Spiritualité

Édito juin 2023 > la foi au cœur du drame

Il y a plus d’un mois, au cœur de la nuit de Pâques, alors que nous étions à la fête après la veillée pascale qui célébrait la victoire de l’amour de Dieu face à la mort, nous avons été rattrapés par le drame de l’explosion, de la déflagration et de l’effondrement d’immeubles dans la rue de Tivoli, à 100 m à vol d’oiseau de l’Œuvre. La violence du choc, physique et émotionnelle, a laissé place à la sidération dans le quartier qui va rester longtemps marqué par ce traumatisme.

Vie & mort
Ce choc des symboles, vie/mort, joie/drame, espérance/désespoir a donné suite à d’autres chocs symboliques avec des réactions très contrastées, de peur et de solidarité, de colère et de fraternité, de résignation et de recherche de responsables… Réactions naturelles, qu’il nous faut accepter sans jugement, et qui nous renvoient à nos propres réactions face à la question du mal, de la souffrance, de la mort. Pour notre part, comme voisins proches de l’épicentre du drame, nous avons été témoins de la grande solidarité et du besoin de soutien. Dès l’effondrement de l’immeuble du 17 rue de Tivoli, un certain nombre des amis du quartier ont trouvé refuge chez des amis ou des voisins qui n’ont pas hésité à accueillir les personnes délogées. Nous avons aussi été témoins du soin pris à la recherche des victimes, à la mise en sécurité des habitants des immeubles fragilisés, à la prise en charge des résidents ne pouvant rentrer chez eux. Contrairement à ce que l’on voit souvent dans les scénarios de films et de séries catastrophe, la réaction la plus répandue a été l’entraide, et c’est plutôt rassurant. C’est aussi ce que nous avons ressenti lors de la veillée de prière organisée dans l’église paroissiale St-Michel le lundi soir. Nous étions nombreux, ressentant le besoin de nous retrouver pour partager la peine, l’effroi, mais aussi l’espérance et la solidarité. Nous ne pouvions pas faire grand-chose au niveau matériel, mais cette fraternité et ce temps de prière ont été importants pour les habitants du quartier qui savent qu’il faudra des années pour que la rue Tivoli et ses environs fassent le deuil de ce drame.

Prière & action
La force de la prière et de la foi n’est pas du même ordre que l’action physique, mais elle est tout aussi importante. Tout comme les soins physiques et médicaux sont indispensables à la guérison d’une maladie ou après un accident, la proximité de ceux que l’on aime et qui nous apportent un soutien fraternel et affectif est essentielle à la guérison et au rétablissement. La foi est de cet ordre-là, et il ne faut pas la négliger ou la mettre en opposition avec l’action matérielle indispensable. Elles sont complémentaires. Elles sont les deux battements d’une même respiration, et notre vie trouve son équilibre dans ce double mouvement d’action et de méditation, de prière et de gestes physiques. Nous retrouvons cette symbolique dans l’incarnation de Dieu en Jésus : le plus spirituel, le divin, se fait homme, prend chair, devient totalement physique. Et nos propres vies, au premier abord strictement charnelles et physiques, se révèlent temples spirituels et ouverture au transcendant.

Ombre & lumière
C’est bien au cœur de la nuit de Pâques que nous avons vécu le drame de la rue Tivoli. Au milieu de l’obscurité de la mort et du désespoir, surgit la victoire de la vie et de l’amour. Ce n’est pas se bercer d’illusions ou vivre au pays des bisounours que de s’engager dans la lutte contre le mal en prenant le contre-pied de la violence et de la vengeance. Le Christ a véritablement vécu et traversé la souffrance, l’abandon, la violence et la mort ; ils n’ont pas été édulcorés par sa condition divine, mais il les a vaincus. Et nous aussi, qui sommes marqués par les difficultés de la condition humaine, nous sommes associés à la victoire du Christ, lui qui s’est fait homme, et nous sommes invités à combattre le mal par notre présence, notre fraternité, notre compassion, notre amour. Face à la souffrance et à la mort, nous ne pouvons donner d’explications, qui deviendraient des justifications du mal, mais notre constance et notre proximité sont notre manière de le combattre à la racine.

Compassion universelle
Une autre dimension que nous pouvons vivre après cet accident, c’est la compassion avec les drames qui touchent notre monde et qui cependant nous impactent moins parce qu’ils sont éloignés. Quand nous voyons ce que représente la perte brutale d’êtres chers ou de nos voisins, quand on est sidéré par la violence des explosions, des déflagrations et des effondrements, quand on est face au désarroi de celles et ceux qui perdent tout, on prend conscience de ce que vivent les personnes en zone de guerre ou au cœur des catastrophes naturelles. On imagine la force de vie et d’espérance qui doit se déployer dans le cœur des victimes et des personnes qui les aident pour lutter contre la fatalité et l’abandon.

Olivier

2023-05-17T09:11:02+02:00

L’Évangile du mois de juin 2023

Nous lirons ce passage le dimanche 18 juin, le 11e dimanche du temps ordinaire.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Il dit alors à ses disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »
Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité. Voici les noms des douze Apôtres : le premier, Simon, nommé Pierre ; André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ; Simon le Zélote et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra.
Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : « Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. 
»

Le contexte
Jésus a montré son autorité par des gestes de puissance (guérisons, exorcismes) et il procède à un bilan. Plus que de la pitié, c’est de la tendresse qu’il éprouve pour les foules. Non seulement, elles sont fatiguées et abattues, mais en plus, elles sont comme « des brebis sans berger ». Normal puisque ceux dont c’est le métier, les scribes et les pharisiens, se ferment à la nouveauté du Royaume. Jésus constate ici l’ampleur de la moisson et la pauvreté des moyens. Cela ne vous rappelle-t-il pas notre situation actuelle ?

L’image de la moisson
Elle exprime une échéance décisive et signifie le rassemblement définitif d’Israël. La moisson évoque bien sûr le jugement dernier. Dans sa mission, Jésus perçoit que les choses sont mûres pour faire d’Israël la belle récolte que Dieu attend. Remarquons que la moisson est à la fois terrestre et céleste : 
– terrestre car Jésus œuvre au sein de l’histoire humaine et pour cette tâche, il s’associe des collaborateurs. 
– céleste dans la mesure où Dieu reste le maitre de la moisson. Les ouvriers ne sont pas les propriétaires, ils garderont un esprit de totale disponibilité et prieront pour que Dieu ne cesse de gonfler leurs rangs en vue d’un travail plus fructueux.

Semer ou moissonner ?
Notre éducation nous a souvent conduits à d’abord semer sans chercher de résultats. C’est une belle manière de vivre où la générosité de ses actes est mise en avant.
On peut voir qu’ici les rôles sont inversés. Jésus invite ses disciples à prier pour que Dieu envoie des ouvriers non pas pour semer mais pour moissonner. À nous de comprendre que nous pouvons et même devons être aussi des moissonneurs. Nous sommes clairement invités ici à moissonner ce que Dieu a suscité dans le cœur de telle ou telle personne. Lorsqu’on accompagne des personnes qui se préparent au baptême, c’est très clair.
La moisson n’est pas réservée à quelques-uns, tout le peuple chrétien est appelé à moissonner ce que d’autres ont semé. À chacun de se mettre en position de moissonneur, ainsi on ne voit plus la mission chrétienne comme un effort mais plutôt comme un cadeau. De la même manière que nous sommes les gardiens les uns des autres, nous sommes aussi les moissonneurs les uns des autres, car le fruit que nous voyons chez l’autre, il ne peut pas le cueillir lui-même !

Exorciste et guérisseur
Animé par la tendresse de Dieu et pressé par l’urgence de la mission, Jésus confie à ses douze disciples son pouvoir d’exorciste et de guérisseur. Matthieu nous donne leurs noms avec Pierre en premier. Ici, ils sont appelés « apôtres » ce qui signifie « envoyés ». La mission de l’Église, celle des apôtres, est d’abord la prolongation de la mission de Jésus, chacun la vivant avec ce qu’il est, avec ce dont il a hérité, avec ses talents et ses limites. La mission auprès de la maison d’Israël s’élargira progressivement.

Didier Rocca

2023-05-17T09:31:43+02:00

Édito mai 2023 > L’homme divinisé

Lorsque que l’on parle de religion, les chrétiens sont souvent dans une situation inconfortable car ils ne se reconnaissent pas dans les définitions habituellement établies. Ils n’ont pas le sentiment d’appartenir à un groupe spécifique mais ils sont invités à se comprendre en communion avec toute l’humanité. Les chrétiens ne sont pas séparés ni au-dessus des autres, mais ils partagent la condition de toute personne humaine, avec ses grandeurs et ses médiocrités. S’ils ont une mission particulière, ce n’est pas comme une élite, un lobby ou un groupe d’influence, mais comme un signe de ce à quoi est destinée toute l’humanité, sans restriction. Ce signe, c’est que toute personne est appelée à se découvrir divinisée. Pour les chrétiens, l’Église préfigure le chemin et l’avenir de tout le genre humain ; elle est universelle, elle ne se limite pas à l’institution officielle, ni aux seuls chrétiens baptisés, elle est le peuple de Dieu, elle englobe tout le monde.

Consentir à Dieu
C’est le message de l’existence terrestre du Christ : Dieu incarné, verbe divin fait chair, il vient à la rencontre de toute personne, en particulier des plus petits, des plus pauvres et des plus méprisés, pour leur dire qu’il est leur frère et qu’ils sont eux aussi fils de Dieu, aimés et ayant du prix aux yeux du créateur. Ils n’ont pas à mériter cette adoption, mais seulement à y consentir. Pour Dieu, il n’y a pas de différence entre les personnes, il dépasse largement les séparations que nous savons trop bien faire entre nous, différences de culture, d’aspect physique, de psychologie, de capacité intellectuelles ou physiques, de goûts ou de sensibilité. Tout cela est transcendé par l’amour universel de Dieu qui nous invite à nous comprendre comme des frères et des sœurs, capables de vivre dans l’unité en acceptant nos différences comme des richesses.

Répondre à Dieu
La divinisation de l’homme n’est pas le fruit d’un travail d’accomplissement individuel ni le résultat d’efforts surhumains, c’est une découverte : nous sommes aimés de Dieu et nous sommes déjà ses enfants. Mais il nous revient de dire « oui » à cette filiation, à cette divinisation. Nos actions et les efforts qu’il nous revient d’accomplir sont en réponse à cette compréhension. Adhérer à la proposition d’amour de Dieu nous engage à accepter que notre vie soit transformée, transcendée, et cette adhésion reste un combat intérieur, car des forces contraires agissent aussi en nous : égoïsme, culpabilité, jalousie, logique du mérite… Notre condition humaine est dans cet entre-deux, écartelée parfois entre le « déjà-là » de la divinisation et le « pas-encore » de nos résistances humaines. La foi des croyants leur permet de ne jamais désespérer, ni des autres, ni d’eux-mêmes, car ils savent que Dieu les accompagne quoi qu’il arrive et qu’ils ne sont pas tout seuls.

Espérer grâce à Dieu
Cependant, il nous arrive d’expérimenter les sentiments d’abandon et de désespoir. Face à une trop grande épreuve, comme cela vient d’être le cas pour notre quartier après les effondrements des immeubles rue Tivoli, après une grande déception, une blessure, un échec ou un acte regrettable, il peut nous arriver d’avoir la tentation de baisser les bras et de croire que le mal ou la souffrance auront le dernier mot. Les chrétiens, même si leur message est une bonne nouvelle de paix et d’amour, ne sont pas naïfs ni hors-sol, ils partagent la condition humaine dans toute ses dimensions et ils savent bien que les bons sentiments et les paroles rassurantes ne sont pas toujours audibles lorsque l’on est accablé de tristesse et de douleur. Cependant ils savent aussi que c’est l’espérance qui peut nous aider à traverser les tempêtes, et que ce n’est pas se bercer d’illusion que de garder confiance et de se rappeler que le Christ a vaincu le mal et la mort, une fois pour toutes. Nous avons tous expérimenté dans nos existences la force de cette espérance et nous pouvons faire mémoire des relèvements dans l’épreuve, des victoires sur la détresse. Notre vie est marquée par ce mouvement de mort et de résurrection, elle n’est pas un long fleuve tranquille, mais notre foi nous rappelle que malgré les bouleversements et les remous, nous sommes associés à la victoire du ressuscité et que nous sommes dès maintenant vivants de la vie éternelle.

Annoncer le projet de Dieu
Les chrétiens sont des femmes et des hommes qui mettent des mots sur cette expérience de la rencontre de l’amour de Dieu en la personne de Jésus, et qui désirent en témoigner, en être des signes et des moyens, pour que toute l’humanité vive de cette magnifique réalité : nous sommes tous appelés à nous reconnaître filles et fils de Dieu, comblés de son amour et capables de partager cet amour avec tout le monde. Si nous regardons Jésus, nous pouvons voir notre image, celle qui se dessine au fond de notre être, notre véritable nature : enfants de Dieu, sœurs et frères universels appelés à transformer le monde pour qu’il devienne vraiment royaume de paix, de justice et d’amour.

Olivier

2023-04-13T09:05:24+02:00

L’Évangile du mois de mai 2023

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous, tous les jours jusqu’à la fin du monde. 
»

Le contexte
Aussitôt après la résurrection, Jésus donne rendez-vous à ses disciples en Galilée. Ils ne sont plus que onze puisque Judas s’est suicidé. C’est alors que Jésus donne un discours d’adieu bref mais particulièrement saisissant. La Tradition place cela quarante jours après Pâques.

À propos des disciples
Les disciples ne semblent pas vraiment prêts à cette rencontre. Le doute qu’ils expriment est révélateur. De fait, comment ne pas se sentir proches de ces disciples qui doutent ? Souvent, la foi s’affermit par des moments de doute que l’on surmonte. En même temps, comment Jésus peut-il confier la « promotion du message évangélique » à des personnes qui l’ont à peine assimilé ? C’est l’occasion de rappeler cette formidable confiance que Dieu fait en l’homme et en l’Église. La mission confiée aux apôtres semble bien être une folie. Mais ils ne sont pas seuls dans cette entreprise : cet engagement n’est pas d’abord le nôtre mais celui de Jésus. Parfois, tel ou tel engagement peut paraitre bien lourd à porter ou à assumer, être animateur à l’œuvre par exemple ou prendre des responsabilités dans une association. En effet, mais n’oublions pas que c’est Dieu qui passe par nous. Il a voulu avoir besoin de nous, alors soyons sans inquiétude, Dieu est avec nous. C’est d’ailleurs le nom que Jésus reçoit dès avant sa naissance de Dieu « Dieu-avec-nous » ou Emmanuel. Ce nom est repris tout à la fin de ce passage : Je suis avec vous.

Au nom du Père, et du Fils 
et du Saint-Esprit
Cette expression est tellement habituelle pour les chrétiens qu’elle peut passer inaperçue dans ce passage d’Évangile. Pourtant, elle est unique dans les quatre Évangiles. « Au nom de » est une formule habituelle dans la Bible qui rappelle l’unicité de Dieu ; en même temps, les trois personnes sont bien nommées et bien distinctes. Lorsque Jésus invite ses disciples à baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, cela signifie que le baptême nous plonge dans la Trinité, cet Amour qui circule, se donne et se reçoit sans cesse. La Trinité n’est pas incompatible avec l’unité de Dieu parce que ses trois personnes sont unies comme les doigts d’une main.

« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps »
Cette dernière phrase de l’Évangile est particulièrement réconfortante. Nous avons là le rapprochement étonnant entre deux durées : l’une à notre mesure : tous les jours, donc chaque jour, et l’autre au-delà de notre portée, la fin des temps. Autrement dit, toute inquiétude quant à la fin des temps est sans consistance puisque la présence du Ressuscité « avec nous » est promise au cœur de notre existence quotidienne. La présence de Dieu n’est pas pour un plus tard mais pour aujourd’hui et toujours.

La boucle est bouclée
Au début de l’Évangile, Jésus arrive et nous dit la proximité de Dieu à notre égard. À la fin de ce même Évangile, Jésus s’en va mais ne nous laisse pas orphelins puisque l’Esprit Saint nous permet d’être avec Dieu par-delà les limites d’espace et de temps.

Didier Rocca

Le nom du mois : Ascension
Jésus qui monte au Ciel (son ascension) exprime son passage du visible à l’invisible. Les récits d’apparition n’ont qu’un but : Montrer que Jésus est vivant, mais de telle sorte qu’on ne le reconnaît pas au premier abord. Il est « ailleurs ». Matthieu lui fait dire : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des siècles. » Mais ce Dieu-avec-nous n’est plus perceptible avec les yeux, seulement par la foi. Gardons-nous bien de concevoir l’Ascension de Jésus comme un déplacement spatial : Jésus ne s’évade pas dans les galaxies. Il est plutôt passé de l’autre côté du voile, ce voile que seul peut percer le regard de la foi. Épreuve pour la foi que ce nouveau corps que l’Esprit va lui donner et que nous appelons Église. D’une certaine façon, l’Église est ce voile qui cache et révèle à la fois. Le mouvement vertical du Christ se double d’un déplacement « horizontal », celui des disciples à la surface du globe. Ascension et envoi sont toujours liés : « Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre. Partez donc, de toutes les nations faites des disciples. »

2023-05-17T09:32:58+02:00

Édito avril 2023 > La liberté

On n’associe pas toujours de manière évidente la religion à la liberté. Pour beaucoup de personnes la religion est synonyme de contraintes, de moralisme, de carcan. Pourtant il me semble que la fête que nous nous apprêtons à célébrer au début du mois d’avril peut nous donner à comprendre que la liberté est au centre de ce que les religions nous proposent pour nous aider dans notre vie.

Dieu nous libère
La fête de Pâque est célébrée dans la religion juive et dans la religion chrétienne. Pour les juifs, elle commémore le passage du peuple hébreu à travers la mer Rouge, symbole de libération de l’esclavage imposé par les Égyptiens. Pour les chrétiens, elle célèbre la résurrection du Christ, la victoire de l’amour contre la haine, la libération de l’esclavage de la mort. Ces deux fêtes sont fondatrices et structurent la vie des croyants. La plupart des psaumes de la liturgie juive ainsi que de nombreux écrits de la Torah, et donc du Premier testament dans la Bible chrétienne, font référence à cette libération opérée par Dieu qui se montre sensible aux souffrances du peuple hébreu. Pour les chrétiens qui célèbrent tous les dimanche la résurrection du Christ, il s’agit de faire mémoire de cette victoire de la vie et de découvrir que cette Bonne Nouvelle se réalise dans leur existence actuelle. Cependant, nous avons souvent la fâcheuse habitude de retomber dans une pratique étriquée et moraliste de la religion.

Liberté et les autres
La liberté à laquelle nous sommes invités ne signifie pas que nous devons faire tout ce que nous voulons, car la liberté ne doit pas se vivre au détriment des autres. Nous avons un critère simple de jugement sur les limites de notre liberté : « Est-ce que j’accepterais que quelqu’un me fasse ce que je m’apprête à faire ? » Donc être libre ne veut pas dire faire n’importe quoi sans tenir compte de ce qui nous entoure. Cette limite est importante, car nous sommes des êtres sociaux et nous vivons continuellement en relation et en interaction les uns avec les autres. Il s’agit de vivre avec de la morale, ce qui ne veut pas dire tomber dans un moralisme culpabilisant et mortifère. Les grands tabous et interdits (le meurtre, l’inceste, le viol, le vol…) n’ont pas pour objet de nous contraindre et de nous faire du mal, au contraire, ils sont des limites qui nous sont proposées pour mettre en œuvre notre liberté avec des repères et des guides qui nous aident à vivre avec les autres.

Liberté et désirs
Une autre limite à la liberté absolue découle de la compréhension de ce que nous appelons les désirs. La liberté à laquelle Dieu nous invite est une liberté éclairée, qui a besoin de discernement pour faire la part des choses entre les pulsions et les authentiques désirs et aspirations au bonheur. Nous pouvons facilement être esclaves de nos caprices et de nos pulsions. Il arrive même bien souvent que nous nous fassions du mal et que nous mettions notre existence en péril sous prétexte de recherche de plaisir. Les cas extrêmes sont les diverses addictions et conduites à risques, mais si nous prenons du recul, nous pouvons relire notre vie, nos actions, nos choix et découvrir que nous sommes parfois passés à côté du bonheur par aveuglement et que nous avons été esclaves de nos pulsions.

Liberté et renoncement
La liberté est parfois comprise comme la possibilité de pouvoir toujours tout faire, alors qu’en réalité faire des choses implique de faire des choix, et donc de renoncer à des possibilités incompatibles entre elles. Être libre ne veut pas dire rester à la croisée des chemins et n’en choisir aucun au nom de la liberté et du refus de renoncer. S’engager est source de bonheur et demande une grande liberté, mais cela implique aussi de renoncer et donc d’accepter de ne plus être libre de tout faire. Être libre ce n’est pas faire tout ce qu’on veut, mais c’est vouloir tout ce qu’on fait.

Liberté et bonheur
La liberté envisagée comme fruit du désir de Dieu pour chacune et chacun d’entre nous devrait nous donner des ailes. Cela devrait nous aider à comprendre que Dieu ne cherche pas à nous enfermer dans des projets tout ficelés et déterminés, mais qu’il n’a qu’un désir pour nous, c’est que nous soyons heureux et que nous fassions le bonheur autour de nous. La toute-puissance que nous attribuons à Dieu n’est pas une puissance de contrainte, comme celle d’un marionnettiste qui nous obligerait à faire des choses contre notre propre volonté ; c’est une puissance d’amour qui ne cesse de vouloir notre bonheur et qui nous ouvre toujours un avenir en nous disant qu’il n’est jamais trop tard pour faire les bons choix et pour devenir plus libres.

Liberté et sainteté
Les enfants de Dieu que nous sommes devraient donc être des modèles de liberté vis-à-vis des pensées dominantes et des idées reçues ; des prototypes de personnes capables de s’engager authentiquement dans des relations sans craindre de perdre quoi que ce soit ; des exemples d’individus qui se reconnaissent pêcheurs pardonnés et qui ont le désir de partager la joie de ce pardon avec tout le monde ; des gens qui sont habités par la confiance de ceux qui se savent aimés quoi qu’il arrive et sans condition, et qui n’ont donc rien à prouver ou à gagner mais tout à recevoir et à partager. Nous sommes bien loin de cet idéal, mais nous y sommes tous appelés, et le drame n’est pas d’en être loin mais de renoncer à tendre vers l’idéal. C’est une autre manière de dire que nous sommes tous appelés à la sainteté, c’est-à-dire à la liberté des enfants de Dieu !

Olivier

2023-03-15T22:03:41+01:00

L’Évangile du mois d’avril 2023

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Au soir de ce premier jour de la semaine, les portes étaient fermées par peur des Juifs là où les disciples étaient réunis. Jésus vint et se tint au milieu d’eux. Il leur dit : « Soyez en paix ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté, et ce fut la joie pour les disciples qui voyaient le Seigneur. Et puis il leur dit de nouveau : « Soyez en paix ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant dit cela, Jésus souffla vers eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous enlèverez les péchés, ils leur seront enlevés ; quand vous les maintiendrez, ils seront maintenus ».
L’un des Douze était Thomas, surnommé le Jumeau ; il n’était pas avec eux pour cette venue de Jésus. Comme les autres lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur », il leur répondit : « Tant que je ne vois pas ses mains avec la marque des clous et que je ne mets pas le doigt dans la marque des clous ; tant que je ne mets pas la main dans son côté, je ne crois pas ».
Et voilà que de nouveau, huit jours plus tard, les disciples étaient à l’intérieur et Thomas avec eux. Alors que les portes étaient fermées, Jésus vint et se tint au milieu. Il dit : « Soyez en paix ». Ensuite il dit à Thomas : « Mets ici ton doigt, regarde mes mains. Avance ta main et mets-la dans mon côté. Cesse de nier, et crois ! » Pour toute réponse Thomas lui dit : « Tu es mon Seigneur et mon Dieu ! » Et Jésus lui dit : « Tu m’as vu et tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui croient. »

Le contexte
On est au soir de Pâques. Pour la première fois, Jésus ressuscité vient rencontrer ses disciples réunis au Cénacle. Ils sont tous présents sauf Judas bien sûr et… Thomas.

Six verbes importants
Jésus vient, il se tient là, il parle, il montre, il envoie, il insuffle. Avec ces verbes, il y a tout un résumé de la façon dont le Christ ressuscité vit avec ses disciples, depuis ce soir-là et jusqu’à aujourd’hui.

Venir
Tout d’abord, Jésus vient. C’est ce que fait le Fils de Dieu depuis le début, depuis que le Verbe est venu chez les siens et que les siens ne l’ont pas reçu. C’est aussi ce qu’a fait Jésus au bord du Jourdain auprès de Jean-Baptiste, quand celui-ci l’a vu venir à lui et a témoigné : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Venir d’auprès du Père pour manifester au monde de quel amour Dieu l’aime, tel est, depuis le début, le mouvement du Verbe fait chair. Et là, en ce soir où, dans l’Évangile, tout se concentre, voici que Jésus vient.
Comme il vient encore chaque jour, lorsque deux ou trois sont réunis en son nom. Comme il vient encore à nous, même si nos portes sont fermées, même si nos cœurs sont endurcis et nos yeux empêchés de le reconnaître, il vient.

Se tenir là
Jésus vient et se tient là, au milieu d’eux. Il se tient là comme Marie sa mère, quelques femmes et le disciple se tenaient là tout près de la croix, quand tous les autres l’avaient abandonné ou comme, le matin même, Marie de Magdala se tenait dehors, près du sépulcre, en pleurant.
Il se tient là proche et disponible aux recherches, aux espoirs et aux douleurs de son peuple comme auprès des malades de nos hôpitaux ou de nos cliniques.

Parler
Que dit-il ? « Paix à vous ». Ce ne sont pas seulement des paroles en l’air, c’est un acte, le premier que le Vivant accomplit sur ses disciples réunis, apeurés et découragés. Pour Jésus, parler, c’est agir et en prononçant ces mots, Jésus donne effectivement ce que ces mots désignent. « C’est la paix, la mienne, que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne ».

Montrer
Jésus vient, il se tient là, il parle et il montre. Mais quoi ? Jésus montre ses mains et son côté. D’abord aux disciples et ensuite à Thomas, qui nous représente tous. Jean ne parle pas des pieds, mais des mains et du côté. Vous vous souvenez que, dans le récit de la Passion de Jésus, Jean est le seul à parler du soldat qui, après la mort de Jésus, lui perça le côté : « Aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau ». Dès le début de l’Église, les premiers penseurs chrétiens ont senti dans ce texte les fondements d’une contemplation des plaies du Christ, qui se développera plus tard en dévotion en son Sacré-Cœur dont notre fondateur Jean-Joseph Allemand était adepte.

Envoyer et insuffler
Jésus vient, il se tient là, il parle, il montre, puis il envoie et il insuffle. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Pas simplement « de la même manière que », mais plus profondément « dans le prolongement de ». La mission que le Fils donne aux disciples procède de la mission que le Père a donnée au Fils. Et le lien entre ces deux missions, c’est l’Esprit Saint. « Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » ». Jésus souffla sur eux comme Dieu, au commencement du monde, avait insufflé dans le premier homme son haleine de vie. Décidément, ce soir de Pâques est une nouvelle genèse, une nouvelle naissance, une nouvelle création. L’œuvre de la Pâque se réalise.

Didier Rocca

(Je me suis largement inspiré pour ces réflexions d’une homélie de notre archevêque Jean-Marc Aveline prononcée en 2021.)

Le nom du mois : Paix
Au temps de Jésus, il existait la Pax Romana mise en place par l’empereur Auguste. Il s’agissait d’une paix imposée à tous par la peur de représailles terribles. La paix annoncée par Jésus est tout autre. Il s’agit comme souvent d’une grâce qui se manifeste à la fois en nous et vis-à-vis des autres. La paix intérieure est un des fruits de l’Esprit Saint. Elle est un bon critère de discernement qui nous permet de vérifier que nos choix, petits et grands, sont les bons.

2023-03-15T22:06:18+01:00

Édito Mars 2023 > La conversion

Le temps du carême qui nous prépare à célébrer les fêtes de Pâques est un moment fort de conversion personnelle, fraternelle et spirituelle. Je vous propose de réfléchir ensemble à cette notion de conversion et de découvrir à frais nouveaux comment les chrétiens sont invités à la vivre.

Un effort surhumain
Une conception très répandue est de penser que la conversion consiste à faire des efforts, parfois surhumains ou contre-nature, pour atteindre Dieu, comme s’il nous fallait gravir une immense montagne et faire de l’escalade dans des conditions extrêmes. L’objectif serait impossible à atteindre, mais il nous faudrait quand même nous donner du mal pour essayer d’aller le plus haut possible. Nous devrions mettre toutes nos forces et nos capacités à faire des efforts énormes, avec un sentiment de culpabilité immense devant nos échecs et notre impossibilité à atteindre l’objectif. Nous ne pourrions que nous sentir nuls et médiocres aux yeux de Dieu qui nous regarderait du haut de sa puissance comme des incapables. Certains parmi nous arriveraient à grimper plus haut que d’autres, ils seraient des héros, des modèles, mais ils seraient tellement exceptionnels et leurs sacrifices tellement grands, que nous ne pourrions qu’en ressentir encore plus de déception quant à notre incapacité à faire aussi bien qu’eux. Dans cette conception, le résultat est la culpabilité et le sentiment d’infériorité.

Un retournement
Une conception qui me semble mieux correspondre à ce que Jésus nous révèle du désir de Dieu serait plutôt une invitation faite à l’homme qui avance dans son existence de se retourner et de découvrir que Dieu est juste là, derrière lui, un peu en retrait, mais tout proche et qu’il ne désire qu’une chose, c’est que l’homme se retourne vers lui et oriente sa marche dans la direction qu’il lui propose. Dans cette conception, c’est Dieu qui s’engage dans une relation avec l’humanité, il fait le premier pas, il nous rejoint là nous sommes, là où nous en sommes, et il nous invite à nous engager dans cette relation. Il vient à notre rencontre, et respecte notre liberté. Si nous désirons le suivre, si nous comprenons que la direction qu’il nous invite à prendre est la meilleure pour nous et qu’elle nous permettra d’avoir une vie qui a du sens, et d’être heureux, alors nous deviendrons capables de cheminer avec lui, traçant une nouvelle route, peut-être sinueuse et difficile, mais pleine de sens. Selon cette manière de concevoir la conversion, on comprend qu’elle n’est pas d’abord un effort pour atteindre Dieu qui serait loin de nous, mais un retournement pour accueillir Dieu qui vient à notre rencontre.

Une vie de carême : se retourner…
Les quarante jours que dure le carême nous donnent l’occasion de mettre en œuvre de manière plus radicale ce que notre vie de chrétien devrait être en permanence : retournement sur notre manière de vivre, sur nos priorités et sur ce qui peut-être nous empêche d’être libres. Cela s’exprime par le terme de « jeûne » ou de « pénitence », qu’il faut comprendre comme un moyen pour se purifier de ce qui nous fait du mal et pour nous orienter vers une vie plus simple, plus unifiée et plus juste. On pourrait dire ce que c’est une invitation à se donner de la peine pour se faire du bien, comme un temps de « détox » pour utiliser un mot à la mode. Le carême est aussi un temps de retournement vers les autres, en essayant d’être plus attentifs aux situations de malheurs et d’injustices qui nous entourent, et desquelles nous pouvons parfois nous rendre complices. On appelle cela le partage, la solidarité, l’aumône. C’est la raison qui explique que le carême souvent est l’occasion d’actions d’entraide et de solidarité. Le troisième retournement proposé durant le temps du carême est plus spirituel : le retournement vers Dieu. En donnant un peu plus de temps à la prière, à la lecture de la Bible, à la célébration des sacrements, nous prenons le moyen de nous rendre compte de la présence de Dieu auprès de nous, nous entrons en relation avec lui et nous pouvons vivre la pratique religieuse comme le double mouvement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain.

Chemin de sainteté
Par le baptême, nous sommes tous appelés à la sainteté. Comme pour la conversion, nous avons besoin de transformer notre manière de concevoir ce que la sainteté représente pour nous. Si c’est un chemin de perfection qu’il faut emprunter en vue d’un idéal à atteindre par nos propres forces, alors là encore nous risquons de trébucher sur l’écueil de la culpabilité et du moralisme. La sainteté telle que le Christ nous la présente est plutôt l’ouverture à une alliance avec lui. Il nous aime gracieusement, il fait le premier pas, et nous invite à entrer dans cette relation d’amour avec une promesse de sa part : « Tu ne seras pas seul sur ta route, je t’aiderai à donner le meilleur de toi-même et je t’accompagnerai dans les épreuves et les difficultés pour que tu poursuives ton chemin ». Les saintes et les saints qui nous sont donnés comme exemples ne sont pas des femmes et des hommes désincarnés et héroïques, ce sont des personnes normales qui ont entendu cette promesse de Dieu et qui ont décidé d’y répondre, avec ce qu’elles étaient. Les saints nous montrent que c’est possible de dire « oui » à Dieu.

Olivier

2023-02-08T08:51:49+01:00

L’Évangile du mois de mars 2023

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

Le contexte

Matthieu propose cet épisode de la Transfiguration en plein cœur de son Évangile, juste après la confession de foi de Pierre, l’annonce de sa mort et la forte incompréhension de Pierre. Que s’y passe-t-il ? Jésus gravit une montagne, pour une rencontre avec son Père. Il n’est pas seul puisque cinq autres personnes sont avec lui : les trois disciples Pierre, Jacques et Jean qui seront à côtés à Gethsémani, mais aussi les deux grands prophètes de l’Ancien Testament, Moïse et Elie.

Six jours…
Jésus prend donc avec lui trois de ses plus proches compagnons et les invite à monter sur une montagne.
Six jours ? Cette indication de temps est suggestive. C’est le temps qui sépare, dans la liturgie juive, le Yom Kippour, appelé aussi le jour du grand pardon, de la Fête des Tentes (voir mot du mois). Ainsi, durant une semaine, la communauté vit sous des tentes, comme au désert, pour exprimer cette attente d’une nouvelle manifestation de Dieu et de la venue du Messie. Un peu comme les chrétiens durant le temps de l’Avent. Ce n’est pas un hasard. Matthieu évoque explicitement les tentes lorsqu’il fait dire à Pierre : « Je vais dresser ici trois tentes… »

Chacun sa montagne
L’indication de la montée de Jésus sur une montagne est tout aussi intéressante. Attention, n’imaginons pas le Mont-Blanc ou un haut sommet enneigé mais plutôt une colline. Remarquons que les deux figures de l’Ancien Testament, Moïse et Elie renvoient chacun à une montagne, toutes deux bien connues. Moïse est monté au Sinaï où la Loi fut donnée ; Élie est allé sur la montagne de l’Horeb où Dieu s’est manifesté non pas dans le tonnerre mais dans une brise légère ! Sur la montagne, Dieu se révèle. Que va-t-il dire ?

Une reprise du baptême
« Celui-ci est mon fils bien-aimé ». Cette parole divine, nous l’avons déjà entendue au moment du baptême de Jésus par Jean. C’était au début de l’Évangile. Une mention est rajoutée ici : « Écoutez-le ». Notre pédagogue divin insiste sur l’écoute, précisément parce que ce n’est pas le fort des disciples, et nous sommes probablement aussi dans ce cas-là. L’écoute est synonyme d’obéissance, cela ne renvoie pas à un quelconque problème d’audition. Rappelons-nous qu’écouter Jésus, c’est tout simplement faire partie de ses disciples.

La transfiguration nous parle de Pâques
Une nouvelle fois, un épisode de l’Évangile évoque Pâques. Ainsi lorsque Jésus s’approche des disciples qui sont tombés « la face contre terre », il les touche et leur dit : « (R)éveillez-vous ». Puis, à la fin, Jésus leur demande de ne « parler à personne de cette vision avant que le fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Éveillé, ressuscité, réveillé, ces verbes en français renvoient au mystère vécu à Pâques.

En descendant
Nous pouvons imaginer le trouble, l’incompréhension ressentis par les trois disciples. Qu’ont-ils compris de ce son et lumière ? Comme souvent, il faut du temps pour analyser, décrypter les moments spirituels forts d’une existence. Il leur faudra attendre la Passion de leur maître. C’est ainsi que leur reviendra à l’esprit les événements du Thabor (montagne de la transfiguration) durant lesquels le Père leur aura donné les clés de compréhension du ministère et de l’identité de Jésus. Ainsi, après Pâques, ils comprendront que l’Amour du Père a été le plus fort que la mort et qu’ils en avaient eu une preuve par avance.

Pour actualiser
Cette page d’Évangile nous oriente vers Pâques en nous recentrant sur l’essentiel : écouter le Fils bien-aimé du Père. Ah, si nous pouvions devenir de véritables écoutants, à l’écoute de Dieu, de sa Parole et des autres afin d’y déceler les conseils de notre divin maître ! Ah, si nous pouvions à l’occasion de ce temps de carême nous rafraîchir la mémoire afin que reviennent à notre esprit ces épisodes fondateurs qui nous ont permis de dire : Oui, j’y crois. Il m’a parlé, j’ai compris quelque chose de sa grandeur, de sa bonté… Ah, si nous pouvions devenir ou redevenir de véritables pèlerins. La tentation est si grande de faire comme Pierre qui voulait rester là avec son Jésus. Que ce soit pour les autres disciples ou pour nous-mêmes, Jésus nous attend dans notre Galilée, dans notre lieu de mission où déjà il nous précède. Jésus lui-même est descendu de la montagne, alors pourquoi voudrions-nous rester là-haut ?
Didier Rocca

Didier Rocca

Le nom du mois : La fête des tentes
La fête des tentes ou en hébreu la fête de Souccot est l’une des trois fêtes de pèlerinage prescrites par la Torah, au cours de laquelle on célèbre dans la joie l’assistance divine reçue par les enfants d’Israël lors de l’Exode et la récolte qui marque la fin du cycle agricole annuel. Elle est fêtée aux mois de septembre ou octobre et dure une semaine.

2023-02-08T08:54:27+01:00

Édito Février 2023 > Jésus, le message

À l’occasion d’une discussion pendant une messe du camp des aînés à Larche fin décembre, nous avons réfléchi à l’identité du Christ. Sujet complexe et mystérieux. Est-il un prophète, un surhomme, un modèle, un messager, le Messie, le Fils de Dieu, Dieu lui-même ? Nous avons résumé le fruit de notre partage avec une formule inédite pour nous, et qui nous a parue bien parlante : Jésus n’est pas un messager, il est le message. Cette manière de dire rejoint et réactualise des formulations traditionnelles : « Le Verbe s’est fait chair » ou « Dieu s’est fait homme ».

Plus qu’un messager
Jésus, dans la foi chrétienne, n’est pas un simple prophète, fut-il le plus grand. Il ne se contente pas d’annoncer la Bonne Nouvelle et de prêcher la parole de Dieu, il l’incarne ! Il n’est pas un messager, mais il est en lui-même le message. Non seulement par ses paroles, mais aussi par ses gestes, ses attitudes, sa vie tout entière. Il nous donne à voir et à comprendre ce que Dieu veut dire à l’humanité, ce que Dieu veut vivre avec l’humanité. Lorsque nous découvrons la vie de Jésus, ses paroles et ses gestes, nous contemplons Dieu qui agit. Il y a des religions pour lesquelles Dieu se révèle par des écritures ; pour les chrétiens, c’est en Jésus qu’il se fait connaître. Il s’auto-révèle en Jésus.

Le message incarné
Jésus assume les missions de prêtre, de prophète et de roi, dans le sens où il est celui qui célèbre la relation des hommes avec Dieu par la prière, les sacrifices et les sacrements, ce qui relève du rôle du prêtre ; de même il est prophète par l’acclamation qu’il fait de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu offert à tous les hommes, par l’annonce du salut et de la résurrection pour chacun, par l’appel à la conversion du cœur de l’homme vers l’amour de Dieu ; et comme roi, il est celui qui s’engage concrètement à lutter pour la justice, contre ce qui défigure l’homme et l’empêche d’être libre. Mais il est plus que celui qui accomplit parfaitement les fonctions de célébration, de prédication et de service, il est véritablement Dieu qui s’identifie à nous, qui nous montre ce que nous sommes réellement pour lui : des filles et des fils qu’il aime et sur lesquels il s’appuie pour que son royaume d’amour se réalise.

Notre mission
Si Jésus est le message, il nous invite à découvrir qu’à notre tour nous pouvons être non seulement des prêtres, des prophètes et des rois à sa manière, mais que nous sommes aussi appelés à incarner le message, à être à notre tour le message de Dieu par notre manière de vivre et de nous engager au service du bien commun. Cette compréhension est vertigineuse et pourtant bien fidèle au désir de Dieu. Ce n’est pas de la prétention, c’est notre vocation… Cet appel n’est pas réservé à une élite mais nous concerne tous, quelles que soient nos cultures, nos origines, nos histoires, nos sensibilités… Nous sommes tous appelés à devenir message de Dieu. Pour ne pas nous décourager, nous pouvons comprendre que cet appel n’est pas seulement individuel, mais qu’il est aussi collectif. C’est en communion les uns avec les autres, en communauté, en Église, que nous pouvons former ce corps de Dieu qui agit au cœur du monde. Ce qui est remarquable dans cette histoire, c’est de découvrir que Jésus, lors de son passage sur terre comme homme historique, a mis cela en œuvre en choisissant pour l’accompagner des hommes et des femmes ordinaires, des personnes qui n’étaient pas parfaites et qui ont eu leur lot d’égarements, d’erreurs et de péchés. C’est précisément parce qu’ils se sont découverts pécheurs pardonnés, qu’ils ont pu accomplir des choses extraordinaires et assumer la mission que Jésus leur avait confiée : annoncer le pardon et l’amour de Dieu.

Notre vocation
Il nous revient de découvrir quelle sera notre manière d’incarner le message de Dieu. C’est ce que l’on appelle la vocation : le chemin propre à chacun et qui sera notre façon de vivre en harmonie avec la Bonne Nouvelle proclamée par Jésus. Il n’y a pas de vocation idéale ou supérieure aux autres, le but étant que chacun découvre la sienne et s’y engage pour faire grandir le royaume de Dieu. Chemin de liberté et de bonheur, chemin de partage et de joie, chemin exigeant et parfois difficile, mais chemin qui donne sens à la vie. Une des grandes missions de l’Œuvre est d’accompagner les jeunes dans cette découverte de leur vocation. En donnant aux jeunes le goût de l’accueil, de l’engagement, du partage, de la fraternité, de la fidélité, de l’ouverture, nous leur permettons d’expérimenter et de découvrir la joie du don de soi et du dépassement. Dans un contexte de sollicitations et d’angoisses multiples, les jeunes ont du mal à faire la part des choses et sont parfois tentés par les mensonges d’un mode de vie centré sur la consommation et les relations virtuelles. Nous croyons que le message de Dieu révélé en Jésus Christ est une réponse aux défis de notre monde et qu’il est étonnamment plein d’actualité pour trouver des repères en ces temps de grands bouleversements.

Olivier

2023-01-19T16:23:00+01:00

L’Évangile du mois de février 2023

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute
et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, 
car votre récompense est grande dans les cieux.

Le contexte

Ce texte des Béatitudes ouvre le premier discours de Jésus appelé « le discours sur la montagne ». Ce n’est pas un enregistrement exact des paroles de Jésus, mais plutôt une œuvre littéraire reprenant quelques-unes de ses paroles fortes.

Pourquoi parler des Béatitudes ?
L’adjectif « heureux » (en latin béatus) est répété neuf fois dans ce passage. C’est le mot clé du texte. 
Une béatitude évoque ici un cri de joie pour annoncer un message paradoxal puisque le bonheur est dans le manque, dans le besoin de justice, de paix, de consolation. Les béatitudes dressent le portrait du disciple, avec bien évidemment celui de Jésus en filigrane. Doux, pauvre, artisan de paix, Jésus porte en lui toutes ces qualités. 
Regardons cela de plus près…
Heureux vous les pauvres
Attention, ne nous trompons pas, ce qui rend heureux, c’est d’obtenir le royaume des Cieux, ce n’est pas d’être pauvre. Par ailleurs, ceux qui obtiennent le royaume des Cieux, ce sont justement ceux qui ont une âme de pauvre. On peut donc entendre la Béatitude de la manière suivante : « Heureux êtes-vous d’obtenir le Royaume des Cieux, vous qui avez une âme de pauvre, vous qui avez un cœur de pauvre ». Cette béatitude, comme toutes les autres d’ailleurs, se rapporte particulièrement à Jésus ; Il ne possède rien, il meurt nu sur la croix. Jésus est vraiment le pauvre tout au long de l’Évangile.
Heureux les doux
Jésus lui-même dit à ses disciples : « Mettez-vous à mon école car je suis doux et humble de cœur ». La douceur, l’humilité est une vertu essentielle pour qui veut recevoir de Dieu et des autres.
Heureux êtes-vous d’être consolés vous qui pleurez.
La consolation, on la retrouve dans le choix que fait Jésus de résider à Capharnaüm lorsqu’il est en Galilée. Le nom de ce bourg signifie « village de la consolation ». Ainsi, Jésus s’installe à Capharnaüm pour être dans ce lieu carrefour où il va rencontrer beaucoup de gens, et qui aussi est le lieu de résidence de Pierre. Il s’y installe pour consoler. Il est le Consolateur par excellence.
Heureux les miséricordieux
Si on restait fidèle au texte grec, on pourrait presque dire « Heureux êtes-vous d’être miséricordiés vous qui avez fait miséricorde ». À plusieurs reprises, on voit que Jésus fait miséricorde parce qu’il a pitié, ce mouvement qui vient du plus profond des entrailles et qui n’a rien à voir avec de la condescendance.
Heureux les cœurs purs
Qu’est-ce que c’est qu’un cœur pur ? C’est un cœur unifié, c’est-à-dire un cœur qui suit son chemin et qui n’est pas, au contraire, dans l’errance, dans le papillonnage. Un cœur qui ne sait pas où il va, qui va dans tous les sens serait un cœur divisé. Le cœur pur c’est un cœur qui suit une voie, un chemin.
Heureux vous qui avez œuvré pour la paix.
Et la paix c’est aussi une des œuvres de Jésus, non seulement lorsqu’il guérit, lorsqu’il enseigne, qu’il pacifie les cœurs, mais aussi vis-à-vis de la nature, on nous raconte qu’il apaise même la mer, le vent.

La dernière béatitude reprend la notion de justice. En insistant sur le « à cause de moi », Jésus s’identifie à la justice et se signale donc comme le juste par excellence.

Didier Rocca

Le nom du mois : justice
La justice est le style de vie qui ajuste l’être humain à la volonté de Dieu. Être juste ce n’est pas faire juste mais c’est plutôt s’ajuster. C’est de cela dont Jésus parle dans l’expression « faim et soif de justice ».

2023-01-19T16:28:15+01:00