Spiritualité

Édito Janvier 2023 > Jésus, un migrant

La sculpture reproduite ici a été installée sur la place St-Pierre à Rome à la demande du pape François, touché par ce symbole de la misère des rescapés de la migration, qui nous rappelle aussi le nombre immense de celles et ceux qui n’ont pas survécu aux dangers de ces traversées risquées. C’est une invitation à ne pas détourner le regard et à ne pas oublier toutes les personnes qui sont dans des situations de grand danger et d’extrême pauvreté, qui fuient leur pays, non par facilité mais pour survivre, acculées par un contexte insupportable… Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on quitte tout, au péril de sa vie, en acceptant des conditions d’exil inhumaines. Quelle désolation de constater comment ces personnes sont rejetées dans les pays qu’ils ont espéré devenir un refuge…

Dieu se fait pauvre
Pour les chrétiens, il est important de comprendre que Dieu ne se contente pas de prendre soin des plus petits ; avec Jésus il va encore plus loin. Non seulement il se fait proche d’eux mais il se fait l’un d’eux. Nous l’avons célébré à Noël : Dieu se fait homme dans des conditions d’extrême pauvreté et de grande précarité. Tout au long de sa vie publique, Jésus a vécu comme un vagabond, il a partagé la vie des pauvres et des petits, il a été associé à la part de la population la plus méprisée, et il a été condamné à subir le supplice réservé aux pires criminels de son temps. La victoire du Christ contre la mort, le mal suprême, est donc celle de tous les pauvres et de tous les petits. C’est aussi la nôtre, car, si nous nous regardons de manière objective, nous pouvons découvrir que nous sommes aussi des pauvres et des petits, même si nos misères sont plus cachées.

Rencontrer Dieu 
dans les pauvres
Pour les chrétiens, les plus pauvres et les plus petits ne sont pas seulement les sujets d’une attention charitable particulière, mais ils sont pour nous la figure même du Christ qui nous montre le visage de Dieu. En allant à la rencontre des plus petits, les chrétiens vont à la rencontre de Dieu. Les pauvres sont l’incarnation de Dieu. Cette compréhension devrait être pour nous une révolution, au sens fort du terme : une conversion totale de notre regard sur Dieu et sur les hommes. Cela devrait transformer toutes nos interactions humaines, nos conceptions de la société, de la justice, de la collectivité. Nos fonctionnements politiques, professionnels, judiciaires, économiques seraient totalement différents. Nous sortirions des rapports de force qui polluent nos manières de vivre ensemble. Nous arriverions naturellement à trouver des solutions aux problèmes environnementaux, écologiques et sociaux actuels qui traumatisent notre monde. Nous saurions faire les efforts nécessaires pour plus de justice, d’égalité, de sobriété et de fraternité.

Dieu est présent dans chacune de nos vies
Cette Bonne Nouvelle est à la portée de tous, mais il y a encore énormément de résistances en nous. Nous pouvons comprendre la révolution du message de l’Évangile, et pourtant nous n’arrivons pas encore à la mettre en pratique. Il y a un combat qui se joue en nous, ainsi que dans nos structures humaines et ecclésiales. Personne n’est épargné par cette difficulté à incarner l’amour de Dieu. Heureusement, pour mener ce combat, nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes. Dieu est présent dans chacune de nos vies, quelles que soient nos cultures, nos histoires, nos conditions de vie, il veut se donner à tous. C’est bien le symbole de la grande fête de l’Épiphanie si chère à notre Œuvre et dont le tableau placé au chœur de la chapelle illustre le message. Autour de Jésus et de ses parents est rassemblée l’humanité tout entière : les pauvres, les étrangers, les ennemis, les riches, les soldats… Et pour chacune et chacun d’entre nous cela veut dire que Dieu vient nous rencontrer au cœur de nos pauvretés, non pour nous condamner mais pour nous rétablir dans une juste relation d’amour avec lui.

Olivier

2022-12-12T14:29:22+01:00

L’Évangile du mois de janvier 2023

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :  « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. ».

Le contexte
Nous lisons un extrait du sermon sur la montagne qui est un peu le discours-programme de Jésus au début de l’Évangile de Matthieu. Jésus aborde ici un sujet ô combien d’actualité, celui de la réaction à avoir en cas de conflit.

Vous avez appris… 
Moi, je vous dis…
Jésus semble se situer en contradiction avec les paroles de l’Ancien Testament. Il risque une parole personnelle qui témoigne de sa pleine liberté. En fait, il ne se place pas en opposition avec sa foi juive et la Loi qu’il pratique mais ses paroles sur l’amour des ennemis visent au plein accomplissement de la Loi.
Tu veux vraiment accomplir la Loi juive, tu veux véritablement respecter ce que Dieu te demande, alors n’en reste pas à une observance scrupuleuse qui est un cadre nécessaire mais fais un pas de plus : Aime ton ennemi. Ce pas de plus, est celui que Jésus a fait durant sa vie.

Aimer son ennemi,
pourquoi cela vient-il si tard ?
Dieu est un bon pédagogue. De la même manière qu’une maman ne va pas donner à son enfant une nourriture solide dès la naissance de son petit, Dieu nous propose un enseignement progressif. D’abord, la loi du talion (voir mot du jour) puis la loi de l’amour total. Il aurait été inimaginable que Dieu exige cela de l’être humain dès le début, la société n’aurait pas été prête à accueillir cela. Dieu s’est adapté à la culture dans laquelle il s’est rendu présent pour progressivement nous amener plus loin.
Tendre la joue, aimer son ennemi, serait-ce possible ?
Jésus de façon provocatrice nous invite à casser la logique du mal. Je te fais mal, tu me fais mal, on se fait la guerre… À un moment, il faut bien qu’un processus de paix voit le jour, c’est cela tendre l’autre joue. Et en pratique, cela marche ; regardez Gandhi en Inde ou Martin Luther King aux États-Unis.
Tu m’as fait (du) mal mais je ne veux pas que cela continue. Alors, j’accepte de ne pas te le rendre pour que cette situation cesse. Même si, par conséquent, je dois vivre une forme d’humiliation. Que ce soit dans nos familles, entre des pays, la paix est à ce prix.

Les paroles de Jésus t’agaceraient-elles ?
Bien évidemment, ce type de paroles peuvent nous agacer. D’abord, parce qu’on se sent si loin de cet idéal évangélique et, en même temps, on sait bien que si tout le monde agissait de la sorte, nous vivrions dans la paix et l’amour. Nous savons ce qu’il faut faire mais nous ne le faisons pas parce que nous attendons que l’autre fasse le premier pas. En fait, c’est cela qui est agaçant. Jésus appuie là où cela fait mal. Incapables de pardonner, nous nous faisons du mal. Dommage !

Attention !
La crise des crimes, délits et abus dans l’Église nécessite que nous comprenions bien les paroles de Jésus. La justice doit être appliquée et tendre l’autre joue ne consiste pas à taire les actes ou attitudes que l’un ou l’autre a pu me faire subir. Il ne peut y avoir de véritable paix sans justice. Jésus demande dans ce discours de casser la spirale mortifère du mal, de la violence. Pour cela, porter plainte est une attitude profondément évangélique qui rend possible la fin de cette violence.

Pour actualiser
Vivre l’Évangile c’est aller à contre-courant. Aimer son ennemi, prier pour lui non pas parce que c’est mon ennemi mais parce que Jésus a versé son sang pour tous, pour moi, pour lui, c’est suivre notre divin maître. Cela ne peut se vivre que dans la prière. C’est difficile mais possible, il suffit d’essayer.

Didier Rocca

Le nom du mois : talion
La loi du talion, consiste en la réciprocité du crime et de la peine. Cette loi (« Œil pour œil, dent pour dent ») caractérise un état intermédiaire de la justice pénale entre le système de la vendetta et le recours à un juge impartial et désintéressé.

2022-12-12T09:53:32+01:00

Édito Décembre 2022 > La joie de partager

Le démarrage d’une nouvelle année avec des jeunes qui s’engagent dans l’animation aux service des plus petits est toujours un émerveillement. En particulier pour ceux qui ont la chance d’avoir connu ces nouveaux animateurs dans leurs jeunes années, puisqu’ils ont eux-mêmes été des enfants qui ont fréquenté l’Œuvre et y ont grandi. Quelle joie de voir un jeune prendre de l’envergure, devenir responsable et capable d’engagement, avec le désir de se tourner vers les autres et de rendre service. Beaucoup d’adultes désespèrent de la jeunesse et posent un regard très critique sur les comportements des adolescents de notre époque, mais ce n’est pas notre cas, car nous avons l’immense privilège de partager la vie de jeunes qui nous montrent un tout autre visage : ils sont reconnaissants pour ce qu’ils ont vécu et reçu dans le cadre de l’Œuvre, ils ont compris que le véritable sens de la vie n’était pas dans l’accaparement ou l’égoïsme, mais dans le don et le partage, ils ont découvert la joie de l’engagement et du service. Ils sont effectivement dans un monde difficile, marqué par l’incertitude quant à l’avenir de notre mode de vie, par une croissance infernale et par des enjeux qui leur interdisent l’insouciance qui est habituellement l’apanage de la jeunesse : dérèglement climatique, crises sociales, géopolitiques, sanitaires et financières, augmentation vertigineuse de la population mondiale, réduction ou épuisement des ressources naturelles, mouvements de population à cause des conflits armés et de la grande précarité. Et malgré ce contexte anxiogène qui pourrait entrainer le repli et l’égoïsme, et sur lesquels surfent des courants politiques et idéologiques irresponsables et cyniques, les jeunes restent capables de se révolter, de s’engager, de croire en l’avenir, en eux-mêmes et dans les autres.

Partage et gratuité
Pour ma part, je peux témoigner que cette expérience a été fondatrice pour ma vocation de religieux et de prêtre : j’ai compris, grâce à l’animation, que le véritable sens de la vie est dans le partage. J’ai découvert, en étant animateur à 16 ans, combien il y avait de joie à avoir une vie tournée vers les autres. Cette expérience m’a ouvert au discernement vers la vie religieuse et l’ordination comme prêtre. Jusque-là, les gens importants pour moi, et pour qui j’étais important, étaient les membres de ma famille proche, et Dieu sait qu’ils m’ont donné de l’amour et des repères par leur éducation. Avec ces racines profondes j’ai découvert le véritable visage de Dieu, sa bonne nouvelle et sa proposition d’une vie belle et épanouie habitée par la force de son amour. Mais, avec l’expérience de l’animation, j’ai eu l’impression d’ouvrir une porte et de découvrir le monde réel, non comme un monde dangereux et effrayant, mais comme un formidable lieu d’épanouissement, de découverte et de partage. Quelle explosion de sentiments positifs que de contribuer à la joie des jeunes, à leur épanouissement, à leur croissance ! Jamais ma vie n’avait eu autant de sens que dans cette expérience de l’engagement gratuit au service des jeunes de l’Œuvre. Après cela, j’ai cherché à mettre en œuvre dans mon existence cette nouvelle réalité : une vie n’a de sens que dans le don. Mais en écrivant cela je ne suis pas assez précis, car ce terme de « don » peut être compris comme unilatéral et ne rend pas témoignage à la véritable découverte : en fait celui qui donne reçoit plus que ce qu’il donne, surtout s’il est dans une démarche de don « gratuit ». La contrepartie, bien que non-financière, est largement plus grande que ce qui est donné. Il est donc plus précis de dire que la vie n’a de sens que dans le partage, en particulier quand il est sans calcul et sans arrière-pensée. C’est lorsqu’on décide de ne rien recevoir en échange que ce que l’on reçoit est le plus grand. Si tout le monde avait la chance de faire cette découverte, alors même les personnes les plus égoïstes feraient le choix d’une vie de partage, de solidarité et de fraternité, car ils y gagneraient le maximum, bien plus que dans la recherche des biens matériels, dans les plaisirs éphémères ou dans le pouvoir sur les autres.

Le véritable sens de la vie
À bien y réfléchir, l’égoïsme, le repli identitaire et la méfiance des autres sont des formes de pauvreté. Les personnes qui sont dans cette logique négative passent à côté de leur vie et de l’authentique sens de l’existence. Le Christ, Dieu fait homme, n’a eu de cesse de faire comprendre cela à l’humanité et a mis en œuvre cette réalité dans sa vie et dans toutes ses relations. Il nous dit que Dieu nous aime et désir pour nous une vie de partage et d’amour. L’Église a toujours eu à cœur de répondre aux urgences de son époque, et c’est l’origine de la création, en leur temps, des institutions de santé, d’éducation et de solidarité qui ont fait la fierté des chrétiens. Aujourd’hui la plupart des urgences humanitaires et sociales sont prises en charge par les institutions publiques, et c’est une excellente chose, mais pour la question du sens de la vie, du partage et de la fraternité, il y a une urgence à laquelle l’Église peut apporter une réponse et une contribution. C’est sur ces questions et leurs conséquences que les croyants sont attendus et doivent s’engager. Et comme par effet domino, les préoccupations de notre temps seront prises en compte, puisque par solidarité et par fraternité, l’humanité va trouver des solutions pour lutter contre les inégalités, la pauvreté, l’épuisement des ressources, la violence…

Olivier

2022-11-16T08:44:21+01:00

L’Évangile du mois de décembre 2022

Le 30 décembre, nous fêtons la Sainte Famille. 
Lisons quelques lignes de son périple en terre sainte.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

Après le départ des mages, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « D’Égypte, j’ai appelé mon fils ».
Après la mort d’Hérode, voici que l’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : 
« Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et pars pour le pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant ». Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et il entra dans le pays d’Israël. Mais, apprenant qu’Archélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth, pour que soit accomplie la parole dite par les prophètes : Il sera appelé Nazôréen.

Le contexte
Ce passage se situe au début de l’Évangile. La naissance de Jésus nous est racontée à travers la venue des mages à Bethléem. Les voilà partis et la sainte Famille (Jésus, Marie et Joseph) doit s’enfuir dans un endroit sûr après la menace du roi Hérode de tuer tous les enfants de moins de deux ans.

Des songes
Cela fait trois fois en quelques versets que Dieu parle par des rêves pour demander à Joseph de prendre Marie chez lui, pour suggérer aux mages de repartir par un autre chemin et ici pour avertir Joseph de fuir. Remarquons que Dieu ne sauve pas son messie des mains d’un tyran en envoyant des anges pour le protéger, mais par le discernement de ses parents.

L’Égypte
Joseph est parti de nuit en Égypte. Dans la pensée biblique, ce pays est à la fois une terre d’exil comme pour la Sainte Famille et une terre de servitude comme pour les Hébreux qui y ont été opprimés. Lorsque Joseph entre dans ce pays, il ne peut pas ne pas avoir pensé à son prédécesseur Joseph, vendu par ses frères et parti esclave en Égypte. Ce séjour est une fuite mais c’est aussi un préalable à un retour qui réalise la prophétie évoquée par Matthieu : « D’Égypte, j’ai appelé mon fils ». C’est une citation du prophète Osée. Ainsi est suggéré un lien entre Jésus et Moïse qui sort d’Égypte pour apporter la liberté à son peuple.

Géographie biblique
Dans le passage précédent que l’on entend le jour de l’Épiphanie, les mages venaient d’Orient, probablement de Babylone et Joseph est parti en Égypte. Or, Babylone et l’Égypte sont deux terres d’exil dans l’histoire d’Israël. Ce furent aussi deux lieux de fécondité pour le judaïsme puisque c’est à Alexandrie que fut traduite la Bible hébraïque. Cette ville accueille une grande communauté juive.

Encore des songes…
C’est par un autre rêve que Joseph et sa famille retournent en Galilée. Cette mention du songe exprime l’initiative de Dieu et l’obéissance de Joseph. C’est par un cinquième songe que Joseph conduit sa famille vers leur destination finale : Nazareth !

Un scandale
C’est un drôle de Père qui prévient Joseph et laisse massacrer tous les autres enfants. Il est choquant d’envisager que Jésus puisse avoir été préservé, à la différence des autres enfants. C’est un scandale dans notre compréhension de Dieu, de l’homme. Mais comprenons que Jésus n’est pas épargné, il est mis en réserve provisoirement jusqu’au moment opportun.
Il va assumer plus tard en toute conscience sa mission. Sur la croix, il sera le serviteur souffrant. Il subira le même massacre, d’autant plus que Jésus est l’innocent parfait. Ce sort terrible, il le subira avec le désir vif de partager le sort de ces enfants.

Didier Rocca

Le nom du mois : Nazôréen
Un habitant de Nazareth s’appelle un nazarénien et non pas un Nazôréen ! Nulle part dans la Bible, il est dit que le Messie sera Nazôréen. Deux origines probables pour en comprendre le sens :
– Nazir (comme Samson ou probablement Jean-Baptiste). Même s’il ne l’était strictement, Jésus était totalement consacré à Dieu, de sa naissance jusqu’à sa mort. 
– Nezer : Il est dit dans le livre d’Isaïe qu’un rejeton (nezer) surgira de la souche de Jessé (le père du roi David). Cette promesse s’adresse au-delà de David, à la famille de Jessé. De celle-ci apparemment morte, il fait pousser un rejeton.
On peut donc penser que dans la qualification de Jésus comme Nazôréen, Matthieu a vu une allusion à l’accomplissement de la promesse selon laquelle Dieu, de la souche morte d’Isaïe, aurait donné un nouveau rejeton sur lequel se serait posé l’Esprit de Dieu. Une nouvelle famille va arriver. Au pied de l’arbre mort sort une branche nouvelle, un germe mis en réserve sur la racine et qui va repousser pour une fécondité nouvelle.

2022-11-16T08:46:38+01:00

Édito Novembre 2022 > La catholicité

Le terme « catholique » est souvent utilisé pour distinguer les croyants, et désigne une confession particulière parmi les chrétiens, en dialogue avec les orthodoxes et les protestants. Mais cela donne à cette notion un sens qui risque de nous induire en erreur car, dans l’absolu, « catholique », qui veut dire « universel », devrait au contraire nous aider à concevoir l’appartenance religieuse comme quelque chose qui invite à l’unité et rend les croyants solidaires de toute l’humanité. Si nous comprenions bien ce que veut dire «catholique», alors nous devrions l’assumer en dépassant tout ce qui sépare les hommes les uns des autres.

La catholicité
La catholicité ne définit pas une appartenance sociale ou religieuse, mais une mission et une vocation. Vocation qui nous vient du désir de Dieu d’être source d’amour, de paix et de joie pour toute l’humanité. L’Église n’a pas pour mission de s’occuper d’elle-même, de son développement, de son fonctionnement ou de sa survie, elle a pour mission d’être un moyen de vivre l’engagement de Dieu envers toute l’humanité. Moyen merveilleux dans son idéal, fragile dans son incarnation, et en dialogue avec d’autres.

Un seul Dieu
Nous sommes tellement dépendants de nos raisonnements humains, nos réflexes d’appartenance, nos désirs d’uniformisation, nos méfiances vis-à-vis de ceux qui sont différents, que nous avons du mal à entrer dans la logique divine. Dieu nous considère comme ses enfants, et ne fait pas de différence entre nous. Comment pourrions-nous imaginer qu’il y ait plusieurs dieux comme dans un panthéon ou comme dans les récits de fiction où les super-héros se battent entre eux ? Si Dieu est bien celui que nous découvrons dans les grandes religions, alors il n’y en a pas plusieurs, il est unique et universel. Il n’y pas le dieu des juifs, le dieu des chrétiens, le dieu des musulmans, mais il y a des manières juives, chrétiennes, musulmanes, de comprendre, de prier, de communiquer le Dieu unique. Nos différences ne devraient pas être des occasions de division ou d’affrontement, mais plutôt de dialogue, de respect et d’enrichissement mutuel.

Dieu reste un mystère
Dieu est tellement plus grand que tout ce que nous pouvons imaginer ! Il est le tout-autre, il demeure un mystère que nous ne pourrons jamais saisir dans son intégralité mais qu’il nous revient de scruter et d’interpréter. Nous avons grand intérêt à savoir comment d’autres comprennent Dieu, l’appréhendent, le définissent, le célèbrent. Nous ne pourrons jamais mettre la main sur lui car il n’est pas saisissable, il est autour de nous plus que devant nous, tel un objet. Ce que nous pouvons comprendre ou dire de Dieu nous est offert par lui : il se communique, par l’histoire du peuple hébreu, par l’inspiration des prophètes, des priants et des théologiens, par le discernement éclairé de ceux qui ont des choix à faire. Si, selon la foi des croyants chrétiens, Dieu est une personne, un vis-à-vis, c’est parce que nous sommes en relation uniquement avec des individus, et non pas avec des forces ou des énergies. Nous sommes des êtres incarnés et le choix de Dieu, tel que les chrétiens le comprennent, est de se faire homme pour que nous puissions entrer véritablement en relation avec lui. Dieu, qui est amour, n’est pas une énergie désincarnée et vaporeuse, il est une personne que nous pouvons rencontrer, avec qui nous pouvons véritablement entrer en relation. Dieu se fait proche de nous, en particulier de ceux qui pourraient se croire loin de lui : les mal-vus, les mal-aimés, les méprisés, les personnes différentes ou qui ne rentrent pas dans les cases de la bienséance créées par ceux qui se permettent de juger les autres de haut.

Chercheurs de Dieu
Les croyants de toutes les religions sont des chercheurs de Dieu, qui n’auront jamais fini de chercher, qui ne pourront jamais dire « j’ai trouvé la vérité sur Dieu », mais qui sont invités à continuer leur recherche. Dans cette découverte toujours renouvelée du mystère de Dieu, la rencontre avec d’autres croyants, avec d’autres chercheurs de vérité, même en dehors des courants religieux, est toujours enrichissante et permet de mieux appréhender le mystère de Dieu. Les chercheurs de Dieu ont aussi une mission : celle de partager et d’annoncer ce qu’ils comprennent et croient du Dieu tout autre et très grand. Les chrétiens ont une compréhension exigeante de cette mission, car c’est par la qualité de leur existence, par la charité et la solidarité, par leur engagement contre l’injustice qu’ils doivent témoigner en premier lieu, plutôt que de tenir des beaux discours ou de faire la leçon aux autres.

Olivier

2022-10-20T09:33:26+02:00

L’Évangile du mois de novembre 2022

C’est parti pour une nouvelle année liturgique ! 
Lisons ce passage qui sera lu le 1er dimanche de l’Avent.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme. En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme. 
Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée. Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.
Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »

Le contexte
L’Évangile de Matthieu est structuré par cinq séquences faites d’un discours et d’une narration sur l’activité de Jésus. Nous en sommes ici au dernier discours appelé discours apocalyptique. Ensuite commencera le récit de la Passion. Il s’agit pour Jésus de dévoiler dans un genre littéraire très courant à son époque la finalité du monde et celle de notre existence.

Les jours de Noé
Cette référence à l’histoire du déluge est double. Nous pouvons la comprendre dans le sens d’une dévastation qui arrive par surprise et qui détruit tout sur son passage. Mais nous pouvons aussi l’entendre comme la mémoire d’un juste qui a construit une arche, qui a accueilli tous les animaux de la création et qui a survécu à l’heure de la tempête. Il suffit d’un Noé, un seul pour que le monde survive.

Pris par surprise…
Ils ne se doutèrent de rien, rien de particulier ne signalait l’imminence de la fin. Le fait de manger, boire, se marier, marier ses enfants n’est pas condamné. Ces actions sont décrites pour souligner le caractère ordinaire des occupations de la « génération de Noé ». Autrement dit, il faut nous montrer vigilants et ne pas nous laisser abuser par les discours sur la fin du monde.

Se convertir est urgent. Vraiment !
Ces versets n’ont pas pour but de nous effrayer mais de nous avertir de l’urgence de la conversion. À tout moment, je dois me poser la question de la chanson de Pascal Obispo : « Si l’on devait mourir demain, on ferait quoi ? » Que faire si je savais que ce jour est le dernier de ma vie ? Comme le dit la lettre aux Romains, rejetons les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Et cela ne peut attendre parce que demain ne m’appartient pas.

Veillez, vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.
Vigilance, ici, ne veut pas dire méfiance ni inquiétude peureuse : ce serait contraire à la Promesse de Dieu, qui veut notre bonheur et celui de toutes les nations de la terre. Vigilance ne signifie pas non plus attentisme ou défaitisme frileux. Vigilance, ici, veut plutôt dire confiance et conversion. Car le premier à veiller, c’est Dieu. Non pas seulement parce qu’il veille sur nous et sur tous les cheveux de notre tête, mais aussi parce qu’il est à l’affût de la moindre brèche dans les armures de notre orgueil, pour faire couler en nous, par les fissures de nos faiblesses et plus encore celles de nos désirs, l’eau vivifiante de sa miséricorde et de sa grâce. Et oui, ce divin veilleur, patiemment, obstinément, ne peut nous combler que si nous acceptons de lui présenter nos failles. Réveillons-nous !

Résister à cause de l’Évangile
La vigilance ecclésiale n’est pas celle de la peur telle une forteresse assiégée. Bien au contraire, c’est une vigilance qui invite à relever la tête et, au besoin, à entrer en résistance, à cause de l’Évangile, contre tout ce qui, dans le monde, fait du mal à l’humanité et nuit à la Création. C’est résister à cause de l’Évangile, que de donner de son temps et de son énergie au service des plus pauvres, quand tout est fait pour les exclure et les enfoncer davantage dans la misère. C’est résister à la cause de l’Évangile, que de s’engager dans un dialogue vrai avec ceux qui croient ou qui pensent autrement que nous quand tout est fait pour nous diviser, nous stigmatiser et nous marginaliser. Telle est la vigilance de l’Avent : laisser Dieu nous désarmer, rester en tenue de service pour préparer la venue du Prince de la Paix, ne pas craindre de résister, à cause de l’Évangile, à tout ce qui plonge le monde dans les ténèbres.

Didier Rocca

Le nom du mois : Noé
Sous les ordres de Dieu, il bâtit une arche afin d’échapper au déluge. Lui et sa famille étant les seuls humains épargnés, Noé et sa femme sont considérés comme les ancêtres de toute l’humanité.

2022-10-20T09:36:06+02:00

Édito Octobre 2022 > L’humilité

Lors de la célébration de la création des nouveaux cardinaux à Rome le samedi 27 août dernier, l’archevêque de Marseille, Mgr Jean-Marc Aveline, faisait partie des vingt évêques choisis par le pape pour devenir ses proches collaborateurs. Dans ses différentes interventions publiques, le cardinal Aveline a repris un thème cher au pape François : celui de l’humilité. Bien que les cardinaux soient honorés de la plus haute distinction ecclésiale, ils sont invité à rester humbles et à garder les pieds sur terre, avec leurs frères humains. Leurs beaux vêtements, leurs places privilégiées dans les célébrations religieuses ou publiques, leur médiatisation, sont le signe non seulement d’un honneur mais surtout d’une responsabilité. Ils sont indéniablement des hommes de grande valeur, doués de qualités humaines, intellectuelles ou spirituelles exceptionnelles, mais ils sont aussi et avant tout de la même pâte humaine que tout le monde, sans supériorité par rapport au commun des mortels. D’ailleurs, lorsque l’on regarde leurs histoires personnelles et familiales on voit bien qu’ils sont pour la plupart d’humble condition et que rien ne les destinait à faire partie de l’élite de l’Église catholique ni des grands de ce monde.

Solidarité humaine
Cette commune condition humaine est précisément la racine de l’humilité : nous sommes tous issus de la même terre, du même humus, et si nous avons des responsabilités diverses, des qualités complémentaires et des itinéraires variés, nous avons cette appartenance à la même humanité qui nous rend solidaires et fraternels. Cela doit être d’autant plus vrai dans la vie de l’Église qui se fonde sur le Christ, frère universel par excellence et qui nous dit la proximité de Dieu avec chacune et chacun d’entre nous. L’incarnation est une notion essentielle et originale de la théologie chrétienne : Dieu se fait homme, proche de nous, frère. En Jésus Christ la proximité de Dieu est absolue : il partage la condition de vie des plus humbles et des plus petits. De sa naissance dans une pauvre crèche jusqu’à sa mort ignominieuse parmi les criminels, personne ne peut s’estimer loin de ce Dieu qui partage la vie des plus méprisés et qui accueille tout le monde comme un frère pour nous dire que nous sommes fils et filles du même Père.

Contre le cléricalisme
Cette solidarité intrinsèque à notre condition humaine est le premier remède contre une maladie de l’Église que le pape nous invite à combattre : la prétention à la supériorité des membres de l’Église institutionnelle – on les appelle les clercs dans le langage religieux – ou, pour le dire avec un mot savant, le cléricalisme. Dans toute institution humaine il y a le risque de voir les chefs prendre une position de supériorité et de domination par rapport aux autres, et l’Église, constituée d’hommes ordinaires, n’est pas préservée de cette tentation. Nombreuses sont les personnes qui se sont senties jugées et parfois condamnées par les représentants de l’institution religieuse : à cause de leur situation de vie, de leurs choix, de leurs erreurs, de leur histoire familiale, ils ont été mal accueillis et peut-être même rejetés. C’est affligeant, car c’est l’inverse que nous devrions mettre en œuvre dans l’Église. Nous avons à prendre notre part de la mission confiée par le Christ qui accueille tout le monde et se fait proche de chacune et chacun. Notre vocation n’est pas de juger et de condamner, mais d’aimer et d’accueillir. Jésus lui-même n’a ni jugé ni condamné, alors comment les personnes qui ont la charge de poursuivre sa mission peuvent le trahir au point de faire souffrir ceux qu’ils ont pour vocation d’aider et d’accompagner ?

Dieu compte sur nous
L’humilité n’est pas de la fausse modestie. Il ne s’agit pas de se dévaloriser ou de se rabaisser en se regardant le nombril pour faire une autocritique qui nous replie sur nous-mêmes. La véritable humilité consiste à avoir l’objectivité de se regarder tel que l’on est et de s’émerveiller que Dieu nous donne sa confiance et fasse le choix de nous confier une part de sa mission. Il n’attend pas que nous soyons parfaits pour nous appeler à le suivre, il ne nous dit pas que nous devons mériter son amour ou sa confiance. Il nous dit que nous avons du prix à ses yeux, et qu’il compte sur nous pour que nous donnions le meilleur de nous-mêmes, avec tout ce qui constitue notre existence : ce qui est grand et beau, et surtout ce qui est plus fragile et douloureux. Il sait bien que nous ne sommes pas parfaits et il ne nous demande pas d’atteindre la perfection par nos propres forces, mais il nous invite à découvrir que son amour en nous peut porter du fruit et nous aider à accomplir des choses qui nous dépassent. C’est merveilleux, parfois vertigineux, mais en même temps très libérateur, car tout ne dépend pas de nous. Les comptes que nous aurons à rendre ne concernent pas notre valeur personnelle, mais ce que nous aurons été capables de faire fructifier de ce que le Seigneur nous a confié.

Olivier

2022-09-19T22:09:15+02:00

L’Évangile du mois d’octobre 2022

Lisons ensemble un court extrait de l’Évangile de la Passion que nous lirons en cette fin d’année liturgique.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

En ce temps-là, à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain. Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même :
“Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères – ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.”
Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ;
mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !”
Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

LeSe frapper la poitrine
Un publicain se frappe la poitrine. Ce geste religieux nous le connaissons et le pratiquons. Se frapper la poitrine de sa main droite est un geste de responsabilité qui implique l’intégralité de la personne. Oui, j’atteste que ce que je dis me concerne au plus haut point. C’est de moi dont il s’agit, pas du voisin. Nos liturgies ont conservé ce geste : lorsque nous disons au début de la messe « Oui, j’ai vraiment péché », par trois fois pendant le chant de l’Agneau de Dieu lors de la fraction du pain, et enfin au moment où nous nous souvenons de la déclaration d’un païen : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Se frapper la poitrine pour faire résonner ce qui correspond à la situation du moment, quand je fais ce geste, je participe à rendre compte de la situation dans laquelle je suis, vécue dans la foi. Je parle et j’atteste.

Le pharisien
Le pharisien a de quoi rendre grâce à Dieu puisqu’il n’est pas comme les autres. Il en oublie de rendre grâce aussi pour ce qu’il a de commun avec eux ! Cet homme est seul, se contemplant dans son miroir, tout en faisant la liste exhaustive de ce qu’il fait. Il dresse ainsi en lui-même l’inventaire de ses actions confrontées au rapport qu’il entretient avec la Torah. Cela lui plaît et il a vraiment de quoi être fier. Sa logique verbale procède d’un soi à soi pour soi.

Le publicain
Le publicain, par la collecte à laquelle il participe pour l’occupant romain, a mauvaise presse. Ce sont des collaborateurs et des voleurs d’après la réputation qu’ils se sont faite. Il monte cependant au temple pour prier. Cet homme prend le risque d’être critiqué puisque publiquement de par sa profession, il n’est pas en règle avec la loi.

Nous serons toujours débiteurs
Le péché consiste à croire que nous pouvons être en règle avec Dieu et envers les autres. Un seul l’a été une fois pour toute en notre faveur. Dans la prière nous risquons de passer à côté de la rencontre si notre préoccupation de sainteté se borne à un aspect formel et rhétorique. Le publicain debout dans le temple baisse les yeux et se frappe la poitrine. Il parle à Dieu humblement et en vérité, c’est-à-dire sans faux-semblant. Sa logique verbale procède du soi à soi pour l’autre. Il ouvre son cœur à Celui en qui il croit. Il accepte en quelque sorte de se dévêtir sous le regard bienveillant de son Dieu et dans une confiance très grande. Il n’a rien d’autre à offrir que sa présence : un corps qui parle.

Compter d’abord sur Dieu
En fait, le publicain ne compte pas sur son bilan pour être sauvé, ni pour se prétendre juste. Tout au contraire, il compte sur Dieu. Voici l’attitude qui permet au croyant de se laisser ajuster au salut. Il pourra découvrir par la suite comment ce salut procède dans son histoire personnelle et collective. Il fait bien partie du peuple élu. Celui des deux hommes qui sera justifié de retour dans sa maison est l’homme qui a reconnu que le mérite est du côté de Dieu. Il croit en Lui comme en un Père miséricordieux, lent à la colère et plein de tendresse. Il se frappe la poitrine pour laisser surgir de son existence ce qui intéresse au plus haut degré ce Dieu qui l’a créé par amour, pour vivre l’Alliance. Tout le mérite vient de Dieu.

Pour actualiser
Le publicain confesse qu’il n’est pas à la hauteur de l’amour que le Seigneur a pour lui. En cela, chacun de nous peut se reconnaître pécheur, puisque nous ne pourrons jamais aimer qualitativement Dieu comme Il nous aime et se donne. Ainsi, la sainteté est ce chemin par lequel nous pouvons approcher et expérimenter cet amour jusqu’au jour où il nous embrasera entièrement, dans la fin des temps.

Didier Rocca

Le mot du mois : publicain
Dans l’administration romaine un publicain était un homme d’affaires appartenant généralement à l’ordre équestre, qui par contrat avec l’autorité civile, était autorisé à collecter les taxes en son nom.

2022-09-19T22:11:50+02:00

Édito Septembre 2022 > L’engagement

Il est difficile de parler d’engagement de nos jours. L’incertitude quant à l’avenir, les diverses crises que nous traversons et qui se juxtaposent, qu’elles soient sanitaires, sociales, politiques, géopolitiques, spirituelles, familiales ou religieuses, nous plongent dans une ambiance morose et pessimiste qui peut être source de démission et d’inquiétude. Le premier réflexe quand on est en pleine chute est souvent de se replier sur soi-même. Pourtant l’oiseau apprend dès son premier saut dans le vide à se faire confiance et à faire confiance aux éléments : il lui faut prendre le risque d’ouvrir ses ailes pour ne pas s’écraser au sol comme un caillou. Pour nous aussi, la réaction première face aux difficultés est le repliement, mais cette solution ne nous permet pas de traverser les crises et les difficultés de notre temps. Le repli nous rassure mais il nous enferme et ajoute une crise existentielle aux différentes crises auxquelles nous sommes déjà confrontés, car l’homme n’est pas fait pour vivre seul ni centré sur lui-même, il est un être de relation et de partage. Ainsi nous pourrions concevoir qu’une manière de lutter contre les crises de notre temps serait de prôner l’engagement, car s’engager c’est s’ouvrir aux autres, avoir confiance en ses propres capacités, se projeter vers l’avenir, même si cela représente un risque et ne va pas dans le sens de la facilité.

L’engagement de Dieu
Les religions nous donnent à découvrir et à comprendre que Dieu lui-même s’engage dans une relation risquée avec l’humanité : il se révèle, dans la Bible et en particulier dans les Évangiles, comme le Dieu de la relation. Il fait alliance avec un peuple qui n’est pas moins humain, faillible et pécheur que les autres. Il ne choisit pas le peuple hébreu pour ses vertus morales, spirituelles ou politiques, mais parce qu’il est touché par sa misère et par l’injustice dont il est victime. Dieu ne fait pas un placement avec assurance de retour sur investissement, mais il s’engage à accompagner le peuple juif quoi qu’il arrive, malgré ses faiblesses et dans ses pires épreuves.

L’Église signe de l’engagement de Dieu
Nous pouvons découvrir cet engagement de Dieu envers le monde dans ce que vit l’Église, qui est aussi faillible, et qui renvoie un reflet de ce qu’est le monde : appelée à la sainteté, elle reste pourtant marquée par ce qu’il peut y avoir de plus médiocre dans l’humanité. Mais elle ne baisse pas les bras et ne se replie pas sur elle-même, au contraire elle fait le choix de l’ouverture au monde, elle donne la priorité aux pauvres et aux petits, elle se remet en cause et cherche à se convertir elle-même la première avant de se permettre de juger et de condamner les autres. Ce n’est pas gagné et loin d’être accompli, mais c’est le chemin sur lequel elle est engagée à la suite du Christ, chemin qui a été particulièrement promu lors du concile Vatican II dans les années 1965, chemin que les papes ont poursuivi depuis et que le pape François à la charge prophétique de nous rappeler. Ce chemin ne concerne pas seulement Église, car elle se veut un signe de ce vers quoi doit tendre toute l’humanité. Elle préfigure l’avenir offert à notre monde et elle est le moyen de transformation de ce monde qui est appelé à devenir l’accomplissement du Royaume de Dieu.

L’engagement source de joie
À l’Œuvre, nous avons la chance d’être témoins que l’engagement est source de joie et de sens. C’est un émerveillement de voir des adolescents capables de s’engager au service des plus jeunes, de donner de leur temps et de leur énergie pour accompagner les enfants sur leur chemin de croissance. Le choix n’est pas toujours simple et les épreuves en cours de route restent présentes, car l’engagement n’est pas facile à assumer et il induit des renoncements, mais quelle merveille de voir des jeunes qui découvrent la joie du don de soi et qui comprennent que c’est la source d’un authentique bonheur. Quand certains désespèrent de notre société et ont le sentiment que rien ne va plus, nous pouvons témoigner de la grande espérance qui nous habite lorsque nous voyons de quoi sont capables les jeunes de notre temps. Oui, l’Esprit d’amour de ce Dieu qui s’engage, tel que nous le révèle Jésus Christ, habite notre monde et reste bien présent et actif. Nous sommes invités à accompagner joyeusement l’engagement de Dieu envers le monde par nos propres engagements.

Olivier

2022-08-26T07:44:07+02:00

L’Évangile du mois de septembre 2022

Nous lirons ce passage le jour de la fête de la Sainte Trinité, dimanche 12 Juin.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens. Il le convoqua et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant”. Le gérant se dit en lui-même : “Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux”.
Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : “Combien dois-tu à mon maître ?” Il répondit : “Cent barils d’huile”. Le gérant lui dit : “Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante”. Puis il demanda à un autre : “Et toi, combien dois-tu ?” Il répondit : “Cent sacs de blé”. Le gérant lui dit : “Voici ton reçu, écris 80”.
Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.
Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent.»

Le gérant malhonnête
C’est un véritable escroc que met en scène la parabole. Cet homme nous est présenté comme un mauvais gestionnaire coupable d’abus de confiance et de détournement de fonds. Sur le point d’être viré, il ne trouve rien de mieux à faire que de s’attirer les bonnes grâces des débiteurs de son patron, en leur faisant des remises considérables. Au moins, pense-t-il, il aura des gens qui le recevront chez eux quand il sera mis à la porte. Jésus conclut en disant que le maître « félicita son intendant pour son habileté ». La parabole est provocatrice comme souvent. Attention, elle n’invite pas à être malhonnête, mais astucieux. Il s’agit que « les fils de la lumière » (les disciples de Jésus) soient au moins aussi avisés que les gens du monde.

Une vie de relations, non de possession
Suit une séquence de paroles qui commente cette parabole. Comprenez : devant Dieu, vous, les riches, vous ne serez jamais que des gérants, et des gérants bons à mettre dehors si vous gérez mal les richesses qui vous ont été confiées. La seule issue est de gérer votre argent en le partageant. Vous êtes appelés à une vie de relation et non de possession. D’ailleurs l’argent est un bien étranger qui peut vous aliéner. Sa gestion est un lieu d’apprentissage, pour vous préparer à recevoir votre vrai bien : la richesse du Royaume. Dieu ou l’Argent, il faut impérativement choisir ; nul ne peut servir deux maîtres.

Sur le bon usage de l’argent
L’argent ne nous appartient pas, il nous est confié et nous avons à le gérer selon le dessein de celui qui nous l’a confié, à savoir Dieu. Il s’agit d’être « riche pour Dieu ». La parabole met bien en relief cette situation de gérance. L’argent nous est doublement étranger non seulement parce que nous n’en sommes pas les « propriétaires », mais les gestionnaires mais aussi parce qu’il n’est pas notre « vrai bien », seulement le terrain d’exercice où nous faisons la preuve que nous méritons confiance « en de petites choses ». C’est alors « le vrai bien » (la participation active au Royaume de Dieu) qui pourra nous être confié.

Dieu ou l’argent !
Dans la vie quotidienne, le choix entre ces deux réalités n’est pas simple. Il peut s’exprimer ainsi : Quelle est ma préférence ? La possession ou la relation ? Le don ou l’accumulation ? Vais-je mettre le prix dans l’éducation de mes enfants ? Vais-je privilégier des investissements « éthiques » ? Dans quelle mesure, suis-je capable de donner de l’argent, du temps, mes richesses humaines ? En quoi ce que je possède permet des liens plus étroits avec la famille, le quartier, les plus pauvres ? Nous avons qu’un seul maître : Dieu. L’argent peut nous permettre de l’honorer si on est capable de bien l’utiliser et de ne pas passer tout son temps à en gagner.

Didier Rocca

2022-08-21T21:52:52+02:00