’ont pas vu les conséquences de leurs votes qu’il faut cantonner bien démocratiquement ces gens-là dans la situation extrêmement minoritaire qui est la leur.
Béraud nous a rappelé, alors que nous nous séparions, le mot de Tristan Bernard5 au moment où, arrêté en tant que juif en 1943, il partait pour le camp de Drancy : « Jusqu’à présent nous vivions dans l’angoisse, désormais nous vivrons dans l’espoir. »6
Nous vous souhaitons de partager cet espoir et vous redisons toute notre amitié.

P. Deladret

  1. Trois frères de la famille romaine des Horace furent opposés à trois frères de la famille albaine des Curiace pour tenter de mettre fin à la rivalité entre Rome et Albe. À l’issue du premier combat, au cours duquel deux Horaces trouvèrent la mort, les trois Curiaces étaient plus ou moins gravement blessés. Le survivant des Horace eut alors l’idée de s’éloigner en courant du lieu du combat pour séparer ses adversaires que leurs blessures empêchaient d’aller à la même allure. Il put ainsi les vaincre, l’un après l’autre.
  2. Ex 33, 5.
  3. Les pères d’Astérix le Gaulois.
  4. Homme politique français, 1872-1957.
  5. Tristan Bernard (1866-1947), romancier, auteur dramatique, humoriste. Comme on lui demandait, avant de partir pour Drancy, ce dont il avait besoin, il répondit « d’un cache-nez ! »
  6. Il avait raison d’espérer puisqu’il fut libéré grâce à l’intervention de Sacha Guitry….
2024-09-18T11:58:20+02:00

Édito octobre 2024 > Merci Paul

Depuis septembre 2000, Paul Bony, membre de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice (société de vie apostolique dont la mission principale est la formation des futurs prêtres), grand spécialiste de la bible, a pris sa retraite et habite avec la communauté. Nous avons célébré ses 100 ans le 23 septembre dernier, et en ce mois d’octobre il rejoint d’autres prêtres, religieux et religieuses dans la maison de retraite des Petites Sœurs des Pauvres à la rue Jeanne Jugan. C’est l’occasion pour nous de lui adresser tous nos remerciements pour ces 24 années passées avec lui.

La curiosité
Paul, tu as toujours été curieux de ce qui se passe dans le monde, dans la société, dans l’Église, dans le diocèse, à l’Œuvre, dans notre communauté. Souvent, avec l’âge, les personnes se replient sur elles-mêmes et deviennent un peu indifférentes à ce qui se passe autour d’elles, mais ça n’a jamais été ton cas. Tu as toujours été sensible à ce que les gens vivaient, comment ils se sentaient, de quoi leur vie intérieure était nourrie. C’est toi qui étais le plus informé sur l’actualité, et tu lisais assidument le journal chaque jour, à la recherche d’analyses permettant de comprendre la vie de nos contemporains, afin de toujours mieux les accompagner.

L’attention aux autres
Tu as toujours été attentionné envers ceux qui partageaient ta vie. Dans la vie communautaire, nous avons été touchés par ta délicatesse, en particulier lorsque tu devinais que l’un de nous traversait une difficulté ou était diminué par la maladie et la vieillesse. Tu as accompagné tes amis ou les membres de ta famille avec fidélité, prenant le temps d’appeler presque quotidiennement certaines personnes isolées, seules ou en détresse, restant à l’écoute malgré ton audition difficile. Ton ministère de formateur ne t’avait pas toujours donné l’occasion d’être dans une activité pastorale directement engagée dans l’action, mais tu as toujours eu le souci d’allier la foi et l’amitié, la prière et l’engagement concret, en particulier dans ton souci des pauvres et dans ton implication dans le mouvement de la Mission ouvrière… Hier encore tu t’inquiétais de savoir comment tu allais pouvoir t’engager pastoralement au service des autres alors que tu t’apprêtais à entrer en maison de retraite ! En tout cela tu nous a stimulés.

La passion de la parole de Dieu
Tu as fréquenté toute ta vie la Bible et la Parole de Dieu. Ce n’était pas seulement une matière d’enseignement, de recherche ou de publication, c’est une passion. Tu y as puisé l’énergie du service et tu as voulu partager ce trésor pour que les femmes et les hommes de notre temps ne passent pas à côté de la rencontre avec le Seigneur. Nous ne t’avons pas vu une journée sans lire un ouvrage d’exégèse, sans recevoir un colis avec le dernier livre d’un spécialiste de la Bible, en anglais, en allemand ou en hébreu ! Érudit, tu l’es, mais avec l’humilité des authentiques spécialistes, qui n’écrasent pas les gens de leur connaissance, mais savent la mettre à leur service. En cela aussi tu nous a stimulés, et nous étions parfois désolés de ne pas arriver à en faire plus pour donner le goût de la Parole de Dieu aux jeunes de l’Œuvre. Durant ces 15 dernières années, tu ne pouvais plus enseigner à cause de tes difficultés auditives ou visuelles, mais tu as animé une équipe proposant des parcours de lecture biblique, nourrissant de nombreux groupes de partage, qui trouvent dans ces livrets de quoi nourrir leur foi et entrent ainsi dans une lecture vivante de la Parole de Dieu.

Le dialogue comme boussole
Tu as participé, en 1992, à la création de l’Institut de sciences et théologie des religions de Marseille avec Jean-Marc Aveline, qui n’était pas encore archevêque de Marseille, ni cardinal, mais que tu avais connu plus jeune lorsqu’il était entré au séminaire des Carmes à Paris, que tu dirigeais à l’époque. C’est toi qui avais eu l’intuition que la création d’un pôle de formation théologique à Marseille se devait d’honorer l’ouverture au dialogue interreligieux et interculturel. Car tu es un homme de dialogue, pétri de la Parole de Dieu et donc attentif à la rencontre. Tu es de la génération des prêtres qui ont connu la messe en latin puis ont contribué à mettre en œuvre le concile Vatican II avec son ouverture au monde. Tu es un homme libre, par l’action de l’Esprit de Dieu au cœur de ton expérience, ce qui t’a parfois été reproché et a eu des conséquences sur ta « carrière », car la liberté dérange, mais sans jamais que tu sois aigri ni déboussolé car tu as ce repère intérieur de la Parole de Dieu qui donne constance, liberté et joie, au cœur même des épreuves et des injustices.

Merci
Pour tout cela, et pour bien d’autres choses encore, dont la belle et authentique fraternité que tu as partagée avec la communauté des Messieurs de l’Œuvre durant 24 ans, nous voulons rendre grâces et te remercier. Nous savons que ton énergie va rayonner auprès de tes frères prêtres et de cette nouvelle communauté que tu vas découvrir chez les Petites Sœurs des Pauvres. Nous souhaitons qu’ils aient la chance de bénéficier encore longtemps de ta bienveillance et de ton regard malicieux et lumineux sur la vie.

Olivier

2024-09-18T11:26:37+02:00

L’Évangile du mois d’octobre 2024

Nous commentons aujourd’hui l’Évangile qui sera lu le 6 octobre.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

À ce moment se présentèrent des Pharisiens, et ils lui posèrent cette question pour le mettre à l’épreuve : 
« Un mari est-il autorisé à renvoyer sa femme ? » Et lui leur demande :
« Qu’est-ce que Moïse vous a commandé ? » 
Ils répondent : « Moïse a permis d’écrire un acte de divorce et de renvoyer la femme. »
Jésus leur dit : « Il a écrit là une loi adaptée à votre cœur endurci. Mais Dieu, au commencement du monde, les fit homme et femme. Pour cette raison, l’homme quittera son père et sa mère et les deux seront une seule chair. Ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. »
De retour à la maison, les disciples l’interrogent de nouveau à ce sujet et il leur déclare : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre, commet l’adultère à son égard ; et si une femme renvoie son mari et en épouse un autre, elle aussi commet l’adultère. »

Le contexte
Dans le chapitre 10 duquel est tiré cet extrait d’Évangile, Jésus, au cours de son périple en direction de Jérusalem, parle de questions capitales pour la vie de sa communauté. Grâce à une question un peu tordue d’un pharisien, Jésus nous livre en quelques mots sa vision du mariage.

Parité ?
Cette controverse peut nous choquer aujourd’hui par son caractère unilatéral. Si effectivement, il est question ici d’un homme qui répudie sa femme, rien ne nous empêche d’imaginer la situation inverse d’une femme qui pourrait faire la même demande vis-à-vis de son mari. D’ailleurs à la fin du texte, ce qui est valable pour l’homme l’est tout autant pour la femme.

Que vous a commandé Moïse ?
Cette question de Jésus élève déjà le débat d’un cran. Il ne répond pas en utilisant une solution simpliste du type « c’est permis » ou « ce n’est pas permis » mais il interroge l’intention de Moïse qui voulait par cette lettre de répudiation éviter les excès de la part des maris. Ainsi, Jésus ne se met pas contre la loi mais il explique l’intention du législateur. Cela peut nous aider à mieux discerner lorsqu’une question morale se pose à nous.

Rupture et accomplissement
Jésus reprenant le livre de la Genèse dit : « L’homme quittera son père et sa mère et les deux seront une seule chair. » Le mariage parachève le passage entre une rupture, une séparation (de son père, de sa mère) à un accomplissement, à une alliance féconde avec son conjoint. De même que l’homme doit mourir à la vie terrestre pour une vie en abondance dans le cœur de Dieu, ceux qui se marient sont appelés à un double mouvement de rupture et de communion.

Pour actualiser…
Difficile de parler du mariage, tant sont nombreuses les situations douloureuses à ce sujet. En même temps, ces paroles exigeantes du Christ à propos du mariage sont engageantes. Elles nous appellent à offrir à l’autre ce que nous ne pouvons pas nous donner tout seul. Dans le mariage, chacun a à apprendre de l’autre une manière d’être humain qui ne lui est pas naturelle. Aimer une seule personne d’un amour absolu toute sa vie peut paraitre hors de portée mais n’oublions pas que Dieu est avec nous. Si le mariage est en question dans nos sociétés, il est vraiment l’expression de l’amour « jusqu’au bout » auquel nous aspirons tous.

Didier Rocca

Le nom du mois : Mariage


Le mariage est l’un des sept sacrements. Il implique entre un homme et une femme, une communion de corps et d’âme. Les deux aspects sont nécessaires. D’ailleurs, le mariage après la célébration religieuse n’est-il scellé lorsque que les deux mariés se sont donnés corporellement l’un à l’autre. Autrement dit, le mariage se réalise dans le oui échangé mais aussi dans le don des corps.
Jadis chez nous (et encore aujourd’hui dans d’autres cultures) où il était un contrat entre deux familles, le mariage chrétien est l’acte par lequel un homme et une femme consentent à se donner l’un à l’autre.
Ce consentement mutuel quoique fragile et exigeant ne souffre d’aucune condition. C’est ce qui fait sa grandeur !?

2024-09-18T11:57:00+02:00

Lettre du Villard – août 2024

Lettre du Villard

Le Villard, le 15 août 2024

Chers amis,
Nous sommes heureux de savoir que vous n’avez pas rencontré de difficulté particulière lors de votre déménagement et que les premiers contacts avec ceux que vous allez côtoyer pendant quelques années sont encourageants. Il aurait été tellement dommage que des désagréments mineurs vous aient privé des bienfaits de votre séjour au Villard !
Votre lettre nous est arrivée alors que nous étions chez Poulenc pour regarder la finale du 100 m des Jeux Olympiques. Gastinel boudait, comme il boude depuis le spectacle de l’ouverture de ces jeux, qui lui a paru vulgaire. Mimiquet s’est, comme il dit, « régalé ». Vous connaissez assez mes idées pour imaginer que je me range du côté de Béraud qui a trouvé le spectacle « clivant » et qui pense qu’en cette circonstance il aurait été de meilleur goût d’insister sur ce qui réunit plutôt que sur ce qui fait polémique. C’est dans l’air du temps, me direz-vous, et ce qu’on entend, comme ce qu’on lit depuis les dernières élections, montre que d’aucuns jettent à plaisir de l’huile sur le feu. Cela comble d’aise les journalistes politiques qui, après avoir interrogé l’avenir avant les élections législatives, se répandent maintenant en analyses et hypothèses tant sur les contours du futur gouvernement que sur la façon dont pourraient réagir certaines des composantes de l’électorat. « Que voulez-vous, constate Béraud, il leur faut bien remplir les colonnes ou les temps de parole qui leur sont attribués ! Je suis d’ailleurs assez admiratif du travail de certains qui me rappellent les reporters qui suivent le Tour de France, capables de parler pendant des heures alors que, sur l’écran, on ne voit pas grand-chose. Toute l’habileté de ces commentateurs est de ne pas apporter de réponse aux questions qu’ils posent. Leur propos est en fait moins de vous éclairer que de montrer leur agilité intellectuelle. Ce sont des artistes, des jongleurs d’idées. » « Je suis, sur ce point, poursuivit Gastinel bien de l’avis de Mimiquet qui s’exclame régulièrement après avoir écouté un de ces énergumènes : “A ben parla, maï qu’a di ?”1 ». Vous vous demandez régulièrement si ces exercices de style ont de l’intérêt et vous relevez que celui ou ceux qui ont à prendre des décisions n’attendent pas les échotiers pour savoir ce qu’il faudrait faire. Vous notez au passage qu’on peut parfois le regretter. Ces jeux d’esprit vous paraissent avoir d’autant moins d’intérêt qu’on n’écoute que ce qu’on accepte d’entendre et que le lecteur de L’Humanité ne risque pas d’être perturbé par un éditorial du Figaro. Béraud, à qui je faisais part de votre remarque, n’est pas tout à fait de votre avis ; il lit, en effet, plusieurs journaux dont un qui ne correspond pas à ses idées, pour, dit-il, d’autant mieux assurer ses convictions qu’il pénètre les arguments de ses adversaires et en démonte les sophismes. Il s’attire régulièrement les foudres de Gastinel qui lui reproche de soutenir ainsi financièrement un parti qui n’aspire qu’à voir disparaître des gens comme lui. Poulenc en a convenu en soulignant que la dérive de la démocratie avait atteint chez nous un stade tel que l’intolérance paraissait devenue pour certains une vertu. Il se demandait d’où pouvait bien venir ce travers de l’esprit français qui consiste à vouloir faire prévaloir son point de vue et à prétendre donner des leçons à tout le monde. Beraud fait remonter cela à Descartes, avec son “Cogito ergo sum”2. Il voit dans cette affirmation l’expression de l’orgueil primitif, inhérent à la nature humaine, celui d’Adam, et qui se trouve sanctuarisé chez nous dans ce qu’on se plaît à appeler l’esprit français, où l’on attache moins d’intérêt à l’efficacité qu’à la recherche d’une exception. Poulenc a poursuivi en comparant à la France des pays, comme l’Allemagne ou l’Italie où, paraît-il, la recherche du consensus l’emporte sur la volonté d’imposer ses idées ; il en fut arrêté par Gastinel qui lui fit remarquer que ces deux nations avaient produit Hitler et Mussolini, ce qui donnait à penser que le modèle n’était pas sans imperfection. « Soit, intervint Beraud, mais les avis tranchés qui se sont exprimés ces derniers mois donnent à penser que, si ce qu’il est convenu d’appeler l’extrême droite ne fait pas l’objet d’adhésions sans réserve, l’extrémisme de gauche paraît n’avoir pas été considéré avec la même inquiétude ». « De fait, fit Poulenc, tout se passe comme si l’extrême droite était moins fréquentable que l’extrême gauche. Peut-être cela tient-il au fait que l’Histoire récente a montré les drames dont avaient été responsables ceux qui se retrouvent dans ce courant de pensée ». Il a ajouté, toutefois, qu’il n’était pas à exclure que l’autre extrême ne soit pas l’objet du même opprobre pour la simple raison que nous n’avions jamais connu en France de politique d’extrême gauche. Il fut interrompu par Mimiquet qui ne comprenait pas qu’on se pose la question. Il a rappelé les crimes commis de par le monde par ceux qui ont dirigé ou dirigent des états qui nient la liberté d’opinion, entendent tout diriger, déportent, voire exterminent ceux qui, simplement, ne sont pas de la race, de la religion ou du clan du chef. « Ma foi, osa Gastinel, vous avez certainement en tête les nazis de Hitler, les phalangistes de Franco ou les fascistes de Mussolini, mais vous ne pensez peut-être aux effets qu’ont eu ailleurs des régimes qui s’attribuaient une étiquette de gauche, aux dizaines de millions de Russes3 que Lénine et le “Petit Père des peuples”4 ont sacrifié sur l’autel de leur idéologie, aux soixante-dix millions de chinois envoyés vers un monde meilleur par Mao, ni à l’assassinat de 20 % des Cambodgiens par Pol Pot et sa clique. » « L’ignominie des uns n’excuse pas celle des autres, a repris Beraud, mais il faut peut-être prendre un peu de recul et, plutôt que de se polariser sur les notions de « gauche » ou de « droite », se demander si le danger ne réside pas dans le degré de radicalité et d’extrémisme de ceux qui se prévalent de l’une ou l’autre de ces options ». J’en ai profité pour rappeler à nos amis que, cet été, vous nous aviez conseillé Les dieux ont soif, d’Anatole France5 dont la lecture reste éclairante.
Vous concluiez votre lettre en relevant que nous allions sans doute vivre une période troublante et passionnée. Nous allons être, pour reprendre le mot de Raymond Aron, des « spectateurs engagés ». Mais, au fait, ne le sommes-nous pas en permanence ?
Nous vous renouvelons (si nécessaire !) l’expression de nos sentiments les plus amicaux.

P. Deladret

  1. « Il a bien parlé, mais qu’a-t-il dit ? » L’expression s’emploie à propos d’un beau parleur.
  2. « Je pense donc je suis »,qui affirme la priorité de mon opinion personnelle sur celles qui pourraient provenir des autres et, en quelque sorte, me crée en me différenciant.
  3. 66,7 millions d’après Soljenitsyne.
  4. Staline.
  5. Publié en1912, ce roman décrit l’enchainement des faits qui conduisent un jeune sympathisant de la Révolution de 1789 à en devenir un des éléments les plus radicaux, avant d’être lui-même guillotiné.
2024-08-25T10:09:47+02:00

Édito septembre 2024 > La mission des chrétiens

En ce début d’année qui démarre à l’Œuvre, je vous propose d’essayer de définir ce que peut être la mission des chrétiens. Une manière d’entrer dans cette réflexion, c’est de voir quelle fut la mission du Christ et sa façon de la réaliser. Jésus, le Christ, est plus qu’un prophète, un messager ou un porte-parole, il est en lui-même le message, il incarne la parole de Dieu, il est Dieu. Il est la manière d’être de Dieu au monde, totalement humain et totalement divin, unissant dans sa personne les deux natures, révélant aux hommes ce qu’ils sont appelés à être et en même temps leur faisant découvrir l’authentique visage de Dieu. Sa mission consiste à faire entrer l’humanité dans une relation d’amour avec Dieu, ou plutôt

Incarner la Parole de Dieu
Les chrétiens sont appelés par vocation à se comprendre eux-aussi comme filles et fils de Dieu, images de Dieu, identifiés au Christ qui s’est le premier identifié à nous par son incarnation, par sa vie partagée avec les hommes, par son existence donnée. Ainsi nous comprenons que nous sommes nous aussi appelés à incarner la parole de Dieu, et pas seulement à devenir des prophètes ou des messagers. Il est évident que notre monde a toujours besoin de prophètes et de messagers d’espérance, et heureusement nous en connaissons : ce sont des personnes marquantes faisant autorité et qui ont une valeur d’exemplarité et de cohérence dans leur vie, que ce soit dans le domaine de la politique, de la culture, du sport, des sciences, de l’économie, de l’écologie, de la religion… Elles nous aident à mieux comprendre la marche du monde, à prendre du recul par rapport à ce que l’humanité traverse. Elles nous invitent à mettre en œuvre des manières de vivre plus fraternelles et plus justes pour un meilleur vivre ensemble.

Devenir enfant de Dieu
Les chrétiens ont aussi à assumer une dimension prophétique dans leur manière d’être, mais ils sont invités à une vocation plus profonde : celle d’incarner la parole de Dieu dans leur existence, à se comprendre comme sœurs et frères de Jésus Christ, enfants de Dieu. Il ne s’agit pas de le devenir par notre propre volonté ou à la force du poignet, au prix d’efforts surhumains… Il s’agit de nous laisser travailler par l’Esprit saint qui fait de nous ce que Dieu désire. Si nous avons quelque chose à faire pour répondre à ce désir de Dieu, c’est d’accepter de nous recevoir du Tout-Autre et de moins résister à cette dimension divine qui ne demande qu’à se développer en nous. Comme le disait, à l’école des Pères de l’Église, le cardinal Robert Coffy, ancien évêque de Marseille, qui aimait sculpter le bois : Dieu travaille à révéler en nous ce que nous sommes, à la manière d’un sculpteur, c’est-à-dire non pas en ajoutant de la matière (des choses à faire, des efforts pour acquérir tel et tel mérite dans des pratiques rituelles ou humaines) mais en enlevant ce qui est en trop pour faire advenir la forme cachée dans la masse. C’est un travail de purification, de simplification.

Laisser Dieu agir en soi
Notre mission de chrétiens consiste donc à laisser le Christ apparaître en nous, à lui laisser plus de place dans nos vies pour qu’il puisse agir par nos mains, parler par nos bouches, écouter par nos oreilles, rencontrer les autres par nos corps. C’est à cet idéal que nous sommes appelés. Comme tout idéal, il est normal qu’il ne soit pas totalement réalisé, mais il serait dramatique que nous y renoncions à cause de la distance qu’il y a entre l’objectif et ce qui est à notre portée… Si la barre peut nous sembler trop haute, il n’empêche que le cap est le bon et que nous sommes invités à engager notre vie dans cette direction. Le fait que cela résiste en nous est humain ; pour atteindre le bonheur et la joie parfaite, pour réaliser notre accomplissement, le Seigneur ne nous propose pas une solution de facilité. Cependant, Dieu connait notre nature humaine, il ne veut pas la brimer ou la brider, il ne cherche pas à la contrer mais plutôt à lui donner toute sa dignité. Trop longtemps on a considéré que le croyant devait éteindre tout désir et toute pulsion dans son existence pour devenir un « bon chrétien », alors que le Seigneur s’appuie sur ce qu’il y a de plus profond en nous, il vient nous aider à maitriser notre énergie vitale pour qu’elle soit au service de notre véritable bonheur et au service des autres.

Aimer comme Dieu aime
Une autre difficulté que nous pouvons éprouver pour rentrer dans cette compréhension du sens de notre vie, vient du fait que nous avons tendance à imaginer qu’il nous faut faire des choses pour mériter une récompense ou pour éviter une punition. Alors que la véritable conversion consiste à lâcher prise, à nous accepter faibles et limités mais aimés, avec tout ce qui constitue notre humanité. Ce qui fait le plus obstacle à l’action de Dieu dans notre vie, ce sont moins nos insuffisances que nos suffisances. Car lorsque le croyant se reconnait pêcheur, alors il se présente sous le regard de Dieu avec la véritable humilité de celui qui sait qu’il a besoin de l’amour et du pardon de son créateur. Le prototype du véritable disciple du Christ, ce n’est pas l’homme parfait, c’est celui qui s’accepte comme un pêcheur pardonné. Ayant expérimenté l’amour et le pardon de Dieu, le croyant peut annoncer cette Bonne Nouvelle à l’humanité. Le chrétien qui a compris en quoi consistait la mission que Dieu lui confie est ainsi prémuni contre le danger qu’il pourrait y avoir à ce qu’il se considère comme supérieur aux autres et autorisé à les juger et à les condamner. La mission du chrétien, c’est d’aimer comme Dieu aime… Tout un programme !

Olivier

2024-08-25T09:50:01+02:00

Camp Été 2024 > les Benjamins

Les Benjamins à Larche

Chers Benjamins, c’est avec cette veillée que s’achève notre année.
Que de souvenirs et de rires, merci pour tous ces délires.
Des chants de l’OM qui nous rappelle la ville qu’on aime.
Jusqu’à « bigoudi bigouda caramel au chocolat », en passant par « l’éléphant qui se brossait les dents ».
Les pâtes carbonara ont marqué nos estomacs, comme les croissants, bande de gros gourmands.
Sans oublier vos colis que vous avez tous engloutis.
La brigade des émotions vous aura fait faire plein de missions.
Bienveillance, Fraternité, Respect, et bien sûr le Pardon à ne pas oublier.
Joie, Colère, Tristesse, Peur, Surprise et Dégoût vous remercient beaucoup.
La musique a rythmé nos camps, des rassemblements aux carnets de chants.
Bravo pour les randos !
Même si vous avez râlé, vous vous êtes surpassés.
Surtout ne pas oublier que vers la droite vous ne devez sauter pour ne pas finir pixellisé.
Même si Animal crossing, Fortnite, Pokémon, et Mario c’est bien rigolo.
Vous pourriez rester coincés dans ces jeux vidéos.
Cette année fut une fête avec vous les pipelettes.
C’est avec des souvenirs pleins la tête qu’on quitte Barcelonette.
Merci à : Sarah, Pauline, Lynn Amalbart, Simon, Agathe, Sasha Bazile, Mathis, Pénélope, Camille Boucharlat, Camille, Léonie, Rose, Yann, Quentin, Lara, Lubin, Félix, Louca, Lou, Oscar, Sasha Hueso Fabbri, Inès, louise, Elsa, Ilies, Line Lamourelle, Jules, Antonella, Louma, Capucine, Gabrielle, Louna, Timéo, Sophie, Lina, Milo, Manon, Salomé, Ulysse, Madeleine, Laszlo, Paul.
Un grand merci à Monique, Mitch, Corinne, Olivier et Clémence qui ont géré l’intendance.
Un gros gâté de vos animateurs dévoués.

L’équipe des animateurs BJ

2024-08-25T08:11:23+02:00

L’Évangile du mois de septembre 2024

Nous entendrons dimanche 22 septembre cet Évangile qui évoque l’enfance et le service.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

Le contexte
Nous sommes en route vers Jérusalem. Jésus, pour la deuxième fois, annonce qu’il va mourir et ressusciter. On voit ainsi un décalage évident entre les paroles de Jésus et la réaction de ses disciples. Pauvre Église, a-t-on envie de dire ! Elle a bien mal commencé…

Qui était le plus grand ?
Alors Jésus répond, et cela vaut pour nous aujourd’hui : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. » Autrement dit, si tu veux être le premier, tu dois te mettre au bout de la queue, être le dernier, et servir. À travers cette phrase lapidaire, le Seigneur inaugure un bouleversement : il renverse les critères qui définissent ce qui compte véritablement. La valeur d’une personne ne dépend plus du rôle qu’elle occupe, du succès qu’elle a, du travail qu’elle exerce, de son compte en banque ; la grandeur et la réussite, aux yeux de Dieu, ont une mesure différente : elles se mesurent sur le service. Pas sur ce que l’on a, mais sur ce que l’on donne. C’est cela qui nous définit vraiment. Au fond, tu veux être important ? Rends service. Voilà le chemin.

À propos du mot « service »
Ce mot apparaît un peu pâle, abîmé par l’usure. Mais dans l’Évangile, il a une signification précise et concrète. Servir n’est pas une expression de courtoisie, c’est faire comme Jésus qui, résumant sa vie en quelques mots, a dit être venu « pour être servi, mais pour servir ». Donc, si nous voulons suivre Jésus, nous devons parcourir la voie que Lui-même a tracée, la voie du service. Notre fidélité au Seigneur dépend de notre disponibilité à servir. Et cela, nous le savons, coûte, parce que « cela a le goût de la croix ». Servir, c’est aider, c’est une manière d’aimer et cela demande des efforts. Mais, au fur et à mesure qu’augmentent le soin et la disponibilité à l’égard des autres, nous devenons plus libres à l’intérieur, plus semblables à Jésus. Plus nous servons, plus nous ressentons la présence de Dieu en nous. En particulier, quand nous servons celui qui n’a rien à nous rendre en retour. En embrassant leurs difficultés et les besoins des plus pauvres, nous découvrons que nous sommes à notre tour aimés et embrassés par Dieu.

La parole et le geste
Jésus, pour illustrer cela, après avoir parlé du primat du service, accomplit un geste. Nous avons vu que les gestes de Jésus sont plus forts que les mots qu’il utilise. Et quel est le geste ? Il prend un enfant et le place au milieu des disciples, au centre, au lieu le plus visible. L’enfant, dans l’Évangile, ne symbolise pas tant l’innocence que la petitesse, pas tant la sagesse que la confiance. Parce que les petits, comme les enfants, dépendent des autres, des grands, ils ont besoin de recevoir. Jésus embrasse cet enfant et dit que celui qui accueille un petit, un enfant, l’accueille. Ce sont à eux que doit s’adresser notre sollicitude : ceux qui ont besoin de recevoir et qui n’ont rien à donner en retour. En accueillant ceux qui sont en marge, délaissés, nous accueillons Jésus parce qu’Il est là. Et dans un petit, dans un pauvre que nous servons, nous recevons également la tendre étreinte de Dieu.

Pour actualiser
Posons-nous quelques questions : moi, qui suis disciple de Jésus, est-ce que je m’intéresse aux petits ou aux puissants ? Ou, comme les disciples ce jour-là, est-ce que je recherche les gratifications personnelles ? Est-ce que je perçois la vie comme une compétition pour me faire une place au détriment des autres ou bien est ce que je crois qu’être le premier signifie servir ?

Pas simple…
Et, concrètement, est-ce que je consacre du temps à des « petits », à une personne qui n’a pas les moyens de donner quelque chose en retour ?

Didier Rocca

PS. Cette réflexion est largement tirée d’une catéchèse du pape François prononcée en septembre 2021

2024-08-25T10:07:14+02:00