Spiritualité

Édito novembre 2021 > Église constituée de pêcheurs

Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église vient d’être rendu public, et nous sommes tous profondément marqués par ce qu’il contient. Les chiffres et tout ce qu’ils représentent de souffrance pour les victimes sont au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer. La sidération et l’horreur sont immenses, tout comme la tristesse et la honte pour tous ceux qui sont engagés dans l’Église. Car nous ne pouvons nous désolidariser de l’institution au prétexte que nous ne sommes pas coupables ou que les faits sont anciens. Nous avons été aveugles, maladroits, peut-être même complaisants, sans jamais cautionner les crimes commis mais sans trop chercher à savoir… Je le dis d’autant plus volontiers que notre propre communauté, notre famille de l’Œuvre, n’est pas épargnée par ce fléau. Nous sommes de la même pâte humaine que les coupables désignés et reconnus, et, soyons lucides, il n’en faut parfois pas beaucoup pour basculer dans l’aveuglement qui empêche de considérer la dignité de la personne qui est à côté de nous. Nous sommes aussi de la même pâte humaine que les victimes qui sont rongées par la souffrance et, malheureusement, par la honte.

Pardon
Nous demandons pardon à toutes les personnes qui ont été blessées, de près ou de loin, par ces dérives criminelles. Il y a quelques années nous avons envoyé une lettre aux familles et aux anciens de l’Œuvre suite à des révélations de faits anciens commis dans une de nos maisons mais qui ont des répercussions toujours actuelles et douloureuses. Nous sommes désolés que des jeunes et des familles aient été profondément et durablement blessés dans le cadre de nos Œuvres alors que notre mission est d’accompagner la croissance des jeunes dans un cadre bienveillant, sécurisant et encourageant. Nous n’avons de cesse de parler d’un Dieu d’amour qui accueille et qui relève, et pourtant nous sommes capables de blesser et de détruire. Il nous faut en être conscients, non pour nous complaire dans la médiocrité, mais pour lutter contre ce qui peut nous faire trahir notre mission. Nous ne pouvons plus ignorer que les blessures et traumatismes ne s’effacent pas et restent présents dans l’existence des victimes tout au long de leur vie. Nous savons aussi que l’expression de ces souffrances par les victimes, et la reconnaissance des agressions de la part des responsables, sont des moyens d’apaisement indispensables. Parfois les agresseurs ne sont plus là ou ne sont pas capables, enfermés dans leur perversion, de reconnaître leur responsabilité et leurs crimes, mais en leur noms et comme responsables de l’institution dans laquelle ils ont sévi, nous voulons demander pardon. Pardon si nous n’avons pas mis en place des garde-fous contre l’emprise spirituelle et l’emprise affective qui sont à la source des abus physiques. Pardon aussi si nous n’avons pas eu conscience de la gravité des blessures et des répercussions sur toute une vie et son entourage. Oui, nous avons failli. Nous avons oublié que l’Église est d’abord le Peuple de Dieu, pas une structure, une hiérarchie, avec ses privilèges et ses passe-droits. Nous avons oublié que nous cheminions ensemble. Nous avons oublié que le silence que l’Église a opposé aux victimes fut un silence qui les a enfermées dans leur solitude, leur détresse, leur souffrance. Le contexte et les connaissances actuelles nous éclairent sur les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre ces dérives criminelles et les aveuglements complices.

Humilité
Cette prise de conscience peut être prophétique : ce n’est pas parce que nous sommes animateurs, adultes, éducateurs, religieux, prêtres, directeurs de colo, que nous sommes au-dessus des autres. Nous avons une mission, nous avons une parole à transmettre, mais nous n’en sommes pas les propriétaires ni les auteurs, nous en sommes les premiers destinataires. Quand nous donnons des conseils, lorsque nous indiquons un idéal, c’est d’abord à nous-mêmes que nous les adressons. L’Église, lorsqu’elle parle par la voie des prêtres, des diacres, des évêques, du pape ou des chrétiens engagés, ne donne pas des leçons de haut mais se parle à elle-même et transmet une parole dont elle est la première destinataire. Sinon elle risque de tomber dans le jugement et la condamnation, ce qui est une perversion de sa mission. Je me permets une réflexion personnelle : comme prêtre, je peux refuser de donner un sacrement, je peux interdire à une personne de communier, je peux culpabiliser les gens sur leurs choix de vie, leurs orientations sexuelles ou leurs actes passés… Mais quand je fais cela, je me prends pour Dieu ! Comment puis-je justifier une telle attitude alors que celui que j’essaye de suivre, le Christ, Dieu fait homme, ne s’est jamais permis d’enfermer une personne dans son pêché mais lui a toujours offert le pardon et le relèvement. Nous ne sommes pas ministres de la condamnation mais du pardon, et nous sommes nous-mêmes des pêcheurs pardonnés. Le Christ n’a eu des paroles dures que contre les responsables religieux de son époque qui se permettaient de juger et de condamner les autres en instrumentalisant la loi de Dieu. Tout ceci nous invite à œuvrer avec une extrême humilité, tout en veillant à transmettre sans trop la trahir la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu offert à tous. Ce n’est pas parce que les porte-parole sont médiocres et décevants que la parole qu’ils ont la charge de transmettre doit être dévalorisée et rejetée.

Vérité
Nous sommes ravis les jeunes et les familles à continuer à nous faire confiance. Nous mettons en place depuis quelques année, pour les grands jeunes et adultes impliqués dans l’animation des enfants, des sessions de formation destinées à éclairer sur la question des abus et des agressions sexuelles, et nous veillons à ce que chacune des personnes qui a en charge des enfants soit vigilante sur les dérives possibles. Il ne s’agit pas de tomber dans la suspicion continuelle, mais de savoir ne pas accepter tout sans discernement. Les paroles de vérité, même douloureuses, nous font grandir, nous offrent la possibilité d’être de meilleurs éducateurs, et nous permettent de mieux remplir notre mission !

Olivier

2022-01-15T11:23:29+01:00

L’Évangile du mois de novembre 2021

Le dimanche 14 novembre, nous prierons pour nos défunts et nous lirons un Évangile pour le moins bizarre.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

En ces jours-là, après une pareille détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père.

Le contexte
Avant d’achever son Évangile en racontant la Passion et la résurrection de Jésus, Marc nous propose un récit étonnant sur la thématique de la venue du Fils de l’Homme. De quoi s’agit-il ?

Apocalypse now ?
L’obscurcissement du Soleil et de la Lune ainsi que la chute des étoiles sont des signes apocalyptiques. Pris au sens littéral, ils évoquent la fin du monde mais ce texte peut s’interpréter autrement en se souvenant que le Soleil et la Lune peuvent être des idoles devant lesquelles on s’incline. Ainsi, l’obscurcissement de ces astres signifie la fin de l’idolâtrie. Ainsi, est suggérée non pas la fin du monde mais l’émergence d’un monde nouveau.

La venue du Fils de l’Homme
Cette venue du Fils de l’Homme ne se fera pas en catimini puisqu’elle sera accompagnée de puissance et de gloire. Remarquons que le Nouveau Testament ne parle pas du retour du Christ mais de sa venue. Parler de retour laisserait penser que le Christ est parti. Or, le Christ est vivant par son Esprit. Il est là même s’il est invisible à nos yeux de chair. Bref, le Seigneur est venu, il vient et il reviendra à la fin des temps.

Rassembler les élus
Cela évoque la réconciliation finale après la grande persécution. Il faut avoir en tête que la communauté à laquelle Marc appartient écrit depuis Rome à la fin des années 60 et que la communauté chrétienne est en proie aux persécutions.

La parabole du figuier
Le figuier suggère la fin de l’hiver et la venue du printemps. Demandez à Jean-Marie, il pourra vous le confirmer. Ainsi, l’image suggère qu’après le temps de la persécution, le temps de l’épreuve vient le temps des beaux jours, de la renaissance.

Mes paroles ne passeront pas
De fait, l’Évangile a parlé aux humains de toutes les époques et de toutes les cultures depuis 2000 ans. La Parole est éternelle. Pour chaque génération, elle ne passera pas avant que tout ne soit accompli.

Pour actualiser
La fin des temps ne peut pas être fixée par avance sur notre calendrier. La fin des temps, c’est le Christ crucifié qui, dans la puissance de sa résurrection, vient tout rassembler. Saint Jean-Paul II disait : « Tout ce qui arrivera, jusqu’à la fin du monde, ne sera qu’une expansion et une explicitation de ce qui est arrivé le jour où le corps martyrisé du Crucifié est ressuscité par la puissance de l’Esprit Saint ».
La fin des temps, c’est donc une Bonne Nouvelle ! Difficile à imaginer, ce sera la résurrection générale de tout le cosmos et de chacun d’entre nous.

Et le message concret dans ce passage ?
C’est qu’à travers les vicissitudes de l’Histoire, au terme, il y a la Rencontre avec le Ressuscité pour rentrer dans son Règne.
La règle pour y entrer, le croire tout simplement.
Le rôle des croyants consiste à être porteurs aujourd’hui de cette espérance dans leur quotidien.

Didier Rocca

Le mot du jour : Apocalypse
Ce mot vient du grec « apocalypsis » et signifie « révélation ». Ce genre littéraire apparaît en contexte de crise, surtout au iie siècle avant Jésus-Christ. Il donne naissance à des textes dans l’Ancien Testament et le Nouveau. Ces écrits veulent soutenir la foi et l’espérance des croyants qui passent par l’épreuve de la persécution sous diverses formes. Mais la littérature apocalyptique insiste sur le fait que, si le serviteur n’est pas au-dessus de son maître, il n’est pas au-dessous non plus ! Ainsi, les croyants de l’Apocalypse actualisent dans leur propre destin celui du Christ.

2021-10-18T21:51:13+02:00

Édito octobre 2021 > La gloire et le croix

Il existe une fête chrétienne de la « croix glorieuse ». Étrange idée que d’associer la gloire, qui renvoie à des notions positives, joyeuses et belles, à la croix, qui, avant d’être le signe de reconnaissance des chrétiens, est un violent instrument de torture et de mort. Le fondateur de l’Œuvre, Jean-Joseph Allemand, avait une grande dévotion envers la croix et insistait sur l’attachement des jeunes à la croix du Christ. Est-ce un attrait pour la souffrance et le côté morbide ? Je ne le pense pas, car les chrétiens sont appelés à comprendre que Dieu nous veut du bien et qu’il vient lutter contre la mal et ce qui défigure l’humanité. Jésus n’a jamais accepté ni justifié la souffrance ; il l’a toujours combattue. Mais alors pourquoi associer la gloire et la croix ?

Les deux croix
La croix, si elle est un instrument de torture inventé par les hommes, est aussi un symbole qui associe la verticalité et l’horizontalité. Un homme debout et les bras écartés forme une croix. Le Christ, durant toute sa vie terrestre, a été un homme debout, en marche, les pieds bien sur terre et la tête orientée vers le ciel, signe de la dignité de l’humanité. Ses bras écartés pour rassembler largement toute personne, pour accueillir toute l’humanité, signifient ce désir de Dieu d’être en relation avec chaque personne sans exclusion ni préférence. Les hommes ont été capables de caricaturer ce symbole pour en faire un instrument de violence et de mort, mais il y a un combat entre ces deux croix, celle de la haine et de la torture contre celle de la dignité et de l’amour. Le Christ, au moment de sa passion, a été cloué sur une croix de haine et a lutté contre cette violence en prenant d’autres armes que celles des hommes : il n’est pas entré dans l’escalade mortifère de la vengeance et de la violence, mais il s’est désarmé pour répondre à la haine par l’amour et le pardon. Folie pour les hommes qui, par instinct, combattent le mal par le mal, mais sagesse pour Dieu qui nous aide à comprendre que pour détruire la haine il faut en prendre le contre-pied et s’engager dans la voie de l’amour. Chemin autrement plus difficile et courageux, mais seul moyen de combattre le mal à la racine.

L’amour / la haine
Si les chrétiens parlent de gloire au sujet de la croix du Christ, c’est pour signifier qu’ils reconnaissent cette victoire de l’amour face à la haine. Sur la croix nous adorons l’amour suprême qui est vainqueur du mal et de la mort. Nous sommes tous habités par ces deux croix : le combat a lieu dans notre propre existence. Nous sommes capables d’être des hommes debout pour avancer et les bras écartés pour accueillir les autres, mais nous sommes aussi capables de nous replier sur nous-mêmes, de blesser les autres par haine et par violence, et de les clouer sur une croix. S’attacher à la croix du Christ, cela signifie s’engager dans la voie de l’amour contre la haine, de l’accueil contre le rejet de l’autre, de la dignité contre le repli identitaire.

Attachement à la loi d’amour
Nous avons des formules parfois maladroites ou incompréhensibles pour exprimer cela en langage religieux. Par exemple : « C’est par ses souffrances que le Christ atteint la perfection ». Prise au pied de la lettre cette phrase est révoltante. Qui accepterait de prier un Dieu se satisfaisant de voir l’humanité souffrir et la récompensant à la hauteur de sa capacité à encaisser le mal ? C’est à l’opposé de tout ce que le Christ est venu vivre avec les personnes en souffrance qu’il a rencontrées : jamais il ne leur a dit d’accepter leur souffrance, il n’a jamais valorisé le mal, mais au contraire il a combattu la souffrance, il a guéri les malades, il a relevé les handicapés, il a libéré les possédés… Ce n’est pas la souffrance du Christ qui nous sauve ou qui le rend glorieux, mais c’est son amour donné, même lorsqu’il est confronté au mal. C’est l’obéissance du Christ au projet d’amour absolu de Dieu qui nous sauve : au cœur de la souffrance physique et psychologique que le Christ subit au moment de sa passion, il répond par l’amour et le pardon, il met en œuvre le projet de Dieu et le pousse à la perfection. Il semble anéanti par la haine, il meurt sur la croix de torture des hommes, mais trois jours après il ressuscite, symbole de la victoire totale de l’amour face au mal absolu qu’est la mort physique. Aimer ceux qui nous aiment, vouloir du bien à ceux avec qui tout se passe bien, c’est facile. Prendre soin des personnes en souffrance ou être bienveillant vis-à-vis des étrangers qui ne nous dérangent pas trop, c’est bien vu. Mais aimer nos ennemis, accueillir ceux qui nous dérangent, soigner ceux qui nous semblent responsables de leurs malheurs, prendre soin de ceux qui ont fait du mal, c’est une autre affaire. C’est pourtant à cette perfection de l’amour que nous sommes invités. Cela est souvent au-dessus de nos forces, c’est bien pour cette raison que nous avons besoin de nous laisser habiter par l’amour même de Dieu pour en devenir les porteurs et incarner dans le monde d’aujourd’hui la bonne nouvelle chrétienne. D’un autre point de vue cette compréhension de l’amour absolu de Dieu nous renvoie à notre propre condition humaine : même si nous nous considérons comme indignes de l’amour de Dieu, lui nous dit qu’il nous aime sans condition et qu’il compte sur nous.

Olivier

2021-10-18T21:52:54+02:00

L’Évangile du mois d’octobre 2021

Nous entendrons cet Évangile le 24 octobre, journée de la mission universelle de l’Église.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

Jésus et ses disciples arrivent à Jéricho. Puis, comme il sort de la ville avec ses disciples et bon nombre de gens, un mendiant est là assis au bord du chemin ; c’est Bartimée, le fils de Timée, et il est aveugle. Quand il apprend que c’est Jésus de Nazareth, il se met à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Beaucoup le sermonnent pour le faire taire, mais il crie encore plus fort : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le ». On appelle l’aveugle et on lui dit : « Courage, lève-toi, il t’appelle ». L’aveugle laisse son manteau, et d’un bond il est près de Jésus. Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle répond : « Rabbouni, que je voie ! » Alors Jésus lui dit : « Va ! ta foi t’a sauvé ! » À l’instant même cet homme voit ; et il se met à suivre Jésus sur le chemin.

La foule
Bartimée dérange la visite bien préparée par quelques disciples dans la ville de Jéricho (voir mot du mois). Cette foule agglutinée autour de Jésus a un rôle paradoxal puisque, dans un premier temps, elle empêche Bartimée de voir Jésus et de lui parler puis, à la demande du maître, cette foule fait venir Bartimée à Jésus. Cela renvoie au rôle de l’Église dont une des missions est de se faire l’écho des misères des plus petits et d’être au plus près de ces blessés de la vie. Parfois, hélas, l’Église peut être un obstacle et commettre de regrettables contre-témoignages. Le plus souvent, elle est la porte-parole des sans voix comme avec Bartimée.

Confiance, lève-toi, il t’appelle !
Trois actions correspondent aux trois paroles :

  1. « Confiance » et il se débarrasse de ses sécurités, de ses seules richesses. Il lâche alors son manteau. Ce geste ne paraissait pas nécessaire. On peut l’interpréter comme un désir de se dépouiller pour aller au plus vite vers Jésus.
  2. « Lève-toi », ce verbe qui renvoie à la résurrection. Bartimée fait bien davantage que de se mettre debout, il bondit. Cela lui permettra d’être à la même hauteur que Jésus. Un regard pourra être échangé. Voici Bartimée relevé !
  3. « Il t’appelle ». Bartimée répond à un appel de Jésus. Cet appel est indirect puisqu’il est effectué par un des disciples. Une fois encore est signifiée la mission de l’Église, mettre en contact le Christ avec les plus petits, ceux qui sont ou se croient éloignés de Dieu.

Que veux-tu que je fasse pour toi ?
Bartimée est aveugle et mendiant. De plus, il est assis, au bord du chemin. Il est le prototype de celui qui semble avoir été oublié par Dieu. Que va-t-il demander ? Quel est son profond désir ? De l’argent, la vue ? Un chien d’aveugle ? Sa réponse est claire : il veut voir. Marc joue avec ce verbe qui peut avoir deux sens. S’agit-il d’être soigné de son aveuglement physique ou de sa cécité spirituelle ? Le texte ne le dit pas.

Va ! Ta foi t’a sauvé !
La foi a sauvé Bartimée, elle ne l’a pas seulement guéri. Bartimée est guéri corps et âme à la mesure de sa foi simple et profonde. Jésus ajoute le « va » et non « viens ». Il met l’aveugle dans une situation dynamique. Le terme « sauver » montre qu’il a fait un chemin de disciple. Aussitôt, il obtient la vue. La requête est juste, elle est exaucée. Remarquons que Bartimée suit Jésus sur le chemin, manière de dire que sa mission de disciple est d’emprunter le même chemin que son maître, chemin d’humiliation qui le mènera jusqu’à la croix. Qu’est devenu Bartimée ? On ne le sait pas mais il n’est pas interdit de penser qu’il a fait partie des premiers membres de la communauté chrétienne après l’événement pascal.

Bartimée
Le personnage de Bartimée synthétise les traits du disciple modèle. C’est la seule personne guérie par Jésus qui devient son disciple. La guérison n’est pas décrite en tant que telle. C’est sa transformation intérieure qui devient centrale. La réaction de Bartimée après sa guérison est notable. Il conforme ses gestes à la volonté du Christ.

Didier Rocca

Le mot du jour : Jéricho

Cette ville au bord de la mer Morte est à 400m au-dessous du niveau de la mer. C’est la ville la plus basse du monde. L’ambiance y est insurrectionnelle. Jéricho abrite le palais du roi Hérode.

2021-09-22T13:46:44+02:00

Édito septembre 2021 > La vie chrétienne

En ce temps de rentrée, je vous propose de résumer en quelques lignes ce que c’est qu’être chrétien. Ce sera l’occasion de nous donner quelques repères pour cette nouvelle année qui démarre.

Dieu nous aime
Avant tout, être chrétien, c’est ce reconnaître aimé. C’est bien ce qui se révèle dans toute l’histoire biblique de la relation de Dieu avec le peuple hébreu, et tout particulièrement dans son incarnation en Jésus Christ : il n’exclu personne, se fait proche des plus démunis, s’identifie aux pauvres. Il vient nous dire qu’il aime tout le monde sans frontière est sans limite.
Être chrétien, c’est entendre Dieu qui nous dit que nous avons du prix à ses yeux, que nous comptons pour lui, personnellement. Nous sommes tous uniques et Dieu nous aime chacun pour ce que nous sommes, avec ce que nous sommes, comme une mère ou un père aime chacun de ses enfants d’une manière unique et absolue.

Dieu nous envoie
Être chrétien, c’est entendre que Dieu nous dit qu’il compte sur nous pour assumer sa mission, qui consiste à incarner l’amour au cœur du monde. Nous n’avons pas d’autre vocation que d’aimer, comme Dieu aime, sans compromission avec les forces du mal et sans replis identitaire. Aimer, c’est accompagner, encourager, relever. Ce n’est pas juger ou rejeter, c’est croire en l’homme et en sa capacité de changement. Aimer c’est aussi savoir se révolter face à l’injustice et agir pour transformer le monde de l’intérieur.
Pour accomplir cette mission, nous avons, en premier lieu, besoin de reconnaître l’amour bienveillant de Dieu : nous ne sommes pas meilleurs que les autres, nous ne sommes pas supérieurs, nous sommes tous de la même pâte humaine, nous sommes fragiles, capables du pire et du meilleur, pêcheurs pardonnés. Et c’est seulement si nous expérimentons dans nos existences cet amour qui relève, encourage et pardonne que nous pourrons l’annoncer.

Communion en Église
Pour assumer cette mission, nous ne sommes pas seuls, nous sommes encouragés à vivre notre vocation en Église, avec d’autres, en découvrant la richesse et la fécondité de la différence. Cette diversité nous ouvre à la communion, qui est une invitation à comprendre que si la mission chrétienne est unique et universelle, les manières de la mettre en œuvre sont multiples, que les sensibilités et les différences ne sont pas des obstacles mais des trésors, que nous devrions nous émerveiller que d’autres assument la mission d’une autre façon que la notre, qu’il n’y a pas concurrence mais coopération avec ceux qui agissent différemment pour atteindre le même objectif.

Priorité aux pauvres
Cette mission à vivre en communion dans l’Église sera d’autant plus conforme au désir de Dieu qu’elle sera orientée vers les plus pauvres et les plus petits. Les chrétiens doivent être capables de discerner les injustices et de mettre en œuvre la solidarité et la fraternité. Ça a été la priorité du Christ, ce doit être celle de tous les croyants. La primauté aux pauvres peut être un critère de discernement pour l’Église et pour tous les croyants. Avant de prendre des décisions, nous pouvons nous demander en quoi cela sera au service de plus de justice et de fraternité.

Catholicité de l’Église
La mission chrétienne n’est pas limitée à une élite ou à un public cible, elle est universelle, c’est le sens du mot « catholique ». Il ne s’agit pas de faire nombre ou de viser la rentabilité, il s’agit d’annoncer que l’amour de Dieu est pour tous, que chaque personne compte pour lui et qu’il compte sur chacun de nous pour que notre vie soit un signe et un moyen de l’incarnation de son amour dans le monde. Le pape François nous invite à briser les murs et à construire des ponts entre les hommes, parce que c’est le projet de Dieu : nous accompagner pour accomplir notre vocation à la fraternité.
Nous sommes particulièrement invités, en ces temps bouleversés par la pandémie, par les incertitudes sur l’avenir de notre planète et par les crises sociales, économiques et migratoires qui sont à craindre, à prendre notre part et à découvrir que nous avons quelque chose à faire pour que le projet de Dieu s’accomplisse.

Olivier

2021-08-24T18:40:25+02:00

L’Évangile du mois de septembre 2021

L’Évangile de ce mois sera le 26e dimanche du temps ordinaire et la journée du migrant et du réfugié.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

« Maître, nous avons vu quelqu’un qui se servait de ton nom pour chasser les démons, et nous l’avons empêché car il n’est pas disciple avec nous ». Jésus lui répond : « Ne l’empêchez pas ! Car personne ne peut faire un miracle en mon nom et aussitôt après parler mal de moi. Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Celui qui vous donne un verre d’eau parce que vous êtes disciples du Christ, je vous dis qu’il ne perdra pas sa récompense.
Si ton œil te fait pécher, arrache-le.
Si quelqu’un devait faire chuter l’un de ces petits qui croient, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une meule de moulin et qu’on le jette dans la mer.
Si ta main doit te faire chuter, coupe-la ! Mieux vaut pour toi entrer dans la vie avec une seule main, que t’en aller avec tes deux mains à la géhenne, au feu qui ne s’éteint pas.
Et si ton pied doit te faire chuter, coupe-le ! Mieux vaut pour toi entrer dans la vie avec un seul pied, qu’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne.
Si ton œil doit te faire chuter, jette-le loin de toi ! Mieux vaut pour toi entrer dans le Royaume de Dieu avec un seul œil que d’en avoir deux et d’être jeté dans la géhenne, où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »

Le contexte
Au cœur de l’Évangile selon saint Marc, cet extrait clôt un dialogue avec ses disciples. Il fait suite à la deuxième annonce de sa Passion et sa Résurrection.

Qui n’est pas contre nous est pour nous.
Les disciples imaginent être les seuls à pouvoir parler de leur maitre. Or, annoncer Jésus même de façon maladroite est toujours un bien. L’expérience missionnaire est le lieu par lequel nous allons apprendre à le connaitre, à l’aimer. Au fond, tant que je ne contredis pas le Credo, même si je n’ai pas les mots bien justes, je ne dois pas avoir de scrupules pour annoncer l’Évangile. Le but de l’Église n’est pas d’empêcher les autres mais de proclamer et vivre le royaume. Suis-je capable de me réjouir de ceux qui sont différents de moi, qui confessent leur foi avec d’autres mots, avec un autre style ? Cette attitude d’ouverture différencie l’Église d’une secte.

Qui donnera un verre d’eau…
On trouve à l’extérieur de l’Église des personnes qui font preuve de compassion. C’est bien évident. Même s’ils ne sont pas disciples, ils recevront leur récompense. Ce verset fait l’écho à la parabole du jugement dernier dans l’évangile de Matthieu : « J’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ».

Arrache-le !
Si nous devions prendre ces paroles du Christ au pied de la lettre, il y aurait beaucoup de borgnes, de manchots parmi nous, en commençant par nous-mêmes. Ces paroles doivent être entendues par chacun d’entre nous avec gravité mais aussi par nos communautés. Un chrétien, une Église se juge à la façon dont elle traite les petits. Il s’agit de ne pas les faire chuter, de ne pas les scandaliser. C’est malheureusement d’actualité…
L’Eglise des débuts se sentait menacée par l’hostilité du monde et par la persécution. Jésus lui dit qu’elle est surtout menacée par le manque d’amour fraternel. Que les difficultés vis-à-vis de ceux qui ne confessent notre foi ne doivent pas nous faire perdre de vue le péché qui est au-dedans de nous, au-dedans de l’Église.
On peut aussi entendre dans ces sérieux avertissements adressés par Jésus comme un appel à ce que nos mains, nos pieds ou nos yeux ne soient pas des obstacles à notre fidélité à l’Évangile. Est-ce que nous laissons dicter tous nos gestes, nos paroles, nos pensées par l’espérance du monde à venir ?

Pour actualiser
Tout d’abord, un appel à l’humilité, ne pas croire que ceux qui sont « du dehors » sont mauvais. Comme chrétiens, nous ne sommes pas le centre du monde, seulement et c’est déjà beaucoup un signe et un moyen par lequel Dieu est annoncé.
Surtout, Jésus exige de nous que nous ne soyons pas source de scandale ! Il ne s’agit pas de se couper un œil, une jambe ou une main mais de se couper de certaines situations, certaines images ou certaines postures. Au travail !

Didier Rocca

Le mot du jour : géhenne

La géhenne est le synonyme des enfers. Ce mot renvoie à une vallée au sud de la ville de Jérusalem, où des Ammonites, une ethnie cananéenne, offraient des enfants en sacrifice au dieu Moloch. On y jetait les détritus qui étaient brûlés et mangés par les vers. Une vie qui fait chuter est une abomination qui relève de la géhenne, elle doit être brulée comme un détritus.

2021-08-24T18:43:50+02:00

Édito juin 2021 > Églises et tabernacles

Tabernacles vivants
Les tabernacles qui sont dans nos églises sont des boîtes décorées qui renferment les hosties consacrées qui n’ont pas été consommées pendant les messes. On appelle cela « la sainte réserve », symbolisée par une lumière permanente, et on la respecte scrupuleusement car, pour les catholiques, c’est le corps du Christ en personne qui s’y trouve. Les croyants prennent souvent le temps de prier devant ces tabernacles, ou même de sortir une hostie pour un temps d’adoration que l’on nomme « du saint sacrement ». Il est touchant de voir combien cette pratique nourrit la foi et permet de vivre spirituellement la présence réelle du Christ dans nos vies. Ce respect des hosties consacrées et du tabernacle ne doit pas nous écarter de ce qu’ils représentent : la présence du Christ dans la vie et le corps des croyants. Car si nous célébrons la messe et que nous consacrons du pain et du vin comme corps et sang du Christ, ce n’est pas en premier lieu pour les conserver et les adorer, mais c’est pour les consommer, pour qu’ils rentrent physiquement dans nos corps et qu’ainsi nous saisissions que Dieu est présent dans toutes les dimensions de nos vies, spirituellement et matériellement. Ainsi nous comprenons que l’authentique tabernacle qui contient le corps du Christ, ce n’est pas un meuble dans une église, mais c’est notre propre corps. Dans l’absolu nous pourrions et devrions faire une adoration devant toute personne qui porte en elle le corps du Christ. Si les croyants prient devant les tabernacles, c’est pour vivre pleinement leur vocation de tabernacles vivants et agissants pour que l’Esprit Saint habite leur vie toujours davantage.

Église corps
Cette même logique vaut pour les églises, bâtiments dans lesquels les croyants se réunissent pour prier et célébrer. D’ailleurs on dit que les chrétiens se réunissent « en Église », ce mot désignant le peuple des fidèles, la communauté des croyants qui comprennent qu’ils forment un seul corps, celui du Christ qui n’agit plus directement mais qui passe par nous pour que sa Bonne Nouvelle s’incarne dans le monde. Si les églises bâtiments ont de l’importance pour les croyants, c’est parce qu’elles leur permettent de vivre symboliquement et physiquement leur mission d’incarnation de Dieu au cœur du monde. Si les chrétiens se retrouvent en communauté pour prier et célébrer dans les églises, c’est pour « faire Église », pour intégrer la parole de dieu et se nourrir de son corps afin d’assumer leur mission de témoignage par leurs paroles et par leurs actes dans le concret de leur vie.

La pratique religieuse
Ce que nous venons de préciser par rapport à l’objet tabernacle ou au bâtiment église vaut pour nos pratiques religieuses. Elles sont des moyens de vivre l’adoration réservée à Dieu et de mettre en œuvre l’authentique pratique religieuse qui consiste à aimer les autres en étant engagé auprès d’eux. Après les mois difficiles que nous venons de vivre, bouleversés dans nos habitudes et nos certitudes par la crise sanitaire et ses conséquences, nous avons bien besoin de nous rappeler que nous avons une mission à accomplir : être témoin de la Bonne Nouvelle que nous a annoncée Jésus et qui nous révèle que Dieu est toujours avec nous, pour nous accompagner dans les étapes de nos vies, pour nous soutenir dans les difficultés, non par magie et en transformant les événements, mais par la présence de son énergie d’amour. Pendant ces quelques semaines de vacances estivales, nous sommes invités à être les témoins de cette espérance auprès de tous ceux que nous allons rencontrer au gré de nos activités.

Avec nos fragilités
Parfois nous avons du mal à nous engager dans la voie de cette mission, souvent par scrupule : nous sommes conscients de nos limites, de nos faiblesses, et nous n’imaginons pas que nous soyons capables d’assumer l’idéal chrétien, et encore moins de l’annoncer, car nous savons qu’il nous est demandé de la cohérence entre ce que nous annonçons et ce que nous vivons. Pourtant, si Dieu a fait le choix de passer par les hommes pour agir dans le monde, c’est en connaissance de cause. Il ne nous dit pas : « Soyez parfaits et annoncez la Bonne Nouvelle chrétienne ». En fait c’est presque l’inverse. Il nous dit plutôt quelque chose comme : « Annoncez la Bonne nouvelle, en sachant qu’elle vous dépasse et que si vous êtes des témoins, ce n’est pas comme des juges mais plutôt comme des pêcheurs pardonnés, comme les destinataires de cette parole que vous annoncez. Ne regardez pas les gens de haut comme si vous étiez sur un piédestal, mais restez conscients que vous êtes de la même pâte humaine, fragiles mais surtout aimés de Dieu, moi dont la puissance d’amour est infinie et peut transformer vos vies. »

Olivier

2021-05-27T18:14:34+02:00

L’Évangile du mois de juillet 2021

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

Étant sorti de là, Jésus se dirigea vers son village natal et ses disciples le suivaient. Arrivé le jour du sabbat, Jésus se mit à enseigner dans la synagogue et de nombreux auditeurs en étaient stupéfaits : « D’où lui vient tout cela ? » disaient-ils. « Il a reçu là une étrange sagesse, et ce sont des miracles peu ordinaires qui tombent de ses mains ! Ce n’est pourtant que le charpentier, le fils de Marie ; c’est un frère de Jacques, de Josès, de Judas et de Simon. Et ses sœurs, ne sont-elles pas ici chez nous ? » Ils étaient scandalisés donc et ne croyaient pas en lui. Jésus leur dit : « Le seul endroit où l’on ne reconnaît pas un prophète, c’est dans sa patrie, entre ses parents et dans sa famille ! » Il ne put faire là aucun miracle, si l’on néglige quelques malades qu’il guérit par une imposition de mains. Il s’étonnait de leur manque de foi.

Pour prendre un bon départ…
Nous nous retrouvons dans la synagogue de Nazareth, comme au tout début de l’Évangile. Entre temps, Jésus a beaucoup parlé, il a effectué des miracles, il a rencontré de nombreuses personnes. Son retour dans son village natal est donc en quelque sorte des retrouvailles, sauf que son statut a changé. Il n’est plus un membre quelconque de son village.

D’où cela lui vient-il ?
La réponse à cette question avait été déjà donnée précédemment : son autorité lui vient de Dieu. Si la question est reposée, c’est que la réponse n’a pas été intégrée. L’étonnement de ses proches n’est pas ici un émerveillement mais plutôt un questionnement. Les membres de sa famille n’arrivent pas à comprendre que Jésus parle de la bouche de Dieu. À Nazareth, tout le monde croit le connaître. Par ailleurs, ils se disent que puisque Jésus est de chez eux, il est forcément pour eux. C’est un phénomène d’appropriation, une forme de chauvinisme spirituel. Il y a un non-dit de leur part : qu’il reste chez nous plutôt que de faire des miracles ailleurs !

Jésus le charpentier
Jésus n’est pas seulement le fils adoptif de Joseph, charpentier de Nazareth. Il l’est lui-même. Jésus a véritablement travaillé dans son village de nombreuses années. Le charpentier était à l’époque un technicien spécialisé capable d’organiser l’espace intérieur d’une maison afin qu’on puisse y vivre selon les exigences de la Torah. La difficulté pour ses proches est de comprendre que Jésus ne peut pas être réduit à ce qu’ils croient connaître de lui.

Ils étaient scandalisés
Quelqu’un qui est scandalisé ayant vu ou compris quelque chose n’avance plus sur le chemin du Royaume. Ici, ce qui scandalise les proches de Jésus est d’imaginer que le fils de Marie puisse être le fils de Dieu. Aujourd’hui encore, le fait que Dieu puisse s’être fait homme est chose proprement ahurissante pour certains. Comment accepter que l’Éternel se donne à voir dans quelque chose d’aussi particulier, un charpentier de Nazareth ? Comment se fait-il que pour accéder à la transcendance il n’y ait que celui-ci pour nous y conduire ? C’est une vraie difficulté. Ses proches ne peuvent pas le comprendre. Difficile d’être prophète chez les siens. Ce n’est qu’en revenant d’entre les morts que sa parole pourra être accueillie véritablement et qu’ils pourront confesser que Jésus est bien le fils de Dieu.

Pas de foi donc pas de miracle…
La relation que les gens de Nazareth ont avec Jésus n’est pas de l’ordre de la foi. Certains le connaissent ou l’ont fréquenté mais ils n’ont pas foi en lui. Jésus affronte comme les autres prophètes avant lui l’échec de la Parole. Il n’a pas peur de vivre cette incompréhension. Il faut une transformation intérieure pour que la Parole soit à l’œuvre en nous, les croyants.

Didier Rocca

Le mot du jour : Synagogue

La synagogue est le lieu destiné à l’étude de la Torah et de la prière. C’est en pratique une maison très simple. Il y a un siège, appelé « chaire de Moïse », pour celui qui fera l’homélie. Hommes et femmes sont séparés. Les rouleaux sont rangés dans un coffre, une jarre d’où un servant les apporte au lecteur.

2021-05-27T18:18:21+02:00

L’Évangile du mois de juin 2021

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc

Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive ». Ils laissèrent la foule et prirent Jésus comme il était dans la barque ; d’autres barques l’accompagnaient. C’est alors que se lève une violente rafale de vent : les vagues se jettent sur la barque au point que déjà l’eau monte, mais lui, allongé sur le coussin à l’arrière, il dort. Ils le tirent du sommeil et lui disent : « Cela ne te fait rien si nous coulons ! » Jésus s’est réveillé, il rappelle à l’ordre le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Aussitôt le vent tombe et c’est le grand calme. Alors il leur dit : « Pourquoi vous mettre dans un tel état ? Vous n’avez donc pas la foi ? » Ils furent saisis d’une grande crainte ; ils se disaient l’un à l’autre : « Qui donc est-il ? Même le vent et la mer lui obéissent ! »»

Pour prendre un bon départ…
Jésus vient de finir son discours en paraboles. Cela a été l’occasion pour lui d’insister sur le fait qu’il faut du temps pour que la parole prenne racine dans nos cœurs. Elle requiert notre consentement, notre adhésion. Ce discours vient après qu’on a interrogé Jésus sur l’origine de sa puissance. C’est en éprouvant la puissance de sa parole que nous allons pouvoir reconnaître d’où il vient. C’est dans l’écoute de sa parole que se donne à reconnaître son autorité.
Pour illustrer cela Marc nous propose des gestes significatifs ; ici, un miracle particulièrement impressionnant : celui de la tempête apaisée.

Passons sur l’autre rive…
Cette information signifie simplement traverser une frontière. De fait, Jésus est autour de Capharnaüm, en Galilée, sur la rive ouest du lac. Jésus va donc vers l’est en territoire païen. Nous ne sommes plus en Galilée, nous ne sommes plus en terre sainte. Une foule compacte suit Jésus. Dans la pensée de Marc, aller chez les païens suppose que la parole que Jésus incarne s’adresse à tous.

Dieu comble son bien-aimé 
quand il dort
Les tempêtes sont assez fréquentes sur ce lac. Notons l’attitude de Jésus, il dormait. Le coussin était un sac de lest qui permettait d’équilibrer le bateau pendant la pêche. Il était rempli de cailloux. Nous avons ici le vocabulaire de la résurrection : dormir, sommeil, périr, réveillé. Jésus déploie déjà sa puissance de ressuscité comme dans tous les miracles d’ailleurs. Rappelons que ces signes ne sont pas mis par écrit pour nous impressionner et nous faire croire en Jésus mais pour que nous, croyants en la résurrection, nous en mesurions toutes les implications.

La réaction des disciples
Les disciples se plaignent que Jésus ne réagisse pas. Or, ce sont eux les professionnels de la mer, pas Jésus ! Plus profondément, ils reprochent à Jésus de beaucoup parler mais de ne pas agir. Ne serait-ce pas les mêmes reproches que nous pourrions adresser nous aussi à Jésus ?

L’action de Jésus
Notons l’extrême sobriété du récit. Il suffit pour Jésus de dire « silence » pour que celui-ci ait lieu. On se souvient que le « Silence, tais-toi » a déjà été prononcé par Jésus au tout début de l’Évangile (voir Notre Écho de janvier 2021) dans la synagogue de Capharnaüm à l’adresse d’un possédé à l’esprit impur. Jésus le posait dans le silence afin de lui permettre d’écouter le Père. Ainsi, la parole de Jésus a la puissance de faire taire ce qui l’empêche de l’écouter. Ce que Dieu doit nous dire, nous le savons mais le problème n’est pas de le savoir, mais de le mettre en pratique par la même occasion. Notre endurcissement de cœur est parfois un obstacle à une bonne écoute.

Vous n’avez pas encore la foi !
Jésus s’étonne de leur manque foi. Ses interlocuteurs l’écoutent mais ils ne croient pas. Il faudra attendre sa mort et sa résurrection pour que la parole de Jésus trouve un écho favorable. Jésus nous provoque à la foi. Cela fait des semaines qu’il est avec ses disciples et cela n’a pas fonctionné. Les disciples étaient dans la peur, ils sont dans la crainte ; c’est tout de même un progrès. La peur, c’est dire que Dieu nous a laissé tomber alors que la crainte consiste à éprouver que nous sommes tenus dans la main de Dieu. Il leur faudra faire un pas de plus, vivre dans l’espérance, cette certitude que Dieu ne les abandonnera jamais. Jésus est maitre de la mer, de la mort et de la peur.

Didier Rocca

Le mot du jour : mer

Dans notre mentalité, la mer renvoie au soleil, à la vie, au sable chaud. Dans la Bible, la mer est symbole de mort, la mer est ce qui empêche les hommes d’habiter sur la terre. Calmer la mer, c’est vaincre la mort.

2021-05-27T18:16:29+02:00

Édito mai 2021 > L’Esprit Saint

Cinquante jours après la fête de Pâques, les chrétiens célèbrent la Pentecôte, le jour où les apôtres ont reçu l’Esprit Saint. Mais qu’est-ce que les croyants désignent exactement par ce terme ?

La Trinité

L’Esprit Saint fait partie de ce que l’on appelle la Trinité, avec le Père et le Fils. Cette Trinité est compliquée à saisir ; elle nous permet d’appréhender Dieu comme relation. Les chrétiens croient en un seul Dieu, mais qui se donne à connaître en trois « personnes », chacune nous offrant de mieux entrer en relation avec lui. Dieu est le créateur, de qui tout le créé est sorti. Nous le découvrons quand nous nous intéressons à la merveille de la nature et du cosmos, à l’infiniment grand, mais aussi au mystère de la vie et à la complexité du corps humain, l’infiniment petit. Dieu est le Fils, Jésus Christ, qui vient nous rencontrer à hauteur d’homme, qui s’est incarné dans un lieu particulier, en un temps précis, et qui a partagé la condition humaine. Ainsi Dieu n’est pas seulement le grand horloger de l’univers, il est aussi le plus proche, notre frère. L’existence de Jésus nous fait comprendre qu’il veut être proche de tous, et en particulier des plus petits et des plus humbles, afin que personne ne puisse imaginer que Dieu est loin de lui. Enfin, la troisième « personne » de la Trinité, l’Esprit Saint, signifie la présence de Dieu en toute personne humaine comme une force de vie et d’amour. Dieu se rend présent en nous pour que nous devenions capables de vivre la fraternité, la solidarité, l’amour. Avec la Trinité, Dieu se révèle dans toutes les dimensions de notre vie : à l’intérieur de nous, dans les autres et dans le monde que nous habitons.

L’homme divinisé

Avec l’Esprit Saint, nous concevoir notre vie d’une nouvelle façon : nous ne sommes pas seulement des êtres de chair ou des animaux super développés, nous sommes en capacité de laisser Dieu agir en nous. Nous sommes des êtres spirituels et cette présence de l’Esprit nous donne accès à la plénitude de notre existence. C’est ainsi que nous pouvons dépasser le stade d’une vie qui se contenterait d’être dans la possession, le matérialisme, les plaisirs éphémères et la survie, pour atteindre la joie parfaite du partage, de l’amour, du don de soi et de la gratuité. Cette compréhension donne une immense dignité à l’être humain, puisqu’il est le lieu que Dieu veut habiter. Nous savons bien que nous sommes parfois capables des pires choses, mais nous découvrons aussi que nous sommes surtout capables du meilleur, et c’est en raison de cette capacité que Dieu désire habiter nos vies pour nous accompagner dans ce combat pour que le bien, le beau et le bon l’emportent. Dire que l’homme est divinisé, c’est exprimer qu’il est invité à comprendre qu’il peut vivre comme Dieu le veut. Le modèle de cette vie selon le désir de Dieu, c’est le Christ qui nous donne à voir ce que c’est que de vivre en enfant de Dieu : au service de la vie, de la liberté, du bien et de l’amour, sans frontière entre les personnes.

Une nouvelle fraternité

Concevoir que l’homme est habité par l’Esprit Saint nous aide à vivre notre relation aux autres de manière renouvelée : si l’Esprit Saint est présent en l’homme, alors cela veut dire qu’il l’est dans tous ceux que nous rencontrons. De ce fait les relations interpersonnelles sont transformées : quand nous rencontrons les autres, ce ne sont pas des concurrents ni des ennemis mais des sœurs et des frères, habités par cette capacité au meilleur, même s’ils l’ignorent ou le refusent. Le chrétien devient capable de voir en l’autre le meilleur, en dépassant les préjugés et les jugements hâtifs. Son combat n’est pas contre l’autre mais contre ce qui l’empêche de laisser de la place à l’Esprit Saint qui vient transcender son existence de l’intérieur. La conversion consiste à travailler à ce que l’Esprit Saint prenne toute la place dans nos propres vies et dans celle des autres.

L’Église, corps du Christ

Lorsque les disciples reçoivent l’Esprit Saint, ils prennent le relais de Jésus dans la mission d’annonce de la Bonne nouvelle, et nous comprenons ainsi que le corps agissant de Dieu dans le monde, c’est le peuple des croyants qui sont habités par l’Esprit Saint, l’Église. Et l’Église, ce ne sont pas les grands prélats à Rome autour du Pape, ce ne sont pas seulement les évêques, prêtres et diacres, mais ce sont tous les chrétiens : nous tous sommes le corps du Christ.

Olivier

2021-04-26T10:53:54+02:00