Spiritualité

Édito avril 2024 > Difficile équilibre

La période politique qui s’ouvre devant nous est importante, elle va être marquée par les prochaines élections européennes, et entre en résonance avec la situation socio-politique sur toute notre planète. Il est de plus en plus difficile de se repérer et d’avoir des informations ou des idées vraiment objectives et impartiales. Chacun de nous est en permanence confronté à des choix. Comment se positionner en tant que citoyen, parent, croyant ? On voit bien que les mouvements politiques extrémistes et populistes ont le vent en poupe et que certains responsables politiques surfent allègrement sur cette vague, sans prendre la mesure du danger qu’ils font courir à humanité en ces temps où la solidarité et la fraternité devraient nous permettre de traverser les crises sociales, humanitaires, écologistes et éducatives qui nous attendent. Nous pouvons nous désoler de cet état de fait, mais nous pouvons aussi lutter contre cette facilité à ne penser qu’à court terme et de manière idéologique. Cela demande des efforts pour faire la part des choses et éviter les amalgames et les clivages qui ne servent que les intérêts électoralistes de certains sans servir le bien commun.

Manipulation
La grande difficulté pour nous qui ne sommes pas des spécialistes de la chose politique, c’est d’arriver à y voir clair alors que nous sommes souvent « enfumés » par des discours et des idéologies troubles, qui se targuent de nous faire entrer dans une pensée sans nuances qui a pour objectif de nous empêcher de réfléchir. Les plus flagrantes manipulations de ces derniers temps sont bien identifiées lorsqu’elles viennent du pouvoir autoritaire russe, mais il ne faudrait pas imaginer qu’il n’y en a pas d’autres tout aussi néfastes, bien que plus discrètes. Par exemple, on ne peut pas critiquer l’attitude du gouvernement de Benyamin Netanyahou qui attise la haine suite aux attentats perpétrés par des terroristes du Hamas sans être taxé d’antisionisme ou d’antisémitisme. Comme si l’État hébreu se réduisait à ce gouvernement entraîné dans une spirale de violence insensée, comme si le peuple israélien dans son ensemble cautionnait les exactions et les injustices infligées aux palestiniens de la Bande de Gaza. Critiquer cette escalade ne veut pas dire que l’on cautionne les actes terroristes et les prises d’otages ou que l’on prend parti pour la cause palestinienne. Mais si nous voulons préserver la paix et la fraternité, nous nous devons d’avoir une vision globale et libre qui nous permet de comprendre que la seule manière de lutter contre la violence est de savoir en déjouer les engrenages. Cela ne veut pas dire que les peuples n’ont pas le droit de se défendre, c’est légitime et hélas parfois nécessaire face à la barbarie et à l’injustice, mais la violence physique ne peut être qu’une solution à court terme qui doit céder le pas à d’autres étapes bien plus fructueuses, à savoir la négociation, la réparation, et au bout de chemin la réconciliation… voire idéalement le pardon. Nous en avons de magnifiques exemples dans notre histoire récente, en particulier avec ce qui a été mis en place suite à la Seconde Guerre mondiale. Qui aurait cru en 1940 que l’Allemagne et la France seraient les partenaires qu’elles sont devenues dans la construction de l’Europe ? Et les exemples ne manquent pas. En relisant notre histoire, nous pouvons trouver l’inspiration pour ne pas faire les mêmes erreurs et trouver des solutions qui évitent de voir souffrir des populations innocentes.

Enfumage
Il y a encore beaucoup d’autres situations où les clivages et les idéologies empêchent de bien réfléchir et d’avoir l’esprit libre et ouvert. Que l’on parle d’islam, de bioéthique, de migration, d’écologie, de précarité, d’éducation, d’économie, de justice… Sur tous ces sujets, les idées arrêtées et préconçues ont pour effet de suspendre les véritables débats, de brouiller les pistes et de nous inciter à rester figés dans des visions caricaturales aux conséquences dramatiques pour des personnes et des populations. De manière plus égoïste et même cynique, les conséquences sont importantes aussi pour nous, qui ne sommes apparement pas touchés directement par ces questions, car, à long terme, les choix – ou les non-choix – d’aujourd’hui auront un impact sur nos vies. Cela devrait nous inciter à promouvoir une authentique tradition du débat, de la réflexion et de l’information qui dépasse le sensationnel ou l’idéologie.

Ouverture
Parfois, à certains moments de l’Histoire, ou de notre histoire, les points de vue semblent irréconciliables. Ainsi, nous pouvons oser faire un parallèle avec les grands débats des débuts de l’histoire de l’Église chrétienne autour de la figure du Christ. Le cardinal archevêque de Marseille en a récemment éclairé les enjeux dans ses quatre catéchèses de carême à l’église Notre-Dame-du-Mont : avant d’en arriver à une expression claire et unanime, que nous affirmons de manière très apaisée tous les dimanches lorsque nous proclamons le Credo, les débats ont été passionnés, parfois même houleux et acharnés, clivants et violents, idéologiques et réducteurs. On s’est battu, verbalement et parfois physiquement, pour en arriver à comprendre qu’en Jésus il y a parfaite unité et liberté des deux natures humaine et divine. Au nom même du Christ qui est venu rassembler les femmes et les hommes en leur faisant comprendre qu’ils étaient tous enfants de Dieu, frères et sœurs, il y a eu des déchirures, des ruptures, des blessures. Il a fallu que des hommes prennent de la hauteur et sortent des logiques de concurrence pour aider leurs congénères à dépasser leurs divisions et leurs idéologies afin de vivre l’authentique fraternité qui n’est pas une uniformité de façade mais un enrichissement mutuel. Nous devons nous inspirer de ces attitudes d’intelligence et d’ouverture pour affronter les défis de notre temps. Il est facile d’aller vers ce (celui) qui nous est sympathique, agréable, familier. « Aller à la périphérie », comme nous y invite le pape François, est un exercice difficile, périlleux parfois, quand concrètement il s’agit d’écouter les points de vue des autres, de s’ouvrir à des arguments ou des logiques qui nous sont étrangères, voire hostiles. Le dialogue est plus qu’une posture, c’est quasiment un acte de foi car il nous sollicite profondément en tant qu’humain, frère ou sœur de celui ou celle qui ne nous ressemble pas et qui, malgré tout, nous maintient en relation. Nous pouvons essayer de trouver dans la figure du Christ une façon de gérer ces conflits : Jésus a une inclination particulière pour le dialogue, il ne refuse pas le débat, parfois violent, avec ses contradicteurs. Ensuite, il agit et se positionne avec une grande liberté vis-à-vis des rites, des codes, de la norme, de ce qui est « de bon ton » dans la société de son époque. Enfin, Jésus fait des choix radicaux et les assume, il ne se dérobe pas à l’heure critique. Que nos choix de citoyens, de parents, de croyants soient animés par un esprit de liberté, de paix et de fraternité.

Olivier

2024-03-20T21:51:40+01:00

L’Évangile du mois d’avril 2024

L’Évangile du mois sera proclamé le 21 avril prochain au cœur du Temps Pascal. Ce sera le dimanche dit du bon berger en référence aux paroles par lesquelles Jésus nous dit qui il est.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »

Pour prendre un bon départ…
À l’occasion de la fête des Tentes, Jésus se trouve à Jérusalem, au cœur du judaïsme. À la suite d’une guérison, il dialogue avec des pharisiens et prononce un discours scandé par deux paroles fortes : Je suis la porte… Je suis le Bon Berger. Nous lisons ici la deuxième partie de son discours.
La figure du berger
Jésus se présente comme le bon, le beau berger. Selon une image courante dans l’Ancien Testament, le Bon Berger, c’est Dieu. Cela veut dire que Dieu a pour chaque être humain l’attention, l’affection même, que le berger a pour un agneau. Il le guide là où il y a un pâturage et de l’eau, il le met à l’abri la nuit dans une bergerie pour qu’il ne soit ni dévoré par une bête ni volé par un brigand, il le soigne quand il est blessé et le recherche quand il est perdu. La théologie chrétienne au cours des premiers siècles a même largement représenté le Christ comme un berger portant un agneau perdu. Cela était pour eux un bon résumé de son rôle et de l’Évangile.
Une figure paradoxale
Pourtant à l’époque de Jésus, les bergers étaient assez mal vus par les intégristes, car il est difficile d’appliquer à la lettre les commandements de la Loi religieuse quand on est dans la nature. En même temps, les bergers étaient réputés être proches de Dieu par la prière (la nature rend humble et admiratif de la création), et par le chant (comme David).

Jésus en tant que berger donne sa vie. 
Qu’est-ce à dire ?
Donner sa vie, c’est avoir confiance en Dieu. C’est la déposer dans les mains d’un Autre, c’est accepté d’être brebis pour un autre. Les religieux, les personnes mariées déposent ainsi leur vie, ils acceptent de dépendre d’un autre.
Donner sa vie, ce n’est pas mourir, c’est vivre. On pense aux difficultés, à la mort, aux renoncements quand on pense au fait de donner sa vie ! Or, le caractère onéreux du don de soi vient du péché. Donner nous conduit au bonheur même si on en a peur, même si on est égoïste.
Donner sa vie, c’est en même temps la recevoir de nouveau. Elle se révèle alors plus profonde, plus belle. On pourra la recevoir, cabossée peut-être, mais embellie, enrichie, fortifiée !
Donner sa vie, c’est aimer toujours plus loin. On ne peut pas aimer en général, sans aimer en particulier. Mais l’amour auquel nous invite Jésus-Christ va plus loin, voit plus grand. En lui, nos horizons s’élargissent à travers ce jeune que j’anime, à travers cette personne que je visite… Les brebis ne sont pas comptées. Elles sont toujours plus nombreuses que ce que j’imaginais.

Didier Rocca

Le nom du mois : Bon Pasteur
Le Bon Pasteur est un des titres par lesquels Jésus s’identifie. Il fait partie des sept paroles qui commence par « Je suis… » que l’on trouve uniquement dans l’Évangile de Jean et qui font allusion à un aspect de la mission de Jésus : le bon Pasteur est celui qui rassemble, guide, cherche celui qui est perdu et donne sa vie pour les autres. Il fait paître ses brebis ou ramène la brebis égarée.

2024-03-20T21:54:23+01:00

Édito mars 2024 > Chemin de conversion

Nous sommes dans le temps liturgique du carême, ces 40 jours de préparation aux fêtes pascales, temps de conversion et d’approfondissement de notre relation à Dieu et aux autres. Nous allons aussi accompagner, tout au long de ces six semaines, le Christ dans sa montée vers Jérusalem, lieu de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. Il me semble que le récit de la rencontre du Christ avec un lépreux dans l’Évangile de Marc (Mc 1, 40-45) peut nous aider à comprendre ce que Dieu est venu vivre avec l’humanité en se faisant homme.

Le pur et l’impur
Dans ce récit, Jésus est abordé par un lépreux, homme impur par excellence. Ce pauvre homme, tenu de vivre à l’écart des autres dans des lieux retirés de toute vie sociale et communautaire, ose s’approcher du Christ. Jésus ne le rejette pas, mais entend sa demande de guérison et l’accomplit. L’homme, tout joyeux, s’en va annoncer autour de lui cette bonne nouvelle de sa guérison, désobéissant à l’injonction de Jésus de ne rien dire à personne, et mettant le Christ dans une posture intenable, lui imposant de se cacher dans un lieu désert pour ne pas être assailli de demandes de guérisons et de miracles, lui qui se méfie de l’idolâtrie dont il pourrait être l’objet.

Le mérite et la gratuité
Ce court récit nous donne des repères quand au projet de Dieu dans sa relation avec l’humanité : il accueille l’homme considéré comme impur par ses coreligionnaires. Il ne le rejette pas et ne le culpabilise pas, alors qu’à l’époque on considérait qu’un homme atteint de cette grave maladie de peau extrêmement contagieuse était puni pour la laideur de son âme, et que cette malédiction avait pour cause ses grands péchés. Dans la logique religieuse de ce temps, on considérait que la toute puissance de Dieu était agissante sur les événements et les personnes, et que, Dieu étant bon, si une personne souffrait ou était malheureuse, c’était la conséquence de ses mauvaises actions. C’était une façon de placer le religieux sur le registre de la rétribution : le bonheur et le paradis pour les personnes bonnes, le malheur et l’enfer pour les méchants. Jésus – qui pour les chrétiens n’est pas un simple messager ou un prophète parmi d’autres, mais l’incarnation de Dieu, de sa parole, de son message, de son alliance – nous fait sortir de ce registre du mérite. Il ne dit pas que l’homme mérite son malheur, mais il le guérit, signifiant que la maladie, la souffrance, ne font pas partie du projet de Dieu. Et nous comprenons ainsi que la puissance de Dieu n’est pas une force agissant sur les événements ou sur le matériel, mais qu’elle est en œuvre dans la capacité de Dieu d’aimer toute personne sans condition. C’est cet amour gratuit et gracieux qui peut nous permettre de traverser les épreuves, mais il n’agit pas par magie sur les événements eux-mêmes. Les quelques récits de miracles accomplis par Jésus et relatés dans les Évangiles sont des signes de ce désir de Dieu de lutter contre ce qui défigure les êtres humains et les coupe de la relation aux autres. Jésus n’explique pas le mal ni ne le justifie, mais il le combat. La réponse religieuse à la question de la souffrance et de la mort doit être sur ce registre : encourager, accompagner, être là par amour gratuit pour que cet amour porte du fruit en celui qui souffre et qu’ainsi il ne tombe pas dans le découragement et la fatalité, mais soit dans l’espérance, la foi, la charité.

Conversion
Autre repère que nous donne ce récit, et qui est au cœur du message chrétien et de ce que nous nous préparons à célébrer à Pâques : le Christ ne se contente pas de lutter contre le mal dont est atteint ce pauvre lépreux, mais il s’identifie à l’homme méprisé, culpabilisé et exclu : à la fin du récit, c’est Jésus qui ne peut plus entrer ouvertement dans une ville, mais doit rester à l’écart, dans des endroits déserts, comme le lépreux avant sa guérison. C’est un renversement total, qui peut faire penser à celui dont nous avons été témoins lors de la nuit de Noël, durant laquelle les plus pauvres des hommes, les bergers, ont pris le relais des anges, êtres célestes par excellence, pour chanter la gloire de Dieu. Ici, c’est Dieu, en Jésus, qui se retrouve à la place du lépreux. Nous osons exprimer ce renversement en mettant dans la bouche de Dieu ces mots un peu triviaux : « Vous les hommes, vous êtes fous, vous ne comprenez rien. Vous m’utilisez pour rejeter et condamner les gens avec des notions de pureté et d’impureté qui n’ont rien à voir avec mon amour offert à tous. Pour qui vous prenez-vous ? Vous osez instrumentaliser mon message pour agir à l’opposé de ce que j’essaie de vous faire comprendre et de vivre avec vous ! Si vous voulez jouer à ce jeu-là, alors voyez : je me mets du côté des impurs pour vous montrer l’absurdité de votre manipulation, et je partage la vie des exclus et des méprisés pour vous indiquer de qui je veux être proche en priorité. » C’est cela la véritable conversion : comprendre comme Dieu comprend, regarder comme Dieu regarde, aimer comme Dieu aime…

Olivier

2024-02-20T23:02:48+01:00

L’Évangile du mois de mars 2024

Dimanche 10 mars, nous vivrons le quatrième dimanche du Carême. Ce sera l’occasion de lire un Évangile relatant une belle rencontre entre Jésus et un pharisien.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »

Le contexte
Nous sommes au début de l’Évangile de Jean. Une rencontre a lieu de nuit avec un juif pieux, un pharisien appelé Nicodème. Cet homme sage vient interroger Jésus pour mieux le connaître et comprendre ce qui lui permet d’accomplir de tels prodiges.

À propos du serpent de bronze
Cet Évangile évoque l’épisode du serpent de bronze évoqué dans l’Ancien Testament. Lors des quarante années passées dans le désert, les Hébreux sont la proie de dangereux serpents et ils sont convaincus que Dieu les leur envoie pour les punir de leurs infidélités. Doute mortel qui prend figure de serpents venimeux. À leur demande, Moïse intercède pour eux. Il fait un serpent en bronze et le fixe à une perche. Le mal intérieur, caché, sera « élevé de terre », rendu visible sous la forme d’un serpent de bronze. Ceux qui avaient été mordus par un serpent pouvaient regarder le serpent de bronze, ils étaient alors sauvés.

Acte de magie ou acte de foi ?
En fait, Moïse, suivant les directives de Dieu, veut faire comprendre au peuple que les actes de magie sont vains. Ce n’est pas le serpent qui sauve mais bien Dieu. Jésus reprend alors cette histoire bien connue de ses interlocuteurs et fait un parallèle entre Moïse qui a dû utiliser un serpent de bronze élevé de terre pour sauver les Hébreux, et le fils de l’Homme, autrement dit lui-même, qui devra lui aussi être élevé de terre par la croix pour que l’humanité soit sauvée. L’évangéliste Jean voit donc dans le serpent de bronze une préfiguration du Christ crucifié.

Une réflexion sur la Croix
Le fait que Jésus consente à la croix est un acte d’amour indépassable, plus fort que la mort qu’il accueille. C’est pourquoi la croix ne sera pas pour lui enfouissement dans la terre, mais exaltation, élévation au-dessus de la terre.
Regarder le Christ crucifié, c’est regarder notre méchanceté et l’amour, son contraire, qui la surmonte. Notre mort est comme prise dans la mort du Christ. Nous pouvons ainsi prendre conscience de notre péché, et de l’amour qui a amené Jésus à s’en faire librement la victime.

Dieu a tant aimé le monde…
Cette Parole de Jésus synthétise en quelque sorte l’esprit du concile Vatican II dont nous fêtons le 60e anniversaire. Pour l’Église et donc pour chacun de ses membres, il s’agit de se mettre non pas dans une posture de jugement, regardant de haut les personnes, mais dans une posture d’accueil et de dialogue. Cela ne relativise pas les exigences de notre foi. Cela met les choses dans un ordre plus juste, plus conforme à l’Évangile. Il s’agit d’aimer le monde :
Aimer le monde, ce n’est pas dire que tout ce qui s’y vit est bon. Il n’y a pas de naïveté dans ces paroles.
Aimer le monde, c’est s’en sentir proche, c’est prier et travailler pour que celui-ci ressemble à ce que Dieu veut en faire. Aimer le monde, c’est collaborer au salut que Dieu nous donne.
Dieu a tant aimé le monde, pas seulement l’Église. Comprendre cela change notre compréhension de l’action de Dieu et de notre mission comme chrétiens.

Didier Rocca

Le nom du mois : les scrutins
Dans la vie démocratique, les scrutins permettent d’obtenir des élus. Dans la foi catholique, les élus sont ceux qui se préparent au baptême et qui après l’appel décisif célébré par l’évêque sont appelés « catéchumènes ».
Les scrutins lors des 3e-4e-5e dimanches de carême sont célébrés par exorcismes. Ces prières par lesquelles Dieu agit, rappellent aux catéchumènes que la liberté est un don que Dieu nous fait si nous acceptons de nous en remettre à Lui, de remettre nos fragilités et nos faiblesses entre ses mains. En disant cela aux catéchumènes, qui dans l’ardeur des commencements peuvent penser qu’ils viendront à bout de tous les obstacles, l’Église le dit aussi à toute la communauté. En effet, l’Église porte en elle l’expérience que le salut est donné gratuitement par Dieu. Elle porte l’expérience de tous ces combats, heureusement perdus, qui ont enfin ouvert la possibilité à l’Esprit saint d’agir. La place est alors ouverte à l’Esprit de Dieu qui seul est la Liberté, qui seul peut conduire vers le grand large. « Lui dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. »

(D’après un commentaire du Père Christian Salenson
dans la revue Points de repères en 2009)

2024-02-20T23:07:42+01:00

Édito février 2024 > Vivre sans Dieu ?

« Peut-on vivre sans Dieu ? » C’est la question que nous nous sommes posée avec les aînés lors d’une soirée discussion pendant le camp de ski à Larche à Noël. Ça a été l’occasion d’un bel échange. Nous nous sommes d’abord posé la question de ce que signifiait « vivre », et nous avons fait la distinction entre « donner du sens à sa vie » et « survivre » – c’est-à-dire les choses élémentaires comme se nourrir, se vêtir, s’abriter, se protéger des intempéries, des dangers et des ennemis potentiels, être en bonne santé, se reproduire… Et nous sommes convenus que la réponse est assez claire sur cette question de la survie, que nous partageons avec le monde animal : il est tout à fait possible de se passer de Dieu, de spiritualité ou de religion pour cela. Par contre, pour ce qui est de la question de donner du sens à sa vie, la réflexion est importante et la réponse moins évidente.
Dieu / Religion / Spiritualité
Nous avons alors approfondi la question, en distinguant Dieu, la religion et la spiritualité. Nous ne pouvons que constater que beaucoup de nos contemporains ne se retrouvent pas dans les religions, et qu’ils s’en passent sans pour autant être de mauvaises personnes. Donc, oui, effectivement, on peut vivre vivre sans religion. Pas besoin de religion pour avoir des principes et des repères dans son existence, et pour bien vivre avec les autres.
Pour ce qui est de la spiritualité, nous constatons que c’est une dimension importante dans la vie de beaucoup de personnes, mais que cette notion est tellement large qu’elle peut être, pour certain, déconnectée de la transcendance et du rapport au divin. C’est parfois un rapport à soi-même qui est recherché dans certains courants spirituels ou pratiques de méditation, un rapport à la nature, à la respiration, à la contemplation…

Envisager Dieu
Pour ce qui est de « vivre sans Dieu », nous ne pouvons répondre à cette question que si nous arrivons à préciser ce que nous entendons par « Dieu ». Lors de nos échanges, nous nous sommes posé la question de savoir si ce que nous nommons Dieu est un grand marionnettiste qui décide de tout ce qui se passe sur terre et dans nos vies, et nous ne nous sommes pas reconnus dans cette conception qui induit une religion magique qui ne rendrait pas les personnes libres. Nous ne nous sommes pas reconnus non plus dans une vision d’un Dieu qui serait un juge, qui pèserait nos vies à la balance pour voir si nous mériterions, selon nos actions bonnes ou mauvaise, la récompense ou la punition. Dans ce que nous avons compris du message chrétien, la justice de Dieu n’est pas une justice de condamnation, mais une justice de rétablissement dans la dignité, de réaction contre l’injustice, de lutte contre le mal en nous pour mettre en valeur le bien, le bon et le vrai.

Dieu, source de tout amour
Nous en sommes arrivés à la conclusion que ce que nous appelons Dieu, c’est la source de tout amour, qu’il est présent dans toute personne, dans toutes les relations, et qu’il n’a pas de frontière, pas même celles que nous savons si bien dresser entre croyant et non-croyant, entre pratiquant et non-pratiquant, ou entre les religions. Si Dieu est amour, alors sa puissance se révèle dans sa capacité à se donner à tout le monde et à être totalement gratuit, en dehors de toute notion de mérite. La force de l’amour, ce n’est pas d’agir sur les événements ou les éléments, mais de transformer les cœurs. Ainsi nous pouvons répondre, après toutes ces précisions, que personne ne peut vivre sans Dieu, c’est-à-dire sans amour. Même si les gens ne se reconnaissent pas dans les discours des religions ou les conceptions de Dieu proposées par les grands courants spirituels, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas habités par l’amour de Dieu. Nous nous devons de respecter leur conception d’une vie sans Dieu, mais, comme croyants, nous ne pouvons pas cesser de croire que Dieu est présent dans leur vie et qu’il est la source de ce qui y est beau, bon et vrai. Notre mission consiste aussi à savoir nous émerveiller de cette présence de Dieu en chaque personne humaine.

Mettre en pratique l’amour reçu
Cette manière de voir les choses peut nous permettre aussi de comprendre pourquoi les croyants donnent une grande importance à la religion : elle est le moyen de toujours mieux comprendre la bonne nouvelle chrétienne et de la vivre concrètement par des pratiques religieuses qui ne sont pas dans le registre du mérite – comme s’il fallait être un bon pratiquant des rites religieux pour être aimé de Dieu – mais parce que nous avons besoin que notre foi soit vécue concrètement, physiquement et communautairement, car nous sommes des êtres incarnés pour qui l’essentiel passe par notre corps. Les pratiques rituelles et religieuses ne sont pas des fins en soi, elles aident les croyants à toujours mieux comprendre qu’ils sont habités par l’amour, et que la réponse à cet amour reçu gracieusement se manifeste dans l’amour donné gratuitement aux autres.

Dieu, une personne
Cette acception de Dieu comme amour peut sembler incompatible avec la personnification de Dieu dans les grandes religions monothéistes. Pour les croyants c’est très cohérent : l’amour se donne à voir et se vit en nous, mais aussi et surtout dans les relations que nous établissons les uns avec les autres. Le récit biblique inaugure, avec le peuple hébreu, cette relation entre le Dieu d’amour et les hommes, le plus souvent par l’intermédiaire des prophètes. Pour les chrétiens, cette relation interpersonnelle entre Dieu et l’humanité s’accomplit pleinement dans son incarnation en Jésus. Par sa proximité avec nous, Jésus amène l’humanité à comprendre et à accueillir ce qu’il désire que nous vivions avec lui et les uns avec les autres : une relation de confiance, de fraternité, de filiation qui transforme toutes nos relations humaines en relation d’amour.

Olivier

2024-01-30T18:45:34+01:00

L’Évangile du mois de février 2024

Le 4 février prochain, nous entendrons le résumé d’une journée de Jésus à Capharnaüm. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne chôme pas…

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

En sortant de la synagogue, il se rendit à la maison de Simon et André, avec Jacques et Jean. La belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre : tout de suite ils lui en parlent.Jésus s’approche et la soulève en la prenant par la main : la fièvre la quitte et elle commence à leur faire le service. Au soir, dès que le soleil fut couché, on commença de lui amener tous ceux qui souffraient de maladies ou de démons. 33 La ville entière se pressait devant sa porte. Jésus guérit de nombreux malades, atteints de diverses maladies, et chassa de nombreux démons. Mais il ne laissait pas parler les démons, car ils l’avaient reconnu. Au petit matin, alors qu’il faisait encore nuit, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert. Il y resta en prière. 36 Simon et ses compagnons se mettent à sa recherche et, quand ils le trouvent, ils lui disent : « Tout le monde te cherche. » Il leur dit alors : « Sortons d’ici, allons aux villages voisins pour que j’y prêche aussi ; c’est pour cela que je suis sorti. » Il alla donc prêcher dans leurs synagogues par toute la Galilée ; il chassait aussi les démons.

Le contexte
Marc se fait l’écho tout au long de l’Évangile de la pensée de Pierre. Nous sommes au début de l’Évangile de Marc. La scène se situe à Capharnaüm, ville où habite Pierre. Jésus vient d’appeler quatre pêcheurs de métier Simon (Pierre), André, Jacques et Jean. Ensuite, il enseigne avec autorité dans la synagogue. Marc poursuit le récit d’une journée-type de Jésus et résume en quelque sorte toute l’activité de Jésus durant ces trois années de vie publique.

Que fait-il ?
Il guérit les malades, chasse les démons. Et dans ce rythme effréné, Jésus nous montre qu’il n’oublie pas l’essentiel dans son désir de prendre de la distance et de prier. Enfin, Jésus ne reste pas enfermé dans un lieu, une activité, il part. Sa vie est itinérante. Il est toujours en mouvement.

Un secret mal gardé
Au verset 34, une phrase énigma-tique : « Jésus ne laissait pas parler les démons, car ils l’avaient reconnu. ». Pourquoi donc ce secret ? Personne ne parvient à connaitre Dieu en quelques jours. Il faut un long temps d’amitié avec Dieu, avec le Christ pour le connaitre vraiment et pour pouvoir en dire quelque chose de vrai. Des définitions ne nourrissent pas le cœur si elles ne sont pas habitées d’un vrai amour. Une juste compréhension de l’identité de Jésus passe nécessairement par la Croix.

Quel est donc le sens de toutes ces guérisons ?
Une carotte pour attirer les gens afin qu’ils croient ? Ce serait terriblement choquant. Les miracles en général et les guérisons en particulier sont des signes pour dire que le Royaume de Dieu vient, qu’il s’approche. S’il est vrai que le risque est grand de repartir guéri sans avoir rencontré Dieu, Jésus l’assume. Petit à petit, il rapprochera guérison physique et conversion du cœur, miracle et foi.

Pour actualiser
Enfin, l’attitude de Jésus en tant qu’évangélisateur dit quelque chose de notre attitude. L’action (servir, soulager) et la contemplation (prier, faire silence) doivent aller de pair. Voici quelques phrases de notre ancien évêque Mgr Georges Pontier qui résume ce nécessaire équilibre :
« Tel est le beau défi du christianisme : tenir en même temps l’amour de Dieu et l’amour des frères, la mystique et le social, l’approfondissement de la vie spirituelle et le dynamisme de l’engagement pour les plus pauvres. Il s’agit pour nous de ne pas réduire le christianisme à des exercices de piété désincarnés, ni à un engagement humaniste sans intériorité ni référence à Dieu » (Lettre pastorale, Pâques 2011).

Didier Rocca

Le nom du mois : se lever
Le matin du sabbat, le samedi matin, Jésus prend la belle-mère de Pierre et l’aide à se lever. Le dimanche matin à la première heure, Jésus se lève pour aller rencontrer son Père. Au matin de Pâques, le Père fera relever Jésus d’entre les morts. Autrement, dit le verbe « se lever » dit beaucoup plus qu’une attitude du corps, il évoque la résurrection. Pour Marc, se lever est synonyme de ressusciter.

2024-01-24T13:53:03+01:00

Édito janvier 2024 > Le sens de l’Épiphanie

Depuis les débuts de l’Œuvre, Jean-Joseph Allemand, son fondateur, a proposé que la solennité de l’Épiphanie soit la plus grande fête pour les jeunes qui fréquentent la maison. Nous la célébrons encore de nos jours avec fidélité, et nous lui donnons un sens qui peut accompagner les jeunes vers une meilleure compréhension de ce que Dieu vient vivre avec chacun de nous en se faisant proche par l’humanité de Jésus.

Union entre le ciel et la terre
À Noël, nous comprenons que Dieu vient habiter notre terre, qu’il noue une relation avec nous, non pas en surplombant notre humanité – soit par le jugement soit par la condescendance – mais en venant partager notre condition, en choisissant de s’identifier aux plus petits, aux plus pauvres et aux plus méprisés. Ainsi aucune femme ni aucun homme ne peut penser qu’il est indigne de la rencontre avec Dieu, puisqu’il a fait le choix de ne pas mettre de distance morale ou sociale avec les personnes qu’il a rencontrées. Dans les récits de la nuit de Noël, ce sont les bergers, les plus bas dans l’échelle sociale de l’époque de Jésus, qui sont montrés comme prenant le relais des anges, les plus haut placés dans la hiérarchie céleste, pour annoncer la naissance du Messie, et pour chanter sa gloire aux personnes venues découvrir ce qui se passait dans l’étable de la nativité. Symboliquement, il n’y a plus de séparation entre le monde de Dieu et le monde des hommes, entre le ciel et la terre, entre le haut et le bas.

Union entre les hommes
À l’Épiphanie, ce sont des mages venus d’Orient – des savants étrangers – qui viennent rendre hommage à Jésus comme prince de la paix. Ils lui offrent des cadeaux en signe d’adoration, et par leur présence, nous donnent de comprendre que le message de Dieu incarné dans l’enfant de la crèche est universel et qu’il abolit les murs de séparation entre les hommes. Jésus, tout en étant un enfant juif, né dans une famille juive et totalement pétri de la foi biblique, nous montre que la vocation du peuple hébreu, aujourd’hui comme hier, est d’être un signe de l’alliance de Dieu avec toute l’humanité, alliance qui ne se réduit pas au peuple juif ou aux bons pratiquants. On peut dire la même chose de l’Église catholique : sa vocation est d’être le signe et le moyen de la relation de Dieu avec tout le monde, sans aucune limite. Elle n’a pas pour vocation de se préoccuper de son fonctionnement ou de sa survie, elle doit être focalisée sur l’accompagnement de la rencontre de l’humanité avec Dieu qui fait le premier pas vers elle. Pour Dieu, nous sommes tous des filles et des fils d’adoption, aimés et accompagnés, guidés et encouragés, appelés à répondre à son alliance en mettant l’amour au cœur de notre vie et dans nos relations avec les autres.

Mise en œuvre pour nous aujourd’hui…
Pour les jeunes de l’Œuvre, cela peut se déployer de diverses manières dans leur vie. Entre autres, en les invitant à comprendre qu’il n’y a pas plusieurs dieux, mais un seul, qu’il est le même pour tous, et que toutes les religions, à leur manière, avec des textes, des rites et des discours différents, sont des moyens pour aider les hommes à mieux comprendre Dieu et à entrer en relation avec lui. De ce fait les jeunes peuvent comprendre que les guerres de religions n’ont pas de sens et qu’il ne devrait pas y avoir de concurrence entre les croyants, sauf celle de la charité ; comme le disait un aumônier juif lors d’une rencontre interreligieuse avec des jeunes : « Si tu veux me prouver que ta religion est la meilleure, alors montre-moi ce que tu fais de bien pour les autres, c’est cela seul qui compte aux yeux de Dieu, et sûrement pas de te battre contre les autres en son nom ! »
Autre éclairage pour les jeunes de l’Œuvre, grâce aux fêtes de la Nativité et de l’Épiphanie : l’accueil du pauvre et de l’étranger. Ils sont présents dans ces récits et leur place est mise en valeur de manière très insistante pour nous faire comprendre que c’est un véritable choix de la part de Dieu. Il désire que tout le monde se sente en capacité d’être rejoint par lui, surtout ceux qui seraient pointés du doigt comme indignes, exclus ou trop mauvais. Personne n’est indigne de la relation et de l’amour de Dieu qui ne fait pas de frontière entre les hommes. Pour nous, cela veut dire que nous nous devons d’être les instruments de ce désir de Dieu de signifier la dignité de toute personne et de travailler à la fraternité universelle sans exclusion. Si nous faisons partie d’un groupe, d’une communauté, d’une religion, d’une Église, ce n’est pas pour nous séparer des autres et mettre des frontières entre nous, c’est pour mieux nous donner les moyens de comprendre et d’expérimenter la fraternité afin de pouvoir lui donner une dimension universelle.
Encore un autre éclairage qui peut nous guider dans toute notre vie, c’est l’abolition de la séparation entre le monde de Dieu et le monde des hommes. Nous ne sommes pas des individus cloisonnés, ni entre nous ni en nous. La dimension spirituelle et religieuse n’est pas séparée de la dimension sociale et politique de notre existence. Les deux registres, bien que très différents, interagissent et sont les deux mouvements d’une même respiration. Notre relation à Dieu nous donne de nous transcender et de donner un sens à notre existence en comprenant qu’elle est unique, impérissable et précieuse, car nous sommes aimés de manière absolue ; et notre relation aux autres est le lieu de la mise en œuvre concrète et incarnée de cet amour. Notre réponse à l’amour reçu de la part de Dieu, c’est d’aimer à notre tour toutes celles et tous ceux qu’il nous est donné de rencontrer au long de notre parcours de vie.

Olivier

2023-12-22T08:50:43+01:00

L’Évangile du mois de janvier 2024

Le 14 janvier, ce sera la grande fête de l’Œuvre mais ailleurs, dans le monde entier, nous célèbrerons le 2e dimanche du temps ordinaire avec un bel Évangile écrit par saint Jean.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Le lendemain, Jean-Baptiste était là de nouveau, et deux de ses disciples étaient avec lui. Jean-Baptiste fixa son regard sur Jésus qui passait et il dit : « Voici l’agneau de Dieu. » Lorsque ces deux disciples l’entendirent, ils allèrent et suivirent Jésus. Jésus se retourna et vit qu’ils le suivaient ; alors il leur dit : « Que cherchez-vous ? »
Ils lui dirent : « Rabbi (c’est-à-dire Maître), où demeures-tu ? » Jésus leur dit : « Venez et vous verrez ! »
Ils vinrent donc pour voir où il restait, et ce jour-là ils demeurèrent avec lui. Il était environ quatre heures de l’après-midi. L’un de ces deux disciples qui avaient écouté Jean et avaient suivi Jésus, était André, le frère de Simon-Pierre. Il alla d’abord trouver son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie ». Et il l’amena à Jésus. Jésus le regarda et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képhas » (ce qui veut dire Pierre).

Le contexte
Nous sommes au début de l’Évangile de Jean, au lendemain du baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain. Et le « Verbe fait chair » ne perd pas de temps puisque ce passage raconte l’appel de ses trois premiers disciples.

Jésus passait…
Les disciples de Jean-Baptiste sont comme nous, en recherche de la Vérité, ils marchent mais ils sentent bien que Jean-Baptiste n’est qu’un intermédiaire qui va leur faire découvrir quelqu’un de plus grand encore. C’est sans mérite de leur part qu’ils rencontrent Jésus. « Jésus passait » nous dit-on. C’est son œuvre principale, passer et nous faire passer avec lui de la mort à la vie.

Où demeures-tu ?
La question des disciples est étonnante. Si tu avais Jésus face à face, quelle question lui poserais-tu ?
Certainement pas celle du lieu où il demeure. Et pourtant, la demeure de Dieu qui intéresse tant les deux disciples est un thème très présent dans la Bible. Pour les juifs, c’est à Jérusalem, dans le Temple, que Dieu trouve son « repos ». C’est là que l’on viendra adorer Dieu et offrir des sacrifices. Plus tard, le peuple sera déporté et le temple détruit. Dès lors on comprendra mieux, ce que l’on sentait déjà confusément : Dieu est là où je me trouve si toutefois j’accepte de l’accueillir. Comment ? En accueillant les autres. Cette « réunion » fraternelle n’est pas forcément concrète : l’amour peut se vivre par la prière. Cette fraternité prend visage dans notre communauté rassemblée à la messe.

Un autre passage…
On va passer de l’Ancienne Alliance (les disciples du Baptiste en sont encore là) à la Nouvelle. « Venez voir », leur dit Jésus. Remarque l’abondance du verbe « voir » dans ce récit : on passe de l’audition à la vue, ainsi on entre dans la demeure de Dieu. Bientôt, il faudra en sortir et, plus tard, aller par le monde pour annoncer un Christ redevenu invisible puisque ressuscité. Le nouveau temple échappe au regard et n’est plus localisable. Il est fondé sur le Oui de Pierre.

Une nouvelle fraternité
Tu remarqueras que cette nouvelle fraternité autour de Jésus se constitue à partir d’une fraternité humaine puisqu’André et Pierre sont déjà frères. Jésus ne supprime pas les liens familiaux, il les élargit à la famille humaine.

Pour actualiser
« Venez et voyez » dit Jésus. Sois attentif cette semaine à ce que Jésus fait pour toi. Dans un même mouvement, communique à tes proches ces découvertes. C’est cela l’évangélisation qui passe toujours par le témoignage ! Ce n’est pas faire de la communication ou de la publicité pour Jésus mais c’est le laisser rayonner dans ta vie et par conséquent, donner à voir cette joie que tu portes !

Didier Rocca

Le nom du mois : agneau
De nos jours, l’agneau évoque un animal bien fragile, tout juste capable de bêler. Pour les disciples de Jean, l’agneau évoque immédiatement l’agneau pascal, égorgé et consommé la veille du départ d’Égypte vers la Terre promise. Cet animal évoque aussi la protection de Dieu : l’ange exterminateur qui viendra ravager l’Égypte passera (Pâque signifie passage) sans donner la mort devant les portes des Hébreux, marquées du sang de cet agneau. C’est donc à la Pâque que renvoie le thème de l’agneau. C’est dans le Christ que va se réaliser tout ce que l’agneau biblique préfigurait. C’est pourquoi à la messe pour parler de Jésus, on dit : « Voici l’agneau de Dieu… »

2023-12-22T08:53:12+01:00

Édito décembre 2023 > Le prince de la paix

En ce mois de décembre, nous entrons dans le temps de l’Avent qui prépare les célébration de Noël, la grande fête de la nativité du Christ, Jésus (« Dieu Sauve), Emmanuel (« Dieu avec nous »), prince de la paix. Et Dieu sait que notre monde a bien besoin de recevoir cette paix et son prince, tant notre actualité nous donne à assister, souvent impuissants, à la violence et à la guerre ; en Afghanistan, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, au Myanmar, en République démocratique du Congo, en Somalie, en Syrie, au Yémen, en Éthiopie, en Ukraine, dans le Haut-Karabakh… Une guerre et un drame nouveau effacent les précédents dans les médias, mais les violences se poursuivent et les victimes s’accumulent. Les raisons sont diverses, idéologiques ou économiques, souvent alimentées par la pauvreté, la frustration et l’injustice, mais le résultat pour les populations civiles est dramatique, les poussant à un exode risqué et contribuant à ajouter de la misère à la misère lors de leur arrivée dans des contrées où ils ne sont ni bienvenus ni bien accueillis.

Difficile solidarité
Le pape François, lors de sa venue à Marseille en septembre, n’a cessé de nous sensibiliser à cette question et nous invite à ne pas rester inactifs face à ces drames qui défigurent l’humanité. Mais comment agir dans le contexte de ces conflits qui ont des racines profondes et qui semblent insurmon-tables ? Il n’y a pas de solution miracle, mais nous pouvons nous associer les uns aux autres pour changer notre manière de nous comporter avec celles et ceux qui, autour de nous, proches de nous, traversent des épreuves. Une illustration frappante nous a été offerte lors de l’accueil des réfugiés ukrainiens au début de l’invasion de leur pays par l’armée russe : ils sont arrivés en masse aux portes de nos pays d’Europe de l’ouest, et pourtant leur prise en charge n’a pas été problématique. Certains diront que c’est parce que le choc culturel avec eux n’était pas trop grand, d’autres que c’est parce que nous pouvions nous identifier à eux alors que les rescapés qui viennent de l’autre côté de la Méditerranée nous semblent plus « étrangers », il n’en demeure pas moins que nous avons su être solidaires et contribuer, chacun à notre mesure, à l’accueil et à la solidarité. Nous le voyons aussi lors des catastrophes et des grands accidents : nous sommes capables de fraternité et même de sacrifices dans ces cas d’urgence. Il ne faudrait pas grand chose pour que le partage des richesses soit plus équitable entre les pays riches et ceux en cours de développement ou encore « pauvres », mais nous ne sommes ni prêts ni motivés pour des engagements à moyen et long terme. La sobriété heureuse à laquelle certains nous invitent va dans ce sens, mais nous ne sommes pas encore parvenus au point d’y consentir collectivement.

Jésus nous ouvre la voie
L’incarnation de Dieu en Jésus peut nous aider à comprendre ce qu’il nous invite à mettre en œuvre. Jésus, hormis les miracles qui sont relatés dans les Évangiles et qui ne sont pas très nombreux, n’a pas eu un pouvoir de décision et d’action énorme en son temps. Il n’a pas créé une ONG ni fondé une famille missionnaire, cependant il nous ouvre une voie pour affronter les questions du mal, de la souffrance, de l’injustice et de la mort. Il ne s’est pas dérobé face à ces grands drames qui marquent l’humanité et nous bouleversent. Sa manière de les combattre a été de se faire proche de celles et ceux qui en étaient victimes, d’abord pour leur signifier sa proximité, sa sollicitude. Il a été plus loin dans la solidarité avec les pauvres et les exclus : il a partagé leur condition, il a souffert le rejet et l’exclusion, il a été trahi, condamné, torturé et tué. Il a porté cette misère du monde qui défigure tant de nos frères en humanité, et avec eux il a été victorieux du mal de la mort, il est sorti vivant du tombeau, il est ressuscité. En Jésus, Dieu se fait l’un de nous pour nous faire comprendre que nous sommes capables de vivre comme lui, de vaincre le mal, de refuser l’engrenage de la violence, de transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, capables d’aimer plus que de haïr, capables de solidarité plutôt que de replis sur nous-même.

Changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair
Face aux drames qui marquent notre actualité, tout cela semble bien gentil, mais loin de pouvoir inverser le mouvement de violence et d’injustice qui semble d’une puissance inéluctable. Cependant nous ne pouvons justifier notre inaction par l’énormité de ce qu’il faudrait faire. Chacune et chacun à notre mesure, dans le contexte qui est le nôtre, nous pouvons nous laisser inspirer par le prince de la paix dont nous célébrons l’avènement à Noël. Nous pouvons nous rendre solidaires de celles et ceux qui sont nos prochains les plus fragiles et les plus pauvres, nous pouvons partager de notre superflu, et même peut-être de notre nécessaire. Nous pouvons travailler à changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. Nous pouvons aider notre monde à comprendre que les solutions de repli et de haine sont dictés par la peur et l’ignorance mais qu’ils ne sont pas une solution face à l’injustice et à la misère. Nous pouvons être des signes de fraternité et de paix en ces temps troublés et incertains.

Olivier

2023-11-24T15:56:40+01:00

L’Évangile du mois de décembre 2023

Cet Évangile sera lu deux fois ce mois-ci, lors du 4e dimanche de l’Avent, le 24 décembre et le jour de la fête de l’Immaculée Conception de la Vierge, le 8 décembre.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit :« Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. »
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? »
L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.

Le contexte
Luc construit le début de son Évangile comme deux vies parallèles, celle de Jean-Baptiste et celle de Jésus.
Après avoir raconté, la venue au monde de son cousin alors qu’Élisabeth est avancée en âge, Luc poursuit avec l’annonce de l’ange à propos de la naissance de Jésus. Ainsi, il s’attarde sur ce moment absolument inouï au cours duquel Marie apprend qu’elle va devenir la mère du Sauveur. On l’appelle le récit de l’Annonciation.

Curieux s’abstenir…
C’est un Évangile qui ne nous raconte pas d’abord comment cela s’est passé, le texte ayant été écrit au moins une génération après la mort de Jésus. Peu de détails sur l’ange, sur les circonstances de sa venue. Il n’est pas rédigé pour répondre à notre curiosité mais pour comprendre peu à peu qui est cet enfant, qui est ce Dieu qui surprend même les croyants.

Surprises, surprises…
Quelles surprises pour Marie ! Imaginez un peu… Sa vie semblait toute tracée, un mari, c’était presque fait, des enfants à venir, une famille. Bref, une vie comme pour la plupart d’entre nous, nous l’imaginons. Cette rencontre avec l’ange Gabriel, un messager de Dieu a donc de quoi surprendre.
Première surprise : La salutation d’un ange, c’est le début de l’Ave. « Réjouis-toi, Marie le Seigneur est avec toi ». Cela faisait si longtemps que Dieu s’était tu. Plus aucune prophétie, comme si Dieu devenait absent de notre monde. Et s’il reprend ici la parole, c’est à l’adresse d’une jeune fille que rien ne préparait particulièrement.
Deuxième surprise : L’annonce de l’ange est étonnante. Marie apprend qu’elle va être enceinte et va mettre au monde quelqu’un d’exceptionnel, d’unique…
Troisième surprise : Pour qu’il y ait un enfant, il faut bien un père. Ce sera l’Esprit Saint. Que s’est-il passé dans la tête et surtout dans le cœur de Marie ?
Enfin, une quatrième surprise qui donne du poids à l’annonce de l’ange : sa cousine Élisabeth est aussi enceinte. Tout ce que raconte ce message divin doit être vrai. D’ailleurs comme le dit l’ange en terminant : « Rien n’est impossible à Dieu ».

Qui est cet enfant ?
Notons les expressions qui disent son identité : Jésus (Dieu sauve), grand, fils du Très-haut, recevant le trône de David son Père, saint, Fils de Dieu. Cela fait beaucoup pour un seul homme. Nous comprendrons progressivement le sens de tous ces termes ancrés dans la mémoire biblique.

Pour actualiser…
Cette scène pleine de surprises nous interroge donc sur les événements imprévisibles qui peuvent arriver dans nos vies. Quelle attitude adopter ? Accepter de se laisser déranger par Dieu, par la vie. Accepter que le projet de Dieu dans ma vies ne soit pas celui que j’avais prévu. Marie en a fait les frais, ou plutôt elle a reçu cette grâce de recevoir tant de surprises. Allons plus loin… Il nous faut même accueillir les surprises, les imprévus comme des marques de la présence de Dieu dans nos vies, tel est le programme que Dieu par Marie nous propose aujourd’hui.

Didier Rocca

Le nom du mois : Annonciation
Les annonciations sont des scènes bibliques typiques. Dieu ou un de ses messagers annoncent à quelqu’un une nouvelle incroyable, souvent une naissance. Cette personne fait valoir que ce n’est pas possible. Il lui est alors donné un signe de ce qui doit arriver, aura véritablement lieu. Nous avons lu l’annonciation de l’ange Gabriel à Marie. Il existe dans les Évangiles une annonce à Joseph durant un songe. L’Ancien Testament n’est pas en reste : dans le livre de la Genèse, Dieu annonce à Abraham et à Sara qu’ils auront un enfant. Ces annonciations attestent de la toute-puissance de Dieu : là où il y a la mort, la stérilité, Dieu peut faire jaillir la vie.

2023-11-24T16:06:55+01:00