Olivier

À propos de Olivier

Cet auteur n'a pas encore renseigné de détails.
Jusqu'à présent Olivier a créé 349 entrées de blog.

Lettre du Villard – mai 2020

LETTRE DU VILLARD

Le Villard, le 20 mai 2020

Mon cher,

Votre dernière lettre nous confirme dans l’idée que la période de confinement qu’a subie votre famille n’a pas été trop difficile à vivre et que les rites que vous aviez choisis avaient du bon pour éviter que le temps que vous ne trouviez pas à valoriser comme à l’ordinaire ne soit du temps évaporé.

À entendre Mimiquet qui, dès le 11 mai, est monté de la vallée pour nous faire causette, un pan entier de la société des gens prétendument rassis, disons de notre âge, est retombé sinon en enfance, du moins en adolescence, les gens passant le plus clair de leur temps à jouer avec leur téléphone pour échanger des plaisanteries. On dit communément que la nature a horreur du vide et l’expérience est là pour montrer que bien souvent nous ne résistons pas à la tentation de nous livrer à des activités « occupationnelles », comme on dit maintenant, pour « passer le temps » quand ce n’est pas pour le « tuer ». Ceci dit, comme l’a souligné le Pape, qui sommes-nous pour juger ? Que telle activité est plus noble qu’une autre ? Quelle aune prendre ? L’utilité sociale, peut-être. Ce qui n’empêche pas que l’activité de certains bénévoles relève parfois aussi de l’« occupationnel ». Qu’importe ; restons-en aux effets, aux actes et non à ce qui a pu les motiver. Si l’Enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions, le Ciel est sans nul doute constellé d’étoiles qui ne s’attendaient pas à s’y trouver.

Les gens qui ont un peu d’expérience ne mésestiment pas la vertu éducative du « temps vide », de l’ennui, qui conduit ceux qui y sont confrontés à développer leur imagination et leur réflexion, du moins lorsque l’individu a quelques dispositions en ces domaines. N’est-ce pas ce que nous avons connu dans notre enfance, lorsque nous ne voyions plus la fin des « grandes vacances » ? Au rebours de ce que pensent bien des parents, laisser un enfant (un peu) s’ennuyer en veillant discrètement à ce qu’il (ne) fait (pas), n’est pas de la maltraitance mais de la bienveillance.

Vous me rappelez d’ailleurs que, dans un domaine parallèle, cette perspective de ne plus avoir « rien à faire » a effrayé le colonel Gastinel lorsque le moment est venu pour lui de prendre sa retraite. Je me souviens de lui avoir dit qu’il allait passer de la vie subie à la vie choisie mais cela ne le tranquillisait pas pour autant. Sans doute son travail ne lui était-il pas cause d’une souffrance particulière. Ou, du moins, d’une souffrance qui, dans la balance, pesait moins lourd que la crainte de l’ennui de ne plus avoir d’obligation professionnelle. Rassurez-vous, il s’est bien accommodé de cet état.

Mimiquet, que je soupçonne de s’être adonné sans trop de réserve à ce cancanage qu’il stigmatise, relève à juste titre qu’on ne peut être en permanence occupé des seules choses de l’esprit. Je ne peux qu’être de son avis, en relevant cependant que certains comportements donnent à penser que tout le monde ne paraît pas trop voir la raison de se poser la question.

Nous verrons bien, dans les semaines qui viennent, si l’élargissement progressif du déconfinement annoncé va produire des effets en ce domaine. Nous entrons en effet dans une période dont l’observation devrait être passionnante. L’image qui me vient à l’esprit est celle de la débâcle, non de celle de 1940, mais de celle de la banquise ; tout ce qui était figé s’en va çà et là, sans qu’on puisse prévoir ce qui peut advenir. Le monde sera-t-il meilleur ou sera-t-il pire ? Les réponses qu’on est tenté d’apporter dépendent moins de la raison, inopérante en la matière, que du système hépatique ; je veux dire par là qu’il y a des gens qui, comme on dit, « se font de la bile » et d’autres non. Il y a ceux qui prennent leurs désirs pour des réalités et qui ne voient pas de raison pour s’encombrer des expériences du passé. Mais il y a aussi ceux qui considèrent que si les choses sont ce qu’elles sont ce n’est pas sans raison. D’autres encore sont dans l’incantation et se complaisent avec les œillères qu’ils se sont données.

L’expérience des mois passés et des multiples pronostics contradictoires qui nous ont été livrés devraient nous conduire à être particulièrement prudents. Aucun État n’a su que faire et tous ont improvisé, avec leur culture. On ne reprochera pas sans mauvaise foi aux politiques de ne pas avoir trouvé de parade à un mal dont on ne sait toujours rien. Me Beraud, avec qui nous avons repris quelques relations distantes et qui nous rejoint pour le café sur le balcon, abonde dans ce sens mais considère qu’il aurait mieux valu qu’ils tiennent un langage de vérité, qu’ils disent qu’ils ne savaient pas ce à quoi nous étions affrontés et qu’ils allaient faire au mieux, non seulement avec les moyens du bord mais aussi avec ceux qu’ils n’ont pas, puisque c’est avec les impôts qu’on va prélever sur les contribuables payant l’impôt1 qu’on va essayer de rembourser les dettes ainsi accumulées. Gastinel, qui partageait ce jour-là notre conversation, lui a remontré qu’une telle franchise aurait été insupportable dans un pays comme le nôtre, où la surenchère démagogique est le moteur de la vie politique et la recherche du consensus une tare inavouable. Nous n’étions pas, et nous ne sommes pas plus, prêts à accepter la vérité, d’autant plus qu’après des mois de recherches nous avons l’impression qu’elle court devant nous en nous fuyant.

On ne peut, non plus, écarter le risque que les pouvoirs publics ne reçoivent un choc en retour car le fait d’avoir essayé de donner à penser qu’ils savaient ce qu’ils faisaient ou disaient, dans un domaine où ils ne savaient pas grand-chose, a sans doute sapé la confiance minimale dont ils bénéficient en bien d’autres domaines : qui peut dire que les orientations économiques, militaires, culturelles, et j’en passe, qui sont présentées aux différentes démocraties (les dictatures n’ont pas ce genre de problème) ne sont pas décidées dans un contexte d’aussi grande incertitude ? La France a connu suffisamment de défaites militaires pour être un tant soit peu concernée par la question. Que dire des politiques économiques dont on nous affirmait qu’elles allaient apporter la prospérité et le plein-emploi ? J’espère que ceux qui avançaient cela y croyaient un peu… Et que dire de ceux qui veulent plus (ou moins) d’Europe ? En ignorant tout ce que cela peut donner. Dans le courant du xxe siècle, on a tenté de nous convaincre que la complexité de ce qui constituait l’action gouvernementale ne pouvait être laissée à de braves citoyens élus du peuple, qui n’avaient du bien commun qu’une aspiration, non une expérience. C’est ainsi que l’idée de gouvernements de technocrates a fait son chemin jusqu’à ce qu’on en voie, notamment dans la crise sanitaire actuelle, les limites mais aussi les aspects suicidaires. La liberté de parole inhérente à la démocratie permet à chacun d’exprimer ses doutes ; il serait tragique qu’on glisse du doute ponctuel à une suspicion généralisée.

Notre ami notaire m’a cité, à propos de cette crise, un adage de l’ancien droit dont la force réside notamment dans la concision : « La bonne foi n’exclut pas l’impéritie »2. Ce que nous vivons confirme la pertinence de l’adage mais ne nous assure pas, mais alors pas du tout, que d’autres auraient eu les aptitudes voulues dans les circonstances actuelles. Il faut donc être humble. À Gastinel, qui est un enthousiaste, qui est prêt à faire confiance à ceux qui lui disent ce qu’il aime entendre et à tenter le saut dans l’inconnu, j’ai cité Saint Exupéry : « Ce qui sauve, c’est de faire un pas. Encore un pas »3. Et je lui ai rappelé que l’Histoire ne montre pas que les révolutions aient apporté aux peuples les bonheurs que leurs auteurs leur promettaient. Comme je disais qu’à mes yeux la seule façon honnête de vivre était, que l’on soit chrétien ou non, de se comporter en hommes de bonne volonté, au sens où l’entend l’Évangile, cela a eu le don de l’exaspérer : « Ce ne sont que prêchi-prêcha » a-t-il fulminé en déposant sa tasse.

Heureusement, Mimiquet était là et a fait diversion en me demandant s’il devait faucher votre pré. Je me suis cru autorisé implicitement à l’inviter à le faire. J’espère que vous pourrez prochainement nous confirmer que vous venez passer vos vacances au Villard ; ce sera pure charité de votre part car avec le confinement nous tournons toujours plus en rond et nous craignons de ne pouvoir soutenir une conversation avec votre famille.

Croyez en nos pensées les plus amicales.

P. Deladret

  1. 16 sur 38 millions de foyers fiscaux.
  2. Impéritie : manque d’aptitude.
  3. Terre des hommes, 1938.
2020-12-18T08:51:18+01:00

Édito juin 2020 > Responsabiliser

Parmi les missions éducatives de l’Œuvre, la prise de responsabilité a une place de choix. Dès que cela est possible, les jeunes sont invités à être responsables. Cela commence par la responsabilité personnelle, l’autonomie, puis une étape supplémentaire est rapidement mise en œuvre, à savoir la responsabilité vis-à-vis des autres, dans le service, la participation aux tâches quotidiennes, l’organisation d’activités, la prise d’initiatives. Depuis la création de l’Œuvre par Jean-Joseph Allemand, cette notion a été primordiale, sans doute parce qu’elle est un fondement de la construction de la personne et qu’elle permet de grandir dans la confiance et dans la foi. Très tôt dans l’histoire de l’Œuvre, les grands ont eu la charge des plus jeunes.

La confiance

Pour prendre des responsabilités il est nécessaire de grandir dans la confiance, qui est d’abord reçue. Ce sont les autres qui expriment par leurs paroles et leurs actes qu’ils croient en nous. Ce regard encourageant et bienveillant permet de croire en soi et d’être capable de répondre de ses actes en assumant des responsabilités. C’est ce qui fonde une grande partie du travail éducatif : faire comprendre à la personne qu’elle est capable, qu’elle peut réussir, que l’on croit en elle et qu’elle peut s’engager au service des autres. Nous savons bien que la confiance donne des ailes et nous permet de réaliser ce qui aurait paru impossible si nous n’avions pas été encouragés. Si l’on ne faisait pas comprendre à l’enfant que l’on croit qu’il est capable de marcher ou de faire du vélo, il s’arrêterait à la première chute en pensant que ce n’est pas dans ses capacités et qu’il n’est pas fait pour cela. Dans tous les apprentissages nous avons besoin du regard des autres et de leurs encouragements. Avant que la confiance soit intériorisée nous avons besoin de la recevoir des autres.

La foi

Dans un registre plus spirituel on emploie un terme qui a la même racine que la confiance : la foi. Nous exprimons par cela que nous fondons notre vie sur l’invisible, sur ce qui n’est pas palpable ou matériellement prouvé. Combien de femmes et d’hommes ont réalisé des merveilles en s’appuyant sur leur foi… Sans avoir de certitude, ils ont pris des risques, ils se sont engagés dans des missions qui paraissaient folles ou impossibles et ont accompli des œuvres extraordinaires. De manière paradoxale, nous constatons que cette dimension de la foi est dans la nature humaine. Même hors du registre religieux : la vie amoureuse se fonde sur ce qui est invisible pour les yeux. On ne peut pas vérifier l’amour matériellement, c’est un sentiment, une émotion, une énergie qui donne la force de poser des actes. Et Dieu sait combien l’amour est le moteur de l’existence. Dans la religion, la foi est aussi à recevoir de la part de Dieu qui exprime qu’il croit en l’humanité, qu’il ne désespère jamais de l’homme, qu’il le sait capable de se relever et de faire les bons choix. Jésus, à l’occasion de toutes ses rencontres, n’enferme jamais l’homme dans son péché mais lui offre le pardon et la guérison, une promesse d’avenir.

La responsabilité

Le responsabilité est le fruit d’une éducation qui a posé de bonnes fondations afin que le jeune soit capable de répondre non seulement de ses propres actes mais aussi de l’existence des autres. Cela peut être vertigineux, par exemple lorsque l’on est parent et que l’on se sait responsable de la vie d’une personne qui n’existait pas avant qu’elle soit conçue par notre désir d’amour et de vie… Je crois que d’une manière moins impressionnante mais tout aussi belle les animateurs vivent cette expérience de la responsabilité lorsqu’ils accompagnent les jeunes dans les années de leur croissance à l’Œuvre. L’éducateur responsable aide à grandir les autres et ce faisant il poursuit sa propre maturation, c’est non seulement vertigineux mais surtout merveilleux ! Savoir répondre de soi, de ses actes et des autres, c’est cela la responsabilité. C’est une manière de nous ouvrir à ce que l’Église appelle la « communion des saints » : nous ne sommes pas des être isolés dans des bulles, comme cela a été imposé à beaucoup d’entre nous durant le confinement, nous sommes des personnes reliées, nourries par les relations, responsables de nous-mêmes et de ce que nous nous donnons les uns aux autres

Olivier

2020-05-30T09:05:02+02:00

L’Évangile du mois de juin 2020

L’Évangile de ce mois sera proclamé le 14 juin prochain à l’occasion de la journée familiale qui devrait avoir lieu à Carabelle.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Après la multiplication des pains, Jésus dit à la foule : « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour toujours. Et ce pain que je donnerai, c’est ma chair livrée pour la vie du monde ». Les Juifs commencèrent à se diviser. Ils disaient : « Cet homme va-t-il nous donner à manger de la chair ? » Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang vit de vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour. Ma chair est vraiment nourriture, et mon sang est vraiment une boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. De même que je vis par le Père, car le Père qui m’a envoyé est vivant, de la même façon celui qui me mange vivra par moi. Voici le pain qui est descendu du ciel. Ce ne sera pas comme pour vos pères qui ont mangé, et ensuite ils sont morts : celui qui mange ce pain vivra pour toujours. »

La réception de ces paroles…

À la suite de ce discours, de nombreuses personnes ont cessé de suivre Jésus. Ce qu’il disait était inacceptable. Alors, il s’est retourné vers les Douze et il leur a demandé s’ils voulaient partir. C’est à ce moment-là que Pierre a répondu : « Seigneur, à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ».

La chair à manger ?

Comme les contemporains de Jésus, nous pouvons aussi nous interroger : « Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? » Même avec du recul, « manger Jésus » reste une question. Sa présence dans ce bout de pain reste délicate à saisir et à exprimer. Pour s’en convaincre, il suffit d’essayer d’en parler autour de nous, en particulier à ceux qui ne partagent pas notre foi. D’ailleurs, ce n’est pas un petit paradoxe : les paroles que nous adresse Jésus semblent incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Comment donc s’en sortir ? Il nous faut suivre le chemin de Pierre. Vivre de ces paroles, les laisser pénétrer en nous sans d’abord vouloir les expliquer ; autrement dit, pour comprendre l’Eucharistie, il faut avant tout la vivre, en vivre et laisser l’Esprit nous faire saisir peu à peu ce qu’elle est vraiment. Que cela ne nous empêche pas d’aller plus avant dans ce texte…

La vie…

Le mot « vie » avec ses dérivés revient souvent dans ce passage : « Je suis le pain vivant », « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement », « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ». Que peut-on dire de cette vie dont nous parle Jésus ? Elle est d’abord un cadeau, cette vie est un don, elle nous est offerte par grâce. Cette vie que Jésus nous donne nous rend vivants, elle nous transforme en être vivant, en être capable de donner, de se donner et même de pardonner. 

Carburant hebdomadaire

Si au jour de notre baptême, nous avons reçu la vie de Dieu en nous, celle-ci a besoin d’un carburant qui pourra permettre à cette vie divine de s’exprimer dans notre vie quotidienne. Jésus en parle en termes de nourriture et de boisson. De la même manière que sans eau et sans alimentation, la vie humaine n’est pas possible au simple sens biologique, sans le corps et le sang du Christ reçus lors de la messe, notre vie spirituelle meurt peu à peu. Cette nourriture est absolument vitale. La communion, c’est notre pain pour la route.

Communion et confinement…

Ces derniers mois, nombreux ont été ceux qui ont été privés de la communion. S’ils n’ont pas pu communier concrètement parce que cela leur était interdit, ils ont pu vivre cette communion dans leur cœur. On appelle cela la communion de désir. C’est un peu comme lorsque ne pouvant pas embrasser la personne aimée parce qu’elle est en voyage ou absente, on lui envoie une lettre ou un message. Heureusement, cela est exceptionnel. Mais ce jeûne eucharistique forcé est un rappel pour chacun d’entre nous de réaliser son importance.

Didier Rocca
Monsieur de l’Œuvre

Le mot du jour : Vie

Ce mot désigne à la fois l’état de celui qui possède de la vitalité, ou qui est animé mais aussi et surtout dans le contexte de cet évangile la plénitude absolue de Vie, la Vie vouée à Dieu, bénie, même dans ce monde, pour ceux qui mettent leur confiance en Christ.

2020-05-30T09:48:21+02:00

Édito mai 2020 > Promouvoir la liberté

Parmi les objectifs de la mission de l’Œuvre et de la pédagogie mis en pratique dans nos maisons, il y a la promotion de la liberté. Avec les semaines de confinement que nous vivons, privation de liberté parfois difficile à supporter, nous avons sans doute une meilleur compréhension de la chance que nous avons d’être libres. Ce n’est pas l’apanage de l’Œuvre de promouvoir la liberté, puisque tout acte éducatif doit avoir pour but d’aider les personnes à découvrir ce que c’est qu’être libre. Dans le cadre de l’année du bicentenaire de l’installation de l’Œuvre à St-Sa, nous poursuivons notre réflexion sur notre mission.

Qu’est-ce que la liberté ? Si l’on croit que la liberté consiste à faire tout ce qu’on veut, alors on risque d’aboutir à promouvoir le caprice et le nombrilisme. En effet, tout ce que l’on veut n’est pas toujours bon, ni pour nous ni pour les autres. Il y a des pratiques, des consommations ou des activités qui sont attirantes, qui procurent une certaine jouissance, qui sont fascinantes, et qui cependant sont dangereuses. Si nous écoutons toujours nos envies nous risquons de devenir esclaves de nos pulsions, ce qui est l’inverse de la liberté. Promouvoir la liberté consiste à éduquer les jeunes pour qu’ils sachent discerner ce qui est bon pour eux et pour ceux qui les entourent, et pour qu’il se donnent les moyens de découvrir quel est leur réel désir.

Savoir faire des choix

Être libre, ce n’est pas faire tout ce qu’on veut mais c’est savoir choisir. Une image peut nous aider : dans un rond-point il y a le choix entre plusieurs routes. La liberté peut être comprise comme la possibilité offerte de toutes ces directions multiples, et elle serait amoindrie si l’on faisait un choix, puisqu’il faudrait renoncer aux autres routes possibles ;  « être libre » nous inciterait à « tourner en rond » avec la fausse satisfaction d’avoir toujours autant de possibilités devant nous. Il est une autre conception de la liberté : c’est la capacité de faire un choix et donc de renoncer, en connaissance de cause et en se donnant les moyens de discerner pour faire le meilleur choix possible. Il y a un paradoxe apparent dans cette conception, car être libre c’est savoir choisir, et donc accepter de renoncer à une part de liberté.

Oser s’engager

Lorsque l’on fait un choix réfléchi, on s’engage totalement, sans regret, avec tout son être, en se donnant les moyens de la réussite. Il n’est pire erreur que de prendre un chemin et de passer son temps à regretter les autres voies possibles, cette attitude est vouée à l’échec. La tentation de penser que « l’herbe est plus verte dans le pré du voisin » est grande ; c’est une illusion car, vues de loin, les choses peuvent sembler plus faciles alors que la réalité n’est jamais idéale. La seule manière de dépasser les crises, c’est de les traverser et de regarder en avant. Mais cela ne doit pas être un dogme…

Le droit à l’erreur

Cette compréhension de la liberté peut faire peur car lorsqu’on emprunte une voie on tourne le dos à d’autre chemins possibles. Que se passe-t-il si l’on se rend compte que l’on fait fausse route ? Il est évident que tenir coûte que coûte alors que l’on va droit dans un mur est dangereux. Parfois il faut avoir la lucidité de comprendre qu’il faut changer de voie, que l’on s’est trompé, que la route que l’on suit n’est pas une autoroute mais un sentier qui se trace au fur et à mesure de l’avancée et qu’il faut redresser la barre ou carrément changer de direction. Il ne s’agit pas de tout remettre en cause à la moindre difficulté ou à la moindre crise, mais il faut savoir prendre du recul pour regarder l’itinéraire de notre vie et discerner si la direction prise est toujours la bonne. Il n’est jamais trop tard pour se convertir.

Éduquer à la liberté

Chaque vie est unique. « Il est du devoir de chacun de prendre en considération qu’il est au monde unique en son genre et qu’aucun homme pareil à lui n’a existé dans le monde car, si un homme pareil à lui avait déjà existé dans le monde, il n’aurait pas lieu d’être au monde », dit Martin Buber. La mission de l’Œuvre est d’éduquer à la liberté. Expression qui peut paraître étrange si l’on réduit l’éducation à l’apprentissage ou à l’imitation. Mais en réalité l’éducation vise à faire grandir l’autre pour qu’il advienne à sa véritable personnalité, car personne n’a de modèle à imiter. Disciples du Christ, nous sommes invité à veiller à ce que tous ceux que nous rencontrons grandissent en liberté.

Olivier

2020-04-30T20:46:35+02:00

Lettre du Villard – avril 2020

LETTRE DU VILLARD

Le Villard, le 15 avril 2020

Cher ami,

Quelle n’a pas été notre joie de voir déboucher du grand virage que surplombe Le Villard la fourgonnette jaune du facteur et de découvrir celui-ci quelques instants plus tard en train de glisser une liasse de courrier dans notre boîte à lettres ! Il y avait tellement longtemps que nous l’attendions ! Je me suis avancé pour lui dire toute ma satisfaction de le revoir, mais, malgré son masque et ses gants de protection, il s’est réfugié derrière son véhicule en m’enjoignant de ne pas approcher. Ne tenant pas à hypothéquer les relations que j’espère continuer d’avoir avec lui si la maladie ne m’emporte pas entre-temps, j’ai invité notre hermès encagoulé à venir prendre le verre qu’il méritait à mes yeux pour accomplir chaque jour les kilomètres que l’Administration lui impose pour délivrer notre courrier. Il s’est réfugié dans son véhicule et est reparti en trombe.

Cela m’a permis de découvrir plus tôt (car habituellement le facteur, vous le savez, est assez bavard, surtout si notre hameau est la dernière escale de son périple journalier) la surprise que vous nous aviez réservée en nous envoyant cette lettre affectueuse. Nous avons eu ainsi la confirmation que votre petite famille passait du mieux possible l’enfermement qui nous est imposé. Vous soulignez à juste titre que vous avez la chance de pouvoir vivre ce temps sans trop d’ennui en raison du métier que vous exercez et de l’équipement confortable de votre foyer. J’ajouterai, pour un peu vous connaître, que votre curiosité doit vous inciter à vous aventurer sur les domaines encore en friche de votre culture. On prête à un personnage de Terence1 cette belle déclaration : « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger » et je crois que vous l’avez faite vôtre, ce qui vous préserve au moins de l’ennui. Je suis d’ailleurs surpris qu’en cette période où nous avons perdu le droit d’aller et de venir à notre guise, et selon notre humeur, la correspondance n’ait pas retrouvé ses lettres de noblesse ni une pratique plus soutenue. On aurait pu croire que nos assignations à résidence auraient fait renaître le goût d’écrire que nous eûmes en des temps maintenant assez anciens. Oh ! Bien sûr, personne ne dira que nous ne communiquons pas et la moindre circonstance de notre existence de reclus engendre un usage du téléphone que nous imaginions propre aux riches oisives. Je suis d’ailleurs très heureux que le téléphone me permette de continuer de partager la vie de ma famille, de maintenir des contacts cordiaux avec mes amis et des échanges réguliers avec mes relations. Nous communiquons donc, mais je constate que nous en restons souvent au simple échange d’informations ; notre champ d’intérêt paraît limité au factuel. Le téléphone ne se prête peut-être pas à des exposés argumentés, ne serait-ce que parce qu’il n’est pas rare que la conversation ne soit pas concomitante à d’autres activités, l’un des interlocuteurs appelant en regardant une émission de télévision, tandis que l’autre, surpris en cuisine, achève sa préparation tout en bavardant. Le téléphone ne se prête pas toujours au développement d’une pensée qui a parfois besoin de se polir, de s’affiner, ce qui ne va pas sans tâtonnements, dans la recherche du mot juste, de l’expression qui rendra le mieux la pensée. J’en veux pour preuve ces lettres retrouvées les jours derniers, lorsque la fantaisie nous a pris d’essayer de mettre un peu d’ordre dans nos affaires, puisque nous ne pouvions invoquer la prééminence d’autres activités pour nous en dispenser. Nous avons ainsi relu ce que des amis nous écrivaient, il y a trente ou quarante ans, et retrouvé les sujets qui constituaient le fond de cette correspondance, les arguments que nous échangions, les précautions qui étaient prises pour avancer une idée qui pouvait déranger l’autre. Nous avions peut-être l’âge de refaire le monde, mais la seule actualité n’épuisait pas le domaine de nos échanges. En retrouvant ces lettres, la pauvreté de nos entretiens téléphoniques nous a interpellés ; à moins que ce soit le champ de nos curiosités qui se soit rétréci ou que nous n’ayons plus trop goût à la controverse. En vieillissant, il n’y a pas que les artères qui durcissent.

Toujours est-il que nous ne prenons plus beaucoup la plume, ni même le clavier ; nous échangeons peu de lettres ou de cartes de vœux en début d’année, et nous recevons peu de cartes postales des voyages de nos amis. Bienheureux sommes-nous, à juste titre, si nous parviennent, de Lavoûte-Chilhac ou des chutes du Zambèze, une photo accompagnée d’un mail ou d’un SMS nous montrant que le dépaysement – sans doute plus marqué dans un cas que dans l’autre – ne nous a pas définitivement effacés de la mémoire de l’auteur du message. Les « Bons baisers » et « Amicales (ou affectueuses) pensées » qui constituaient l’essentiel de cette correspondance, ne volaient pas plus haut que les « T’es où ? » de nos dialogues téléphonés ; n’enjolivons pourtant pas le passé ; sommes-nous certains que ces petits cailloux laissés sur le chemin de nos relations reflétaient des sentiments autres que ceux que nous exprimons en suivant la mode de notre temps ?

On n’écrit plus beaucoup, et j’ai découvert l’étiage actuel de l’intérêt pour la lecture. Un ami me disait l’autre jour – par téléphone, rassurez-vous – que, par les temps qui courent, il n’avait pas trop envie de lire, car cela lui demandait un peu de concentration et de présence d’esprit pour relier les phrases les unes aux autres. Il avouait hésiter devant cet effort d’attention et préférait laisser filer devant ses yeux les images de télévision qui parfois le distrayaient. Est-ce l’effet de l’enfermement que nous imposent les pouvoirs publics, en espérant que cela servira à quelque chose pour limiter la propagation de ce virus exotique ? J’ai l’impression que nous baignons dans l’atmosphère onirique du tableau « Jour de lenteur »2. Nous sommes dans un univers où le moindre effort nous coûte et où nous avons l’impression que le temps ne compte plus. Comme disait un personnage de l’Almanach Vermot de la grande époque, adaptant un mot de Pierre Reverdy3, « Je passe tellement de temps à ne rien faire que je n’ai plus le temps de faire autre chose ». Le moindre effort paraît peser ; nous avançons comme des scaphandriers aux semelles de plomb ; tout est englué ; les problèmes sont enkystés. On sait pourtant qu’il va falloir atterrir, et pas forcément sur un bon terrain. Cela me fait penser à ce pilote, personnage de Saint-Exupéry, qui est perdu au-dessus des nuages et qui hésite à descendre pour voir ce qu’il y a au dessous4.

Aujourd’hui, ce qu’il y a dessous est ce qu’il y aura après. Toutes les hypothèses sont évoquées, analysées, débattues, controversées. La seule certitude est qu’aucune n’est certaine. Et cela vaut autant pour les causes de ce fléau que pour les conséquences.

Vous établissez dans votre lettre un parallèle entre cette situation que nous subissons et le mystère de la condition humaine, ne sachant avec certitude comment la bien vivre et où elle nous conduit. Notre monde est confronté à un fléau qu’il n’avait jamais connu. Sa nature et la facilité de sa dispersion dans un univers humain mondialisé tiennent en échec les réflexes de survie, les connaissances, et les habitudes. Les politiques, qui ne sont pas plus armés que nous et sont de ce fait assez excusables, naviguent à vue entre ce qu’ils pensent que les peuples peuvent supporter et les arguments de conseillers scientifiques qui reconnaissent qu’ils ne savent pas grand-chose. L’exacte mesure du risque n’a pas été prise, mais le pouvait-on ? La confiance que nous avons dans le degré de nos connaissances a certainement fait que nous ne pensions pas pouvoir être pris au dépourvu et qu’en tout état de cause, nous pourrions trouver la parade. La prise de conscience retardée de notre incapacité à faire face immédiatement a créé des attentes ; celles-ci sont d’autant plus fortes que le handicap à compenser s’en est trouvé élevé. L’angoisse rogne maintenant les acquis culturels et rend les consciences les plus fragiles sensibles aux croyances irrationnelles.

Vous concluez heureusement votre lettre en affirmant, comme Calderon5 que le pire n’est jamais certain. C’est effectivement le seul constat rationnel. Surtout lorsqu’on a la volonté de s’en sortir.

Nous vous redisons toute notre amitié et notre espoir de vous voir bientôt. Le printemps a rarement été aussi doux dans notre belle vallée !

P. Deladret

  1. Publius Terentius Afer, Poète latin (-190 ; -159), dans l’Héautontimorouménos (!).
  2. Jour de lenteur, 1937 d’Yves Tanguy, peintre surréaliste français.
  3. Pierre Reverdy 1889-1960, poète surréaliste français.
  4. Fabien, dans Vol de nuit, 1931.
  5. La vie est un songe, Pedro Calderon de la Barca 1635..
2020-12-18T08:50:55+01:00

L’Évangile du mois de mai 2020

Dimanche 17 mai, nous célébrerons le 5e dimanche du temps pascal. Où intervient encore Thomas.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Que votre cœur ne se trouble pas : croyez en Dieu et croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Sinon, je ne vous aurais pas dit que je m’en vais pour vous préparer une place. Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai près de moi, de sorte que vous soyez aussi là où je suis. Et vous savez le chemin pour aller où je vais. »

Thomas lui dit alors : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas, comment pouvons-nous en savoir le chemin ? »

Jésus lui dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne vient au Père sans passer par moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. D’ailleurs, dès maintenant vous le connaissez et vous l’avez vu. »

Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. »

Jésus lui dit : « Philippe, j’ai été si longtemps avec vous et tu ne me connais pas encore ? Celui qui m’a vu, a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? Tout l’enseignement que je vous ai donné ne vient pas de moi, mais le Père demeure en moi pour accomplir ses propres œuvres. Je suis dans le Père et le Père est en moi ; faites-moi confiance en cela, ou sinon, croyez-le à cause de ces œuvres.En vérité, en vérité, je vous le dis : si quelqu’un croit en moi, il fera lui aussi les œuvres que je fais, et comme je retourne vers le Père, il en fera de plus grandes encore. »

Le contexte

La première phrase résume bien tout ce discours. « Ne soyez pas bouleversés, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». Il est bien évident que si Jésus leur dit cela, c’est que les disciples ne cachaient pas leur angoisse et ils ont de bonnes raisons de l’être. Ils se sentent cernés par la méfiance voire l’hostilité générale, ils réalisent progressivement que le compte à rebours est commencé.

Un Messie tel qu’on ne l’attendait pas…

Non seulement, ils sont dans l’angoisse mais certains témoignent d’une grande déception, ils espéraient que Jésus délivrerait Israël de l’occupation romaine. On comprend donc que Jésus déplace leur espérance sur un autre terrain. La libération qu’il apporte se situe ailleurs, s’il ne comble pas l’attente terrestre de son peuple, il est pourtant celui qu’Israël attend depuis si longtemps.

Croire

Faisant appel à leur foi, Jésus revient à plusieurs reprises sur le verbe « croire ». Seulement, une chose est de croire en Dieu, une autre est de croire en Jésus, au moment précisément où il semble avoir définitivement perdu la partie. De plus, pour accorder à Jésus la même foi qu’à Dieu, il faut, pour ses contemporains, faire un saut considérable : saisir l’unité profonde entre le Père et lui. On comprend mieux la question de Philippe qui n’arrive pas à comprendre que le visage du Père n’est autre que celui de Jésus.

Je suis le Chemin…

Sous-entendu le chemin vers le Père. Autrement dit, pour aller vers le Père, nous sommes invités à emprunter la même route que celle de Jésus. Laquelle ? Vivre le commandement de l’amour. Aimer de tout notre cœur sans avoir peur du mépris, des difficultés et même de la mort. Ce chemin pascal de mort et de résurrection est celui de Jésus auquel nous sommes conviés dès aujourd’hui.

Je suis la vérité et la vie

Ces paroles de Jésus qui commencent par « je suis » dont Jean raffole dans son Évangile ne sont pas sans rappeler la révélation de Dieu à Moïse lors de l’épisode du buisson ardent : « Je suis qui je suis ». Elles disent inséparablement l’identité de Dieu et de son Fils.

Le faire et le croire

Dans le dernier verset, Jésus dit clairement que c’est la foi en lui qui produit les œuvres. Mais de quoi s’agit-il ? Les œuvres de Dieu renvoient pour ses auditeurs à cette grande œuvre de libération de son peuple au temps de Moïse. Cela veut donc dire que désormais les disciples sont associés à l’œuvre entreprise par Dieu pour libérer l’humanité de tout esclavage au sens large. Cette promesse du Christ qui clôt l’Évangile de ce dimanche devrait nous convaincre que cette libération est possible.

Didier Rocca
Monsieur de l’Œuvre

Le mot du jour : Thomas

Il est l’un des douze et intervient à trois reprises selon les Évangiles. En plus de celui de ce mois-ci, il y a l’épisode bien connu ayant lieu une semaine après la Résurrection qui donne lieu à cette béatitude prononcée par Jésus et qui nous est adressée : « Heureux qui croit sans avoir vu ! » Mais Thomas n’est pas qu’une figure de l’incrédulité. Au moment de la mort de Lazare, Thomas s’écrie : « Allons-y, nous aussi, nous allons mourir avec lui ! » Reconnaissons-lui aussi de la fougue et un zèle missionnaire qui le mènera à aller annoncer la Bonne Nouvelle jusqu’en Inde.

2020-04-30T20:41:47+02:00

Semaine Sainte 2020

Lectures disponibles sur le site AELF (https://www.aelf.org/

LA SEMAINE SAINTE :
SEMAINE DE CONTEMPLATION

1. La Semaine Sainte commence le dimanche des Rameaux.
Jésus entre à Jérusalem, acclamé par une foule de disciples et d’amis comme le Messie : Celui qui vient au nom du Seigneur. Ils étendaient des branches de rameaux sous ses pas en son honneur C’est après coup que les disciples ont compris : Jésus n’a pas l’habitude de se faire acclamer, mais ce jour-là il l’a fait exprès, et dans un comportement inattendu : le Messie monté sur un ânon – le contraire des rois puissants avec chars et chevaux ; il mettait en scène la prophétie de Zacharie : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse ». L’entrée des Rameaux, c’est l’entrée dans notre histoire de « Jésus, doux et humble de cœur », qui substitue la douceur à la violence pour instituer la paix.
Nous écoutons ensuite le récit de la Passion, en saint Matthieu cette année. Comme le récit de Marc, il laisse voir en Jésus le modèle des justes, innocents, exposés, moqués, violentés, dont Dieu est le seul recours, comme dans la prière de s Psaumes qui est sur ses lèvres – et le modèle des prophètes rejetés avant d’être reconnus : ils le seront seulement après leur mort ; dans le récit de Matthieu, au moment où Jésus meurt, « les tombeaux s’ouvrent et de nombreux corps des trépassés ressuscitent » ; manière symbolique de dire le salut final inauguré par la mort de Jésus.

2. Le Jeudi saint célèbre l’engagement personnel de Jésus dans sa Pâque
Ce qui sera vécu à l’extérieur, en public, est d’abord anticipé dans l’intimité du cercle des disciples. C’est cet engagement personnel qui donne sens à la Passion. Avant d’être livré, c’est lui qui se livre. Le Jeudi saint, c’est la Passion dans le secret par les gestes de Jésus à portée hautement symbolique (ce qui ne veut pas dire irréels) : l’eucharistie et le lavement des pieds. À la manière des prophètes Jésus accomplit des actions symboliques, actions dans lesquelles il s’engage.
• Dans le pain partagé et la coupe, il se donne personnellement, il donne part à sa vie donnée par amour. Son geste accomplit le sens du rite de l’agneau pascal (1re lecture) : inaugurer la délivrance et le passage vers la liberté en entraînant dans sa Pâque ceux qui se laissent marquer par le don de sa vie.
• Le lavement des pieds, avant d’être un exemple et pour être un exemple, est d’abord un symbole du service par lequel Jésus sur la croix va purifier l’humanité : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ».
Après la Cène du jeudi soir, la communauté se rend au reposoir pour accompagner Jésus dans sa prière de Gethsemani. Prière de détresse mais aussi d’abandon confiant au dessein du Père.

3. Le Vendredi saint célèbre la croix
Cette liturgie est d’abord une grande liturgie de la Parole, suivie de la prière universelle, qui se veut la plus universelle possible en accord avec l’ouverture sans limite des bras étendus du Crucifié.
La première lecture évoque la quatrième Chant du Serviteur dans le livre d’Isaïe (Is 52, 13 – 53, 12). Est-ce Israël ? Est-ce un prophète singulier ? En tout cas, il est ce « serviteur de Dieu » dont les gens n’ont pas saisi, sur le moment, pourquoi il était à ce point affligé, humilié, meurtri, méprisé de la naissance à la mort. Après coup ils se rendent compte que son destin n’était pas une punition divine, mais un acte de solidarité spirituelle avec eux, pécheurs, qui leur valait le pardon en provoquant leur conversion. Celui qui n’avait plus d’apparence humaine était devenu l’homme-pour-tous. En sa passion Jésus « remplit » cette figure.
La deuxième lecture est empruntée à l’épître aux Hébreux avec cette phrase magnifique : « tout Fils qu’il était, il apprit par ce qu’il souffrit ce que c’est que d’obéir ». Dans les passages qui précèdent, l’auteur explique la raison d’être de cette souffrance : le Fils de Dieu voulait être le frère des hommes.
Puis le récit de la Passion selon saint Jean met en relief la liberté souveraine de Jésus ; c’est lui qui se livre quand on vient l’arrêter (« Je-Suis ») ; devant Pilate on ne sait plus qui est interrogé et qui interroge ; il porte lui-même sa croix ; il confie l’un à l’autre sa mère et le disciple bien-aimé pour constituer le noyau de la communauté des croyants avec le groupe des femmes qui sont là ; il meurt avec la conscience d’avoir tout accompli ; il ne rend pas le souffle, il livre l’Esprit.

4. Le saint Samedi : que se passe-t-il aujourd’hui ? Grand silence sur la terre !
Pas de célébration liturgique, mais la contemplation du Christ Jésus qui descend victorieux aux enfers. « C’est le premier homme qu’il va chercher comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui sont confinés dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort. Oui c’est vers Adam captif, en même temps que vers Eve captive, elle aussi, que Dieu se dirige… Lorsqu’il le vit, Adam, le premier homme, se frappant la poitrine dans sa stupeur, s’écria vers tous les autres : Monseigneur avec nous tous ! Et le Christ répondit à Adam : et avec ton esprit ».
Dialogue stupéfiant qui inverse notre salutation liturgique, parce qu’il inverse les positions habituelles de Dieu et de ses créatures. Le confinement actuel est une invitation à vivre cette année le samedi saint comme un temps de silence, d’étonnement et d’accueil devant ce Dieu qui descend au plus bas de notre condition humaine pour nous rendre notre dignité.

5. La nuit pascale
Nuit pour célébrer la résurrection, celle de Jésus, mais aussi la nôtre par la célébration des baptêmes. « Si le grain de blé tombe en terre et meurt il porte beaucoup de fruits ». La veillée pascale, appelée à se prolonger jusqu’à l’aurore, relit toute l’histoire du salut depuis la première création jusqu’à la nouvelle création, parce que c’est le livre de notre vie. En cette nuit nous pourrons nous arrêter personnellement davantage à telle ou telle de ces lectures parce qu’elle dit davantage un moment de notre histoire : appel à la vie ; passage de la mer pour la liberté ; épreuve où comme Abraham j’ai été amené à tout donner et où j’ai tout reçu ; expérience de l’exil, de l’éloignement de Dieu, qui a été, par grâce, lieu de pauvreté pour accueillir l’Esprit de la résurrection. À vivre dans une immense action de grâces.

Paul Bony
2 avril 2020

2020-04-02T21:22:14+02:00

L’Œuvre confinée

Voici comment les Messieurs et les animateurs vivent le confinement

La vie de la communauté

Depuis une semaine, comme vous autres, nous voilà confinés.
Les Messieurs de St-Sa vivent comme des moines.
Voici notre « journée type » :

  • 7h45 : prière des Laudes suivies de l’oraison
  • Frère Olivier s’occupe des courses
  • Frère Didier s’occupe du linge
  • Frère Robert s’occupe de la préparation des repas
  • 12h05 : prière du milieu du jour
  • 12h15 : repas puis café offert préparé par Paul et servi dans son bureau, c’est notre récréation !
  • Le vendredi, chemin de croix. Le samedi, chapelet.
  • Après-midi : travaux divers. Didier fait travailler ses élèves à distance et prend des cours sur internet, Olivier range, nettoie, bricole, et gère le plannig de présence des familles sur la cours de l’Œuvre, Robert cuisine, les anciens se dégourdissents les jambes (dans le confinement de l’Œuvre)
  • 19h15 : prière du soir suivi de la messe (sauf samedi dimanche et fête : messe à 11h30)
  • 20h : Repas
  • 20h45 : prière des complies et chacun retourne dans sa cellule. Les plus jeunes travaillent sur leur ordinateur.

Nous sommes ravi que la cours puisse être mise à disposition des familles pour des créneaux toutes les heures au long de la journée.
Le planning est vite rempli. Cela fait un peu de vie dans la cour.
L’Œuvre garde sa raison d’être même en cette période troublée.

Nous vivons au jour le jour dans la joie et la simplicité.
Nous ne connaissons pas plus que vous l’avenir. Combien de temps ? Jusqu’à quand ?
Nous vous renouvelons nos prières pour vous et vos familles.

La vie des animateurs

  • Baptiste, Adrien et Alex font les DJ aux fenêtres ! Retrouvez-les sur Instagram DJ.Corona.2020
  • Eva : j’occupe mon temps à regarder des séries, à faire un peu de sport et surtout à réviser mon concours en attendant les résultats 🙏 et puis à 20h je sors applaudi avec Maya et les voisins et après on écoute nos DJ préfères #DJ.corona 😂😂
  • Jeanne C. : moi c’est tout rattrapage de cours avec pauses au soleil (vive le jardin alléluia) et je mange tout le temps et beaucoup 😂
  • Clémentine : dormir, manger, dormir…
  • Stanislas : j’ai jamais autant travaillé de ma vie !
  • Jeanne de V. : j’ai jamais autant mangé. Ma nouvelle création, des pancakes aux pépites de chocolats ! Bon les pépites ont fondu dans la préparation du coup on dirait des steaks hachés de camps mais c’est une tuerie !
  • Maxime : moi j’ai fais des cookie aujourd’hui et je suis quasi sur qu’ils sont meilleurs que ceux de Monique…
    (nous ne sommes pas convaincus !)
  • Lucie : je joue avec moi frère tous les jours, je vais lire dans le jardin et profiter du soleil (quand il y en a), je bosse, je lis, je dors, je mange et je bosse, puis je bosse encore… au moins je serais prête pour les exams ! 🙂
  • Louis : je me lève à 8 h 50, j’ai cours en visioconférence à 9h jusqu’a 16 h ensuite je joue aux échecs avec mon père et je finis la journée en regardant une petite série
  • Eva Garcia : les profs nous enterrent de devoirs, je me lève à 10h je fais mes devoirs de temps en temps j’ai des vidéos conférences, je joue quand j’ai le temps avec mon père, je cuisine je range, et à 18h30 je fais mon sport.
  • Carole Zeytoune : je me réveille, et ma journée jongle entre les séries, les devoirs, et les jeux et parfois je vais courir, j’ai l’impression que les journées se ressemblent mais pas trop, j’attend impatiemment le confinement se termine et que la vie reprend cours.
  • Sandra Zeytoune : 9h30 – je me réveille 10h 12h – j’ai cours 12h30 – je mange 13h15 15h15 – j’ai cours 15h15 16h30 – je m’occupe en regardant une série, face Time avec des amis,…17h – je fais mes devoirs 19h – je m’occupe 20h – c’est le live de dj.corona.2020 sur Instagram 20h30 – je dîne 21h30 – je fais du sport à la maison ou alors je vais courir 22h15 – je me douche 22h30 – je finis si un devoir n’est pas terminé 23h – je le pose devant un film, série, face Time,…
  • Romane (infirmière) : j’attends gentillement qu’on m’envoie mon planning pour aller dans le service covid…
  • Jeanne V. : durant ce confinement j’ai appris à faire pleins de cuisines différentes, des pancakes, cookies, crumble, sushi, tortilla et pleins de choses encore! J’ai du lire une vingtaine de magazines et passes beaucoup de temps au téléphone à prendre des nouvelles des personnes que je n’ai pas l’habitude d’appelés.Je travaille de temps en temps mais j’ai du mal à me concentrer, surtout que je suis vraiment nul en ordinateur. Parfois il m’arrive de prendre mon petit déjeuner en même temps que de prendre mon cours de sociologie 😄. Je m’occupe de ma petite sœur pour faire un tas de chose comme du vernis des coiffures ou encore espionner nos frères 😂. Je m’occupe comme je peux et essaye de me persuader que ça va passer vite et que je savourerais encore plus mes futures moments de liberté !
  • Baptiste Maurel : le matin je vais courir, ensuite j’essaye de bosser le matin sans grand succès, l’après midi c’est play, ukulele, sport, wii, après c’est séance DJ 💻🕺🏻. Après sinon c’est beaucoup de je m’ennuie, l’imagination est donc mise à rude épreuve !
  • Stanislas : si on m’avait dit qu’un jour on se serait confiné pendant plusieurs semaines, je n’aurais jamais mangé de pangolin
    Je n’aurai pas non plus éternué sur mon voisin. Depuis il a un peu de fièvre et du mal à respirer mais c’est rien de grave, je crois…
    Moi aussi d’ailleurs depuis mon retour d’Italie, je n’arrête pas de tousser et de me moucher… J’ai sûrement attrapé une rhume. Mon voyage en Chine a été annulé du coup je reste chez moi. C’est difficile de s’occuper toute une journée mais ça passe. J’alterne entre séance de sport, révision et préparation de fiche pour mon concours. Je joue à la play et je fais un peu de guitare. Je joue aussi à la belote avec mes parents. C’est sympa quand même ! J’apprends plein de nouveaux truc sur YouTube comme par exemple « l’existence de la sapologie » ou encore « comment fonctionne les fonds verts » et « comment se cloner en vidéo ». En effet je prends le temps de faire des trucs que je fais pas souvent en général (comme réviser ou jouer à la belote avec mes parent). Finalement ça pas si mauvais goût que ça le pangolin
  • Alexis Fracalvieri : je cours de temps en temps, je suis les cours en ligne, je fais du piano, j’essaie de comprendre comment mon logiciel de m.a.o fonctionne, je remplis parcoursup, je regarde des films, youtube, je fais des pompes, je dors +de 10heures par jours, tranquille quoi.
2020-03-25T15:18:48+01:00

Édito avril 2020 > Pâques en confinement

L’épidémie de Coronavirus et le confinement qui nous est imposé m’obligent à revoir ma copie. Je pensais poursuivre le parcours des grands thèmes de la mission et de la pédagogie de l’Œuvre en cette année du bicentenaire de son installation à la rue St-Savournin. Mais on ne maîtrise pas tout, et ce qui se passe en France et dans le monde bouleverse plus que nos petits projets locaux, familiaux, associatifs, professionnels ou personnels.

Manquer pour s’émerveiller
Avec le confinement, nous vivons, sans l’avoir voulu, une des dimensions du Carême qu’on appelle le jeûne, ce qui représente la privation, le manque. Il ne s’agit pas de se priver pour se faire du mal mais de retrouver le véritable goût des choses alors que souvent nous sommes gavés de superflu et que nous ne prenons pas conscience de la chance que nous avons. En ce temps de confinement, nous jeûnons de beaucoup de choses : de liberté, de relations, de proximité, de travail, de sport, de loisirs à l’extérieur, de contact avec la nature, d’engagement solidaire, et ce faisant nous retrouvons le goût de l’essentiel. Combien de témoignages de personnes et de familles qui trouvent du positif dans ce recentrement et ces privations que personne n’aurait accepté de s’imposer. Dans quelques semaines, quand l’épidémie sera passée, nous allons retrouver nos proches avec une autre attitude, quand nous retournerons au travail ou à nos études nous ne serons plus les mêmes, notre relation au monde et à la nature sera transformée, nos voisins et toutes les personnes que nous croiserons dans la rue auront un visage et non plus un masque. Nous qui sommes souvent dans des relations virtuelles ou à distance via les réseaux sociaux nous serons heureux de voir de véritables personnes et de retrouver physiquement nos amis sans écran interposé. Je ne sais pas le temps que ces effets dureront, mais nous aurons changé de regard sur la vie, et cette expérience sera enracinée dans notre mémoire. Nous aurons appris à nous émerveiller de ce qui nous semble acquis et normal. Nous saurons rendre grâce !

L’essentiel est invisible
Avec ce virus, invisible et minuscule, nous comprenons aussi que l’essentiel n’est pas toujours à portée de vue : des choses qui nous dépassent et que nous ne percevons pas agissent de manière très efficace. L’air de rien, ce microbe a bouleversé l’ordre du monde plus sûrement que toutes les décisions politiques, les armes lourdes ou les grands de ce monde : les guerres se sont interrompues, la productivité a été stoppée, nous avons accepté de rester isolée dans notre cellule familiale, nos responsables politique ont fait des choix radicaux pour le soutien au monde hospitalier et aux entreprises en péril, des élections ont été reportées, la solidarité s’est réorganisée, nous avons découvert qu’une vie sans surconsommation n’était pas synonyme de malheur, la pollution a diminuée… Tout a été remis à plat. Ce qui concerne cette maladie qui se répand sournoisement concerne aussi les forces positives qui, de manière mystérieuse peuvent porter beaucoup de fruits et déplacer des montagnes. C’est ce que nous appelons la grâce de la charité qui se diffuse et change le monde discrètement mais sûrement. C’est l’espérance que nous sommes invités à porter.

Vivre Pâques
Les fêtes pascales, précédées par la semaine sainte qui s’ouvre avec le dimanche des Rameaux, sont habituellement un temps de retrouvailles et de fête en communauté et en famille. Cette année nous allons les vivre dans l’intimité, sans pouvoir participer à des célébrations religieuses dans les églises ni à des repas de famille. Si nous ne pouvons pas vivre ces temps dans les églises, nous pouvons tout de même les vivre en Église, car l’Église est avant tout un peuple, une communauté, une famille qui existe même dans la distance. Cela est vrai aussi pour ces moments de fête qui nous donnent habituellement l’occasion de retrouvailles familiales et qui seront vécus de manière symbolique mais bien réelle. Nos liens affectifs et spirituels sont plus forts que nos séparations physiques, et nous avons des ressources en nous qui nous soudent et nous relient d’une manière mystérieuse et invisible mais bien réelle !

Olivier

2020-03-25T10:40:30+01:00